COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58F
Chambre commerciale 3-1
(Ex-12e chambre)
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 6 JUIN 2024
N° RG 22/03690 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VHOX
AFFAIRE :
[B] [T]
...
C/
S.A. HELVETIA ASSURANCES
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mai 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2020F00806
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Chantal DE CARFORT
Me Stéphanie TERIITEHAU
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [T]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Société AMLIN INSURANCE SE
[Adresse 3]
[Localité 10] (BELGIQUE)
Représentés par Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Thomas BURGAUD & Me Sébastien LOOTGIETER de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0160
APPELANTS
****************
S.A. HELVETIA ASSURANCES
RCS Le Havre n° 339 489 379
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.A.S.U. CHANTIERS NAVALS VANDENBOSSCHE
RCS Nanterre n° 492 829 593
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentées par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Mathilde ROUSSET & Me Pierre-Yves GUERIN de l'AARPI LMT AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R169
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Décembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [T] est propriétaire d'un bateau-logement sans motorisation dénommé 'Vrouwenzand' qui stationne face au [Adresse 2] (92).
Son bateau se trouve couvert par une police d'assurance fluviale Logifluv n°330000045/0141 souscrite le 24 août 2018 auprès de la société MS Amlin, garantissant notamment la responsabilité civile et les dommages matériels susceptibles d'être occasionnés au bien.
Dans le cadre du renouvellement de son titre de navigation (certificat communautaire), M. [T] a fait monter son bateau en cale aux Chantiers Navals Vandenbossche (ci-après la société Vandenbossche) à la fin du mois de septembre 2018, pour qu'un sondage de coque et une visite de sécurité soient effectués par un expert agréé.
Un expert du cabinet [Y] a inspecté le bateau le 3 octobre 2018. Il a constaté des pertes d'épaisseur de tôles et des chancres de corrosion sur la coque. Il a préconisé des travaux de réfection comprenant la pose de doublantes et divers travaux complémentaires d'amélioration de l'étanchéité.
M. [T] a demandé un devis à la société Vandenbossche. Le devis en date du 4 octobre 2018, prévoyant un montant de travaux de 52.437 € TTC, a été validé le 8 octobre 2018, les travaux devant commencer le 15 octobre suivant.
Après formage des tôles, les 15 et 16 octobre 2018, le pointage des tôles par soudure a commencé le 17 octobre 2018.
Lors de la première journée de soudure, le 17 octobre 2018, un premier départ de feu est survenu à 12h dans le doublage intérieur de la coque, au voisinage des soudures réalisées à l'extérieur. L'incendie naissant a été maîtrisé par le fils de M. [T], présent sur place, « en projetant de l'eau à l'intérieur et en arrachant une partie du vaigrage ».
Le lendemain, 18 octobre 2018, le propriétaire et M. [G] [K], responsable d'une entreprise spécialisée dans l'aménagement intérieur des péniches, sont restés quelques heures sur les lieux pour effectuer des 'fenêtres' dans le doublage intérieur de la coque afin de pouvoir procéder à une extinction rapide du feu en cas de nouveau départ.
Les travaux de soudure ont repris et le pointage des tôles a été réalisé de 7h à 16h/16h30.
Vers 20h, alors que M. [T] avait quitté le chantier, un incendie a de nouveau éclaté à bord du bateau. L'intervention des pompiers, prévenus par les ouvriers, a permis au feu de ne pas se propager dans tout le bateau.
Le 19 octobre 2018, M. [T] a déclaré le sinistre à son assureur.
L'assureur MS Amlin a délégué un expert du cabinet [J] pour évaluer les dommages et a également demandé à un expert du laboratoire Lavoué, spécialisé en incendie, d'intervenir pour déterminer les causes de l'incendie.
L'expert incendie du laboratoire Lavoué a conclu dans son rapport du 28 novembre 2018 que la chaleur des travaux de soudure était à l'origine de l'incendie par conductivité thermique aux matériaux isolants situés derrière les bordés.
S'agissant des dommages matériels, ils ont été évalués par l'expert [J] à la somme totale de 44.219,16 € TTC, les frais de relogement et les pertes financières étant chiffrés à 23.697 €.
La société MS Amlin a indemnisé son assuré au titre des dommages matériels à hauteur de la somme de 43.919,16 €, après déduction d'une franchise de 300 €. Elle a également réglé à M.[T], outre le capital courtoisie d'un montant de 3.000 €, la somme de 10.348,50 € au titre des préjudices immatériels.
Par lettre du 3 octobre 2019 adressée à la société Helvetia Assurances (ci-après Helvetia), assureur de la société Vandenbossche, la société MS Amlin a sollicité le règlement de la somme de 67.916,16 €.
Par courriel du 24 janvier 2020, la société Helvetia a répondu que la responsabilité de son assurée dans le sinistre ne pouvait être retenue.
