La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°22/02978

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 06 juin 2024, 22/02978


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 22/02978

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOG5



AFFAIRE :



[Z] [V]



C/



S.A.S. KADENSIS

...



S.A. RENAULT





Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 21 Juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E
>N° RG : 21/00197



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Joëlle AKNIN



Me Maïté OLLIVIER



Me Martine DUPUIS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 22/02978

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOG5

AFFAIRE :

[Z] [V]

C/

S.A.S. KADENSIS

...

S.A. RENAULT

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 21 Juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 21/00197

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Joëlle AKNIN

Me Maïté OLLIVIER

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [V]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Joëlle AKNIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0398

APPELANT

****************

S.A.S. KADENSIS

N° SIRET : 880 74 8 6 52

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Maïté OLLIVIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 - Substitué par Me Maud ROZENEK, avocat au barreau deHAUTS-DE-SEINE

S.A. RENAULT

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Anne-laurence FAROUX de la SAS OLLYNS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T14

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

FAITS ET PROCEDURE.

A compter du 1er octobre 2016, la société SCM Conseil, ayant une activité de conseil aux entreprises et dirigée par M. [V], a conclu plusieurs contrats de prestation de services avec la société de droit italien PI-VI Ricambi, puis avec la société de droit néerlandais Renault Nissan BV, filiales de la société Renault SAS.

M. [V] a ensuite conclu un contrat de travail avec la société Palo IT qui a été rompu à la suite d'un licenciement en janvier 2020.

M. [V] a été embauché à compter du 1er février 2020 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de 'directeur général des opérations et directeur pays-France', avec le statut de cadre dirigeant, par la société Kadensis, filiale de la société Renault SAS et ayant une activité de commercialisation de pièces détachées automobiles.

Ce contrat a prévu une rémunération fixe d'un montant de 160 000 euros brut et une rémunération variable.

La convention collective applicable à cette relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils dite Syntec.

Parallèlement, M. [V] a été président de la société Laurent RPI ayant une activité de rénovation de pompes et injecteurs.

Par lettre du 27 octobre 2020, la société Kadensis a convoqué M. [V] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 16 novembre 2020, la société Kadensis a notifié à M. [V] son licenciement pour faute grave.

Le 16 avril 2021, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour, d'une part, contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Kadensis à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail et, d'autre part, demander la requalification des contrats de prestations de services et de travail conclus entre 2016 et le 31 janvier 2020 en un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Renault SAS et la condamnation de cette dernière à lui payer une 'indemnité de requalification'.

Par un jugement du 21 juillet 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que les demandes formées par M. [V] à l'encontre de la société Renault sont irrecevables ;

- dit que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Kadensis à payer à M. [V] les sommes suivantes :

* 7 555,55 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied et 755,55 euros au titre des congés payés afférents ;

* 39'999,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 999,99 euros des congés payés afférents ;

* 2 962,96 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 13'333,33 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Renault SAS et la société Kadensis de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné le remboursement par la société Kadensis des indemnités de chômage versées à M. [V] dans la limite de six mois d'indemnités ;

- condamné la société Kadensis aux dépens.

Le 3 octobre 2022, M. [V] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Kadensis et de la société Renault SAS.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [V] demande à la cour de :

1) confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et a condamné KADENSIS à lui verser le rappel de salaire, et les congés payés sur rappel de salaire, l'indemnité de préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité à titre de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et au titre de l'article 700 du CPC.

2) INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau de :

- le déclarer recevable en ses demandes ;

- DEBOUTER RENAULT SAS et KADENSIS de leurs demandes,

- FIXER la moyenne mensuelle du salaire à la somme de 21 429,00 euros,

- CONDAMNER KADENSIS SASU à lui payer les sommes suivantes :

*Compensation de 17 jours de mise à pied : 12 143 euros

*Congés payés sur mise à pied : 1214 euros

*Préavis 3 mois : 64 287 euros

*Congés payés sur préavis : 6429 euros

*Bonus Annuel : 80 000 euros

*Rappel avantages en nature voiture 13 344 euros

*Travail pendant les congés : 42 858 euros

*Licenciement sans cause réelle et sérieuse 21 429 euros

*Préjudice professionnel 486 268 euros

*ICL (base 4,08 ans d'ancienneté salarié) 28 572 euros

*Article 700 du Code de procédure civile : 7 000 euros

-REQUALIFIER l'ensemble des contrats de prestations de services et de portage intervenus entre 2016 et le 31 janvier 2020 en contrat de travail à durée indéterminé conclu avec RENAULT SAS

