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06/06/2024 | FRANCE | N°23/07629

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 06 juin 2024, 23/07629


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 23/07629 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYV



AFFAIRE :



S.A.S. 221 B. [Localité 12]



...



C/

S.A.S.U. SPRING [Localité 12]





S.E.L.A.R.L. AJRS

...



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Octobre 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versa

illes

N° RG : 23/00558



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.06.2024

à :



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 23/07629 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYV

AFFAIRE :

S.A.S. 221 B. [Localité 12]

...

C/

S.A.S.U. SPRING [Localité 12]

S.E.L.A.R.L. AJRS

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Octobre 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versailles

N° RG : 23/00558

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.06.2024

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Corinna KERFANT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. 221 B. [Localité 12]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 843 38 0 8 74

[Adresse 3]

[Localité 10]

S.A.S. CAFE CAFE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 450 06 0 0 09

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20230521

Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice HIEST NOBLET

APPELANTES

****************

S.A.S.U. SPRING [Localité 12]

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 500 36 3 9 32

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentant : Me Corinna KERFANT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19 - N° du dossier 20234330

Ayant pour avocat plaidant Me Antoie PINEAU-BRAUDEL, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

S.E.L.A.R.L. AJRS

[Adresse 5]

[Localité 9]

S.E.L.A.R.L. HERBAUT-PECOU

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20230521

Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice HIEST NOBLET

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 25 septembre 2018 et par avenant du 14 novembre 2018, la S.A.S.U. Spring [Localité 12] a donné à bail commercial à la S.AS. Café Café, avec faculté de substitution par la S.AS. 221 B [Localité 12], avec une clause de garantie solidaire durant la durée du bail de la société Café Café, les locaux sis centre commercial [13] sis [Adresse 2] à [Localité 12] (Yvelines).

Le bail a été conclu pour une durée de dix années à compter de la livraison du local, intervenue le 6 novembre 2018 et moyennant un loyer de 210 600 euros hors taxes et hors charges.

Des loyers sont demeurés impayés.

La société Spring [Localité 12] a procédé à des avoirs imputables sur les loyers des mois de novembre et décembre 2020.

La société Spring [Localité 12] a mis en demeure la société preneuse de procéder aux règlements des loyers les 12 avril, 11 juillet, 12 octobre 2022 et 12 janvier 2023.

Les mises en demeure sont restées vaines.

Par acte du 28 mars 2023, la société Spring [Localité 12] a fait assigner en référé la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à la date du 23 janvier 2023, l'expulsion de la société 221 B [Localité 12] et sa condamnation, solidaire avec la société Café Café au paiement des plusieurs sommes provisionnelles.

Par ordonnance contradictoire rendue le 31 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 25 septembre 2018 et la résiliation de ce bail à la date du 23 janvier 2023,

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société 221 B [Localité 12] locataire et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, sis centre commercial [13] sis [Adresse 2] [Localité 12],

- ordonné que les meubles se trouvant sur place devront être déposés dans un lieu choisi par la bailleresse aux frais risques et péril de la locataire conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné solidairement la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] à titre de provision, une indemnité d'occupation d'un montant mensuel égal au montant du loyer conventionnel révisé charges et taxes en sus, à compter du 23 janvier 2023 et jusqu'à complète libération des lieux,

- condamné solidairement la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme provisionnelle de 730 734,05 euros correspondant aux loyers, charges et taxes impayés arrêtés au 3ème trimestre 2023 inclus), augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné solidairement la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme provisionnelle de 73 073,40 euros au titre de la clause pénale,

- débouté la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café de leur demande de délais de paiement,

- dit que le dépôt de garantie restera acquis à la société Spring [Localité 12],

- condamné solidairement la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer.

