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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01704

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 04 juin 2024, 23/01704


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUIN 2024



N° RG 23/01704 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXQC



AFFAIRE :



[Z] [X] épouse [V]





C/

[M] [L] épouse [N]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2022 par le Juge des contentieux de la protection d'Antony



N° RG : 1122000183



Expéditions exécutoires

Ex

péditions

Copies

délivrées le : 04/06/24

à :



Me Karine LEVESQUE



Me Claire QUETAND-FINET



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUIN 2024

N° RG 23/01704 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXQC

AFFAIRE :

[Z] [X] épouse [V]

C/

[M] [L] épouse [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2022 par le Juge des contentieux de la protection d'Antony

N° RG : 1122000183

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04/06/24

à :

Me Karine LEVESQUE

Me Claire QUETAND-FINET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [X] épouse [V]

née le 06 Janvier 1980 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Maître Karine LEVESQUE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 488

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011916 du 10/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Madame [M] [L] épouse [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Maître Claire QUETAND-FINET, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mars 2024, Madame Anne THIVELLIER, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er novembre 2009, Mme [M] [L] épouse [N] a donné à bail à M. [J] [V] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2]), moyennant un loyer mensuel révisable de 1 100 euros.

M. [V] s'est marié avec Mme [Z] [X].

Par acte d'huissier de justice délivré le 4 février 2022, Mme [L] épouse [N] a fait assigner Mme [X] épouse [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d'Antony, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de droit :

- constater la résiliation du bail par application de la clause résolutoire au 23 mai 2021,

- ordonner à la locataire de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et, à défaut de libération volontaire, ordonner l'expulsion de la locataire, et de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 2]), avec l'assistance de la force publique, du commissaire de police et du serrurier si besoin est,

- fixer une astreinte à 20 euros par jour à compter de la fin des délais impartis à Mme [X] pour quitter l'appartement par la juridiction,

- condamner Mme [X] épouse [V] au paiement de la somme principale de 36 840 euros selon décompte, incluant les loyers, charges et indemnités d'occupation dus au 3 novembre 2021, avec les intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2021, ainsi que d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges tel qu'il aurait été si le bail s'était poursuivi, à compter du 1er juillet 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés,

- condamner Mme [X] au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, incluant notamment le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture.

Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité d'Antony a :

- déclaré les demandes à l'encontre de M. [V] irrecevables,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 22 mai 2021,

- ordonné l'expulsion de Mme [X] épouse [V] et de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 2]), avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- rejeté la demande d'astreinte,

- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 23 mai 2021 à une somme égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dus, si le bail s'était poursuivi,

- condamné Mme [X] épouse [V] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation, à compter du mois d'octobre 2022 inclus, et jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné Mme [X] épouse [V] à payer à Mme [L] épouse [N] la somme de 28 858 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, terme de septembre 2022 inclus,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021 sur la somme de 21 490 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- débouté Mme [L] épouse [N] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] épouse [V] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 22 mars 2021 et de l'assignation,

- dit que les dépens seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

- rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

Par déclaration déposée au greffe le 13 mars 2023, Mme [X] épouse [V] a relevé appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 10 décembre 2023, Mme [X] épouse [V], appelante, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en date du 20 octobre 2022 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Antony en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [L] épouse [N] de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et de ses effets, et de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- fixer le montant de la créance de Mme [L] épouse [N] aux loyers impayés postérieurs au 4 février 2019,

- suspendre les effets de la clause exécutoire,

- l'autoriser à se libérer de la dette locative en 36 mois par versements mensuels de 94,65 euros chacun, au plus tard le 15 de chaque mois et solder ainsi la dette,

- dire que cette clause sera réputée n'avoir jamais joué si les délais de paiements sont respectés,

- condamner Mme [L] épouse [N] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2023, Mme [L] épouse [N], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité d'Antony du 20 octobre 2022, en ce qu'il a :

* constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 22 mai 2021,

* ordonné l'expulsion de Mme [X] épouse [V] et de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 2]), avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et s., R. 411-1 et s., R. 412-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution,

* dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

* fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 23 mai 2021 à une somme égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dus, si le bail s'était poursuivi,

* condamné Mme [X] épouse [V] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation, à compter du mois d'octobre 2022 inclus, et jusqu'à la libération effective des lieux,

* condamné Mme [X] épouse [V] à lui payer la somme de 28 858 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, terme de septembre 2022 inclus,

* dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021, sur la somme de 21 490 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,

* condamné Mme [X] épouse [V] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 22 mars 2021 et de l'assignation,

Et statuant à nouveau, l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'astreinte, et:

- fixer une astreinte à 100 euros par jours à compter de la fin des délais impartis à Mme [X] épouse [V] de quitter l'appartement par la juridiction,

- condamner Mme [X] épouse [V] à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 février 2024.

