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06/06/2024 | FRANCE | N°22/07615

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 06 juin 2024, 22/07615


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 61B



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 22/07615



N° Portalis DBV3-V-B7G-VSPF





AFFAIRE :



[C] [B]

...



C/



[I] [Z] épouse [Y]







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 06 Décembre 2022 par le Juge de la mise en état du TJ de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 22/04053





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Christophe DEBRAY



Me Franck LAFON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'ar...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 22/07615

N° Portalis DBV3-V-B7G-VSPF

AFFAIRE :

[C] [B]

...

C/

[I] [Z] épouse [Y]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 06 Décembre 2022 par le Juge de la mise en état du TJ de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 22/04053

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 13]

de nationalité Française

C/o Maître François DE CASTRO

[Adresse 1]

[Localité 8]

S.A.S. SERVIER

N° SIRET : 324 444 991

[Adresse 7]

[Localité 11]

S.A.S. BIOPHARMA

N° SIRET : 542 072 459

[Adresse 7]

[Localité 11]

S.A.S. LES LABORATOIRES SERVIER INDUSTRIE

N° SIRET : 420 222 483

[Adresse 7]

[Localité 11]

S.A.S. ORIL INDUSTRIE

N° SIRET : 344 247 232

[Adresse 2]

[Localité 9]

S.A.R.L. SERVIER FRANCE

anciennement dénommée SARL BIOPHARMA

N° SIRET : 402 232 169

[Adresse 6]

[Localité 11]

S.A.S. LES LABORATOIRES SERVIER

N° SIRET : 085 480 796

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Représentant : Me Nathalie CARRERE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A193

Représentant : Me Jacques-antoine ROBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J031

APPELANTS

****************

Madame [I] [Z] épouse [Y]

née le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

***********

FAITS ET PROCEDURE :

Par actes d'huissier des 7 et 25 avril 2022, Mme [I] [Y] a fait assigner les sociétés Les laboratoires Servier, Les laboratoires Servier Industrie, Servier, Biopharma nouvellement dénommée Servier France, Biopharma, Oril Industrie et M. [C] [B], aux fins de les voir condamner in solidum à l'indemniser de son préjudice moral consécutif à la condamnation pénale prononcée le 29 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Paris à leur encontre.

Au cours de l'instruction de l'affaire, la société Les laboratoires Servier et M. [C] [B], ayant seuls constitué avocat, ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- déclaré Mme [Y] recevable en son action à l'encontre de la société Les laboratoires Servier et M. [B],

- débouté la société Les laboratoires Servier et M. [B] de leur demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Les laboratoires Servier et M. [B] à payer à Mme [Y] la somme de mille cinq cent euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé le sort des dépens de l'incident à l'examen de l'affaire au fond,

- conformément à l'article 780 et 781 du code de procédure civile, l'affaire et les parties ont été renvoyées à l'audience de mise en état du 21 février 2023 pour :

* production par la demanderesse de l'ensemble des seconds originaux de son acte introductif d'instance qu'elle a fait délivrer aux défendeurs assignés ;

* conclusions au fond des défendeurs et précisons qu'à cette prochaine audience, un calendrier de procédure pourra être fixé.

Par acte du 19 décembre 2022, M. [B], les sociétés Servier, Biopharma, Les Laboratoires Servier Industrie, Oril Industrie, Servier France, Les Laboratoirs Servier ont interjeté appel de l'ordonnance et prient la cour, par dernières écritures du 31 mars 2023, de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, déclaré Mme [Y] recevable en son action à l'encontre des sociétés Servier, Les Laboratoires Servier, Les Laboratoires Servier Industrie, Biopharma, Oril Industrie, Servier France et M. [B] et a condamné ces derniers au paiement, à son profit, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- juger que l'action engagée par Mme [Y] est prescrite,

En conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [Y],

En tant que de besoin,

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [Y] au paiement, à chacun des appelants, d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 3 mars 2023, Mme [Z] épouse [Y] prie la cour de :

- débouter les appelants de leur demande d'infirmation de l'ordonnance déférée,

- confirmer en tous points l'ordonnance déférée,

- condamner in solidum les appelants à verser à Mme [Y] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- condamner in solidum les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.

SUR QUOI :

La cour n'est saisie que de la question de la recevabilité de l'action de Mme [Y] au regard des règles gouvernant la prescription d'une action personnelle et mobilière telle que visée par l'article 2224 du code civil .