Par actes du 16 juin 2020, M. [T] et la société Amlin Insurance SE ont fait assigner les sociétés Vandenbossche et Helvetia devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement contradictoire du 13 mai 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Déclaré la compagnie Amlin Insurance SE et M. [T] recevables et bien fondés en leurs demandes ;
- Dit la responsabilité du sinistre partagée à part égales entre M. [T] et les Chantiers Navals Vandenbossche ;
- Condamné in solidum la société Chantiers Navals Vandenbossche et la compagnie Helvetia Assurances SA à payer à la société Amlin Insurance SE la somme de 22.109 €, outre les intérêts légaux à compter du 16 juin 2020, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Condamné in solidum la société Chantiers Navals Vandenbossche et la compagnie Helvetia Assurances SA à payer à M. [T] la somme de 11.728 € outre intérêts légaux à compter du 16 juin 2020, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Débouté la compagnie Amlin Insurance SE et M. [T] de leurs demandes d'indemnisation du préjudice immatériel ;
- Condamné in solidum la compagnie Helvetia et les Chantiers Navals Vandenbossche à régler à la compagnie Amlin Insurance SE et à M. [T] la somme de 1.500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la compagnie Helvetia aux entiers dépens ;
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 2 juin 2022, M. [T] et la société Amlin Insurance SE, représentée en France par son agent, la société MS Amlin Marine NV, ont interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, M. [T] et la société MS Amlin Insurance SE demandent à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris ;
- Dire et déclarer la société Vandenbossche seule responsable du sinistre ;
Et en conséquence,
Statuant à nouveau,
Vu les réglements effectués par la compagnie Helvetia au titre de l'exécution provisoire,
- Condamner in solidum la société Chantiers Navals Vandenbossche et la compagnie Helvetia Assurances SA à payer à la société Amlin Insurance SE :
- La somme de 35.158,66 €, outre intérêts légaux à compter de l'assignation en date du 16 juin 2020, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- La somme de 6.632,33 € au titre des frais d'expertise ;
- La somme de 9.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société Chantiers Navals Vandenbossche et la compagnie Helvetia Assurances SA à payer à M. [T] :
- La somme de 22.076 €, outre intérêts légaux à compter de l'assignation en date du 16 juin 2020, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- La somme de 9.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société Chantiers Navals Vandenbossche et la compagnie Helvetia Assurances SA aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me de Carfort, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, la société Chantiers Navals Vandenbossche et la société Helvetia Assurances SA demandent à la cour de :
- Déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par M. [T] et la société Amlin Insurance SE ;
Sur les fins de non recevoir,
- Faire droit à l'appel incident que forment, par les présentes, la société Helvetia et la société Chantiers Navals Vandenbossche ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement en ce qu'il :
- Déclare la compagnie Amlin Insurance SE et M. [T] recevables et bien fondés en leurs demandes ;
Et, statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable la société Amlin Insurance SE en ses demandes ;
- Déclarer irrecevable ou mal fondé M. [T] en ses demandes au titre du préjudice immatériel ;
Sur le fond,
- Confirmer le jugement de première instance du 13 mai 2022, en toutes ses dispositions non contraires au présent dispositif et notamment en ce qu'il :
- Déclare la responsabilité du sinistre partagée à parts égales entre M. [T] et les Chantiers Navals Vandenbossche ;
- Limite la condamnation des Chantiers Navals Vandenbossche et de la Compagnie Helvetia au paiement de la somme de 22.109 € à la société Amlin Insurance SE et de la somme de 11.728 € à M. [T], outre intérêts légaux ;
- Déboute la compagnie Amlin Insurance SE et M. [T] de leurs demandes d'indemnisation du préjudice immatériel ;
Y ajoutant,
- Débouter les appelants de toutes prétentions plus amples ou contraires ;
Sur les préjudices allégués par les appelants,
- Débouter de plus fort les appelants de tous leurs autres chefs de demandes ou prétentions plus amples ou contraires ;
Subsidiairement, sur la demande de prise en charge de frais d'expertises, si la cour les allouait,
- Ordonner la compensation judiciaire entre les frais d'expertise du Cesam exposés par la société Helvetia soit la somme de 5.253 € et ceux exposés par la société Amlin, soit la somme de 6.632,33 € ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Amlin Insurance SE et M. [T], in solidum, à payer à la société Chantiers Navals Vandenbossche d'une part et à la société Helvetia d'autre part, chacun, une somme globale de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Amlin Insurance SE et M. [T], in solidum, aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Minault Teriitehau, agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Amlin Insurance SE
Au titre d'un appel incident, les intimées soulèvent l'irrecevabilité des demandes de la société Amlin Insurance SE, qui ne peut se prévaloir de la moindre subrogation, qu'elle soit légale ou conventionnelle. Elles font valoir que la subrogation légale suppose le versement d'une indemnité d'assurance en conformité avec la police d'assurance et non le versement d'une somme à titre commercial comme ce fut le cas ; que les conditions générales de la police excluent la prise en charge de tous les sinistres survenus lorsque le bateau est dans l'irrégularité administrative ; que le bateau 'Vrouwenzand', pourtant très ancien (1895), ne respectait pas la réglementation en vigueur et ne disposait pas du certificat communautaire adéquat au moment du sinistre, de sorte que l'assureur de M. [T] aurait pu lui opposer une clause de non-garantie. S'agissant de la subrogation conventionnelle, les intimées observent que la société Amlin Insurance SE en demande ne justifie pas être l'assureur en risque, ni avoir réglé l'indemnité d'assurance.