Par jugement du 9 novembre 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société 221 B. [Localité 12]. La Selarl AJRS a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl Herbaut Pecou a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2023, la société 221 B [Localité 12] et la société Café Café ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 29 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Café Café, la société 221 B [Localité 12], la société AJRS en qualité d'administrateur judiciaire et la société Herbaut Pecou en qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour, au visa des articles L. 622-28 alinéa 1, L. 622-21, L. 625-1 à 625-6 et L. 622-28 du code de commerce, de :

'- déclarer la société 221 B. [Localité 12], la selarl AJRS, es qualité d'administrateur judiciaire de la société 221 B. [Localité 12], la Selarl Herbaut Pecou, es qualité de mandataire judiciaire de la société 221 B. [Localité 12], et la société Café Café recevables en leur appel.

et, les y déclarant bien fondées,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 31 octobre 2023 par le premier vice-président du tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions.

statuant à nouveau,

- dire irrecevable et en tout état de cause mal fondée la société Spring [Localité 12] en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société 221 B. [Localité 12].

et, vu les contestations sérieuses soulevées,

- dire irrecevable et en tout état de cause mal fondée la société Spring [Localité 12] en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Café Café.

- l'en débouter

- condamner la société Spring [Localité 12] à payer à la société 221 B. [Localité 12], la selarl AJRS es qualité d'administrateur judiciaire de la société 221 B. [Localité 12], la selarl Herbaut Pecou es qualité de mandataire judiciaire de la société 221 B. [Localité 12], et à la société Café Café la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Spring [Localité 12] aux entiers dépens de la présente instance. '

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Spring [Localité 12] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 du code civil, 122, 524, 699, 700 et 835 du code de procédure civile, de :

'- dire la société Spring [Localité 12] recevable et bien fondée en ses conclusions ;

- dire la société Café Café irrecevable en son appel ;

- débouter les sociétés 221 B. [Localité 12] et Café Café de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 31 octobre 2023 en ce qu'elle a :

- condamné la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme provisionnelle de 730 734,05 euros correspondant aux loyers, charges et taxes impayés arrêtés au 3ème trimestre 2023 inclus), augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance,

- condamné la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme provisionnelle de 73 073,40 euros au titre de la clause pénale,

- débouté la société Café Café de sa demande de délais de paiement,

- condamné la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Café Café au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer.

- infirmer l'ordonnance du 31 octobre 2023 en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 25 septembre 2018 et la résiliation de ce bail à la date du 23 janvier 2023,

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société 221 B. [Localité 12] locataire et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, sis centre commercial [13] sis [Adresse 2] [Localité 12],

- ordonné que les meubles se trouvant sur place devront être déposés dans un lieu choisi par la bailleresse aux frais risques et péril de la locataire conformément aux dispositions des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné solidairement la société 221 B. [Localité 12] et la société Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] à titre de provision, une indemnité d'occupation d'un montant mensuel égal au montant du loyer conventionnel révisé charges et taxes en sus, à compter du 23 janvier 2023 et jusqu'à complète libération des lieux,

- dit que le dépôt de garantie restera acquis à la société Spring [Localité 12].

statuant à nouveau, y ajoutant et en actualisant en tout état de cause le montant des condamnations provisionnelles :

- fixer en tant que de besoin la créance de la société Spring [Localité 12] au passif de la société 221 B. [Localité 12] pour un montant de 1 269 391,81 euros à titre privilégié, comme suit :

- en principal ....................................................................................... 1 152 174,38 euros

- indemnité forfaitaire irrévocable de 10% (art. 26.2.1 ' T. II) .............. 115 217,43 euros

- intérêts de retard contractuels (art. 8 ' T. II) ....................................... pour mémoire

- somme due au titre de l'ordonnance de référé du 31 octobre 2023 ( article 700 code de procédure civile) ...................................................................... 2 000 euros

- dire que la société Spring [Localité 12] compensera de plein droit sa créance avec le dépôt de garantie qu'elle pourrait détenir tant sur le fondement des articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, que des stipulations contractuelles ;

- condamner par provision, la société Café Café, à payer à la société Spring [Localité 12] les sommes suivantes, selon décompte antérieur au redressement judiciaire arrêté au 8 novembre 2023 et décompte postérieur au redressement judiciaire arrêté au 19 avril 2024, et sous réserve de l'actualisation de la dette locative :

- loyers, charges et accessoires impayés en principal ..................................... 1 152 174,38 euros

- remboursement des abattements Covid .............................................................. 89 406,11 euros

- loyers, charges et accessoires impayés en principal post-RJ ........................... 178 902,52 euros

