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06/06/2024 | FRANCE | N°22/01129

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 06 juin 2024, 22/01129


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUIN 2024



N° RG 22/01129

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDXH



AFFAIRE :



[C] [L]



C/



S.A.S.U. TDF









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 19/

00581



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Anthony CARAMAN



Me Virginie BADIER-CHARPENTIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2024

N° RG 22/01129

N° Portalis DBV3-V-B7G-VDXH

AFFAIRE :

[C] [L]

C/

S.A.S.U. TDF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 19/00581

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anthony CARAMAN

Me Virginie BADIER-CHARPENTIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [L]

né le 21 Décembre 1983 à [Localité 5] (Haïti)

de nationalité Haïtienne

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anthony CARAMAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 414

APPELANT

****************

S.A.S.U. TELEDIFFUSION DE FRANCE

N° SIRET : 342 404 399

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Virginie BADIER-CHARPENTIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 509

Substitué par Me Robin DELBE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DES FAITS

M. [C] [L] a été engagé par la société Télédiffusion de France (ci-après dénommée Tdf) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 octobre 2017 en qualité de chef de projet, groupe E, avec le statut de cadre.

Son contrat de travail prévoyait une clause de forfait jours avec 210 jours maximum travaillés par an.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des télécommunications.

M. [L] a déclaré un accident de travail après avoir perdu connaissance sur son lieu de travail le 28 février 2019. Il a fait l'objet d'arrêts de travail du 28 février 2019 au 15 avril 2019.

Le 18 avril 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin notamment d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Tdf.

Dans le cadre de la visite de reprise du 18 avril 2019, le médecin du travail a rendu l'avis suivant:

'inapte à son poste, tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Par lettre notifiée le 4 juin 2019, la caisse d'assurance maladie du Val de Marne a reconnu le caractère professionnel de l'accident.

Par lettre du 4 juin 2019, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 18 juin 2019.

Par lettre du 25 juin 2019, l'employeur a licencié le salarié après avoir été déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail suite à un accident du travail et pour impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 24 février 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de la société Tdf à effet du 16 avril 2019,

- jugé que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Tdf à verser sans délai à M. [L] les sommes suivantes :

* 5 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution déloyale du contrat de travail par l'employeur,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Tdf de remettre à M. [L] un certificat de travail, une attestation pour pôle emploi et un bulletin de paye conformes au présent jugement, tout ceci sans astreinte,

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

- ordonné à M. [L] de verser sans délai à la société Tdf la somme suivante :

* 2 926, 54 euros en remboursement des journées RTT,

- ordonné d'office en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par la société Tdf aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [L], dans la limite d'un mois,

- dit que les intérêts au taux légal seront calculés à compter de la date du prononcé du présent jugement en ce qu'ils portent sur des condamnations à caractère indemnitaire,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, le salaire à retenir étant 4 204 euros,

- condamné la société Tdf aux dépens.

Le 6 avril 2022, M. [L] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 mars 2024, M. [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes :

- dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul,

- indemnité pour licenciement nul : 25 481,22 euros,

- quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire : 8 493,74 euros,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, à titre infiniment subsidiaire,

- dommages et intérêts pour harcèlement moral : 15 000 euros,

- quantum des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, à titre subsidiaire: 15 000 euros,

- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 15 000 euros,

- rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires : 14 061,39 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire portant sur les heures supplémentaires : 1 406,13 euros,

- contrepartie obligatoire en repos : 4 672,58 euros,

- indemnité pour travail dissimulé : 25 481,22 euros,

- dommages et intérêts pour minoration du bonus contractuel : 5 000,00 euros,

- quantum des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

- intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- capitalisation des intérêts légaux.

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Tdf la somme de 2 926,54 euros à titre de remboursement des journées RTT, dans l'hypothèse où il serait jugé par la cour que la convention de forfait annuel de 210 jours travaillés lui était opposable,

- statuant à nouveau, dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, à titre principal,

- dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, à titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société Tdf à lui verser les sommes de :

* 25 481,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, à titre principal,

* 8 493,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire ou infiniment subsidiaire,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 15 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ou à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société Tdf à lui verser 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- dire que les dispositions du contrat de travail relatives au forfait annuel de 210 jours de travail sont privés d'effet,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 14 061,39 euros à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 1 406,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire portant sur les heures supplémentaires,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 4 672,58 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 25 481,22 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la minoration de son bonus contractuel,