Les appelants répondent que la compagnie MS Amlin est régulièrement subrogée dans les droits de son assuré en application de l'article L.121-12 du code des assurances ; qu'il importe peu que la procédure de renouvellement du titre de navigation ait été réalisée plus de 10 ans après l'obtention du titre dès lors que les travaux confiés à la société Vandenbossche visaient à régulariser la situation administrative du bateau et à renouveler le titre ; que l'assureur ne peut se substituer à l'administration, notamment à la DRIEAT (Direction interrégionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports), et sanctionner ses assurés pour un non-respect des délais de renouvellement du titre ; qu'en l'espèce, le bateau de M. [T] n'était pas en infraction et disposait d'un titre valable faute d'avoir été retiré. Ils soutiennent qu'en application des clauses 1.2 et 1.3 des conditions générales de la police, la compagnie MS Amlin était tenue de garantir le sinistre et que les dispositions du contrat invoquées par les intimées sont des exclusions générales visant le bateau en navigation et non en cale sèche. Les appelants ajoutent qu'en tout état de cause et à supposer que la compagnie MS Amlin ait indemnisé M. [T] à titre commercial, elle se trouve à tout le moins subrogée à titre conventionnel dans les droits de son assuré ; qu'en effet, suivant les conditions générales, la société MS Amlin Insurance SE est bien l'assureur du contrat et elle a indemnisé M. [T] par l'intermédiaire de son agent néerlandais MS Amlin Marine NV, qui dispose d'une succursale en France.
*****
Selon l'article L.121-12 du code des assurances, « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ».
Il résulte de ces dispositions que l'assureur qui entend faire jouer la subrogation légale doit démontrer qu'il a réglé une indemnité à l'assuré en vertu d'une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité d'indemnité d'assurance.
En l'espèce, les conditions générales Logifluv de la police d'assurance souscrite par M. [T] stipulent au chapitre 3 relatif aux exclusions communes que l'assureur ne garantit jamais « les pertes, dommages, détériorations, dépenses, les litiges, la privation de jouissance et/ou la dépréciation :
(...)
14. survenus alors que vous n'êtes pas titulaire des documents et/ou permis de conduire exigés par la législation en vigueur,
(...)
20. survenus lorsque l'armement de votre bateau assuré n'est pas conforme à la réglementation en vigueur, (...) ».
Il résulte de l'article D.4220-1 du code des transports que tout bateau, engin flottant, établissement flottant ou navire, naviguant sur les eaux intérieures nationales, doit être muni d'un titre de navigation en cours de validité attestant que les prescriptions techniques sont respectées. S'agissant du bateau 'Vrouwenzand' appartenant à M. [T], ce titre est constitué par un 'Certificat communautaire', compte tenu de sa longueur supérieure à 20 mètres (article D.4221-1 du même code). L'article D.4221-8 précise que la durée maximale de validité du titre de navigation est limitée à 10 ans pour les établissements flottants de plus de 20 mètres.
M. [T] expose qu'à la fin du mois de septembre 2018, dans le cadre du renouvellement de son titre de navigation (certificat communautaire), il a fait monter son bateau en cale aux chantiers Vandenbossche pour qu'un sondage de coque et une visite de sécurité soient effectués par un organisme agréé. Le cabinet [Y] Navales Solutions a été chargé de ce contrôle et il a préconisé un certain nombre de travaux nécessaires à la solidité et à l'étanchéité de la coque du bateau. L'expert [Y] conclut ainsi son rapport en date du 26 octobre 2018 : « nous restons dans l'attente de la réalisation des travaux prescrits ci-dessus, avant de nous prononcer sur la conformité de la coque du bateau 'Vrouwenzand' immatriculé P015819F, à la circulaire du 22 octobre 2009 relative à la délivrance du certificat communautaire pour les bateaux de plaisance naviguant ou stationnant en eaux intérieures ».
Si les appelants communiquent un 'Certificat d'établissement flottant' délivré à M. [T] le 24 juin 2013 pour son bateau 'Vrouwenzand' (pièce appelants n°12) et sur lequel il est mentionné que la validité du certificat expire le 20 décembre 2015, ils ne produisent pas le certificat communautaire dont M. [T] indique avoir sollicité le renouvellement.
