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11/06/2024 | FRANCE | N°23/05948

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-2, 11 juin 2024, 23/05948


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 35A



Chambre commerciale 3-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUIN 2024



N° RG 23/05948 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBOM



AFFAIRE :



[Y] [N]



C/



[W] [R]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Juin 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 1ère



N° RG : 22/05788



ExpÃ

©ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Malik GUELLIL

































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35A

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUIN 2024

N° RG 23/05948 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBOM

AFFAIRE :

[Y] [N]

C/

[W] [R]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Juin 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 1ère

N° RG : 22/05788

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Malik GUELLIL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 17223

Représentant : Me Philippe SCARZELLA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1281

APPELANTE

****************

Monsieur [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Malik GUELLIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1957

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président,,

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,

Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Charlène TIMODENT,

Exposé des faits :

 

Par acte de mars 1993, M. [R] et Mme [N] ont constitué la SCI du [Adresse 2], ayant comme objet l'acquisition, la gestion, l'administration, l'exploitation par bail (ou autre) de biens et de droits immobiliers. Le capital de la société est composé comme suit : M. [W] [R] 20 parts ; Mme [Y] [N] 80 parts. Monsieur [R] agissait en qualité de gérant de la société.

 

Une procédure de divorce a été initiée par Mme [N] le 14 avril 2016.

 

Par lettre recommandée du 3 décembre 2021, M. [R] a indiqué à Mme [N] qu'il procédait à la reprise des 80 parts sociales que Mme [N] portait pour son compte en vertu d'une convention de portage du 1er mars 1993. Par acte du même jour, M. [R] a cédé une part sociale à sa fille aînée, Mme [T] [R].

 

Par ordonnance du 22 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a désigné la Selarl AJRS aux fins de se constituer séquestre des 80 parts de la société appartenant à Mme [N] et revendiquées par M. [R], dans l'attente d'une décision judiciaire définitive, et exercer pendant la durée de son mandat les prérogatives associées à ces parts.

 

Par ordonnance du 7 juillet 2022 le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a désigné la Selarl Arva comme administrateur provisoire avec pour mission de procéder à tous actes de gestion et d'administration utiles au fonctionnement de la société. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel par arrêt du 9 mars 2023.

 

Par acte d'huissier du 18 juin 2022, Mme [N] a assigné M. [R] devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin de contester la convention de portage du 1er mars 1993 revendiquée par M. [R].

 

 

Par acte du 23 janvier 2023, M. [R] a saisi le juge de la mise en état d'un incident, lequel par ordonnance du 29 juin 2023 a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [R] à la demande formée par Mme [N], visant à déclarer que la mise en 'uvre survenue le 3 décembre 2021 par M. [R] d'une revendication des parts sociales est prescrite, et déclaré recevable cette demande ;

- déclaré irrecevable car prescrite la demande d'annulation et/ou d'inopposabilité de la convention de portage du 1er mars 1993 formée par Mme [N], en ce qu'elle est fondée sur son caractère potestatif, sur la prohibition des engagements perpétuels et sur son caractère frauduleux ;

- réservé les dépens qui suivront ceux de l'instance principale ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par déclaration du 7 août 2023, Mme [N] a interjeté appel de cette ordonnance, demandant son infirmation partielle, en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable car prescrite la demande d'annulation et/ou inopposabilité de la convention de portage du 1er mars 1993 qu'elle a formée, en ce qu'elle est fondée sur son caractère potestatif, sur la prohibition des engagements perpétuels et sur son caractère frauduleux ;

- l'a débouté de sa demande de condamnation de M. [R] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

 

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 février 2024, elle demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté le moyen de prescription opposé par M. [R], à l'action qu'elle a mise en 'uvre visant à faire juger prescrite la revendication de ses 80 parts sociales de la société du [Adresse 2] fondée sur le document intitulé « convention de portage » date du 1er mars 1993 ;

- l'infirmer sur toutes ses autres dispositions ;

Et statuant à nouveau ;

- juger recevable son action ;