- condamner la société Tdf à lui verser la somme de 2 926,54 euros dans l'hypothèse où la cour jugerait que la convention de forfait annuel de 210 jours travaillés lui était opposable où n'était pas privée d'effet,

- ordonner à la société Tdf la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à pôle emploi et d'un bulletin de paie conformes à l'arrêt à intervenir,

- ordonner la remise des documents sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, avec faculté pour la cour de procéder à la liquidation de l'astreinte,

- dire que les intérêts légaux courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation de ces intérêts,

- condamner la société Tdf à lui verser 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de seconde instance, soit au total 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Tdf de toutes ses demandes,

- condamner la société Tdf aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 mars 2024, la société Tdf demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] à ses torts exclusifs à effet du 16 avril 2019,

- jugé que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Tdf à verser à M. [L] les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution déloyale du contrat de travail par l'employeur,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Tdf de remettre à M. [L] un certificat de travail, une attestation pour pôle emploi et un bulletin de paie conforme au présent jugement, tout ceci sous astreinte,

- ordonné d'office en application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société Tdf aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [L], dans la limite d'un mois,

- dit que les intérêts au taux légal seront calculés à compter de la date de prononcé du présent jugement en ce qu'ils portent sur des condamnations à caractère indemnitaire,

- condamné la société Tdf aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] du surplus de ses demandes et ordonné à M. [L] de lui verser sans délai la somme de 2 926,54 euros en remboursement des journées de RTT,

- statuant à nouveau, la société sollicite de la cour:

- à titre principal, débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, limiter le quantum des dommages et intérêts sollicités par M. [L] à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 1 mois de salaire, soit 4 200 euros,

- débouter M. [L] du surplus ou à tout le moins réduire les demandes à de plus justes proportions,

- à titre reconventionnel, condamner M. [L] à lui verser le remboursement des JRTT payés, soit 2 926,54 euros,

- en tout état de cause, y ajoutant : condamner M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 26 mars 2024.

MOTIVATION

Sur les heures supplémentaires du 24 octobre 2017 au 28 février 2019

Le salarié soutient qu'il n'était pas éligible au forfait jours puisqu'il n'était pas un cadre commercial et qu'il ne percevait pas de part commerciale. Il ajoute que l'accord collectif d'entreprise du 17 décembre 2004 ne comporte aucune disposition relative à la charge de travail et au droit à la déconnection et que l'employeur n'a établi aucun document de contrôle, ne s'est pas assuré que sa charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, ne l'a jamais fait bénéficier d'un entretien annuel ayant pour objet sa charge de travail, l'organisation de son travail et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle.

L'employeur fait valoir que le salarié entre bien dans la catégorie visée par l'accord d'entreprise. Il soutient que le salarié a donné son accord sur la convention de forfait jours, que les conditions de validité des conventions de forfait jours étaient bien remplies, que le salarié n'a jamais contesté la validité de l'accord d'entreprise ou de sa convention de forfait. Il indique que l'employeur s'est toujours assuré que la charge de travail du salarié était compatible avec le respect du repos hebdomadaire, que la prise de jours de repos a bien été assurée par son responsable et que des entretiens ayant pour objet sa charge de travail, l'organisation de son travail et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ont été organisés.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires

Aux termes de l'article L. 3121-65 I du code du travail, 'à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.'

En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du code du travail.

En l'espèce, le salarié est de catégorie E, il exerce en qualité de chef de projet des fonctions commerciales et bénéficie d'une rémunération variable prévue à l'article 9 de son contrat de travail, il bénéficie d'une liberté dans l'organisation et son travail et il est, par conséquent, bien éligible à la convention de forfait jours.

Le fait que le salarié n'ait jamais contesté la validité de la convention de forfait jours durant l'exécution de son contrat de travail est inopérant.

L'accord collectif ne prévoit pas un suivi effectif et régulier par la hiérarchie de la charge de travail du salarié.

En outre, contrairement aux allégations de l'employeur, ce dernier n'a pas établi de document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et ne justifie pas d'un dispositif de contrôle des repos minimum quotidien et hebdomadaire, le respect de la charge de travail reposant uniquement sur l'organisation insuffisante d'un entretien annuel d'évaluation pour les années 2018 et 2019, une seule rubrique étant relative au suivi spécifique de l'organisation du travail et de l'organisation vie professionnelle, vie personnelle, rubrique n'ayant d'ailleurs pas été renseignée lors de l'entretien du 6 février 2019.