- indemnité forfaitaire et irrévocable de 10 % .................................................. 142 048,30 euros

- intérêts de retard contractuels ................................................. à parfaire au jour du paiement

total des sommes dues à parfaire ...................................................... 1 562 531,31 euros

- condamner les sociétés 221 B. [Localité 12] et Café Café à payer à la société Spring [Localité 12] la somme de 6 000 euros chacune par application des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil et, très subsidiairement, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Café Café aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Café Café, la société 221 B [Localité 12], la société AJRS en qualité d'administrateur judiciaire et la société Herbaut Pecou en qualité de mandataire judiciaire indiquent à titre liminaire que la contestation de la créance sera effectuée par la société 221 B. [Localité 12] devant le juge commissaire.

Elles font valoir qu'en vertu de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société 221 B. [Localité 12] rend irrecevables les demandes d'acquisition de la clause résolutoire, en paiement ainsi que la demande de fixation de la créance au passif de la société, concluant subsidiairement, à la compensation avec le dépôt de garantie.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Café Café, les appelantes soutiennent que, le bail n'étant pas résilié, celle-ci ne peut être tenue au paiement d'une indemnité d'occupation.

Elles arguent de l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle à toute condamnation en paiement, se fondant en premier lieu sur le comportement fautif du bailleur qui a attendu décembre 2022 pour informer la société Café Café de l'existence d'un arriéré de loyers depuis janvier 2019, la tardiveté de ce recours contre le garant constituant à leurs dires un abus.

En deuxième lieu, la société Café Café, la société 221 B [Localité 12], la société AJRS en qualité d'administrateur judiciaire et la société Herbaut Pecou en qualité de mandataire judiciaire exposent remettre en cause le décompte locatif, précisant que le garant est recevable à soulever une contestation de la dette, et se fondent sur des imprécisions manifestes des pièces produites par la bailleresse qui ne permettent pas à leurs dires de vérifier le caractère certain et exigible des sommes réclamées, notamment au titre des charges (taxe foncière, tantièmes, fonds marketing, eau, électricité, frais et honoraires de gestion). Les appelants soulignent d'ailleurs que la société 221 B. [Localité 12] est désormais à jour de la dette locative.

Concernant en troisième lieu le sommes réclamées au titre des intérêts contractuels et de l'indemnité forfaitaire de 10%, les appelantes soutiennent qu'il s'agit de clauses pénales qui ne doivent pas être appliquées par le juge des référés.

La société Spring [Localité 12] reconnaît n'être plus recevable à solliciter l'acquisition de la clause résolutoire et le paiement des sommes dues au titre du bail à la société 221 B. [Localité 12], soulignant que, la fixation de sa créance au passif de l'appelante relevant de la compétence du juge commissaire, la locataire est irrecevable à en contester le quantum devant la cour.

Elle indique se désister de ses demandes en paiement formées à l'encontre de la société Café Café liées à la résiliation du bail mais soutient que celle-ci reste tenue en sa qualité de garante de toutes sommes dues au titre du bail.

L'intimée affirme que la société Café Café, qui n'est pas caution, est irrecevable à soulever des contestations relatives au montant des sommes réclamées, seule la locataire pouvant en former.

La société Spring [Localité 12] sollicite la confirmation des condamnations provisionnelles prononcées par le premier juge, soulignant que les sommes réclamées sont compréhensibles et correspondent à l'application des stipulations contractuelles, en ce compris les clauses pénales claires et précises qui correspondent à l'indemnisation de son préjudice effectif.

Elle conclut à l'absence de toute contestation sérieuse soulevée par les appelantes et rappelle avoir envoyé de multiples lettres de mises en demeure à la société Café Café avant le commandement de payer.

Sur ce,

Sur les demandes formées à l'encontre de la société 221 B

L'article L. 622-21 I du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective " interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° À la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° À la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent."

En application de ces dispositions, applicables à la procédure de redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ainsi qu'à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte donc de ces dispositions que la bailleresse ne peut pas poursuivre en justice le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour des loyers et des charges impayés échus avant l'ouverture de la procédure collective une fois le redressement prononcé compte tenu de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers.