- constater que M. [R] déclare et confirme la datation de l'acte de portage litigieux au 1er mars 1993 ;

- déclarer prescrite la revendication par M. [R] de ses 80 parts sociales au capital de la société du [Adresse 2] sur le fondement de ladite « convention de portage » ;

- débouter en tant que besoin M. [R] de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions ;

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

 

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, M. [R] demande à la cour de :

- prononcer la recevabilité de ses conclusions ;

- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [N] tendant à « déclarer prescrite la revendication par Monsieur [W] [R] des 80 parts sociales de Madame [Y] [N] au capital de la SCI [Adresse 2] sur le fondement de ladite convention de portage », compte tenu du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Versailles ;

- prononcer l'irrecevabilité de la demande de Mme [N] tendant à « déclarer prescrite la revendication par Monsieur [W] [R] des 80 parts sociales de Madame [Y] [N] au capital de la SCI 14 RUE PONCELET sur le fondement de ladite convention de portage », s'agissant d'une demande nouvelle en appel ; 

- confirmer l'ordonnance ;

- déclarer irrecevable car prescrite la demande d'annulation et/ou d'inopposabilité de la convention de portage du 1er mars 1993 formée par Mme [N] ;

- condamner Mme [N] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [N] aux entiers dépens.

 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 février 2024.

 

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

 

 

Motif de la décision :

 

 

-          Sur la recevabilité de la demande de Mme [N] concernant la nullité ou l'inopposabilité de la convention de portage

 

Mme [N] critique le juge de la mise en état d'avoir excédé ses pouvoirs, en tranchant le débat sur la fraude et le caractère frauduleux du document intitulé « convention de partage ». Soutenant que la question de l'existence d'une fraude est l'argument principal de l'assignation, elle estime que le juge de la mise en état n'avait pas à trancher cette question pour statuer sur la prescription, seule la question de la date certaine du document versé aux débats étant nécessaire pour répondre à cette fin de non-recevoir. Elle ajoute que le juge de la mise en état n'avait pas non plus à trancher cette question de fond, compte tenu de l'opposition exprimée par M. [C] dans ses conclusions, et par elle-même à l'audience.

 

Elle fait ensuite valoir que le juge de la mise en état a fait une lecture erronée de ses écritures, en considérant qu'elle a admis avoir signé en 1993 l'acte de portage, puis qu'elle l'aurait reconnu en 2015, ce alors qu'elle n'a jamais pris cette position, affirmant au contraire, dans plusieurs actes introductifs d'instance, dont l'assignation en vue de cette instance, que depuis qu'elle a eu connaissance de cet acte le 3 décembre 2021, date à laquelle M. [C] en a fait état, elle en dénonce le caractère apocryphe. Elle lui fait également grief d'avoir considéré que cet acte aurait été révélé, présupposant ainsi qu'il existait mais demeurait caché, alors qu'elle affirme avoir ignoré son existence, observant que le terme de « révélation » est celui propre à la déclaration de simulation définie à l'article 1201 du code civil.

Elle estime de surcroît que cet acte de portage est dépourvu de toute date certaine, aucun document n'y faisant référence entre 1997 et décembre 2021, et alors qu'elle figure comme associée dans les statuts et sur le Kbis de façon continue jusqu'en décembre 2021, arguant que M. [C] ne peut se prévaloir de sa propre carence en tant que gérant. Elle relève que M. [C] n'a jamais remis en cause ses droits d'associée, les confirmant au contraire à plusieurs reprises, et qu'il n'a d'ailleurs aucun intérêt à l'intégrer au capital de la société et de mettre un portage secret pour protéger ses intérêts, alors qu'il s'agit d'un bien propre.

Elle fait état des éléments qui démontrent la nature apocryphe de cette convention et en déduit que le juge de la mise en état ne peut fixer le point de départ du délai de prescription par référence à un acte contesté, mais qu'il convient de prendre en compte la date du 3 décembre 2021, date à laquelle elle a eu connaissance du droit revendiqué par son ex époux.