L'employeur ayant manqué à ses obligations prévues à L. 3121-65 I, il ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L.3121-64 II 1° et 2° du même code, est nulle.

Le salarié est fondé à se prévaloir des dispositions du droit commun en matière d'heures supplémentaires.

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une ou l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié indique que sa charge de travail était importante en raison de multiples 'reporting', de nombreuses réunions et déplacement qu'il devait effectuer en province et en région parisienne.

Il produit un décompte des heures qu'il considère avoir accomplies sur la période du 24 octobre 2017 au 28 février 2019 comprenant ses heures de début de service, généralement entre 9h et 9h45, ses heures de fin de service, généralement vers 18h mais variant jusqu'à 19h30, 20h, et ponctuellement 22h30 ou 23h, ses temps de pause, de 45 minutes, un récapitulatif hebdomadaire des heures travaillées, comprenant le détail des heures supplémentaires à 25% et à 50%.

Pour chaque mois travaillé, le salarié précise les heures passées en réunions, les déplacements effectués en province.

Il produit également un échantillonnage de courriels envoyés pendant la période considérée, ainsi qu'une liste récapitulative de ceux-ci confirmant ses heures de prise de poste et de fin de poste.

Ainsi, il considère avoir accompli sur la période considérée 360,5 heures supplémentaires rémunérées à +25% et 69,25 heures supplémentaires rémunérées à +50%, pour un montant total après application des taux horaires majorés correspondant de 14 061,39 euros.

Il s'en déduit que le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur ne produit pas d'éléments propres de contrôle des heures travaillées par le salarié et se borne à contester le décompte du salarié, faisant valoir qu'il s'agit d'un tableau produit après l'exécution du contrat de travail basé sur ses auto déclarations. Il ajoute qu'il n'a pas été demandé au salarié d'effectuer des heures supplémentaires, que ce dernier ne démontre pas avoir été à la disposition de son employeur aux heures alléguées alors qu'il bénéficiait d'accès à sa messagerie à distance, que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il était à disposition permanente de son employeur entre le premier et le dernier courriel de la journée. Il relève que le salarié n'a jamais sollicité le paiement de ses prétendues heures supplémentaires. Il conclut que les quelques courriels versés aux débats par le salarié contredisent l'existence d'heures supplémentaires et ne permettent pas de caractériser l'amplitude de travail allégué et la réalité d'un travail effectif. Il note que les courriels versés aux débats ne demandent pas au salarié de réaliser une action dans l'immédiat, dans la soirée ou lors du week-end et que le salarié était libre de répondre à sa convenance.

Après analyse des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires, conformément aux missions qui lui étaient confiées, qu'elle évalue à la somme de 4 921euros, outre 492,1 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et la société Tdf sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 4 921euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 24 octobre 2017 au 28 février 2019 , outre 492,1 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Il ne résulte pas de l'examen des éléments soumis à l'appréciation de la cour que le salarié a accompli, pour les années concernées, des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures. Le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de contrepartie obligatoire en repos.

Sur le travail dissimulé 

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, le salarié ne démontre pas le caractère intentionnel du travail dissimulé, le seul fait que les heures de travail mentionnées sur les bulletins de paie soient inférieures à celles réellement accomplies étant insuffisant à établir cette preuve. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à la mise en 'uvre de l'article L.1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié invoque les faits suivants :

a) un classement dans la catégorie cadre soumis au forfait jours en violation de l'accord collectif du 17 décembre 2004,

b) une charge de travail excessive et une inégalité de traitement,

c) une insulte d'un collègue de travail, non sanctionnée,

d) des injonctions contradictoires à fin de destabilisation,

e) l'organisation d'entretiens donnant lieu à des cris et critiques injustifiés et humiliants,

f) des menaces de licenciement réitérées,

g) la rédaction d'un compte-rendu d'évaluation excessivement dévalorisant et en contradiction avec des appréciations antérieures positives,

h) l'absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019,

i) une entrave à la remise du compte-rendu de l'entretien d'évaluation,

j) l'organisation d'une réunion de service donnant lieu à des critiques et à un dénigrement,

k) le versement d'un bonus minoré,

l) l'altération de la santé physique et mentale.