- CONDAMNER RENAULT SAS à lui payerles sommes suivantes :

* Indemnité sur requalification des contrats successifs 128 574 euros

* Article 700 du Code procédure civile : 5 000 euros

- CONDAMNER KADENSIS et RENAULT SAS aux entiers dépens, de première instance et

d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Kadensis demande la cour de :

1 ) Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- Fixé le montant du salaire moyen de M.[V] à la somme de 13.333,33 euros bruts

- Débouté M.[V] du surplus de ses demandes,

2) Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur les condamnations prononcées à son encontre, le débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de

- DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de M.[V] est justifié

- DEBOUTER M.[V] de ses demandes formulées à son encontre ;

- A titre subsidiaire,

- FIXER la rémunération de référence à 13.333,33 euros brut

- LIMITER le montant de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse au minimum

légal

- En tout état de cause,

- CONDAMNER M.[V] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER M.[V] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Renault SAS demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré les demandes de M. [V] à son encontre irrecevables ;

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [V] statuant à nouveau sur ce chef, condamner M. [V] à lui payer une somme de 5000 euros à ce titre, outre les entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 2 avril 2024.

SUR CE :

Sur la recevabilité des demandes relatives à la reconnaissance d'un contrat de travail à durée indéterminée avec la société RENAULT SAS :

M. [V] soutient qu'il a travaillé depuis octobre 2016 'exclusivement pour le projet ALL PARTS (...) pour Renault SAS au travers de différentes sociétés détenues ou liées à elle'. Il demande donc la requalification des contrats de prestations de service et du contrat de travail conclus avec ces filiales en un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Renault SAS et une 'indemnité sur requalification des contrats successifs'.

La société Renault SAS conclu à l'irrecevabilité des demandes en faisant valoir qu'elle n'a jamais été l'employeur de M. [V].

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur. Il appartient en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail de rapporter la preuve qu'il exécute une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération sous la subordination juridique de l'employeur qui consiste pour ce dernier à exercer le pouvoir de donner des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En l'espèce, en premier lieu, il ressort des débats que la société de conseil que M. [V] dirigeait a conclu des contrats de prestation de service avec la société de droit italien PI-VI Ricambi, puis avec la société de droit néerlandais Renault Nissan BV, filiales de la société Renault SAS.

M. [V] a ensuite conclu un contrat de travail avec société Palo IT qui a été rompu à la suite d'un licenciement en janvier 2020, sans qu'il ne démontre que cette société était une filiale de la société Renault SAS.

Aucun contrat n'a donc été conclu entre M. [V] et la société Renault SAS.

En deuxième lieu, au soutien de sa demande de reconnaissance d'un contrat de travail avec la société Renault SAS, M. [V] verse aux débats :

- des courriels rédigés en langue étrangère et non traduits en français, qui doivent donc être écartés des débats ;

- un échange de courriels avec Mme [X] [J], dont la qualité est inconnue, relative à des projets de carte de visite au nom de 'Partadvisor', ainsi que des projets d'organigramme relatifs à 'Partadvisor' dans lesquels son nom figure, sans plus d'éléments et sans qu'un lien soit établi entre ce projet 'Partadvisor' et la société Renault SAS ou l'une de ses filiales ;

- quelques courriers abscons échangés avec des destinataires dont la qualité n'est pas précisée et qui ne font pas ressortir l'existence d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de la part de la société Renault SAS ou d'une de ses filiales à l'égard de l'appelant ;

En troisième lieu et au surplus, M. [V] n'établit en rien l'existence d'une immixtion permanente de la société Renault SAS dans la gestion économique et sociale de ses filiales conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de ces dernières.

En conséquence, M. [V] n'établit pas l'existence d'un contrat de travail avec la société Renault SAS.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il déclare les demandes formées par M. [V] contre la société Renault SAS irrecevables, pour défaut de qualité d'employeur.

Sur le rappel de ' bonus annuel ' :

Aux termes de l'article 6 du code de procédure civile : 'A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder'.

