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06/06/2024 | FRANCE | N°23/02223

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 06 juin 2024, 23/02223


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5

Renvoi après cassation



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 23/02223

N° Portalis DBV3-V-B7H-WAEE



AFFAIRE :



[O] [W]





C/

S.A.S. AUTOBACS FRANCE









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 14 Juin 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : 680 F-D









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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI AVOCALYS



la SELARL KLP PARTENERS





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 23/02223

N° Portalis DBV3-V-B7H-WAEE

AFFAIRE :

[O] [W]

C/

S.A.S. AUTOBACS FRANCE

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 14 Juin 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : 680 F-D

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI AVOCALYS

la SELARL KLP PARTENERS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le six juillet deux mille vingt trois en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du quatorze juin deux mille vingt trois cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le premier juillet deux mille vingt et un par la cour d'appel de Versailles

Monsieur [O] [W]

né le 08 Décembre 1969 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Monique TARDY de la AARPI AVOCALYS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. AUTOBACS FRANCE

N° SIRET : 434 718 706

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Carine KALFON de la KLP PARTENERS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0918

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mars 2024, devant la cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 11 janvier 2006, M. [W] a été engagé à compter du 24 janvier 2006 par la société Autobacs France en qualité de chef de produits. En dernier lieu, il occupait le poste de directeur des opérations, statut cadre niveau IV.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

Par courrier du 13 mars 2017, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, qui s'est tenu le 20 mars 2017, puis, par courrier du 29 mars 2017, il lui a été notifié, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire au poste de directeur des achats. Par courrier du 5 avril 2017, le salarié a indiqué accepter le poste proposé par avenant à effet du 10 avril 2017 compte tenu de la forte pression qui s'exerçait sur lui.

Par courrier du 7 avril 2017, après avoir indiqué que la teneur du courrier du 5 avril 2017 faisait apparaître sans équivoque que le salarié refusait la sanction prononcée et la proposition d'avenant qui en était le corollaire, et que le projet d'avenant qui aurait été signé par le salarié 'compte tenu de la forte pression' qui s'exercerait sur lui, n'avait de ce fait aucune valeur, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable, qui s'est tenu le 14 avril 2017, avant de le licencier pour cause réelle et sérieuse par courrier du 21 avril 2017.

Par requête reçue au greffe le 26 mars 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Autobacs France au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement brutal et vexatoire et de diverses sommes.

Par jugement du 4 juillet 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [W] de la totalité de ses demandes,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [W].

Par arrêt du 1er juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la présente cour, autrement composée, a :

- confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions applicables au temps de travail, et en ce qu'il a mis les dépens à sa charge,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

- condamné la société Autobacs France à payer à M. [W] les sommes de :

* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions applicables au temps de travail,

* 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Autobacs France aux dépens.

Par arrêt du 14 juin 2023, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il déboute M. [W] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un licenciement brutal et vexatoire, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée,

- condamné la société Autobacs France aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Autobacs France et l'a condamnée à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros.

Pour se déterminer ainsi et après avoir rejeté le moyen tiré d'une dénaturation en ce que la cour d'appel avait estimé que la lettre du salarié du 5 avril 2017 ne permettait pas de caractériser une acceptation claire et non équivoque de celui-ci à la mesure de rétrogradation et en avait exactement déduit que la société pouvait prononcer une autre sanction telle qu'un licenciement, la Cour de cassation a considéré que pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par le salarié, la cour avait violé l'article L. 1235-1 alinéa 3 du code du travail, dans sa version antérieure à celle de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en faisant peser la charge de la preuve sur le seul salarié.

Par déclaration de saisine reçue au greffe par le Rpva le 6 juillet 2023, M. [W] a saisi la présente cour sur renvoi après cassation.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 10 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, dans les limites des dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 1er juillet 2021 qui l'ont débouté de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'un licenciement brutal et vexatoire, et statuant à nouveau, dès lors que ces dispositions ont été seules cassées par l'arrêt de la cour de cassation du 14 juin 2023, de :

- dire et juger que son licenciement par la société Autobacs France est sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que son licenciement par la société Autobacs France est brutal et vexatoire,

- condamner en conséquence, la société Autobacs France à lui régler les sommes suivantes :

* 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 31 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Autobacs France demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de la totalité de ses demandes,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de M. [W],

- en conséquence, juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [W] est justifié,

- juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [W] n'est aucunement brutal et vexatoire,