Sur un classement dans la catégorie cadre soumis au forfait jours en violation de l'accord collectif du 17 décembre 2004 a), au vu des développements qui précèdent, le salarié étant éligible à la convention de forfait jours conclue, ce fait doit donc être écarté.

Sur une charge de travail excessive et une inégalité de traitement b), si le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires, celles-ci ne sont pas excessives et le salarié ne présente pas de faits montrant que sa charge de travail était plus importante que celle des autres chefs de projet. En outre, il n'invoque pas de différence de traitement salariale avec d'autres chefs de projet et il n'invoque aucun motif de discrimination. Ce fait doit par conséquent être écarté.

Sur une insulte d'un collègue de travail, non sanctionnée c), le salarié présente un seul courriel du 27 avril 2018 dans lequel il reproche à M. [W] de l'avoir traité de 'connard' lors d'une discussion avec son supérieur hiérarchique M. [P], insulte qu'il aurait entendue car il était en conversation au téléphone avec M. [P]. Cependant, le salarié ne produit aucun autre élément que son seul courriel relatant sa propre version des faits. Il ne peut donc être retenu, à défaut d'élément matériel suffisant.

Sur des injonctions contradictoires à fin de destabilisation d), le salarié fait état d'une part, qu'il lui était demandé de remonter au service des ressources humaines toute information sur les problèmes rencontrés avec ses collaborateurs mais que ces situations n'étaient pas analysées et que les collaborateurs se plaignaient de lui à leurs responsables, que d'autre part, il a renoncé à une formation en raison d'une réunion client, l'employeur lui ayant demandé de privilégier les réunions clients et qu'il lui a été reproché de ne pas s'être organisé pour participer à la formation. Cependant, ces faits relèvent d'une appréciation subjective de la part du salarié et ne sont pas de nature à être qualifiés d'injonctions contradictoires.

Sur l'organisation d'entretiens donnant lieu à des cris et critiques injustifiés et humiliants e), le salarié présente un seul entretien avec Mme [N] le 30 janvier 2019 outre un courriel écrit par lui-même le 5 février 2019 dans lequel il déplore s'être fait 'crier dessus, rabaisser, dénigrer et humilier', admettant toutefois que le ton était monté des deux côtés. Ainsi, aucun élément objectif ne corrobore l'organisation d'entretiens donnant lieu à des cris et critiques injustifiés, le seul courriel du salarié relatif à un entretien unique étant insuffisant à matérialiser ce fait, alors même qu'il note que le ton est monté des deux côtés.

Sur des menaces de licenciement réitérées f), le salarié produit une attestation de M. [A], délégué syndical central, du 1er octobre 2019, indiquant avoir assité à un entretien à la demande du salarié le 25 février 2019 durant lequel deux responsables des ressources humaines ont menacé le salarié de licenciement s'il n'acceptait pas de rupture conventionnelle, concluant avoir été témoin de ces menaces de licenciement à d'autres occasions, sans préciser si ces autres menaces concernaient le salarié. L'employeur verse aux débats les attestations concordantes de Mme [D] et de M. [U] sur l'absence de contrainte à une rupture conventionnelle et de menace de licenciement à l'égard du salarié contredisant l'attestation de M. [A] sur ce point, le seul fait qu'il y ait eu des discussions sur l'éventualité d'une rupture conventionnelle entre les parties étant inopérant. Ce fait n'est donc pas matérialisé et doit être écarté.

Sur la rédaction d'un compte-rendu d'évaluation excessivement dévalorisant et en contradiction avec les appréciation positives antérieures g), le salarié verse aux débats son entretien de prise de poste du 24 janvier 2018 réalisé par M. [T], responsable de projets transversaux, ayant conclu à une 'prise de poste réussie', son entretien d'évaluation annuel du 23 octobre 2018 réalisé par Mme [G] ayant noté que le niveau atteint était au niveau attendu ou même dépassé sur les compétences attendues dans le poste, son entretien d'évaluation annuel du 6 février 2019 réalisé par Mme [G], ayant conclu qu'il ne répondait pas aux attentes dans les cinq objectifs de management précédemment fixés. Ainsi, les appréciations de ce troisième entretien sont en contradiction avec les appréciations des deux premiers entretiens.

