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06/06/2024 | FRANCE | N°23/06957

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 06 juin 2024, 23/06957


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74Z



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 23/06957 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WD4D



AFFAIRE :



[N] [L]

...



C/

[Z] [U] [E]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Octobre 2023 par le Tribunal de Grande Instance de versailles

N° RG : 23/00719



Expéditions exécutoires

Expédi

tions

Copies

délivrées le : 06.06.2024

à :



Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74Z

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 23/06957 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WD4D

AFFAIRE :

[N] [L]

...

C/

[Z] [U] [E]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Octobre 2023 par le Tribunal de Grande Instance de versailles

N° RG : 23/00719

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.06.2024

à :

Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [L]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 11]

Madame [A] [X] épouse [L]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Ayant pour avocat plaidant Me Loïc LERATE, du barreau de Paris

APPELANTS

****************

Madame [Z] [U] [E]

née le 31 Janvier 1989 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentant : Me Audrey ALLAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 29 juillet 2021, Mme [Z] [E] a acquis une maison à usage d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 13] (Yvelines), cadastrée [Cadastre 4].

Le titre de propriété de Mme [E] précise qu'elle bénéficie de droits indivis dans la cour commune [T], cour cadastrée [Cadastre 5].

Par acte notarié du 5 novembre 2021, M. [N] [L] et Mme [A] [L] ont acquis une maison à usage d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 13] (Yvelines), cadastrée [Cadastre 6], [Cadastre 7], 251 B 2662.

Reprochant à M. et Mme [L] de stationner leurs véhicules dans la cour [T], par acte de commissaire de justice délivré le 17 mai 2023, Mme [E] les a fait assigner en référé aux fins qu'il leur soit interdit de stationner leurs véhicules et ceux de tous occupants ou visiteur de leur chef, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction journalière constatée, ainsi qu'afin de leur voir ordonner la suppression du fil d'installation de la fibre optique en façade du bien appartenant à Mme [E], et ce dans les 15 jours du prononcé de l'ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par ordonnance contradictoire rendue le 5 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- dit n'y avoir lieu à statuer sur l'irrecevabilité,

- interdit à M. et Mme [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef, dans la cour [T], cour indivise cadastrée [Cadastre 8],

- enjoint à M. et Mme [L] de faire supprimer les installations de la fibre optique situées en façade du bien de Mme [E], sis [Adresse 2] à [Localité 11], cadastrée [Cadastre 4],

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- condamné in solidum M. et Mme [L] à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [L] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 12 octobre 2023, M. et Mme [L] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à astreinte et les a condamnés in solidum aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 1er avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [L] demandent à la cour, au visa des articles 123, 564 et 835 alinéa 1er du code de procédure civile, de :

'- recevoir M. [N] [L] et Mme [A] [X], épouse [L] en leur appel, leur conclusions, fins et prétentions et les déclarer fondés,

partant,

1) sur l'appel principal,

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'irrecevabilité de la demande de Mme [Z] [E] pour défaut de qualité à agir,

et statuant à nouveau,

- déclarer Mme [Z] [E] irrecevable en son action faute de qualité à agir,

partant,

- débouter Mme [Z] [E] de l'ensemble de ses demande, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'astreintes formulée par Mme [Z] [E],

et statuant à nouveau,

partant,

- juger qu'aucun trouble manifestement illicite n'est imputable à M. [N] [L] et Mme [A] [X], épouse [L] ;

partant,

- débouter en conséquence Mme [Z] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

2) sur l'appel incident

- débouter Mme [Z] [E] des demandes, fins et prétentions qu'elle formule au titre de son appel incident.

en tout état de cause,

- condamner Mme [Z] [E] au paiement à M. [N] [L] et Mme [A] [X], épouse [L], de la somme de 6 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- la condamner aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [E] demande à la cour, au visa des articles 835, 564 du code de procédure civile et 545 du code civil, de :

'- juger que l'action de Mme [E] recevable.

en conséquence,

- débouter M. et Mme [L] de leurs demandes tendant à voir déclarer l'action de Mme [E] irrecevable et le juge des référés incompétent

- déclarer irrecevable la demande reconventionnelle des époux [L] tendant à voir interdire Mme [E] de stationner son véhicule sous astreinte devant la sortie de garage des époux [L] et sur zone pavée.