En l'espèce, il ressort d'un document annexé au contrat de travail que la rémunération variable de M. [V] a été fixé à 80 000 euros pour l'année en cours et que son paiement a été conditionné à l'atteinte de différents objectifs.

Au soutien de sa demande de paiement de la totalité de cette rémunération variable, M. [V] se borne à faire valoir que 'les objectifs annuels étaient en bonne voie d'être atteints', sans donc alléguer que ces objectifs ont été effectivement atteints.

Il n'allègue pas de la sorte l'existence du fait générateur de la créance salariale en litige.

Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande.

Sur le 'rappel avantages en nature voiture' à hauteur de 13 344 euros :

En l'espèce, M. [V] ne soulève aucun moyen intelligible au soutien de cette prétention.

Il y a donc lieu de confirmer le débouté de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement pour faute grave, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : « Lors de l'entretien, qui s'est tenu le 9 novembre 2020, avec votre accord, par visioconférence, compte tenu des circonstances sanitaires actuelles, nous vous avons exposés les motifs nous ayant conduit à engager la présente procédure et vous avons proposé d'apporter vos explications.

Nous vous avons ainsi exposés la grave confusion que nous avions constatée entre vos fonctions de Directeur Général des opérations et Directeur Pays ' France de notre société et vos activités en qualité de Dirigeant de la société Laurent RPI ainsi que vos insuffisances de résultats et professionnelles que nous déplorions et qui sont à notre sens en lien avec votre déloyauté à l'égard de la société KADENSIS.

En votre qualité de Directeur Général des opérations et Directeur Pays ' France vous étiez notamment en charge de la définition des processus commerciaux adaptés pour atteindre les objectifs de lancement de KADENSIS qui a été créée le 20 janvier 2020, création sur laquelle vous avez été directement impliqué puisque vous avez été un des premiers salariés de cette société.

Or, nous vous avons constaté à l'occasion de ma nomination en qualité de Président de la société KADENSIS fin octobre 2020 un manque flagrant de résultats et de développement commerciaux au niveau de la société notamment concernant le nombre de garages et de

distributeurs référencés ce qui a pour conséquence immédiate une insuffisance dans le nombre

de commandes effectives sur la plate-forme de la société : A titre d'exemple, nous avons relevé

1274 référencements au lieu des 4427 prévus pour la période de juillet à octobre 2020.

Ces résultats sont la conséquence de l'absence de mise en place des processus commerciaux adaptés, d'une carence dans le pilotage des démarches commerciales des équipes et la définition d'une stratégie à même de remplir les objectifs de développement commerciaux de la société KADENSIS.

Lors de notre entretien du 9 novembre dernier, vous avez refusé de vous expliquer sur ces éléments. Pour autant, vos résultats sont très clairement insuffisants et ce, alors même que vous disposiez de l'autonomie et des moyens nécessaires pour conduire et développer l'activité commerciale de la société.

En particulier, il n'est pas acceptable qu'en votre qualité de Directeur Général des Opérations et Directeur Pays ' France vous ne réalisiez que 30% des objectifs qui vous sont assignés sans

apporter des propositions sérieuses alternatives pourtant indispensables pour assurer des

perspectives à l'entreprise ni apporter d'explication et d'analyse de cette situation.

Vous avez d'ailleurs refusé de poursuivre l'entretien lorsqu'il s'est agi de nous expliquer votre niveau de résultat et le lien que nous avons identifié entre ce manque de résultat et vos activités extérieures à l'entreprise dans le cadre de la société Laurent RPI que vous dirigez. En effet, nous considérons que votre insuffisance de résultat est la conséquence directe de votre comportement déloyal dans l'exercice de vos fonctions au sein de la société KADENSIS.

La seule explication fournie pendant l'entretien est que vos activités de Dirigeant de la société

Laurent RPI s'articulaient avec celles de la société KADENSIS.

