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13/06/2024 | FRANCE | N°21/06320

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 13 juin 2024, 21/06320


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUIN 2024



N° RG 21/06320



N° Portalis DBV3-V-B7F-UZGN





AFFAIRE :



SCI ARG 15



C/



OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT (OPH) VAL PARISIS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Août 2021 par le TJ de PONTOISE

N° Chambre : 3

N° RG : 19/02508



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Olivier AMANN





Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2024

N° RG 21/06320

N° Portalis DBV3-V-B7F-UZGN

AFFAIRE :

SCI ARG 15

C/

OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT (OPH) VAL PARISIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Août 2021 par le TJ de PONTOISE

N° Chambre : 3

N° RG : 19/02508

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Olivier AMANN

Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SCI ARG 15

N° SIRET : 789 078 334

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentant : Me Olivier AMANN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116

Représentant : Me Elie AZEROUAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010

APPELANTE

****************

OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT VAL D'OISE HABITAT

N° SIRET : 478 317 860

[Adresse 1]

[Localité 5]

venant aux droits de L'OPH VAL PARISIS HABITAT par suite de fusion absorption à effet du 1er janvier 2024 valant transmission universelle de patrimoine autorisée par arrêté préfectoral du 22 novembre 2023

Représentant : Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT, Postulant/plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 avril 2024, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller chargé du rapport et Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller .

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement du 9 octobre 2017, l'établissement public Val Parisis Habitat, devenu l'office public de l'habitat Val d'Oise (ci-après, l'OPH) a acquis auprès de la SCI Arg 15, neuf appartements à usage de logements sociaux dans un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 6].

La SCI Arg 15 a adressé le 10 octobre 2018 à l'OPH une demande de déblocage de fonds d'un montant de 235 385,27 euros correspondant au stade de l'achèvement du plancher.

Selon message électronique du 4 décembre 2018, la société Arg 15 a transmis l'appel de fonds rectifié, indiquant " appel de fonds plancher haut du RDC ", et a informé l'OPH de défaillances des entreprises qu'elle avait à gérer.

L'OPH a notifié le 8 janvier 2019 à la SCI Arg 15 sa décision de résilier le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (ci-après VEFA) en raison du non-respect du délai de livraison.

Par assignation en date du 1er avril 2019, la SCI Arg 15 a sollicité le juge des référés aux fins d'obtenir la condamnation de l'établissement VPH à lui verser une somme de 235 385,27 euros en principal correspondant au prix de la vente outre des pénalités de retard et une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé en date du 5 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise a rejeté ces demandes, considérant que d'une part la résolution unilatérale peut être prononcée par le créancier en cas d'inexécution grave de la part du débiteur et d'autre part que les retards accumulés par la société Arg 15 constituent une contestation sérieuse qui ne permettent pas d'accueillir favorablement la demande en paiement.

Par acte du 15 avril 2019, l'établissement public Val Parisis Habitat, a fait assigner la société Arg 15 devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir constater la résolution du contrat, la restitution du prix de vente et le paiement d'une pénalité contractuelle.

Le 6 février 2020, l'établissement public Val Parisis Habitat et la société ARG 15 ont conclu un accord transactionnel, convenant de la résolution de la vente, ainsi que la restitution par l'établissement public Val Parisis Habitat de la somme totale versée en exécution du contrat, de 332 770, 12 euros. Le protocole d'accord prévoyait une mention selon laquelle les parties déclaraient expressément que seule la question de la vente était réglée et que le protocole n'emportait aucune renonciation à se prévaloir de leurs droits et à faire valoir les préjudices subis dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Pontoise sous le n° RG 19/02508, ou de toute procédure subséquente. Sa caducité était encourue en cas de défaut de restitution des sommes versée au 30 juillet 2020.

Le 24 juin 2021, un nouvel accord entre les parties, cette fois-ci par acte notarié, prévoyait la résolution de la vente et attestait de la restitution des sommes versées par l'OPH à la SCI Arg 15. Les parties déclaraient expressément que seule la question de la vente était réglée et que le protocole n'emportait aucune renonciation à se prévaloir de leurs droits et à faire valoir les préjudices subis

Par jugement du 13 août 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- prononcé la résolution du contrat de VEFA du 9 octobre 2017,

- dit que la publication du jugement au fichier immobilier territorialement compétent aura lieu à la diligence des parties sur production du présent jugement et que les frais de publication du jugement au fichier immobilier seront à la charge de la société Arg 15,