- confirmer l'ordonnance du 5 octobre 2023 en ce qu'elle a

- interdit à M. [L] et Mme [X] épouse [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef, dans la cour boivin, cour indivise cadastrée [Cadastre 9]

- enjoint à M. [L] et Mme [X] épouse [L] de faire supprimer les installations de la fibre optique situées en façade de Mme [E] sis [Adresse 2] à [Localité 11] cadastrée 251 B [Cadastre 3]

- condamné in solidum M. [L] et Mme [X] épouse [L] à payer [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [L] et Mme [X] aux entiers dépens.

- débouter les époux [L] de toutes leurs demandes fins et prétentions contraires

- infirmer l'ordonnance du 5 octobre 2023 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à astreinte

statuant de nouveau

- dire que l'interdiction des époux [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef dans la cour boivin, cour indivise cadastrée [Cadastre 9] sera assortie d'une astreinte de 500 euros par infraction journalière constatée

- dire que l'injonction faire aux époux [L] de supprimer les installations de la fibre optique en façade de la propriété de Mme [E] sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, en cas d'inexécution dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, et ce jusqu'à parfaite exécution

- réserver la liquidation des astreintes à la juridiction des référés

- condamner solidairement M. [N] [L] et de Mme [A] [X] épouse [L] à verser à Mme [Z] [E] la somme de 6 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel

- condamner solidairement M. [N] [L] et de Mme [A] [X] épouse [L] aux entiers dépens, comprenant les constats d'huissier à hauteur de 600 euros'.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire il convient d'observer que M. et Mme [L] ne formulent plus aux termes de leurs dernières conclusions de demande tendant à voir interdire à Mme [E] le stationnement de son véhicule devant la sortie de leur garage, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette prétention.

Sur la recevabilité de l'action de Mme [E] :

M. et Mme [L] concluent à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a débouté Mme [E] de sa demande d'astreinte, de déclarer l'intimée irrecevable en son action et, à titre subsidiaire, de la débouter de ses demandes.

Ils soulèvent à titre principal l'irrecevabilité de l'action de Mme [E] pour défaut de qualité à agir, rappelant qu'une fin de non-recevoir est susceptible d'être soulevée en tout état de cause.

Ils exposent qu'il ressort de l'analyse faite par Mme [I] [K], géomètre-expert et urbaniste, que la cour [T] doit être qualifiée de cour commune, en outre indispensable aux fonds voisins, et qu'en pareille hypothèse, c'est le régime de l'indivision forcée et perpétuelle qui s'applique, de sorte que les règles de l'indivision classique invoquées par l'intimée sont inopérantes, alors que l'action aurait dû être introduite par l'ensemble des indivisaires propriétaires de la cour commune.

Mme [E] rétorque que cette irrecevabilité soulevée pour la première fois en cause d'appel ne saurait être retenue favorablement par la cour.

Elle indique avoir saisi le juge des référés afin de faire cesser un trouble manifestement illicite, à savoir mettre fin au stationnement des véhicules des époux [L] sur la cour [T], devant ses fenêtres de surcroît, alors même qu'ils ne disposent d'aucun droit sur la cour, mais également afin de mettre fin à l'empiétement de câbles sur sa propriété, de sorte qu'elle n'avait aucunement l'obligation de solliciter l'accord préalable des autres indivisaires.