Le salarié produit également un document de synthèse d'évaluation faite par les clients pour l'année 2018 montrant que la performance est globalement 'conforme aux attentes' et en nette amélioration par rapport aux années 2016 et 2017 avec le prédécesseur du salarié comme chef de projet. Il verse aux débats un courriel de Mme [S], directrice commerciale, du 18 octobre 2018 ayant conclu à des 'notes excellentes cette année (au-dessus de 16) en SO, NE maintenant SE', en faisant référence à la notation du client Orange, un document interne ayant conclu à une 'très bonne performance au niveau national' et à une 'satisfaction des clients', outre plusieurs courriels de Mme [N], directrice de programmes Télécom, le félicitant sur la qualité de son travail.

Ainsi, le salarié présente un compte-rendu d'évaluation dévalorisant et en contradiction avec les appréciations positives antérieures.

Sur l'absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019 h), le salarié produit deux courriels des 25 et 28 février 2019 dans lesquels il réclame son compte-rendu d'entretien annuel d'évaluation et dénonce le fait qu'aucun objectif ne lui a été fixé.

Sur une entrave à la remise du compte-rendu de l'entretien d'évaluation i), le salarié présente plusieurs demandes par courriel les 25, 28 février et 11 mars 2019 et précise avoir reçu son compte-rendu plus d'un mois après l'entretien le 13 mars 2019. Ainsi, le salarié présente un fait d'absence de remise immédiate de son compte-rendu d'évaluation.

Sur l'organisation d'une réunion de service donnant lieu à des critiques et à un dénigrement j), le salarié produit l'attestation de M. [K], ingénieur et collègue de travail, du 8 avril 2019 faisant part d'une réunion le 12 mars 2019 au cours de laquelle des critiques ont été émises à l'encontre du salarié, visant à le dénigrer.

Sur le versement d'un bonus minoré k), le salarié présente le fait qu'au titre de l'année 2018 il a perçu un bonus de 4% de son salaire annuel de base, minoré par rapport au bonus de 10% perçu l'année précédente.

Sur l'altération de sa santé l), le salarié rappelle qu'il a subi un malaise sur son lieu de travail le 28 février 2019 qui a nécessité un transport en urgence à l'hôpital, que cet accident a été reconnu comme ayant un caractère professionnel par l'assurance maladie, qu'il a dû suivre un traitement médicamenteux et a fait l'objet d'une prise en charge par un psychiatre.

Ainsi, le salarié présente des éléments de fait : g) la rédaction d'un compte-rendu d'évaluation dévalorisant et en contradiction avec des appréciations antérieures positives, h) l'absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019, i) l'absence de remise immédiate du compte-rendu de l'entretien d'évaluation, j) l'organisation d'une réunion de service donnant lieu à des critiques et à un dénigrement, k) le versement d'un bonus minoré, y compris la dégradation de son état de santé, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Sur la rédaction du compte-rendu d'évaluation du 6 février 2019 g), l'employeur indique avoir alerté le salarié sur ses carences dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci ayant montré des performances en dessous des attentes pour l'ensemble des objectifs évalués, des commentaires détaillés étant renseignés pour chaque objectif, l'évaluation précédente n'ayant pas donné lieu à une revue d'objectifs s'agissant d'une première année dans le poste. L'employeur dément tous commentaires dévalorisants et relève à juste titre que le salarié ne précise pas quels propos dévalorisants auraient été tenus et ne produit aucune pièce appuyant cette thèse. L'employeur conteste toute insulte, seul le fait que le ton soit monté des deux côtés étant établi, ce qui doit être remis dans le contexte où un bilan très mitigé était fait au salarié. Le fait que Mme [N], l'une de ses responsables ait exprimé des encouragements et que des correspondances émises de la part de clients reflètent une bonne appréciation n'est pas contradictoire avec un bilan décevant au niveau de la performance, la responsable ayant selon l'employeur souhaité l'encourager dans sa progression, et les correspondances ponctuelles émanant de clients reflétant une évaluation selon un autre prisme que les objectifs fixés en interne au salarié. Cette évaluation est donc justifiée par des éléments objectifs, le compte-rendu ne peut donc être qualifié de dévalorisant ou contradictoire avec les évaluations précédentes, la performance ayant été évaluée sous le prisme des objectifs fixés pour l'année pour la première fois.

Sur l'absence d'objectifs lors de l'entretien annuel du 6 février 2019 h), l'employeur déclare que ce point est inexact, toutefois le compte-rendu d'entretien versé aux débats ne fait état d'aucun objectif fixé à la rubrique qui y est consacrée, de sorte que ce fait est établi.