Pour autant, les appelants reconnaissent que la procédure de renouvellement a été engagée plus de 10 ans après l'obtention du titre, ce que confirme le rapport d'expertise du Laboratoire Lavoué, qui a été mandaté par la société MS Amlin à la suite du sinistre : « L'inspection réglementaire de la coque du navire eut lieu à flot durant l'été 2018 puis en cale sèche aux chantiers navals Vandenbossche le 3 octobre 2018. Le bateau aurait fait l'objet d'un précédent contrôle 12 ans auparavant, alors que la réglementation impose un contrôle tous les 10 ans ».
Ainsi, au jour de l'incendie survenu le 18 octobre 2018, le bateau 'Vrouwenzand' ne disposait pas d'un titre de navigation valide et, compte tenu de l'exclusion de garantie figurant dans la police d'assurance et rappelée supra, l'assureur n'était pas tenu de garantir le sinistre. La subrogation légale de l'article L.121-12 ne peut en conséquence jouer, et ce nonobstant le paiement d'une indemnité par l'assureur.
La société MS Amlin se prévaut en tout état de cause d'une subrogation conventionnelle, dont il convient de rappeler qu'en application de l'article 1346-1 du code civil, elle est subordonnée à la seule volonté expresse de l'assuré, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur.
Les intimées objectent que la société Amlin Insurance SE en demande n'est ni l'assureur en risque, ni la société qui a réglé l'indemnité d'assurance.
Les appelants versent aux débats les conditions générales et les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par M. [T] le 24 août 2018, par l'intermédiaire d'un courtier, l'EIRL Jérôme Hardy à Dijon. Les conditions particulières sont à en-tête de MS Amlin et le nom de la société MS Amlin Marine NV est mentionné en bas de page, avec l'indication que cette société dispose d'une succursale en France installée [Adresse 4]. Les conditions générales stipulent que l'assureur du bateau est la société Amlin Insurance SE représentée par MS Amlin Marine NV, [Adresse 4].
M. [T] et son assureur expliquent et justifient que la société MS Amlin Marine NV est une société de droit néerlandais disposant d'une succursale en France et dont l'activité déclarée est celle d'un intermédiaire d'assurance. C'est ainsi que la société MS Amlin Marine NV représente les intérêts de la société Amlin Insurance SE, comme mentionné dans les conditions générales.
Les appelants produisent également :
- une 'Quittance d'indemnité' signée par M. [T] le 19 août 2019, par laquelle il accepte de recevoir à titre d'indemnité définitive la somme de 54.267,66 € et il donne quittance et subrogation à son assureur à concurrence dudit règlement ;
- une copie du virement effectué le 3 septembre 2019 en faveur de M. [T] et un extrait de son compte bancaire attestant du versement de la somme de 54.267,66 € par la société MS Amlin Marine NV.
Ces différentes pièces établissent que l'assureur est la société Amlin Insurance SE, que l'assuré a été indemnisé par la société MS Amlin Marine NV qui s'est acquittée de la dette d'assurance pour le compte de la société Amlin Insurance SE et qu'avant réception du paiement, l'assuré avait manifesté sa volonté de subroger son assureur, la société Amlin Insurance SE, dans ses droits et actions en lien avec l'incendie dont il a été victime le 18 octobre 2018.
Ainsi, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer la société Amlin Insurance SE recevable en ses demandes, les conditions de la subrogation conventionnelle étant réunies.
Sur les responsabilités dans le sinistre
Les appelants reprochent aux premiers juges d'avoir procédé à un partage de responsabilité qui n'est nullement motivé et qui n'a selon eux pas de sens au regard des dispositions légales applicables. Ils prétendent que la société Vandenbossche est seule responsable du sinistre ; que l'origine de l'incendie est en lien direct avec la réalisation des travaux de soudure effectués par la société Vandenbossche et un défaut de précautions résultant de l'absence de plan de prévention, de permis de feu et d'une surveillance longue par le personnel du chantier après ces travaux, compte tenu du risque de feu couvant. Ils précisent qu'il n'y avait pas de piquet de feu lors de l'incendie et que les moyens d'extinction étaient absents ; que l'ouvrier qui a découvert le feu s'est contenté d'avertir le propriétaire mais n'a mis en oeuvre aucun dispositif de lutte contre l'incendie. Ils rappellent qu'il y avait déjà eu une première alerte le jour précédent avec un début d'incendie maîtrisé in extremis. Ils constatent qu'il aura fallu deux incendies pour que le chantier assume l'obligation de sécurité qui pèse sur lui et qu'il ordonne à deux de ses ouvriers de surveiller le bateau pour éviter toute reprise de feu. Ils considèrent que la société Vandenbossche, qui s'est montrée gravement négligente, a sacrifié les mesures de sécurité pour libérer la cale occupée par le bateau de M. [T] et qu'elle aurait dû exiger le dévaigrage intérieur du bateau avant de poursuivre les travaux de soudure. Ils font valoir que M. [T] est un particulier qui n'a pas de compétence spécifique ni de formation en matière de sécurité incendie ; qu'il n'est pas un 'armateur' ni un transporteur fluvial, de sorte que la clause des conditions générales figurant au verso du devis qui lui est opposée, laquelle présente un caractère abusif au sens de l'article L.212-1 du code de la consommation, lui est inopposable et est inapplicable ; que l'obligation de sécurité du chantier ne pouvait lui être transférée et qu'elle n'aurait pu être déléguée qu'à un professionnel de la sécurité ; qu'en dépit de la carence de la société Vandenbossche, M. [T] a assuré la surveillance des opérations de soudure à l'intérieur du bateau et qu'il a scrupuleusement respecté les consignes du soudeur ; qu'ainsi il ne peut être imputé à M. [T] une quelconque responsabilité dans le sinistre.