Selon elle, les motifs de l'ordonnance critiquée présentent une certaine incohérence, puisqu'il la déclare recevable à contester la revendication de ses parts élevée par M. [C] fondée sur l'acte de 1993, tout en la déclarant irrecevable à soutenir la nullité de cet acte.

 

En réponse, M. [C] affirme que Mme [N] est prescrite à solliciter l'annulation ou l'inopposabilité de la convention de portage, plus de cinq années s'étant écoulées entre le 10 avril 2015 (date à laquelle elle a reconnu l'existence de la convention de portage) et le 10 juin 2022 (date à laquelle elle a contesté cette convention). Il relève que la seule information pertinente pour permettre de trancher la question de la prescription est celle de la date à laquelle elle a incontestablement reconnu l'existence de la convention dont elle sollicite l'annulation ou l'inopposabilité, Mme [N] détournant volontairement le débat en l'axant sur la validité de la convention de portage, question hors sujet pour déterminer la date à laquelle elle a reconnu son existence.

Il affirme en outre que c'est Mme [N] qui a lié dans ses conclusions de première instance la question de la fraude à la question de la prescription, de sorte qu'aucun grief ne peut être formé contre la décision du juge de la mise en état qui a tranché la question de fond préalable.

Il argue de ce que Mme [N] ne conteste pas expressément la signature de la convention de portage, ni la signature de l'attestation du 10 avril 2015, de sorte que le point de départ de la prescription peut être fixée sans contestation possible à cette dernière date, observant que la question de sa présence continue comme associée, ou que l'incohérence alléguée de ladite convention sont indifférentes pour statuer sur la prescription. Il ajoute que la question de la date certaine est également sans intérêt pour trancher la fin de non-recevoir tirée de la prescription.  

 

Réponse de la cour :

 

La cour, statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, dispose des pouvoirs énoncés à l'article 789 du code de procédure civile, lequel dispose :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

(')

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

 

Il appartient à la cour de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre des prétentions de Mme [N], dans les limites de sa saisine. M. [C], qui s'était opposé à ce que cette question de fond soit tranchée par le juge de la mise en état, ne formule plus de réserves à hauteur de cour.

 

L'article 2224 du code civil énonce que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

 

L'action initiée par Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Nanterre porte sur la validité ou non de la convention de portage litigieuse, dont elle conteste avoir eu connaissance à la date de sa signature prétendue en 1993.

 

Il est constant que Mme [N] a détenu 80 parts sociales en qualité d'associée de la SCI du Poncelet, et c'est à raison que M. [C] soutient que la question de la présence continue de Mme [N] comme associée, est indifférente pour statuer sur la prescription.

 

En parallèle de la constitution de cette société, M. [C] se prévaut d'une convention de portage, qui serait intervenue le même jour, au terme de laquelle Mme [N] porterait lesdites parts pour le compte de son époux. Celle-ci prétend cependant n'avoir pris connaissance de ce portage que par le courrier reçu de son ex-époux, daté du 3 décembre 2021, par lequel il écrit « je procède ce jour à la reprise de possession de l'intégralité des 80 parts sociales que vous portez pour mon compte. »

 

Une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge aux affaires familiales et confiée à M. [B] [I], à l'occasion de la procédure de divorce introduite par Mme [N] courant 2016. Une réunion d'expertise ayant été organisée le 16 mars 2017, à laquelle les époux étaient présents et assistés de leur conseil respectif, le rapport de l'expert a été déposé le 29 septembre 2019. A la lecture de ce rapport, Mme [N] figure comme titulaire de 80 parts sociales de la SCI Poncelet, sans que M. [C] fasse état de la convention de portage dont il affirme l'existence aujourd'hui, ni qu'il conteste d'une manière quelconque la répartition des parts.