Sur ce,

L'article 31 du code de procédure civile prévoit que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, tandis que l'article 32 suivant dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En vertu de l'article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Même à considérer que la cour [T] dont la jouissance fait l'objet du contentieux entre les parties serait en indivision perpétuelle et forcée, laquelle répond à un régime juridique spécifique, il n'en demeure pas moins qu'en pareille hypothèse, tout indivisaire peut agir seul en justice pour la défense de ses droits indivis, de sorte que Mme [E], dont les droits indivis sur la cour sont établis, a qualité à agir pour leur défense.

L'ordonnance querellée sera donc infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'irrecevabilité et l'action de Mme [E] sera déclarée recevable.

Sur le trouble manifestement illicite :

M. et Mme [L] concluent à l'absence de violation manifeste de la règle de droit et donc à l'absence de trouble manifestement illicite à faire cesser.

Ils soutiennent que la demande d'interdiction de stationner présentée à leur encontre suppose de trancher un débat de fond sur la nature des droits dont ils bénéficient sur la cour [T], ce qui ne relève pas de l'office du juge des référés.

Ils font état des éléments suivants tendant à conclure qu'ils bénéficient nécessairement de droits sur la cour [T] :

- le rapport de Mme [K] qui met en exergue une incohérence arithmétique entre la somme des droits indivis figurant au plan cadastral (2a89ca) et la surface réelle de la cour (3a85ca), qui ne cède que dans l'hypothèse où il n'y aurait pas 3, mais 4 coindivisaires, c'est-à-dire en y ajoutant leurs droits ;

- l'examen du plan cadastral rénové (1935-1952) montre qu'il était bien question de 4 propriétaires indivis et non de 3, ce que confirme le courriel du 25 août 2023 de M. [Y] [J], géomètre du cadastre, de même qu'il résulte du plan cadastral de 1920 qu'un droit à la cour [T] était attaché à leur parcelle ;

- la réunion de bornage du 18 mars 1972, dont fait état Mme [K] dans son rapport, fait mention de la présence du propriétaire de la parcelle devenue la leur.

Ainsi ils font valoir qu'il ne fait pas de doute qu'en 1972, leur parcelle bénéficiait d'un droit indivis sur la cour, lequel n'a pas été repris dans les documents administratifs ultérieurs, probablement en raison d'erreurs du cadastre et d'incomplétudes du jugement d'adjudication par lequel M. [O] est devenu propriétaire de leur future parcelle.

Les appelants en déduisent qu'un débat doit être mené au fond pour déterminer leurs droits et qu'il n'était pas loisible au premier juge, avec l'évidence que requérait son office, de caractériser un trouble manifestement illicite.

Sur la suppression des installations de la fibre optique de la façade de Mme [E], les appelants indiquent avoir pris acte de la décision de première instance et mettre tout en 'uvre pour procéder à la dépose des installations, un rendez-vous étant fixé avec leur nouvel opérateur le 16 mars 2024.

En réponse aux conclusions adverses, M. et Mme [L] relèvent que l'intimée déplace le débat juridique sur le terrain de la servitude, parfaitement étranger au cas d'espèce.

Ils contestent que l'accès à leur propriété puisse se faire dans les mêmes conditions par un autre accès que celui de la cour [T], visant le procès-verbal qu'ils ont fait dresser par un commissaire de justice, lequel constate que l'accès à la porte d'entrée de leur maison, aux réseaux communal et postal se fait par la cour [T] et non par la cour privée située de l'autre côté de la porte.

Ils sollicitent enfin que Mme [E] soit déboutée de son appel incident sur les astreintes, faisant valoir que :

- elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'ils continueraient de garer leurs véhicules dans la cour [T] ;

- un voisin a accepté de laisser passer la fibre sur sa façade et un rendez-vous est pris avec un nouvel opérateur pour procéder à la dépose de l'installation.

Ils précisent qu'ils n'ont jamais touché à la façade de l'intimée et qu'il sera procédé à l'enlèvement du câble de la façade le 6 avril.

Mme [E] sollicite quant à elle la confirmation de la décision frappée d'appel, en ce qu'elle a interdit à M. et Mme [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef, dans la cour [T], cour indivise cadastrée [Cadastre 9].