- condamné la société Arg 15 à payer à l'établissement public Val Parisis Habitat la somme de 332 770,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019, en restitution du prix de vente,

- condamné la société Arg 15 à payer à l'établissement public Val Parisis Habitat la somme de 117 692 euros au titre de la pénalité contractuelle,

- débouté la société Arg 15 de sa demande de dommages et intérêts,

- rejeté toute autre et plus ample demande,

- condamné la société Arg 15 aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions relatives à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Arg 15 à payer à l'établissement public Val Parisis Habitat la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par acte des 15 octobre 2021 et 17 janvier 2022, la société Arg 15 a interjeté appel, les procédures ayant été jointes par ordonnance du 8 septembre 2022.

L'établissement public Val Parisis Habitat a formé un incident aux fins de radiation de l'appel, sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, faisant valoir le défaut d'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Par ordonnance contradictoire du 16 janvier 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :

- dit recevable mais mal fondée la demande de radiation,

- rejeté les demandes d'indemnités de procédure,

- réservé les dépens et dit que leur sort suivra ceux de l'instance au fond.

Par dernières écritures, du 26 février 2024, la société Arg 15 prie la cour de :

- la déclarer recevable de son appel

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* la condamne à payer à l'établissement VPH la somme de 332 770,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019, en restitution du prix de vente

* la condamne à payer à l'établissement VPH la somme de 117 692 euros au titre de la pénalité contractuelle

* la déboute de sa demande de dommages et intérêts

* rejette toute autre et plus ample demande

* la condamne aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions relatives à l'article 699 du code de procédure civile

* la condamne à payer à l'établissement VPH la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation du contrat de vente reçu le 9 octobre 2017 en l'étude Me [B], notaire à [Localité 7], publié et enregistré le 26 octobre 2017 au SPF de [Localité 9] sous ne numéro 2017 D n°12339 - volume 2017 P n°7515, aux torts exclusifs de l'établissement VPH.

En conséquence,

A titre principal

- condamner l'établissement VPH à lui payer la somme de 425 448 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux préjudices subis consécutivement à la résolution ;

A titre subsidiaire

- condamner l'établissement VPH à lui payer la somme de 117 692 euros correspondant à la pénalité de résolution contractuellement convenue ;

A titre infiniment subsidiaire, de :

- fixer à 1.000 euros la somme due à l'établissement VPH au titre de la clause pénale stipulée à l'acte de vente du 9 octobre 2017 ;

En tout état de cause, de :

- condamner l'établissement VPH à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'établissement VPH aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières écritures du 26 février 2024, l'établissement VPH (ci-après OPH) prie la cour de :

- constater la résolution du contrat de VEFA reçu le 9 octobre 2017 en l'étude de Me [O] [B], notaire à [Localité 7], publié et enregistré le 26 octobre 2017 au service de la publicité foncière de [Localité 9] sous le numéro 2017 D N° 12339 - volume 2017 P N° 7515, concernant la vente de 9 appartements dans un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6] (Val-d'Oise), par acte notarié de résolution amiable signé entre les parties le 24 juin 2021,

- dire et juger que la rupture des relations contractuelles a eu lieu aux torts exclusifs de la société ARG 15,

- débouter la société Arg de toutes fins, moyens et prétentions

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

- condamner la société Arg 15 à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

- condamner la société Arg 15 en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par la société Evodroit, conformément aux termes de l'article 699 du code de procédure civile

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.

Par courrier en date du 19 mars 2024, le conseil de l'établissement public Val Parisis Habitat a demandé le rabat de clôture ayant appris que l'établissement public Val Parisis Habitat n'existait plus depuis le 1er janvier 2024 et avait fait l'objet d'une fusion absorption par l'établissement public départemental Val d'Oise Habitat. Après rabat de clôture le 4 avril, la société Arg 15 n'a pas souhaité répondre aux dernières conclusions du 22 mars 2024 de l'office public de l'habitat Val d'Oise Habitat (ci-après l'OPH), venant aux droits de l'établissement public Val Parisis Habitat, demandant que la cour tienne compte de ce transfert universel de patrimoine.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la demande de résolution du contrat

Aux termes de l'article 1229 du Code civil, " La résolution met fin au contrat. La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. "

Le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise a prononcé la résolution de la vente, relevant que les parties en faisaient toutes deux la demande.