 

Il est également établi que, par une note manuscrite signée par M. [C], les parties s'accordant à la dater de l'année 2015, seul le mois de sa rédaction restant incertain, Mme [N] avançant le mois de décembre quand M. [C] évoque le mois d'octobre, que ce dernier débute par « voici mes conseils pour les sociétés et les comptes », et conclut « votre mari et papa qui vous aime, pardon pardon ». Dans ce courrier rédigé à l'attention de son épouse et de leurs deux filles, il écrit au sujet de la SCI Poncelet : « 80 % [Y] 20% [W] -$gt; donne filles ». Il fait les mêmes observations au sujet des diverses sociétés détenues pour partie par son épouse et pour partie par lui, l'ensemble de ses propres parts étant donné à ses filles. 

Dans ce document, il n'évoque à aucune reprise l'existence de la convention de portage signée en 1993 dont il se prévaut aujourd'hui.

 

Il est à noter que ce document rédigé par M. [C] est postérieur à celui qu'il invoque, dressé le 10 avril 2015, par lequel Mme [N] écrit accepter « de mon plein gré et en présence de mes filles signataires des actes de constitution de la SCI de l'Ourcq, certifie signer ce jour les cessions de parts en blanc des sociétés suivantes (') SCI [Adresse 6] dont je suis porteuse de 80 parts au profit de mon époux pour 78 parts et de 1 part à chacune de mes filles soit deux parts au total ».

 

Ainsi, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade du litige, de trancher la question de fond de la validité ou de l'opposabilité de la convention de portage invoquée par M. [C], il ne peut pas être considéré que Mme [N] est prescrite en son action. En effet, il ne peut être tenu compte du document daté d'avril 2015, invoqué par M. [C] comme point de départ du délai de prescription, compte tenu des incohérences existant entre les documents et en l'absence d'effet donné à ces écrits, seuls les termes du courrier du 3 décembre 2021 ayant été mis en 'uvre, mise en 'uvre suivie d'une contestation immédiate de la part de Mme [N].

 

Il convient de surcroît de rappeler qu'à la suite de ce courrier du 3 décembre 2021, par lequel M. [C] a écrit à son ex-épouse « je procède ce jour à la reprise de possession de l'intégralité des quatre-vingts parts sociales que vous portez pour mon compte », il a procédé à l'enregistrement des statuts de la SCI Poncelet mis à jour et transféré le siège social dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre, outre à l'enregistrement d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du même jour pour constater le retour entre ses mains des 80 parts portées pour son compte par son ex-épouse et faire agréer un nouvel associé en la personne de leur fille aînée, [T] [C], laquelle obtenait la cession d'une part sociale de la SCI. 

 

C'est dans ces circonstances que Mme [N] a obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de se constituer séquestre des 80 parts de la SCI [Adresse 2] par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nanterre du 22 décembre 2021, et la désignation d'un administrateur provisoire chargé de la gestion de la société, par ordonnance du juge des référés du même tribunal du 7 juillet 2022, confirmée en appel par arrêt du 9 mars 2023.

 

En conséquence, c'est à tort que le juge de la mise en état a déclaré prescrite l'action en nullité de la convention de portage initiée par Mme [N], tant sur son fondement principal que sur son fondement subsidiaire. L'ordonnance est infirmée de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres moyens soulevés par les parties.

 

-          Sur la prescription de M. [C] à invoquer la convention de portage

Mme [N] fait grief au juge de la mise en état d'avoir rejeté la fin de non-recevoir pour prescription qu'elle oppose à la revendication présentée par M. [C], et conteste le fait qu'il s'agisse d'une demande nouvelle comme soutenu par M. [C]. Elle rappelle la recevabilité de principe d'une action déclaratoire.

Elle soutient que la prétention de M. [C], qui se prévaut d'une convention de portage qui obéit au régime des articles 1201 et 1202 du code civil relatifs à la simulation, s'analyse comme une déclaration en simulation. Elle invoque que le délai de prescription de cette action doit être compté à partir de la date à laquelle l'intéressé aurait pu faire valoir la contre-lettre, soit le 1er mars 1993, date de l'acte juridique qui est le fondement de son action en revendication.

