La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°22/02174

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 06 juin 2024, 22/02174


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80F



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 22/02174

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJZA



AFFAIRE :



AGS CGEA [Localité 4]



C/



[F] [K]

...

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Me [T] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A INT-SERVICES







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13

Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : F 21/00713



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP HADENGUE et Associés



la SELARL LFMA



Me Carine COOP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80F

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 22/02174

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJZA

AFFAIRE :

AGS CGEA [Localité 4]

C/

[F] [K]

...

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Me [T] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A INT-SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : F 21/00713

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP HADENGUE et Associés

la SELARL LFMA

Me Carine COOPER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

AGS CGEA [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

Représentant : Me Capucine BOYER CHAMMARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Me [T] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A INT-SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Carine COOPER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411

APPELANTS

****************

Monsieur [F] [K]

de nationalité Française

CHRS [7], [Adresse 2]

[Localité 5]/FRANCE

Représentant : Me Julie MERGUY de la SELARL LFMA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2451

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008666 du 30/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE.

M. [F] [K] a signé, le 16 mars 2021, un contrat d'apprentissage pour la période du 18 mars 2021 au 17 mars 2023 en vue de l'obtention d'un diplôme 'd'agent de médiation en information et services' avec la société Int-Services, entreprise de travail temporaire dirigée par M. [I].

M. [K] a par ailleurs été inscrit simultanément auprès de la société ISS Formations, ayant le statut de centre de formation d'apprentis et dirigée également par M. [I], pour une formation 'd'agent de sécurité'.

La société Int-Services a remis à M. [K] des bulletins de salaire pour les mois d'avril et mai 2021.

Le 2 juillet 2021, l'autorité administrative a, sur le fondement des articles L. 6225-1 et suivants du code du travail, pris une décision d'opposition à l'engagement d'apprentis pour une durée de deux ans à l'encontre de la société Int-Services et a dit que les contrats d'apprentissage en cours ne pouvaient continuer à être exécutés et étaient rompus à la date de notification de cette opposition.

Le 21 juillet 2021, M. [K] et la société Int-Services ont signé un document de résiliation du contrat d'apprentissage motivé par la décision administrative d'opposition du 2 juillet 2021.

Le 11 octobre 2021, M. [K] a conclu un contrat d'apprentissage avec une autre société.

Le 14 octobre 2021, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour demander notamment la condamnation de la société Int-Services à lui payer ses salaires pour la période de juin 2021 à février 2023 outre diverses sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité pour travail dissimulé.

Par un jugement du 10 février 2022, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Int-Services et a désigné la société ML Conseils, prise en la personne de Me [T] [O], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 13 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Int-Services la créance de M. [K] aux sommes suivantes :

* 17'392,41 euros à titre de rappel de salaire dû pour la période du contrat d'apprentissage

* 173,92 euros au titre des congés payés afférents ;

- ordonné à Me [T] [O] de fournir à M. [K] les bulletins de salaire correspondants, les documents de fin de contrat conformes à la décision (certificat de travail, attestation pôle emploi, solde de tout compte) sous astreinte de 15 euros par jour pour l'ensemble des documents, à compter du soixantième jour à partir du prononcé ;

- dit que le jugement est commun et opposable à l'AGS CGEA [Localité 4] et que cet organisme viendra en garantie dans les éventuelles limites des dispositions légales ;

- dit que l'obligation de faire l'avance de fonds ne pourra s'exécuter que sur présentation par le mandataire judiciaire d'un relevé et des justifications de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

- débouté M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 8 juillet 2022, la société ML Conseils, prise en la personne de Me [T] [O], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Int-Services et l'AGS CGEA [Localité 4] ont chacune interjeté appel de ce jugement.