La résolution de la vente a fait l'objet d'un acte notarié le 24 juin 2021, lequel mentionne précisément que la société SCI Arg 15 doit " être considérée comme n'ayant jamais aliéné les biens et droits immobiliers ('), et en avoir toujours conservé leur propriété, celle-ci n'ayant jamais été transférée à l'établissement public dénommé Val parisis Habitat ". Cet acte de résolution qui constate la restitution de la partie de prix payé par l'OPH à la SCI Arg 15 et remet les parties dans la situation antérieure à la vente ne saurait donc être qualifié de résiliation. La cour ne peut donc que constater et non prononcer cette résolution opérée amiablement le 24 juin 2021, et le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires

Le jugement retient que le fait que la société ARG 15 n'a pas respecté son obligation essentielle de tenir l'acquéreur informé des différents stades d'avancée de la construction constitue une inexécution contractuelle grave du vendeur, appréciée au jour de la notification de la résiliation du contrat le 8 janvier 2019. Il retient que la gravité de l'inexécution contractuelle doit être appréciée au jour de la notification de la résiliation du contrat soit le 8 janvier 2019 et relève par ailleurs que la société ARG 15 n'a pas respecté l'obligation consistant à " notifier à l'acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception au moins six mois à l'avance du mois prévisionnel de livraison " en rappelant que l'acte précise "que la notification de ces délais et le respect des préavis de notification revêt pour l'acquéreur une importance majeure ".

La société ARG 15 fait valoir que l'obligation du vendeur d'un bien en l'état futur d'achèvement est de livrer ce bien achevé et que le retard constaté à la date de la résolution du contrat et celui prévu aux termes du planning prévisionnel de livraison ne constituaient pas une inexécution suffisamment grave justifiant que les conséquences de cette résiliation soient supportées par la société ARG 15. Elle demande à ce que la résolution du contrat de VEFA soit prononcée aux torts exclusifs de l'OPH.

A l'appui de sa demande, elle expose que l'OPH, professionnel de l'immobilier n'a pas utilisé la possibilité de visiter le chantier et que le contrat de VEFA prévoyait la constitution d'un comité de suivi de l'opération, pour lui permettre de suivre le chantier. Elle soutient que l'obligation d'information, à la charge du vendeur, retenue par le premier juge peut être qualifiée d'importance majeure mais non d'obligation essentielle à l'égard de l'acquéreur ce dont témoigne l'absence de clause résolutoire sanctionnant l'inexécution de cette obligation dans l'acte de vente. En outre, elle rappelle qu'à la date de la résolution du contrat notifiée par l'OPH, le défaut d'information avait été régularisé. Enfin, elle soutient qu'elle ne peut être jugée responsable du retard de livraison qu'à hauteur de 4 mois et 17 jours, en raison du refus de paiement de l'appel de fonds par l'OPH et d'intempéries, ce qui constitue une cause suspensive du délai de livraison aux termes de l'acte de vente. Elle expose que ce retard peut être qualifié d'habituel en cette matière et non pas d'une gravité suffisante pour justifier la résolution. La société ARG 15 fait valoir que son préjudice s'évalue au regard des frais de gardiennage et des frais financiers de gestion, consécutifs à l'arrêt du chantier, ainsi que des frais de voierie et d'assurances, le tout s'élevant à la somme de 425 448 euros.

L'OPH soutient que le délai de livraison est un élément essentiel et déterminant du contrat de VEFA, lequel en l'espèce mentionnait un délai de livraison au plus tard le 3ème trimestre 2018 sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison. Il relève qu'au 30 septembre 2018 l'opération n'était pas achevée. Il expose qu'il a dû mettre en demeure la société ARG 15 en juillet 2018 pour obtenir un planning prévisionnel d'achèvement, puis solliciter son notaire afin de réclamer de nouveau un calendrier d'achèvement, après s'être déplacé sur le chantier le 16 octobre 2018 et avoir constaté que seuls deux ouvriers étaient présents sur le chantier. Ce n'est que le 24 octobre 2018 lors d'un appel de fonds qu'un délai d'achèvement au premier trimestre 2019 était annoncé. Il précisait qu'à la suite de son courrier de résolution unilatérale par lettre du 8 janvier 2019, il avait reçu le 17 janvier un nouveau planning de livraison pour mai 2019. Enfin, il expose que la société ARG 15 n'a pas non plus exécuté le protocole d'accord, devenu caduc au 30 juillet 2020, en remboursant le prix de vente, ce qu'elle a fait en septembre 2021 après l'acte notarié. Enfin il précise que 3 ans après la date initialement prévue du 30 septembre 2018, le bâtiment n'était toujours pas terminé.