Au cas présent, la décision dont appel date du 31 octobre 2023 tandis que la procédure de redressement judiciaire de la société 221 B [Localité 12] a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 novembre 2023, de sorte qu'à cette date, elle n'était pas passée en force de chose jugée.

En application des textes susvisés, à défaut de décision passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, une demande tendant à la constatation en référé de l'acquisition d'une clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement de loyers échus avant l'ouverture de la procédure collective se heurte à l'interdiction des poursuites et doit être déclarée irrecevable.

Il est par ailleurs constant que seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire et qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'étant par nature qu'une créance provisoire, ne peut faire l'objet d'une telle fixation, la demande concernant cette créance devant être soumise au juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification des créances.

Par voie d'infirmation, il convient dès lors de déclarer la société Spring [Localité 12] irrecevable en toutes ses demandes formées à l'encontre de la société 221 B [Localité 12].

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Café Café

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision, celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En vertu de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

Le bail du 25 septembre 2018 conclu entre la société Spring [Localité 12] et la société Café Café portait sur un local n°2003 et 2003-mz d'une surface totale de 468 m2 environ situés au niveau 1 du centre commercial, et prévoyait un loyer annuel de base de 210 600 euros, outre un loyer variable additionnel correspondant à 8% ou 12% de la différence positive entre le chiffre d'affaires annuel du locataire et le loyer de base annuel.

Ce contrat, prenant effet à compter de la livraison du local, prévoyait une faculté de substitution au profit de la société 221 B [Localité 12], à condition que la société Café Café reste 'garante et solidaire de la société 221 B [Localité 12] pendant toute la durée du bail'.

La société Café Café a notifié à la société Spring [Localité 12] le 14 novembre 2018 la substitution de la société 221 B [Localité 12].

Selon protocole du 10 février 2021 conclu entre les sociétés Spring [Localité 12] et 221 B [Localité 12], le bailleur a consenti au preneur une franchise totale du loyer de base facturé au 2ème trimestre 2020, le preneur restant redevable de la somme de 124 858, 88 euros. Ce contrat stipule que le preneur sera déchu du bénéfice de ces aménagements à défaut de règlement de sa dette dans les conditions prévues (paiement par virement le jour de la signature du protocole) ou en cas de résolution ou résiliation du bail.

Par commandement de payer du 2 décembre 2022, la société Spring [Localité 12] a réclamé à la société 221 B [Localité 12] la somme en principal de 856 725, 87 euros au titre des loyers et charges impayés.

Un décompte était annexé à cet acte.

La société Café Café a été assignée en paiement le 28 mars 2023.

La faute du bailleur qui n'avertit pas le garant du non-paiement des loyers par le locataire et laisse s'accumuler la dette peut constituer une faute de nature à lui faire perdre totalement ou partiellement son recours.

Or, en l'espèce, il résulte des décomptes locatifs produits qu'à la date du 31 décembre 2019 (date du premier décompte fourni par la société Spring [Localité 12]), l'arriéré locatif était de 236 720, 06 euros et que la dette n'a cessé de croître par la suite.

La bailleresse ne verse aux débats aucune pièce permettant d'établir qu'elle aurait averti la société Café Café, garante, des difficultés de la locataire avant l'assignation en paiement du 28 mars 2023, le commandement de payer ne lui ayant pas été notifié.

Cette négligence du bailleur, qui a privé le garant de la possibilité de se substituer à la locataire dès les premiers impayés et d'éviter ainsi une augmentation de la dette, dont le montant est aujourd'hui très élevé, constitue une contestation sérieuse qui doit être tranchée par le juge du fond.

Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle formée par la société Spring [Localité 12] à l'égard de la société Café Café et l'ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la présente décision, l'infirmation relevant pour l'essentiel de l'ouverture d'une procédure collective au profit de la société 221 B [Localité 12], la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Spring [Localité 12] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre intéressant La société 221 B [Localité 12],

Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Spring [Localité 12] irrecevable en ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire et en paiement formées à l'encontre de la société 221 B [Localité 12] ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement formées par la société Spring [Localité 12] à l'encontre de la société Café Café ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société Spring [Localité 12] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07629
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.07629 ?
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