Elle soutient que les époux [L] ne peuvent se prévaloir d'aucun acte constitutif de servitude ; que d'après les documents cadastraux et les titres de propriété, ils n'ont ni servitude ni aucun autre droit sur la cour [T], de sorte qu'ils ne peuvent y stationner leurs véhicules, d'autant qu'ils ont un accès sur la voie publique et une servitude de passage sur les parcelles de l'autre côté de la cour, leur permettant d'accéder à leurs garages, comme l'atteste le constat de commissaire de justice qu'elle a fait dresser le 29 janvier 2024.

Elle ajoute que l'absence de droits de M. et Mme [L] est rappelée dans leur acte d'acquisition et ne souffre d'aucune ambiguïté.

Elle indique que le trouble qu'elle invoque repose d'une part sur le stationnement des véhicules des époux [L] devant sa propriété, gênant l'accès à sa propriété, et d'autre part sur l'empiétement sur sa propriété du câble de la fibre ; que la réalité du trouble a été amplement démontrée par les photographies, attestations et constats de commissaire de justice versés aux débats.

Elle forme un appel incident pour demander que l'interdiction de stationner imposée aux époux [L] soit assortie d'une astreinte, indiquant craindre un manque de responsabilisation de leur part.

Elle sollicite également que l'injonction faite aux appelants par le premier juge de supprimer les installations de la fibre optique en façade de son bien soit accompagnée d'une astreinte.

Elle indique qu'alors même qu'elle avait confirmé son accord pour la dépose du câble tout en sollicitant d'être informée du jour et de l'heure de l'intervention, elle a constaté le 28 mars 2024 en rentrant chez elle que le câble de sa fibre avait été tiré vers l'extérieur de sa maison, que les fils de fer qui retenaient ses rosiers avaient été arrachés, les appelants ayant semble-t-il changé leur câble en laissant ceux qui étaient fixés le long de sa façade, au mépris de sa légitime demande.

Elle argue d'un procès-verbal de commissaire de justice qu'elle a fait établir le 29 janvier 2024, démontrant que la fibre des appelants est toujours installée en façade de sa maison.

Sur ce,

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est caractérisé par 'toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit' qu'il incombe à celui qui s'en prétend victime de démontrer.

Lorsque la décision attaquée a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel statuant à sa suite doit se placer, pour apprécier la réalité du trouble, à la date à laquelle le premier juge a statué.

En ce qui concerne les droits respectifs des parties sur la cour [T], il convient de se référer aux actes faisant foi, jusqu'à ce que la preuve contraire soit éventuellement rapportée.

L'acte notarié d'acquisition de l'habitation de Mme [E] en date du 29 juillet 2021 porte mention au titre de la désignation du bien, de ce qu'il est situé à [Adresse 2], et est constitué d'une maison à usage d'habitation dans le fond de la cour, à gauche, ainsi que des droits indivis dans la cour commune cadastrée section [Cadastre 8], ce dont il ressort, et qui n'est d'ailleurs pas contesté par M. et Mme [L], que Mme [E] est incontestablement propriétaire de droits indivis sur la cour [T].

L'acte notarié d'achat de l'habitation voisine par M. et Mme [L] le 5 novembre 2021 mentionne au titre de la désignation du bien qu'il est situé à [Localité 14], [Adresse 1], Fourqueux, sans aucune référence à un quelconque droit sur la cour [T].

Au contraire, le vendeur a déclaré aux termes de cet acte, après cette désignation, que « l'accès au bien vendu s'est effectué par la Cour [T], parcelle cadastrée section [Cadastre 10] mais que ce droit d'accès n'est constaté aux termes d'aucune servitude résultant d'un acte ».

La fiche concernant la cour [T] émanant du service de la publicité foncière, établie sur demande effectuée le 8 septembre 2021, et qui permet d'établir la situation juridique de l'immeuble, fait quant à elle état de ce que la cour [T] est une cour commune avec des droits indivis appartenant à 3 fonds, dont celui de Mme [E], mais pas celui de M. et Mme [L].