Sur la faute

Il résulte de l'article 1601-1 du code civil que " La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement. "

Aux termes de l'article L.261-11 du code de la construction et de l'habitation, le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser notamment le délai de livraison.

Si le délai de livraison constitue bien un élément essentiel du contrat au sens de l'article 1601-1 du code civil et L.261-11 du code de la construction et de l'habitation, un retard de livraison, même injustifié, ne peut justifier la résolution d'un contrat de VEFA que s'il constitue un manquement d'une gravité suffisante pour la justifier.

En l'espèce, du fait de la caducité du protocole transactionnel du 6 février 2020 faute de règlement du prix versé par Arg 15, la résolution est finalement intervenue au 24 juin 2021 avec la signature d'un acte notarié. A la date du 6 février 2020 comme à la date du 24 juin 2021, il n'est pas contesté que l'immeuble n'était toujours pas terminé.

Néanmoins, la cour relève comme le tribunal que la gravité de l'inexécution contractuelle doit être appréciée au jour de la notification de la résiliation du contrat soit le 8 janvier 2019, c'est-à-dire au moment où l'OPH a entendu voir constater le retard de livraison.

La SCI Arg 15 considère que la date de livraison mentionnée dans l'acte de VEFA (3ème trimestre 2018) était une erreur, sans pour autant justifier qu'elle aurait demandé la rectification de cette erreur avant un échange avec le notaire ayant instrumenté l'acte en mai 2019, après la résiliation par l'OPH du contrat de vente. Le notaire relève également que la SCI Arg15 était représentée le jour de la vente et qu'en son absence, ce délai n'a pas été discuté et révisé dans l'acte. Selon cet échange avec le notaire, le délai de livraison ne pouvait être inférieur à un an à compter de la vente, néanmoins, aucun planning actualisé n'a permis manifestement de faire corriger cette date.

Ainsi, au regard des longs échanges antérieurs à la vente entre les parties et à l'absence de rectification de la prétendue erreur suite à la signature de la vente, seule la date contractuelle du 3ème trimestre 2018 peut être retenue.

La SCI Arg 15 produit diverses pièces pour expliquer son retard de livraison, notamment un courrier de sa part de mise en demeure d'une entreprise ayant pris du retard sur le chantier ou bien un courrier d'Enedis prévoyant un délai d'installation de 16 semaines pour un raccordement électrique de l'ouvrage, outre qu'un relevé d'intempéries fait état de 43 jours sur la période jusqu'au 8 janvier 2019, date du courrier de résiliation de l'OPH. Elle explique qu'un conflit au sein de l'entreprise de gros 'uvre a bloqué le chantier, qu'elle a rencontré des problèmes d'installation d'une grue et des problèmes de voierie et que le responsable du lot plomberie/charpente/couverture est décédé.

Or, le contrat de VEFA mentionnait comme causes légitimes de suspension du délai, limitativement énumérées les causes suivantes :

Les intempéries pendant lesquelles le travail aura été arrêté et qui auront fait l'objet d'une déclaration visée par le Maître d''uvre, dont une copie sera remise à l'ACQUEREUR accompagnée du justificatif provenant de la station météo la plus proche, édité et publié par la Fédération française du bâtiment (le nombre de jours d'intempéries est limité à 20 jours ouvrés par période de 12 mois).

La grève générale (qu'elle soit particulière à l'industrie du bâtiment ou aux professions dont l'activité dépend de celle-ci et notamment au secteur socioprofessionnel des transports ou spéciale aux entreprises travaillant sur le chantier),

Les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou arrêter les travaux (à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou négligences imputables au Réservant),

Les troubles résultant d'hostilités, révolutions, cataclysmes, ou accidents de chantier (à moins que lesdits troubles ne soient fondés sur des fautes ou négligences imputables au VENDEUR),

L'incidence de demandes de travaux complémentaires ou modificatifs par le Réservataire, sous réserve que le report de délais de livraison y afférent ait été indiqué par le VENDEUR à l'ACQUEREUR lors de la commande.

Ainsi, les causes alléguées par la société SCI Arg 15 ne comptent pas parmi les causes contractuelles de suspension du délai à l'exception des intempéries pour 43 jours et ne sauraient donc expliquer le retard de plusieurs mois pris par les travaux.