 En réponse, M. [C] réplique que la cour est saisie d'un recours formé contre une ordonnance du juge de la mise en état, qu'elle dispose à ce titre des mêmes pouvoirs que le juge de la mise en état organisés par l'article 789 du code civil. Il expose que Mme [N] demande pour la première fois à hauteur de cour à faire déclarer prescrite la revendication des 80 parts sociales qu'il sollicite, qu'il ne s'agit pas d'une fin de non-recevoir en ce qu'elle ne tend pas à le faire déclarer irrecevable une demande qu'il aurait formé en justice, et que cette demande doit faire l'objet d'un examen au fond devant le tribunal judiciaire, toujours saisi sur ce point. Il observe que sa prétention tendant à voir déclarer prescrite la revendication par lui-même des 80 parts sociales peut prospérer ou non, peu importe que sa demande d'annulation et/ou d'inopposabilité de la convention de portage du 1er mars 1993 soit prescrite ou non. Il affirme que contrairement à ce qu'elle soutient, la prescription de sa demande d'annulation et ou d'inopposabilité de la convention de portage ne l'empêche pas de contester la validité de la revendication des parts sociales.

Il fait ensuite valoir qu'il n'est pas à l'origine d'une action en revendication, de sorte qu'il ne peut lui être opposé une prescription à une demande qu'il n'a pas formée, puisqu'il n'a fait que reprendre les parts sociales lui appartenant, observant de surcroît que le droit de propriété sur ses parts sociales est imprescriptible.

 

Réponse de la cour

 

Si M. [C] excipe du caractère nouveau des prétentions de Mme [N] formées à hauteur de cour, le juge de la mise en état a répondu sur ce chef de prétention en exposant que Mme [N] a demandé au terme de son assignation de déclarer prescrite la revendication faite par M. [C] en ce que celle-ci se fonde sur une convention de portage de 1993. Il en a déduit que Mme [N] ne disposait d'aucun intérêt à soutenir la prescription de la revendication tant qu'elle détenait les parts, c'est à partir de la revendication faite le 3 décembre 2021 par son ex-époux qu'elle a eu connaissance du préjudice invoqué et, partant des faits fondant son action.

 

Au dispositif de l'ordonnance, le juge de l'incident a rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [C] à la demande formée par Mme [N] visant à déclarer que la mise en 'uvre survenue le 3 décembre 2021 par M. [C] d'une revendication des parts sociales est prescrite. La fin de non-recevoir tirée de la prescription a été écartée.

 

Mme [N] prétend, comme devant le juge de la mise en état, que la revendication faite par M. [C] des parts sociales dont elle est titulaire est une déclaration de simulation au sens des articles 1201 et 1202 du code civil et que cette action est prescrite, dès lors que l'acte occulte qu'invoque M. [C] aurait été conclu en 1993. Cependant, il ne peut être opposé une prescription à M. [C] à une prétention qu'il n'a pas formée devant le tribunal judiciaire, l'initiative de cette action revenant à Mme [N] seule.

L'ordonnance du juge de la mise en état est confirmée de ce chef.

 

-          Sur les mesures accessoires

 

L'ordonnance est confirmée en ses dispositions sur les dépens et l'indemnité de procédure.

 

Les dépens d'appel sont également réservés et la demande d'indemnité de procédure présentée à hauteur d'appel est rejetée.

 

Par ces motifs,

la cour, statuant par arrêt contradictoire,

 

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [R] à la demande formée par Mme [N], visant à déclarer que la mise en 'uvre survenue le 3 décembre 2021 par M. [R] d'une revendication des parts sociales est prescrite, et déclaré recevable cette demande

 

Confirme cette même ordonnance en ses dispositions sur les dépens et l'indemnité procédurale,

 

Infirme pour le surplus,

 

Statuant à nouveau,

 

Déclare recevable comme non prescrite l'action introduite par Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Nanterre par acte du 18 juin 2022,

 

Y ajoutant

 

Dit que les dépens exposés à hauteur d'appel suivront le sort de ceux de l'instance principale,

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-2
Numéro d'arrêt : 23/05948
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.05948 ?
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