Une telle réponse n'est pas de nature à modifier notre analyse de la situation. En effet, si la société KADENSIS a toléré temporairement votre activité externe, cela devait se faire de manière « réduite » et de manière secondaire exclusivement, comme cela vous avait été exposé par courrier du 30 janvier dernier. Par ailleurs, cette souplesse ne remettait pas en cause l'obligation de loyauté rappelée dans votre contrat de travail, et s'entendait évidemment à la condition que cela n'impacte pas vos responsabilités au sein de la société KADENSIS. Ce document précisait par ailleurs que vous deviez « vous assurer que vous consacrerez le temps nécessaire à l'exercice de vos fonctions qui impliquent, compte tenu du niveau de responsabilité qui vous est confié et du caractère stratégique de vos missions pour nos activités en plein investissement ». Or, les résultats commerciaux de la société KADENSIS démontrent un manque d'analyse et de travail de votre part pour le développement de ces activités sur lesquelles vous ne vous êtes pas impliquées suffisamment et démontre que vous avez largement privilégié le développement de votre société au détriment de la société KADENSIS.

Vous n'avez, par ailleurs, eu de cesse de confondre vos activités pour Laurent RPI et pour KADENSIS et consacriez même une partie de votre temps de travail à promouvoir la société Laurent RPI, encourageant les commerciaux à en faire de même. En particulier nous avons constaté que des rapports d'activité mentionnaient explicitement un double démarchage auprès

des prospects. Vous avez même transmis des notes de frais exposés pour le compte de la société

Laurent RPI auprès de la société KADENSIS pour en obtenir le remboursement. Vous avez donc

sciemment utilisé votre temps de travail salarié et les moyens accordés à la société KADENSIS

pour développer votre propre société.

Nous avons constaté que vous n'hésitiez pas à promouvoir des présentations commerciales

conjointes « Partakus » (marque de KADENSIS) et « Laurent RPI » vis-à-vis des distributeurs

en orientant le choix des derniers pour la société Laurent RPI et à recourir au personnel de la

société KADENSIS pour travailler sur vos présentations commerciales pour le compte de votre

société Laurent RPI.

Ce comportement dépasse largement la tolérance accordée et une conciliation loyale entre vos

fonctions au sein de la société KADENSIS et de votre société Laurent RPI et est parfaitement

inacceptable.

La gravité des faits, la confusion que vous avez organisée entre vos activités et vos responsabilités au sein de la société KADENSIS et celles pour le compte de la société Laurent

RPI, qui plus est au détriment direct de la société KADENSIS rendent impossible le maintien de

vos responsabilités dans l'entreprise et la poursuite de votre contrat de travail.

Pour cette raison, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute

grave'.

M. [V] soutient que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

- aucune insuffisance de résultats ne peut lui être imputée puisqu'ils ont été affectés par les mesures liées à la crise sanitaire de la Covid-19, que les chiffres avancés sont inexacts et qu'il a été licencié avant même le terme de la période annuelle en permettant l'évaluation ;

- les griefs tirés d'une absence de mise en place des processus commerciaux adaptés, d'une carence dans le pilotage des démarches commerciales des équipes et la définition d'une stratégie à même de remplir les objectifs de développement commerciaux sont imprécis et non établis ;

- le grief tiré d'une confusion entre son emploi salarié et son activité de direction de la société Laurent RPI n'est pas établi et il a respecté l'autorisation de cumul de ces activités donnée par la société Kadensis lors de la conclusion de son contrat de travail.

Il réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture, outre un rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire.

La société Kadensis soutient que l'insuffisance de résultats et ses causes fautives sont établies. Elle conclut donc au débouté des demandes d'indemnités subséquentes.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En l'espèce, en premier lieu, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment du rapport du commissaire aux comptes de la société Kadensis, que les mesures prises par les autorités publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire liée à la covid-19 ont eu un 'effet significatif sur le développement de l'activité de la société' en 2020. En outre, M. [V] a été licencié avant le terme de la période d'évaluation de ses résultats, laquelle était annuelle. La société Kadensis ne peut donc reprocher à M. [V] une insuffisance de résultats.

En deuxième lieu, la société Kadensis ne verse aucun élément venant étayer les griefs, au demeurant imprécis, tirés d'une absence de mise en place de processus commerciaux adaptés, d'une carence dans le pilotage des démarches commerciales des équipes et la définition d'une stratégie à même de remplir les objectifs de développement commerciaux, se bornant à procéder par allégations.

En troisième lieu, la société Kadensis a, par lettre du 30 janvier 2020, autorisé M. [V] à conserver une activité complémentaire de dirigeant de la société Laurent RPI, 'sous réserve que cette activité secondaire soit réduite' et en respectant son obligation de loyauté.