Sur l'absence de remise immédiate du compte-rendu de l'entretien d'évaluation i), l'employeur note que le compte-rendu a bien été remis au salarié qui admet l'avoir reçu le 13 mars 2019, soit un mois après l'entretien du 6 février 2019. Le fait que le salarié ait dû réclamer ce compte-rendu à plusieurs reprises avant de le recevoir est étranger à tout fait de harcèlement, celui-ci ayant été adressé au salarié en temps utile.

Sur l'organisation d'une réunion de service donnant lieu à des critiques et à un dénigrement j), l'employeur indique que des reproches ont été formulés par la hiérarchie dans le cadre de son pouvoir de direction, que la seule attestation produite ne permet pas d'établir de dénigrement à l'encontre du salarié. Ainsi, les commentaires tenus à l'encontre du salarié dans le cadre d'une réunion de service relèvent du pouvoir de direction de l'employeur et il n'est pas établi que le salarié ait subi des propos dénigrants, la seule attestation produite par ce dernier étant insuffisante à établir ce fait.

Sur le versement d'un bonus minoré k), l'employeur précise que le bonus a été minoré en raison de l'absence d'atteinte de ses objectifs par le salarié ce qui ressort du compte-rendu annuel d'évaluation pour l'année 2018. Ainsi, la minoration du bonus du salarié est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement.

Au vu de ces éléments, le salarié n'a subi qu'un fait, l'absence de fixation d'objectifs lors de l'entretien du 6 février 2019, qui isolé, ne constitue pas à lui seul un agissement de harcèlement moral.

Au surplus, sur l'état de santé du salarié, il n'est pas établi que la dégradation de l'état de santé du salarié soit en lien avec des agissements de harcèlement moral subis.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le salarié n'ayant pas subi d'agissements de harcèlement moral.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir que les faits dénoncés sur le fondement du harcèlement moral constituent à tout le moins une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

L'employeur soutient n'avoir commis aucun manquement déloyal au cours de l'exécution du contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

En l'espèce, au vu des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour, l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié lors de l'entretien d'évaluation annuelle du 6 février 2019.

Il y a lieu d'allouer au salarié, qui s'est senti poussé à quitter la société, des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de cette absence de fixation d'objectifs.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a condamné la société Tdf à payer à M. [L] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié fait valoir que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité résulte des violences morales exercées à son égard, de l'absence d'enquête suite à sa dénonciation de harcèlement moral, d'une charge de travail excessive en dépit de son alerte, de l'absence de contrôle et de suivi de la charge de travail, de l'accident du travail qui est la conséquence directe des agissements fautifs de l'employeur. Il ajoute que le manquement de l'employeur est conforté par l'absence de justification de l'établissement du document unique d'évaluation des risques et l'absence de preuve que toutes les mesures de prévention ont été prises, notamment les actions d'information et de formation pour prévenir la survenance de faits de harcèlement moral.

L'employeur soutient qu'il existait un document unique d'évaluation des risques, régulièrement mis à jour, lorsque le salarié exécutait son contrat de travail. Il ajoute que l'alerte du salarié étant datée du 5 février 2019 et ce dernier n'ayant pas repris ses fonctions après avoir fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie, il a été placé dans l'impossibilité d'assurer ou de mettre en oeuvre la moindre mesure au titre des faits de harcèlement moral dénoncés.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, le salarié a alerté son employeur le 8 mars 2019 subir des faits qu'il qualifie de harcèlement moral au travail.

L'employeur justifie avoir respecté son obligation de sécurité en produisant un document unique d'évaluation des risques, démontrant qu'un tel document existe depuis le 30 juin 2011 et a été mis à jour chaque année, et en relevant que postérieurement à son alerte sur des faits de harcèlement moral, le salarié n'a pas repris le travail, le fait de ne pas avoir diligenté d'enquête interne étant rendu inopérant.

Le jugement du conseil de prud'hommes doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire et la demande en nullité

Le salarié sollicite une indemnité pour licenciement nul. Il indique qu'il a été licencié dans un contexte de harcèlement moral caractérisé et que sa demande en résiliation judiciaire est fondée en raison des faits de harcèlement moral subis.

L'employeur conclut au débouté de la demande, la nullité du licenciement n'étant pas démontrée.

Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.