Les intimées sollicitent quant à elles la confirmation du jugement entrepris, considérant que seul un partage de responsabilité, tel que celui retenu par les premiers juges et déjà très favorable à M. [T], est envisageable. Elles soutiennent que ce dernier a manqué à son obligation de garde et de conservation du bateau comme de veille incendie et que le chantier Vandenbossche n'a commis qu'une faute résiduelle. Elles soulignent que le contrat liant la société Vandenbossche à M. [T] est un contrat d'entreprise, qu'il n'est pas assorti d'un dépôt accessoire et que le propriétaire conserve, pendant toute la durée des travaux, la garde et donc la surveillance de son bateau, comme prévu dans les conditions générales et le devis que M. [T] a acceptés. Elles considèrent que la clause de gardiennage des conditions générales est valide et que l'utilisation critiquée par les appelants du terme 'armateur' dans les conditions générales doit s'entendre au sens de 'propriétaire' du bateau, ce qui correspond bien à ce qu'est M. [T]. Elles font observer que les travaux objets du devis, urgents et d'un montant conséquent (73 % de la valeur vénale du bateau), présentaient pour celui-ci une importance primordiale puisqu'ils visaient à régulariser la situation administrative de son bateau ; que d'ailleurs M. [T] est revenu sur les lieux des futurs travaux dès le lendemain de l'acceptation du devis, assisté d'un professionnel de l'aménagement intérieur de péniches, lequel était à nouveau présent le jour du sinistre. Elles ne reconnaissent pas à M. [T] la qualité de consommateur et à supposer même qu'il le soit, elles indiquent qu'il ne démontre pas en quoi la clause mettant à sa charge la surveillance et le gardiennage de son bateau serait abusive, ni en quoi elle créerait un déséquilibre significatif entre les parties. Elles font valoir que l'obligation de sécurité lors de l'exécution des prestations du chantier n'est ici pas en cause puisque le feu s'est déclaré alors que les travaux du chantier étaient terminés depuis plus de 2h30 ; que l'obligation de surveillance et de garde doit être distinguée de l'obligation de sécurité, qui a parfaitement été respectée par le chantier ; que la surveillance et la garde continue du bateau représentent un coût important qui aurait été facturé par le chantier si celui-ci en avait eu la charge. Elles soulignent la particulière négligence de M.[T], qui n'ignorait pas le risque de feu couvant et qui a manqué gravement à son obligation contractuelle de garde et de surveillance, au besoin en mandatant un préposé de son choix. Elles exposent qu'il ne peut être reproché au chantier Vandenbossche l'absence de dévaigrage, qui ne participait ni de son travail, ni de son industrie, que le chantier a toujours disposé d'un permis de feu, qu'aucune infraction à la réglementation ne peut lui être imputée et que ses ouvriers soudeurs sont tous des soudeurs qualifiés.
*****
Selon l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». L'article 1104 dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».
L'article 1710 du même code définit le louage d'ouvrage comme le « contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
L'article 1789 de ce code prévoit que « Dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute ».
En l'espèce, M. [T] a sollicité de la société Vandenbossche un devis pour son bateau 'Vrouwensand'. Ce devis, d'un montant total de 53.647 € TTC (48.770 € HT), établi le 4 octobre 2018, prévoyait les travaux suivants :
- Montée en cale sèche du bateau et des bas bordés jusqu'à hauteur de la ligne de flottaison,
- Préparation du bateau à l'expertise par meulage de divers points de sondage,
- Travaux à réaliser suite à expertise de M. [C] [Y] le 3 octobre 2018 (doublage des bouchains tribord et babord, doublage complet des formes avant et arrière (sauf quille), fourniture et pose de 9 anodes sacrificielles au magnésium à eau douce).
Ce devis fait état de la nécessité d'une surveillance du bateau dans les termes suivants : 'IL EST IMPÉRATIF Qu'une surveillance soit assurée par vos soins à l'intérieur du bateau pendant TOUTE la durée des travaux de soudure, et ce, afin d'éviter tout risque d'incendie.'
Il est également mentionné :
'Un dévaigrage ou démeublage sera certainement à réaliser par vous-même ou un menuisier de votre choix avant les travaux de soudure.'