Au soutien d'une méconnaissance de cette obligation de loyauté, tiré du fait d'avoir utilisé son temps de travail salarié et les moyens de la société Kadensis pour développer l'activité de la société Laurent RPI hors des limites de l'autorisation du 30 janvier 2020, la société Kadensis verse aux débats :

- une acception d'invitation à une réunion à [Localité 7] le 9 octobre 2020 tirée de l'agenda électronique, sans autre précision quant au contenu de cette réunion ;

- deux échanges de courriels obscurs intervenus le 15 février 2020 et le 23 octobre 2020 entre M. [V] et des personnes dont les fonctions sont inconnues, relatifs à un projet de 'déplacement Ferron+Faral' et à 'Stock Casse 70 et 25" qui ne fait en rien ressortir que M. [V] 'a promu des présentations commerciales conjointes 'Partakus' et Laurent RPI vis-à-vis des distributeurs en orientant le choix de ces derniers pour la société Laurent RPI et a eu recours au personnel de la société Kadensis pour travailler sur les présentations commerciales pour le compte de la société Laurent RPI' , contrairement à ce qui est prétendu.

Par ailleurs, aucun élément n'est versé sur le paiement par la société Kadensis de déplacements faits par M. [V] pour le compte de la société Laurent RPI.

Il résulte de ce qui précède qu'aucune faute de M. [V] n'est établie et que le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse comme l'ont justement estimé les premiers juges. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

En conséquence, et eu égard à une rémunération moyenne mensuelle s'élevant, au vu des pièces versées et à l'absence de créance au titre de la rémunération variable de M. [V] ainsi qu'il est dit ci-dessus, à la somme de 14 445,33 euros brut, il y a lieu d'allouer à l'appelant une somme de 43 336 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 4 333,60 euros brut au titre des congés payés afférents. Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Il sera par ailleurs alloué à M. [V] une somme de 8185,61 euros brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire outre 818,56 euros brut au titre des congés payés afférents. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

M. [V] est également fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant maximal d'un mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l'appelant faute d'effet direct horizontal. Eu égard à son âge (né en 1961), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (chômage justifié jusqu'en juillet 2021) , il y a lieu d'allouer une somme de 14 000 euros à ce titre. Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

S'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'article 18 de la convention collective dans sa version applicable au litige, prévoit le paiement de cette indemnité à tout salarié licencié justifiant d'au moins deux années d'ancienneté. M. [V], qui a une ancienneté inférieure à une année au sein de la société kadensis, n'est donc pas fondé à en réclamer le paiement. Il y a ainsi lieu de débouter le salarié de cette demande et d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour 'préjudice professionnel' :

En l'espèce, M. [V] invoque un préjudice calculé sur une perte de revenus consécutive à son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce faisant, il n'invoque aucun préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse régie par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui lui a été alloué ci-dessus.

Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande.

Sur la somme réclamée au titre du 'travail pendant les congés' :

M. [V] réclame à ce titre, aux termes d'une argumentation confuse, un rappel de salaire pour heures supplémentaires à raison du travail accompli, selon lui, pendant des jours de congés payés et des jours fériés.

Toutefois, il est constant qu'il avait la qualité de cadre dirigeant.

N'étant ainsi pas soumis aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail par l'effet des dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail, il n'est pas fondé à réclamer un rappel de salaire à ce titre.

Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail : 'Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11".

M. [V] ayant une ancienneté dans la société Kadensis inférieure à deux années au moment du licenciement, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement par cette société des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ces deux points.

En outre, la société Kadensis sera condamnée à payer à M. [V] une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel exposés par M. [V].

M. [V] sera condamné à payer à la société Renault SAS une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel exposés par cette société.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il statue sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Kadensis à payer à M. [Z] [V] les sommes suivantes :

- 43 336 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 333,60 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 8 185,61 euros brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire et 818,56 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute M. [Z] [V] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamne M. [Z] [V] payer à la société Renault SAS une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Dit n'y avoir lieu à remboursement par la société Kadensis aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Z] [V],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Kadensis aux dépens d'appel exposés par M. [Z] [V],

Condamne M. [Z] [V] aux dépens d'appel exposés par la société Renault SAS.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02978
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.02978 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award