- en conséquence, débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [W] en tous les dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé du licenciement

Pour infirmation du jugement entrepris qui le déboute de ses demandes formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié soutient que la procédure de licenciement trouve son origine dans une lettre de rappel à l'ordre du 26 octobre 2016 sans fondement, que le refus d'une rétrogradation par le salarié ne peut fonder le licenciement qui ne peut être fondé que sur les mêmes motifs et les mêmes faits énoncés pour le rétrograder, que le licenciement ne repose sur aucun fait objectif et précis qui lui serait imputable quant à l'insuffisance de déplacements dans les magasins à l'origine d'une baisse de la fréquentation de la clientèle ou à des défaillances managériales, que la baisse des indicateurs économiques invoquée ne résulte que d'une situation économique défavorable qui dès lors ne peut lui être opposée pour fonder le licenciement de nature disciplinaire, que les griefs ne sont pas en cohérence avec son ancienneté et son évolution de carrière au sein de l'entreprise ni avec le contenu d'une lettre du 23 mai 2016 le félicitant pour ses actions à l'origine du résultat positif de l'exercice comptable clos le 31 mars 2016.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas été doublement sanctionné pour les mêmes faits dès lors que le licenciement vise des faits postérieurs au premier semestre 2016, période concernée par le rappel à l'ordre du 26 octobre 2016, que c'est dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire qu'il a licencié le salarié alors qu'il a été définitivement jugé que ce dernier a refusé la rétrogradation proposée qu'en 2017, que les résultats étaient en net recul pour les six magasins que le salarié supervisait au point que sur la baisse de 921 000 euros du résultat net pour l'exercice clos le 31 mars 2017, 699 000 euros provenaient de ces mêmes magasins, que le salarié s'est abstenu de mener les actions nécessaires pour remédier aux difficultés des magasins qu'il supervisait faute de plans d'actions pour renforcer leur compétitivité, le service client, ou améliorer leur attractivité, qu'il ne s'est pas déplacé dans les magasins pour exercer des contrôles afin de s'assurer de la bonne application des directives, qu'il n'a pas fait preuve d'implication dans les missions confiées aux deux directeurs de magasins promus directeurs experts pour pallier ses négligences, qu'il n'est pas non plus intervenu sur l'organisation de la réception atelier du magasin de [Localité 5] contrairement à la demande de la direction générale, qu'il n'a pas tenu ni formalisé aucun entretien d'évaluation avec les directeurs de magasins, qu'il n'a pas soutenu ses équipes, qu'il a été dans l'incapacité de faire appliquer les consignes et les procédures en vigueur au sein de la société, que le salarié n'a pas apporté d'explications quant à la baisse de chiffres d'affaires de certaines lignes de produits, à la mauvaise communication sur les référencements produits, à la mauvaise gestion de l'obsolescence, au manque de suivi et de support aux magasins sur la politique des prix et sur l'opacité des conditions négociées avec les fournisseurs, que nonobstant la lettre de félicitations concernant la situation en 2015, l'augmentation significative des stocks au 31 mars 2017 résulte du contrôle défaillant du service des achats par le salarié concernant la gestion des stocks, que sur 62 199 clients perdus par la société en fin d'exercice 2017, 40 929 provenaient des magasins gérés par le salarié.

En application de l'article L. 1331-1 du code du travail, dès lors qu'une modification du contrat de travail ne peut être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction aux lieu et place de la sanction refusée en raison de faits qui étaient à l'origine de cette sanction.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si la lettre de licenciement fixe les termes du litige, un grief matériellement vérifiable peut être discuté et précisé devant le juge du fond.

Un fait prescrit ou déjà sanctionné peut être retenu pour appuyer des poursuites disciplinaires en cas de persistance du comportement fautif, sans pouvoir être doublement sanctionné.

Par courrier du 26 octobre 2016, le salarié s'est vu notifier une sanction disciplinaire en raison d'une gestion insatisfaisante et de difficultés managériales dont un contrôle insuffisant ou inefficace des magasins dont il avait la charge, l'absence de formalisation des instructions données aux directeurs de magasin ne remplissant pas correctement leurs fonctions, le non-respect de procédures, le tout relié à des résultats non conformes aux attentes à la clôture du dernier exercice, au premier semestre de l'année 2016, en tenant compte de résultats très médiocres en août 2016 et d'un léger redressement au mois de septembre 2016.