Il ressort d'un courriel du 8 octobre 2018 que M. [T] a retourné le devis signé, formalisant ainsi son acceptation des termes du contrat comme des conditions générales de vente figurant au verso du devis, qu'il ne conteste pas avoir reçues.
Au chapitre IV des conditions générales de vente relatif aux garanties et responsabilités, il est stipulé :
'La mise à sec se fera sous les directives exclusives de l'armateur qui est le seul à connaître les spécificités techniques de son bateau ; si nécessaire, celui-ci devra être dévaigré, délesté, à vide et les lieux d'emplacements des chariots de tirage ou des tains marqués par l'armateur ; à sa demande et à ses frais, un bureau d'étude peut être missionné.
La responsabilité du chantier pour l'opération de tirage à sec ne résulte que dans la mise à disposition des moyens suffisants et le chantier déclare que les capacités maximums par chariot sont de 40 tonnes.
Pendant les réparations ou une reconstruction partielle, la responsabilité du chantier naval concerne les seuls travaux en cours et effectués par ses soins. L'armateur maintient à disposition les membres d'équipage nécessaires pour la garde (notamment pour la veille incendie), l'entretien, les man'uvres et les essais. (...)'
Le chapitre V relatif au gardiennage mentionne s'agissant des bateaux confiés en réparation, que 'Le transfert de garde doit faire l'objet d'une demande de l'armateur qui sera expressément mentionnée au devis avec un état des lieux et une facturation en rapport avec les moyens à mettre en oeuvre'.
Au cas présent, le devis ne mentionne aucun transfert de la garde du bateau confié en réparation à la société Vandenbossche, seuls des travaux de réparation étant listés, comme constaté supra. Selon l'accord des parties, le gardiennage est donc resté à la charge exclusive du propriétaire du bateau.
Dans son courriel du 8 octobre 2018, M. [T] indiquait « je passe au chantier avec [G] [[K]] demain matin à 8h », ce qui démontre qu'avant même le début des travaux, il s'est fait assister d'un professionnel, les appelants précisant eux-mêmes que M. [K] est responsable d'une entreprise spécialisée dans l'aménagement intérieur de péniches. Egalement, comme relevé par les premiers juges, le lendemain du premier départ de feu le 17 octobre 2018, M. [T] a demandé à M. [K] de l'assister pour réaliser des ouvertures dans le vaigrage (doublage intérieur de la coque) afin de pouvoir procéder à une extinction rapide du feu en cas de nouveau départ.
Ainsi, non seulement M. [T] avait été alerté sur le risque d'incendie par une mention spécifique et apparente sur le devis signé par lui mais il avait nécessairement d'autant plus conscience de ce risque et de la nécessité de mettre en oeuvre les moyens de le prévenir après ce premier départ de feu, raison pour laquelle il a d'ailleurs fait appel aux services de M. [K] dès le lendemain. Les appelants ne sauraient donc arguer de la qualité de 'particulier' ou de 'profane' du propriétaire du bateau pour soutenir que la clause des conditions générales relative au transfert de la garde lui est inopposable et qu'il incombait au chantier d'assurer une surveillance du bâteau à l'issue des travaux de soudure.
Outre que cette surveillance constante aurait nécessairement eu un coût que la société Vandenbossche était légitime à facturer à son client, ce qui ne ressort pas de son devis du 4 octobre 2018 accepté par M. [T], il convient de souligner que l'incendie qui s'est déclaré le 18 octobre 2018, après le départ de M. [T] et plus de 2h30 après la fin des travaux de soudure, ne s'est pas propagé à l'ensemble du navire grâce à l'intervention des pompiers, prévenus par les ouvriers résidant dans l'enceinte du chantier, qui n'étaient pourtant pas chargés d'assurer une surveillance.
Le rapport d'expertise établi par le Laboratoire Lavoué, à la demande de la société MS Amlin (assureur de M. [T]), conclut que les incendies qui se sont déclarés les 17 et 18 octobre 2018 à l'intérieur du bateau Vrouwenzand « sont tous les deux liés aux travaux de soudure effectués sur la coque par les chantiers navals Vandenbossche et ont pris tous les deux naissance à l'intérieur du doublage de la coque ». Mais l'expert du Laboratoire Lavoué indique aussi que « l'incendie ne pouvait que se développer car le bateau ne faisait, à ce moment-là, l'objet d'aucune surveillance ».
Selon le rapport de M. [L] [J], également mandaté par la société MS Amlin, « il semble hautement probable que la perforation de la coque occasionnée lors du pointage des tôles ait conduit à l'apparition de gerbes d'étincelles derrière le vaigrage dans la zone cuisine où le feu a manifestement pris naissance »
Le rapport d'expertise de M. [V] [U], commissaire d'avaries mandaté par la société Helvetia (assureur de la société Vandenbossche), confirme un départ de feu dans une zone intérieure vaigrée, suite au pointage d'une tôle de doublante en extérieur.