Ainsi, aux termes des actes officiels devant prévaloir, il est acquis que M. et Mme [L] ne disposent d'aucun droit sur la cour [T].

S'il ressort de la note de synthèse de Mme [K], géomètre-expert et urbaniste, en date du 13 mars 2024 que « le fichier immobilier ainsi que les actes de propriété peuvent comporter incontestablement des incohérences et erreurs matérielles », que la « propriété [L] est intéressée à la cour » et si cet expert suggère d'engager une procédure de bornage afin de fixer de manière définitive les limites de la cour et d'en définir le cas échéant les modalités d'usage, il n'en demeure pas moins qu'en vertu de la situation juridique de cette cour, telle qu'actuellement établie par les actes officiels, M. et Mme [L] ne détiennent aucun droit indivis à son égard.

Dès lors, ils ne peuvent y garer leurs véhicules si cela cause un préjudice à Mme [E].

Au surplus, il résulte des attestations de Mmes [P] [D], [B] [C], [F] [S], [G] [H] [E], M. [W] [R] et M. [V] [M] qu'à de multiples reprises, M. et Mme [L] ont stationné leurs véhicules, parfois au nombre de 3, sur la cour [T], de telle sorte que Mme [E] était empêchée de s'y garer, voire même empêchée d'accéder à son domicile.

La situation est devenue extrêmement conflictuelle entre les parties et Mme [E] a déposé plainte le 9 octobre 2022 pour des faits de violences qu'aurait commis M. [L], ayant entraîné une incapacité totale de travail de 4 jours.

Dans ces conditions, le trouble manifestement illicite subi par Mme [E] est caractérisé et c'est à juste titre que le premier juge a fait interdiction à M. et Mme [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef, dans la cour [T], cadastrée [Cadastre 8]. L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Afin d'assurer l'effectivité de cette interdiction, il convient de l'assortir, dès le prononcé du présent arrêt, d'une astreinte de 200 euros par infraction constatée, qui courra pendant une durée de 8 mois, passée laquelle il pourra être à nouveau statué.

Il n'y a pas lieu de réserver la liquidation de cette astreinte à la juridiction des référés.

Quant à la demande de l'intimée s'agissant de la suppression par M. et Mme [L] des installations de la fibre situées en façade de sa maison, les appelants n'en contestent plus la légitimité et l'ordonnance sera confirmée s'agissant de l'injonction prononcée à cet égard.

Par ailleurs, il apparaît que les appelants s'y sont conformés, fût-ce avec un délai qui ne leur est pas nécessairement imputable, de sorte que l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir pas lieu à prononcer d'astreinte la concernant.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. et Mme [L] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Ils devront en outre supporter in solidum les dépens d'appel, lesquels ne peuvent comprendre que les frais limitativement énumérés par l'article 695 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à Mme [E] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Les appelants seront en conséquence condamnés in solidum à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance du 5 octobre 2023, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'irrecevabilité et n'y avoir lieu à astreinte s'agissant de l'interdiction de stationnement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable l'action de Mme [Z] [E],

Dit que l'interdiction faite à M. [N] [L] et Mme [A] [X] épouse [L] de stationner leurs véhicules de toute nature que ce soit ainsi que les véhicules de tous occupants ou visiteurs de leur chef, dans la cour [T], cadastrée [Cadastre 8] est assortie d'une astreinte de 200 euros par infraction constatée, qui courra dès le prononcé du présent arrêt et pendant une durée de 8 mois, passée laquelle il pourra être à nouveau statué,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit que M. [N] [L] et Mme [A] [X] épouse [L] supporteront in solidum les dépens d'appel tels que limitativement énumérés par l'article 695 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [N] [L] et Mme [A] [X] épouse [L] à verser à Mme [Z] [E] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06957
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.06957 ?
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