La lettre de proposition de modification du contrat de travail à titre disciplinaire par rétrogradation au poste de directeur des achats notifiée au salarié le 29 mars 2017, énonce, à titre de motifs, à la suite du rappel à l'ordre précité dont il est indiqué que le salarié n'a pas pris toute la mesure, l'incapacité persistante du salarié, par négligence, à superviser les magasins dont il avait toujours la charge et à exercer ses fonctions managériales, se traduisant par le défaut de justification d'un quelconque entretien d'évaluation avec les directeurs, l'absence de production des rapports de visite ou des analyses demandés dans le cadre du renforcement du contrôle des magasins et de l'application des instructions données notamment en matière de budget, une absence de rigueur dans la supervision de la direction des achats faute d'accompagnement particulier entraînant un accroissement des stocks, tous reproches reliés à un recul des résultats d'octobre 2016 à février 2017 plus accru qu'au premier semestre.

La lettre de licenciement à caractère disciplinaire, qui fixe les limites du litige et dont les termes sont reproduits dans l'arrêt du 1er juillet 2021 auquel il est renvoyé quant à cette reproduction, énonce qu'après qu'il ait été pris acte de son refus de la proposition de rétrogradation disciplinaire qui faisait suite à la persistance de manquements objets du rappel à l'ordre du 26 octobre 2016, le salarié est licencié pour cause réelle et sérieuse en raison, malgré le rappel à l'ordre précité, des griefs, précisés par l'employeur, qui suivent :

- des manquements et négligences fautifs persistants à l'origine d'une situation économique dégradée, de mauvais résultats opérationnels de l'Ebitda à fin mars 2017 pour la société et, après comparaison des deux semestres de cette même année, d'une absence d'amélioration du recul de l'Ebitda des six magasins dont le salarié avait la charge, outre d'une croissance persistante à fin mars 2017 de la baisse de la clientèle affectant plus particulièrement ces magasins ; ainsi, le fait de ne pas avoir visité plus régulièrement chacun des six magasins dont il avait la charge, de ne pas avoir formalisé les contrôles demandés ou les instructions précises à notifier aux directeurs de magasins défaillants, alors qu'il lui avait été demandé de procéder à ces visites au moins une journée par semaine, le mardi ; le fait de ne pas s'être plus impliqué dans l'accompagnement des missions confiées aux deux directeurs experts en janvier 2017, toujours dans le but de l'aider à redresser la situation des magasins en difficulté de [Localité 6] ou [Localité 5], en dépit d'une demande d'intervention sur l'organisation de la réception atelier du magasin de [Localité 5] et faute de mise en place d'un plan d'action ; l'absence de contrôle du service achats malgré des problématiques dont il avait été informé dans la gestion des achats se traduisant par une baisse de chiffres d'affaires de certaines lignes de produits, une mauvaise communication sur les référencements produits, une mauvaise gestion de l'obsolescence, un manque de suivi et de support aux magasins sur la politique des prix et sur l'opacité des conditions négociées avec les fournisseurs ;

- un management déficient se traduisant par : une incapacité persistante à justifier d'un entretien d'évaluation avec l'ensemble des directeurs dont il avait la charge, à renforcer son soutien aux équipes pour atteindre les objectifs commerciaux ou pour préparer les budgets, dans ce cadre, l'incapacité de faire appliquer les consignes et les procédures en vigueur au sein de la société.

Il résulte de ce qui précède que le salarié, dont il a été définitivement jugé qu'il a refusé la proposition de rétrogradation disciplinaire, a été licencié en raison de faits qui étaient à l'origine de cette proposition et qui n'avaient pas été déjà sanctionnés.

S'agissant de l'absence de contrôle et de suivi de la gestion et de la direction des magasins dont le salarié avait la charge, il n'est pas établi par les éléments versés qu'au-delà de la seule affirmation, subjective, d'une insuffisance de visites et contrôles, l'employeur a objectivement notifié au salarié des exigences particulières et suffisamment précises en matière de visite ou de contrôle des magasins ou de leur direction, notamment en terme de fréquence ou de modalités de ces visites et contrôles.

Pareillement, il ne ressort pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour que le salarié a fait preuve de négligence dans l'analyse de la situation des magasins et dans la mise en place de mesures précises qui se seraient imposées à lui dans le cadre d'un exercice normal de ses fonctions ou du nécessaire respect de consignes ou d'instructions dans la supervision de magasins, ni que nonobstant le rappel par l'employeur des enjeux économiques et de l'amélioration du trafic clients, de tels comportements auraient été à l'origine de la dégradation d'indicateurs économiques des magasins ou de la société.