L'expert [J] comme l'expert [U] estiment qu'une dépose complète du vaigrage (du fait notamment de la présence de feuilles de placage bois particulièrement inflammables) aurait été nécessaire.
Le devis du 4 octobre 2018 se limitait à recommander : 'Un dévaigrage ou démeublage sera certainement à réaliser par vous-même ou un menuisier de votre choix avant les travaux de soudure' et il n'apparait pas que suite au premier départ du feu, la société Vandenbossche ait exigé un dévaigrage du bateau avant de poursuivre les travaux, comme l'ont noté les premiers juges. Il convient néanmoins de relever que lors de l'inspection du bateau réalisée le 3 octobre 2018, M. [Y] a pu constater que dans certaines zones (non précisées cependant), le vaigrage n'était pas démontable.
Ces éléments rendaient d'autant plus indispensable une surveillance du bateau à l'issue des travaux de soudure, compte tenu du risque de feu couvant.
Il n'est pas contesté que les ouvriers soudeurs ont recommandé à M. [T] de rester sur les lieux après leur départ, pendant environ une heure, ce qui n'était manifestement pas suffisant, et si M. [T] déclare avoir quitté le chantier vers 17h30, le bateau est resté ensuite sans surveillance, ce qui relevait en toute hypothèse de sa responsabilité puisque le bateau était sous sa garde et non celle de la société Vandenbossche.
M. [T] est par ailleurs mal fondé à reprocher à l'intimée un défaut de précautions. En effet, outre que comme rappelé supra, l'alerte a été donnée par des ouvriers du chantier qui ont prévenu les pompiers, la société Vandenbossche justifie d'un permis de feu en vigueur au moment des faits ainsi que des certificats de qualification de ses ouvriers soudeurs. L'intimée indique que des moyens d'extinction se trouvaient sur le chantier, ce que confirme l'expert [J], qui précise dans son rapport qu'une lance à eau a été mise à disposition par la société Vandenbossche et disposée dans le bateau, laquelle a d'ailleurs été utilisée lors du premier départ de feu.
C'est ainsi que par une juste appréciation des circonstances de la cause et par des motifs que la cour adopte, le tribunal de commerce de Nanterre a jugé que la responsabilité dans le sinistre survenu le 18 octobre 2018 était partagée à parts égales entre M. [T] et la société Vandenbossche, cette dernière ne s'y opposant pas.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Sur le montant des dommages
Selon le dispositif de leurs dernières écritures, qui seul saisit la cour conformément à l'article 954 du code de procédure civile, les appelants réclament la condamnation in solidum de la société Vandenbossche et de la société Helvetia à payer :
- à la société MS Amlin, la somme de 35.158,66 €, outre intérêts légaux et capitalisation ;
- à M. [T], la somme de 22.076 €, outre intérêts légaux et capitalisation.
Ils soulignent dans leurs écritures que l'expert [J] a fixé à 44.219,16 € TTC l'indemnité d'assurance relative aux frais de reconstruction du bateau, en appliquant aux divers postes de réparation, conformément aux règles de l'assurance dommages, des coefficients de vétusté allant de 25 à 70 % ; que M. [T] a gardé à sa charge le montant des abattements pratiqués par l'assureur, soit la somme de 23.156,02 €, outre une franchise de 300 €. Ils estiment qu'en l'absence d'un marché de biens d'occasion identiques, aucun coefficient de vétusté ne peut être appliqué et que le préjudice matériel doit faire l'objet d'une réparation intégrale par le responsable du dommage à hauteur de la somme totale de 67.675,18 €, qui correspond au coût de remise en état du bateau. Ils affirment qu'il n'y a jamais eu d'accord entre les experts pour réduire le montant du préjudice matériel à 44.219 € comme le soutiennent les intimées. Ils reprochent aux premiers juges d'avoir par ailleurs écarté l'ensemble du préjudice immatériel subi par M. [T] s'élevant à 23.697 € et consistant en des frais de relogement (loyer de 1.895 €/mois de novembre 2018 à juillet 2019) et des frais d'indemnité de stationnement du bateau (COT) versés au Port autonome de [Localité 9] (devenu HAROPA) pendant sa remise en état (607 €/mois pendant 6 mois).