Au soutien de leur appel, les appelants estiment que Mme [Z] épouse [Y] a connu les faits dont elle se plaint depuis plus de dix ans lorsqu'elle a agi, par l'effet de nombreuses publications de presse et livre d'[G] [K] faisant état d'une part, de la défectuosité du produit, voire de sa toxicité et d'autre part, de la mise en examen des susvisés en 2011 dans le cadre de l'information judiciaire suivie à leur encontre.

En mesure d'agir, elle a laissé passer le délai de 5 ans dont le point de départ doit être fixé en 2011.

Mme [Y] expose qu'elle a cru, jusqu'à la décision pénale du 29 mars 2021, que les Laboratoires Servier ne connaissaient pas le caractère toxique de leur médicament au moment où celui-ci lui a été prescrit en 2008-2009. Depuis l'établissement en justice de la tromperie aggravée dont elle a été la victime, elle a subi un préjudice moral du fait de cette confiance trahie qui ne se confond pas avec le préjudice d'anxiété issu de la connaissance de la toxicité cardio-vasculaire du médicament et des risques pour sa santé physique.

Sur ce,

La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance (Cour de cassation 2e chb, 18 avril 2019, n° 17-31050).

Mme [Z] épouse [Y] n'invoque pas le préjudice d'anxiété mais un préjudice moral en lien de causalité avec la révélation de la tromperie aggravée, le caractère conscient de l'infraction pour laquelle les Laboratoire Servier ont été condamnés pénalement .

L'infraction dans tous ses éléments constitutifs à l'origine de ce préjudice moral n'a été établie avec certitude que par le jugement du 29 mars 2021 du tribunal correctionnel de Paris dont les appelants portent la responsabilité personnelle.

C'est avec pertinence que le premier juge a estimé que jusqu'au jour de cette décision, ce n'est pas seulement le dommage de la victime qui demeure éventuel et incertain, c'est aussi la faute même de son auteur. La décision judiciaire établit ainsi un ensemble de faits au sens de l'article 2224 dont la connaissance permet à la victime d'agir utilement.

Les appelants le reconnaissent implicitement en disant que "les faits poursuivis étaient susceptibles d'être constitutifs d'une tromperie et ce, avant leur reconnaissance par la décision du 29 mars 2021" (page 11 de leurs conclusions). Dès lors qu'ils n'étaient que susceptibles, ils ne pouvaient fonder avec certitude une action relative au préjudice moral né de la révélation de leur caractère purement volontaire.

Ainsi, l'action enfermée dans le délai de 5 ans de l'article 2224, ne commence à courir qu'au jour où cette tromperie s'est ainsi révélée de façon certaine dans toute son étendue, c'est-à-dire au jour où le caractère conscient de la commercialisation d'un médicament toxique par les Laboratoires Servier a été révélé avec certitude et n'a plus pu faire de doute dans l'esprit de l'intimée. Peu importe que celle-ci ait eu l'occasion de s'inquiéter de la toxicité du médicament depuis plus de dix ans lorsqu'elle a agi puisque ce n'est pas d'un préjudice corporel ni d'un préjudice d'anxiété dont elle se plaint.

Il s'ensuit qu'il est indifférent, pour l'appréciation du bien-fondé du moyen d'irrecevabilité qui lui est opposé, que Mme [I] [Y] se soit ou non constituée partie civile dans le cadre de l'action pénale ayant donné lieu à la décision susvisée de même qu'elle ait été avertie de la toxicité du médicament dès 2011. Et en fait d'aveu judiciaire, elle n'a fait que reconnaître un préjudice d'anxiété depuis de longues années qui n'est pas celui dont elle demande réparation devant la cour.

Il appartiendra à la juridiction du fond d'examiner l'existence de ce préjudice moral et de son lien de causalité avec l'infraction pénale.

Ayant assigné les appelants dans le délai de cinq ans à compter de la condamnation pénale, soit en avril 2022, l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir et déclaré l'action de l'intimée recevable.

Succombant, les appelants sont condamnés in solidum à une indemnité de procédure de 3000 euros et ils supporteront les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Confirme dans toutes ses dispositions, l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Les laboratoires Servier, Les laboratoires Servier Industrie, Servier, Biopharma nouvellement dénommée Servier France, Biopharma, Oril Industrie et M. [C] [B] à payer à Mme [Z] épouse [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Les laboratoires Servier, Les laboratoires Servier Industrie, Servier, Biopharma nouvellement dénommée Servier France, Biopharma, Oril Industrie et M. [C] [B] aux entiers dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/07615
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.07615 ?
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