En revanche, le promoteur ne peut être tenu responsable lorsqu'un événement échappant à son contrôle ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, dès lors que cet évènement empêche l'exécution de son obligation. C'est le cas en l'espèce d'un conflit interne à l'entreprise de gros 'uvre, sans toutefois que cela soit justifié aux débats autrement que par un courrier de mise en demeure, de même que le décès d'un entrepreneur : la SCI Arg15 indique d'ailleurs qu'il s'agit du responsable, non du décès des ouvriers travaillant sur le chantier. Les travaux concernant le raccordement électrique ainsi que la difficulté d'installation d'une grue n'entrent pas dans des prévisions ne pouvant être raisonnablement anticipées lors de la projection des travaux, au regard de la configuration des lieux par la SCI Arg 15.

Ainsi à l'exclusion d'une suspension légitime du délai de livraison dû aux intempéries, aucun retard n'est dûment ou légitimement justifié au regard des pièces produites au débats, bien que certaines causes puissent être qualifiées d'extérieures.

La cour relève donc que le délai de livraison contractuel était expiré au moment de l'appel de fonds du 10 octobre 2018, mais que celui-ci n'était pas dépassé au regard des 43 jours d'intempéries qui ont légitimement décalé de ce nombre de jours ouvrés le délai de livraison prévu au contrat pour le 30 septembre 2018, soit a minima au 1er décembre 2018. La société Arg 15 considère que 4 mois et 17 jours peuvent lui être imputés dès lors qu'elle estime que la date de livraison contractuelle aurait dû être modifiée au 4ème trimestre 2018 et qu'elle pouvait livrer, sous réserve des paiements attendus des acquéreurs, au mois de mai 2019. Or le délai doit s'apprécier entre le 30 septembre date retenue et le 8 janvier 2019, date du courrier de résiliation.

Quand bien même au jour de l'acte de résolution du 24 juin 2021, la situation d'absence de livraison peut être analysée différemment, l'OPH considère comme légitime de ne pas avoir payé l'appel de fonds en octobre 2018 (alors que le délai de livraison avait été suspendu d'au moins 43 jours) alors que le délai de livraison avait été décalé : il n'explique pas en quoi le retard de livraison d'un peu plus d'un mois au 8 janvier 2019, ou même de 5 mois et 17 jours, à considérer le mois de mai 2019 comme possible livraison, était d'une particulière gravité à la date de son courrier de résiliation du 8 janvier 2019, la seule pénurie de logements sociaux en France ne caractérisant pas son préjudice direct et certain.

Par ailleurs, l'acte de vente stipule que le vendeur tiendra régulièrement informé l'acquéreur de l'avancement des travaux de construction, et qu'il lui remettra le jour de la vente un échéancier prévisionnel du franchissement de chacun des stades de construction et l'informera sans délai de toutes modifications qui pourraient être apportées en cours de chantier. La charge de cette preuve appartient à la société Arg 15 en l'espèce, qui ne peut considérer que l'OPH devait se tenir informé en réunissant lui-même un comité de suivi ou en se déplaçant sur le chantier, ce qu'elle a fait toutefois pour faire effectuer un acte d'huissier constatant le retard sur le chantier le 16 octobre 2018.

Bien que le tribunal relève à juste titre qu'en l'absence d'information régulière de l'OPH, la société Arg 15 n'a pas rempli son obligation d'information sur les décalages possibles de livraison avant le 24 octobre 2018, puis le 4 décembre 2018, alors que l'OPH les lui avait demandés à plusieurs reprises durant le deuxième trimestre 2018, le défaut d'information n'est pas une cause de résolution mentionnée dans la clause résolutoire de l'acte.

Or, la circonstance de ne pas être payé au fur et à mesure des travaux peut légitimement permettre d'arrêter le chantier jusqu'à ce que le maître d'ouvrage exécute sa propre obligation.

Ainsi, en refusant de payer l'appel de fonds du 10 octobre 2018, alors que le délai de livraison avait été légitimement décalé, l'OPH s'exposait à ce que la société Arg 15 suspende l'exécution du chantier et à tout le moins ne puisse le poursuivre, et ce, indépendamment du nouvel échéancier prévisionnel communiqué le 4 décembre 2018 pour un achèvement en mai 2019.

En conséquence, au regard des circonstances de l'espèce, le retard de livraison ne pouvait pas, à la date du courrier de résiliation de l'OPH le 8 janvier 2019 soit un mois après le délai prévu à l'acte de vente par l'OPH (3ème trimestre 2018) augmenté des jours d'intempéries, être considéré comme d'une gravité suffisante pour justifier la résolution.