Les intimées soutiennent que les experts des assureurs s'étaient mis d'accord sur l'évaluation du préjudice matériel ; qu'ainsi M. [V] [U], expert CESA désigné par la société Helvetia, a chiffré les dommages (vétusté déduite) à un total de 44.219,16 € HT (hors frais de relogement et autres pertes financières) en accord avec M. [J], expert désigné par la société MS Amlin. Elles font observer que la péniche objet du sinistre date de 1895 et qu'elle était dans un piètre état ; qu'aucun contrôle n'avait été réalisé depuis plus de 12 ans ; qu'au demeurant sa valeur déclarée par M. [T] était faible, fixée par la police d'assurance à la somme maximale de 76.245 €, et ce moins de 2 mois avant l'incendie. Elles rappellent que selon la jurisprudence, les frais de réparation ne peuvent excéder la valeur de remplacement, qui coïncide avec la valeur vénale - tenant compte d'un coefficient de vétusté - lorsque comme c'est le cas et contrairement à ce que prétendent les appelants, il existe un commerce de l'occasion pour le bien endommagé. Elles ajoutent que M. [T] a nécessairement récupéré son certificat communautaire et que de surcroît, sa péniche dispose d'un emplacement. Elles approuvent le tribunal de commerce d'avoir retenu le montant des dommages-intérêts arrêté à l'amiable et d'avoir, compte tenu du partage de responsabilité, limité le préjudice indemnisable de M. [T] et de son assureur à 50 % du quantum. Elles sollicitent également la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice immatériel, au motif que les chefs de ce préjudice ne sont pas démontrés. Elles font notamment valoir que le lien de causalité entre l'incendie du bateau et les frais de relogement allégués n'est pas démontré, M. [T] devant en tout état de cause se loger pendant la durée des travaux confiés à la société Vandenbossche ; qu'en outre lesdits frais de relogement n'ont pas été supportés par M. [T] mais par un tiers; qu'enfin il n'y a pas lieu d'indemniser des dommages qui n'étaient même pas prévisibles au moment de la conclusion du contrat. S'agissant des indemnités de stationnement du Port autonome de [Localité 9], elles soulignent qu'ils auraient de toute façon été réglés, qu'il y ait eu ou non remise en état.
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- sur le préjudice matériel
La société MS Amlin a indemnisé son assuré au titre des dommages matériels à hauteur de la somme de 43.919,16 € après déduction d'une franchise de 300 €. M. [T] a conservé à sa charge le montant des abattements, soit la somme de 23.156,02 € outre la franchise.
Le rapport [J] (expert mandaté par MS Amlin) comme le rapport [U] (expert mandaté par Helvetia) ont en effet évalué le préjudice matériel (vétustés déduites) à la somme totale de 44.219,16 € TTC.
M. [J] mentionne dans son rapport établi le 31 mai 2019 que M. [U] lui a confirmé « partager [son] point de vue » tandis que ce dernier indique dans son rapport en date du 2 décembre 2019 que son évaluation des dommages a été « contradictoirement discutée et acceptée par M. [J] ». Les appelants ne peuvent donc affirmer qu'il n'y a jamais eu d'accord entre les experts sur le chiffrage du préjudice matériel. Ils n'apportent en outre aucun élément utile permettant de remettre en cause cette évaluation.
C'est ainsi à raison que les premiers juges ont pris en compte le montant des dommages matériels arrêtés à l'amiable et pris en charge par l'assureur MS Amlin, soit 44.219 €, et qu'en application du principe de réparation intégrale, ils ont retenu le montant des abattements pratiqués et restés à la charge de M. [T], soit 23.156,02 €, outre la franchise de 300 €.
Les intimées ne discutent pas ces sommes.
Par conséquent, la responsabilité de la société Vandenbossche dans le sinistre ayant été retenue à hauteur de 50 %, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Vandenbossche et son assureur, la société Helvetia à payer :
- à la société Amlin Insurance SE la somme de 22.109 € (44.219 € / 2),
- à M. [T] la somme de 11.728 € ([23.156 € + 300 €] /2)
ces sommes étant majorées des intérêts légaux à compter du 16 juin 2020, date de l'assignation, et la capitalisation étant ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.
- sur les préjudices immatériels
Les premiers juges méritent également d'être suivis en ce qu'ils ont débouté M. [T] de sa demande d'indemnisation des préjudices immatériels allégués, par des motifs pertinents que la cour adopte.
Sur les frais d'expertise
Les appelants sollicitent la réformation du jugement entrepris en ce qu'il n'a pas pris en compte les frais d'expertise et la condamnation in solidum de la société Vandenbossche et de la société Helvetia à rembourser intégralement ces frais à la société MS Amlin, soit la somme de 6.632,33 €, qui recouvre tant les frais du cabinet Lavoué, expert incendie, que ceux de M. [J], qui a évalué le sinistre et chiffré les dommages.
Les intimées font valoir en réplique que la société Helvetia a également engagé des frais d'expertise, d'un montant de 5.253 €, et qu'il appartient aux parties de conserver à leur charge les frais d'expertise engagés pour la défense de leurs intérêts. Elles s'opposent en conséquence à la demande présentée par les appelants.
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Compte tenu du partage de responsabilité entre leurs assurés respectifs, les frais d'expertise engagés par chacun des assureurs pour la défense de leurs intérêts resteront à leur charge, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, M. [T] et la société MS Amlin, qui succombent en leur appel, supporteront in solidum les dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la SELARL Minault Teriitehau, agissant par Me Teriitehau, avocat.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 mai 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [B] [T] et la société Amlin Insurance SE in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la SELARL Minault Teriitehau, agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat ;
REJETTE toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,