De même, les difficultés managériales imputées au salarié et une insuffisance d'accompagnement des directions et des équipes, ne s'induisent à suffisance d'aucun élément soumis à l'appréciation de la cour, et si l'employeur reproche au salarié d'avoir manqué à sa mission de devoir justifier d'un entretien d'évaluation concernant les directeurs dont il avait la charge, ce reproche apparaît particulièrement général, notamment sur le plan temporel, et n'est pas suffisamment et précisément étayé, ce grief ne pouvant fonder à lui seul le licenciement du salarié justifiant dans l'entreprise d'une ancienneté et d'une progression significatives sans antécédent disciplinaire sinon le simple rappel à l'ordre précité.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le licenciement du salarié n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement est dès lors infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 150 000 euros sur la base d'un salaire mensuel de référence de 9 580,53 euros, en raison, d'une part, d'une expérience remontant au 9 janvier 1990, date de son engagement par la société Eldorauto dont les magasins ont été repris par la société Autobacs France en janvier 2006 et qui l'a contraint à démissionner pour être à son service au motif qu'il était administrativement rattaché au siège social, d'autre part, de son âge, 53 ans, et de sa qualité de travailleur handicapé qui commandait de lui appliquer l'accord d'entreprise imposant à l'employeur une attention toute particulière à l'égard des salariés handicapés en cas de projet de licenciement, de troisième part, d'une situation de non-emploi jusqu'en juin 2022, non indemnisée à partir du 30 novembre 2020.

L'employeur réplique que le salarié ne justifie pas du préjudice qu'il allègue et ne peut obtenir plus de 10,5 mois de salaire en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, que son ancienneté n'est que de 11 ans faute de preuve contraire, que les dispositions conventionnelles invoquées relatives à l'insertion professionnelle des personnes handicapées n'était plus applicables à la date du licenciement et ne concernaient que le licenciement collectif pour motif économique.

Le salarié ne justifie ni d'une ancienneté remontant au-delà de son engagement en janvier 2006 par la société Autobacs ni de l'application de l'accord d'entreprise du 28 décembre 2007 portant sur l'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées qui a été conclu pour une durée de cinq ans couvrant les années 2008 à 2012.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, eu égard aux éléments de la cause et notamment à l'âge du salarié, 47 ans, à son ancienneté, légèrement supérieure à 11 ans, au moment de son licenciement, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 8 janvier 2018, de l'absence de réunion des conditions permettant le maintien de son inscription à Pôle Emploi à compter du 30 novembre 2020, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de

120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est dès lors infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Le salarié soutient que son licenciement est brutal et vexatoire quand l'employeur réplique qu'il n'est justifié d'aucunes conditions brutales ou vexatoires.

Si le salarié allègue avoir été licencié alors qu'il avait fait preuve de sa volonté de poursuivre son investissement personnel constant au profit de l'entreprise en acceptant la rétrogradation pourtant injustifiée, il a été définitivement jugé que la proposition de rétrogradation disciplinaire s'est heurtée à un refus de sa part.

Il invoque par ailleurs des dépassements d'horaires, un travail le dimanche et une augmentation salariale unique et tardive qui en eux-mêmes ne sont pas de nature à établir des conditions de licenciement brutales ou vexatoires.

Il ne justifie pas non plus de telles conditions par l'indemnisation de congés payés non pris dans le cadre du solde de tout compte.

Enfin, il ne produit aucune pièce relative aux conséquences psychologiques qu'il évoque ni ne justifie d'une incapacité à trouver un nouvel emploi en raison des répercussions du licenciement dans son milieu professionnel, toutes allégations qui ne sont pas de nature à établir les conditions brutales ou vexatoires de son licenciement.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Autobacs France, partie principalement succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au bénéfice du salarié auquel sera allouée la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, sur renvoi de cassation,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise du 4 juillet 2019 en ce qu'il déboute M. [O] [W] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

L'infirme en ce qu'il déboute M. [O] [W] de ses demandes de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il statue sur les dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés, et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [O] [W] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Autobacs France à payer à M. [O] [W] la somme de 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Autobacs France à payer à M. [O] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Autobacs France aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 23/02223
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.02223 ?
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