Dès lors, les torts dans la résolution du contrat sont partagés entre les parties, tant au regard du défaut d'information du promoteur dans les délais de livraison et du retard de livraison pour la société Arg 15, qu'au regard de l'absence de paiement de l'acquéreur.

La cour infirmera donc le jugement entrepris sur ce point.

Sur la pénalité contractuelle

Tant la société ARG 15 que l'OPH sollicitent le règlement par l'autre partie de la pénalité contractuellement prévue, laquelle s'élève à 117 692 euros.

La société ARG 15 demande la réduction de cette pénalité à titre subsidiaire, considérant qu'elle revêt un caractère manifestement excessif au regard de ce que l'OPH a commis une faute en refusant de payer l'appel de fonds et l'absence de préjudice subi par lui consécutivement à la résolution.

L'article L. 261-14 du Code de la construction et de l'habitation dispose que : " Le contrat ne peut stipuler forfaitairement, en cas de résolution, le paiement, par la partie à laquelle elle est imputable, d'une indemnité supérieure à 10 p. 100 du prix. Toutefois, les parties conservent la faculté de demander la réparation du préjudice effectivement subi ".

Le contrat de VEFA signé entre les parties stipule " En cas de résolution amiable ou judiciaire de la présente vente, pour quelque cause que ce soit, la partie à laquelle serait imputable cette résolution, sera redevable envers l'autre, d'une indemnité forfaitaire et contractuelle arrêtée à dix pour cent du prix. Cependant, conformément à l'article L 261-14 du code de la construction et de l'habitation, les parties conserveront la faculté de demander la réparation du préjudice effectivement subi " (cf. pièce n°1 : p. 12).

Il n'est pas contesté que le chantier n'était pas terminé à la date de résolution amiable du 24 juin 2021 ni que l'OPH n'a pas procédé au versement de l'appel de fonds du 10 octobre 2018.

Néanmoins, il y a lieu de relever qu'après une lettre de résiliation de l'OPH en janvier 2019, puis un protocole de résolution amiable en février 2020, devenu caduc faute d'exécution par la SCI Arg 15, des retards tels se sont accumulés justifiant pleinement la constatation de la résolution du 24 juin 2021, et ce dès lors que les travaux n'ont pas été terminé entre février 2020, date de la résolution amiable non exécutée et le 24 juin 2021, date de la nouvelle résolution notariée et la restitutions des sommes dues.

Les fautes dans la résolution étant imputables aux deux parties, il convient de rejeter les demandes de paiement d'indemnités au titre de la clause pénale conventionnelle.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Arg15

Par ailleurs, la société Arg 15 sollicite en réparation de son préjudice subi du fait de la résolution le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 425.448 euros composés de frais financiers, frais d'assurances, frais de gestion MAXIM 2%, frais de voirie, frais d'interruption de chantier et frais de gardiennage. La clause pénale de l'acte de vente sert précisément à réparer les inexécutions du contrat, de sorte qu'elle exclut la possibilité de chiffrer autrement un préjudice lié à la résolution de la vente. Ainsi, en raison des torts de la SCI Arg 15 dans la livraison de l'immeuble et de la résolution amiable du 6 mai 2020 reprise par celle du 24 juin 2021, laquelle dégage l'OPH de ses engagements dans la vente, toute demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice liée spécifiquement à la résolution est rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

La SCI Arg 15 succombant est condamnée à verser à la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles engagés, dont distraction au profit de lesquels seront recouvrés par la société Evodroit, conformément aux termes de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition,

INFIRME le jugement entrepris dans ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté la SCI Arg 15 de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

CONSTATE la résolution du contrat de VEFA reçu le 9 octobre 2017 en l'étude de Me [O] [B], notaire à [Localité 7], publié et enregistré le 26 octobre 2017 au service de la publicité foncière de [Localité 9] sous le numéro 2017 D N° 12339 - volume 2017 P N° 7515, concernant la vente de 9 appartements dans un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6] (Val-d'Oise), par acte notarié de résolution amiable signé entre les parties le 24 juin 2021,

DIT que cette résolution est aux torts partagés des parties,

DEBOUTE la SCI Arg 15 de sa demande de paiement de pénalité contractuelle,

DEBOUTE l'OPH de sa demande de paiement de pénalité contractuelle,

CONDAMNE la SCI Arg 15 à verser à l'OPH du Val d'Oise la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI Arg 15 à verser à l'OPH du Val d'Oise aux dépens, lesquels seront recouvrés par la société Evodroit conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/06320
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;21.06320 ?
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