En l'espèce, au vu des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour, le salarié n'a pas subi d'agissements de harcèlement moral.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la résiliation judiciaire et ses conséquences

Losque le salarié est licencié après avoir introduit une demande de résiliation judiciaire, il y a lieu de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire et si celle-ci est justifiée, la date de rupture du contrat de travail est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié invoque les manquements suivants :

classement dans la catégorie des cadres soumis à forfait jours en violation de l'accord collectif du 17 décembre 2004,

charge de travail excessive et inégalité de traitement,

insulte proférée par un collègue, non sanctionnée,

injonctions contradictoires émises à des fins de destabilisation,

organisation d'entretiens donnant lieu à des cris et critiques injustifiées et humiliantes,

menaces de licenciement réitérées,

rédaction d'un compte-rendu d'évaluation excessivement dévalorisant et en totale contradiction avec des appréciations antérieures positives,

absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019,

entrave à la remise du compte-rendu de l'entretien d'évaluation,

organisation par l'employeur d'une réunion de service donnant lieu à des critiques et à un dénigrement,

versement d'un bonus minoré,

non-paiement d'heures supplémentaires,

travail dissimulé.

Au vu des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis à l'exception de l'absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019 et du non-paiement d'heures supplémentaires.

Le non-paiement d'heures supplémentaires s'inscrit dans le contexte où depuis l'embauche du salarié, l'employeur fait application d'une convention de forfait jours. Le fait que cette convention soit déclarée sans effet par la présente décision et que des heures supplémentaires n'aient pas été réglées par l'employeur ne constitue pas un manquement d'une gravité telle qu'il empêche la poursuite de la relation de travail.

Toutefois, l'absence d'objectif lors de l'entretien annuel du 6 février 2019 est établie au vu du compte-rendu d'entretien versé aux débats. Or, il est contractuellement prévu que des objectifs individuels doivent être discutés et arrêtés d'un commun accord et que la réalisation d'objectifs individuels 'constitue un élément déterminant de la collaboration'.

Ainsi, l'absence de fixation d'objectifs dans la mesure où cette obligation est prévue contractuellement, constitue un manquement d'une gravité telle qu'il empêche la poursuite de la relation de travail.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, sauf à fixer la date de la résiliation au 25 juin 2019, date du licenciement.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié justifiant d'une ancienneté d'une année complète a droit à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut.

Le salarié invoque un salaire moyen de 4 246,87 euros calculé sur la base des douze derniers mois de travail complets de février 2018 à janvier 2019.

L'employeur soutient que le salaire moyen est de 4 204,41 euros, montant qui sera retenu au vu des salaires bruts perçus sur les six derniers mois complets d'août 2018 à janvier 2019.

Le salarié était âgé de 35 ans au moment du licenciement. Il justifie d'une inscription à Pôle emploi et avoir retrouvé un emploi en octobre 2019.

Il sera donc alloué à M. [L] une somme de 8 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum de l'indemnité et la société Tdf sera condamnée à payer à M. [L] une somme de 8 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le bonus contractuel

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour minoration de son bonus contractuel, le bonus versé étant en lien avec l'atteinte des objectifs constatée par l'employeur, aucune manquement ne pouvant être reproché à l'employeur à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle au titre des jours de RTT

La convention de forfait jours du salarié étant nulle, celui-ci doit être condamné à verser à la société Tdf la somme de 2 926,54 euros au titre des jours de RTT payés entre le 24 octobre 2017 et le 31 mars 2019. Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur les documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise par la société Tdf à M. [L] d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie conforme à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande d'astreinte.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du jugement qui les a fixées ou à défaut du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Tdf succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler une somme de 2 000 euros à M. [L] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Tdf en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [C] [L] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents,

- fixé à la date du 16 avril 2019 la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [L],

- fixé le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 5 000 euros,

- ordonné le remboursement par la société Tdf aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [C] [L] dans la limite d'un mois,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [L] aux torts de la société Tdf à la date du 25 juin 2019.

Condamne la société Tdf à payer à M. [C] [L] les sommes suivantes :

4 921euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 24 octobre 2017 au 28 février 2019,

492,1 euros au titre des congés payés afférents,

8 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du jugement qui les a fixées ou à défaut du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Tdf à M. [C] [L] d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie conformes à la présente décision,

Condamne la société Tdf aux dépens d'appel,

Condamne la société Tdf à payer à M. [C] [L] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Tdf en cause d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01129
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.01129 ?
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