Ces deux procédure d'appel ont fait l'objet d'une jonction sous le numéro RG 22/02174.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société ML Conseils, prise en la personne de Me [T] [O], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Int-Services, demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Int-Servicces des créances de rappel de salaire et de congés payés afférents et a ordonné la remise de documents sociaux sous astreinte et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de prononcer la nullité du contrat d'apprentissage de M. [K] et le débouté de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, l'AGS CGEA [Localité 4] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Int-Services les créances de rappel de salaire et de congés payés afférents, a ordonné la remise de documents sociaux sous astreinte et l'application sa garantie et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :

- à titre principal, la mettre hors de cause ;

- à titre subsidiaire, constater la nullité du contrat de travail de M. [K] et débouter M. [K] de ses demandes ;

- en tout état de cause :

* la mettre hors de cause au titre de la demande d'astreinte, de la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* juger que sa garantie est plafonnée, toute créance avancée à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail ;

* juger que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour mise en danger et absence de visite médicale d'embauche, de dommages-intérêts pour absence de 'complémentaire santé', de dommages-intérêts pour travail dissimulé et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Int-Services sa créance aux sommes suivantes :

* 1 896 euros à titre de dommages-intérêts pour mise en danger de la santé et défaut de visite médicale ;

* 1 896 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de couverture complémentaire santé ;

* 5688 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;

- condamner les intimées à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- dire que l'AGS CGEA [Localité 4] doit sa garantie pour l'ensemble des créances conformément aux dispositions légales.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 2 avril 2024.

SUR CE :

Sur la nullité du contrat d'apprentissage et ses conséquences :

Aux termes du I.- de l'article L. 632-1 du code de commerce : 'I.- Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : (...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie'.

Aux termes de l'article L. 6226-1 du code du travail : ' Les entreprises de travail temporaire mentionnées à l'article L. 1251-45 peuvent conclure des contrats d'apprentissage. Ces contrats assurent à l'apprenti une formation professionnelle dispensée pour partie en entreprise dans le cadre des missions de travail temporaire définies au chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie et pour partie en centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 1251-57.

La durée minimale de chaque mission de travail temporaire effectuée dans le cadre de l'apprentissage est de six mois. Le temps consacré aux enseignements dispensés en centre de formation d'apprentis ou en section d'apprentissage et afférents à ces missions est pris en compte dans cette durée.

La fonction tutorale mentionnée à l'article L. 6223-6 est assurée par un maître d'apprentissage dans l'entreprise de travail temporaire et par un maître d'apprentissage dans l'entreprise utilisatrice'.

En l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment de la décision administrative d'opposition à l'engagement d'apprentis, de courriels adressés par M. [K] à la société Int-Services, de courriers adressés par le liquidateur judiciaire de la société Int-Services à des entités désignées comme entreprises utilisatrices d'apprentis engagés par cette dernière, que :

- le tribunal de commerce ayant fixé la date de cessation des paiements de la société Int-Services au 15 janvier 2021, le contrat d'apprentissage signé par M. [K] le 16 mars 2021 a ainsi été conclu en période suspecte ;

- la société Int-Services, entreprise de travail temporaire, qui employait alors cinq salariés permanents, a par ailleurs conclu concomitamment 127 contrat d'apprentissage sans être en mesure d'organiser une relation d'apprentissage régulière en son sein et au sein d'entreprises utilisatrices et sans avoir les fonds nécessaires pour les payer ;

- aucune formation n'a été dispensée à M. [K] ainsi qu'il le reconnaît dans ses conclusions;

- aucune action d'apprentissage n'a été accomplie par M. [K] au sein de l'entreprise utilisatrice auprès de laquelle il allègue avoir été placée, à savoir le 'centre d'hébergement d'urgence de [Localité 8]', comme il l'indique lui même dans son courriel du 17 juillet 2021 adressé à la société Int-Services.

Il en résulte que le liquidateur judiciaire est fondé à soutenir que les obligations de la société Int-Services, qui était en état de cessation des paiements, excédaient notablement celles de M. [K].

Il y a donc lieu de prononcer la nullité du contrat d'apprentissage en litige par application des dispositions du code de commerce mentionnées ci-dessus.

Il s'ensuit que, d'une part, il y a lieu de débouter M. [K] de ses demandes de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Int-Services de créances au titre d'un rappel de salaire et de congés payés afférents, de remise de documents sociaux sous astreinte et de garantie de l'AGS, le jugement attaqué étant infirmé sur ces différents chefs. D'autre part, il y a lieu de confirmer le débouté des autres demandes indemnitaires de M. [K].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, il y a lieu également de débouter M. [K] de sa demande au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 pour la procédure suivie en appel et de condamner ce dernier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il déboute M. [F] [K] de ses demandes,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que le contrat d'apprentissage conclu entre M. [F] [K] et la société Int-Services le 16 mars 2021 est nul,

Déboute M. [F] [K] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [F] [K] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/02174
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.02174 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award