Par message RPVA du 15 mai 2024, la cour a demandé aux parties leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'indivisibilité du bail en application de l'article 1751 du code civil, de nature à entraîner l'irrecevabilité de la demande de résiliation du bail faute pour Mme [N] d'avoir mis dans la cause le cotitulaire du bail, M. [V], étant relevé qu'il n'est pas établi que ce dernier aurait donné congé, et ce avant le 24 mai 2024.

Par message RPVA du 22 mai 2024, Mme [X] épouse [V] a fait valoir que la demande en résiliation du bail était irrecevable en raison de l'indivisibilité du bail, Mme [N] n'ayant jamais pu justifier du congé donné par son fils et que cette difficulté avait déjà été soulevée en première instance.

Mme [N] n'a pas fait valoir ses observations sur ce point.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail

Mme [X] épouse [V] fait valoir en préambule qu'elle est toujours mariée avec M. [V] de sorte que les loyers et charges du logement doivent être supportés solidairement par les deux époux. Elle souligne que son mari, fils de Mme [L] épouse [N], n'a pas été assigné par cette dernière alors qu'il est le titulaire du bail et qu'il n'est pas établi qu'il aurait donné congé.

Elle reproche au premier juge de ne pas avoir vérifié le montant du loyer réclamé en retenant que sa demande visant à enjoindre à Mme [L] épouse [N] de se justifier sur la perception des APL et de ses intentions envers sa belle-fille n'en était pas une au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais un moyen, alors qu'elle sollicitait, par cette demande, la vérification du montant du loyer qu'elle conteste, de dire qu'il n'existait aucune dette et de débouter en conséquence Mme [L] épouse [N] de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire.

Elle soutient que depuis leur entrée dans les lieux, elle et son époux n'ont jamais versé de loyers compte tenu de la prise en charge par la CAF d'un versement au titre des aides au logement de 486 euros par mois; que Mme [L] épouse [N] n'a jamais réclamé de complément de loyer à son fils, ce qui justifie la novation du contrat convenue entre elle et son fils. Elle ajoute que la bailleresse, qui soutient que des impayés sont intervenus depuis 2017, n'a jamais informé la CAF de ce fait et a continué de percevoir les aides au logement, ce qui démontre la novation et le fait que Mme [L] épouse [N] ait accepté de minorer le prix du loyer au montant du versement des APL par la CAF.

Elle en conclut qu'elle n'est redevable d'aucun loyer et qu'en l'absence de dette, il n'y a pas lieu à acquisition de la clause résolutoire.

Poursuivant la confirmation du jugement déféré, Mme [L] épouse [N] soutient que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail sont réunies à la date du 23 mai 2021 en raison de la délivrance d'un commandement de payer visant cette clause le 22 mars 2021 et dont les causes n'ont pas été acquittées.

Elle fait valoir que la novation ne se présume pas et que la volonté de l'opérer doit clairement résulter de l'acte, de même que la volonté d'éteindre l'obligation ancienne doit être dépourvue d'équivoque. Or, elle soutient qu'elle a toujours réclamé les loyers et qu'elle n'a jamais eu la volonté de nover un contrat.

Elle soutient que son fils, M. [V], a quitté le domicile conjugal en 2012 et donné congé du logement. Elle indique qu'il vit en Espagne avec les deux enfants du couple. Elle ajoute que l'appelante réside seule dans les lieux et n'a jamais versé de loyers.

Sur ce,

En application de l'article 1751 du code civil, le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage, ou de deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, dès lors que les partenaires en font la demande conjointement, est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Il en résulte que si le contrat de bail litigieux a été conclu le 1er novembre 2009 uniquement avec M. [V], Mme [X], en sa qualité d'épouse depuis leur mariage survenu en janvier 2008, en est de plein droit co-titulaire.

A ce jour, il n'est pas justifié du divorce des époux ni de la transcription de cet acte sur les actes d'état-civil.

Cependant, Mme [L] épouse [N] n'a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail qu'à l'encontre de Mme [X] épouse [V], de même qu'elle n'a fait assigner que cette dernière en résiliation du bail.

Dans ces conditions, la cour ne peut que déclarer irrecevable la demande de Mme [L] épouse [N] tenant à la résiliation du bail compte tenu de son indivisibilité faute pour elle d'avoir mis dans la cause les deux cotitulaires de ce contrat, étant ajouté qu'elle ne justifie nullement du congé qu'aurait donné son fils.

Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes subséquentes (expulsion, astreinte et indemnités d'occupation) faute de résiliation du bail.

En revanche, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le principe de la solidarité permet au créance de réclamer à chaque codébiteur solidaire l'intégralité de la dette en application de l'article 1313 du code civil, de sorte qu'il convient d'examiner les demandes de la bailleresse à ce titre même en l'absence de mise en cause de M. [V] dans le cadre de la présente instance.

Sur la dette locative

* Sur la novation

Il résulte de l'article 1329 du code civil que la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée.

Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

En application de l'article 1330 du code civil, la novation ne se présume pas ; la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

L'article 1335 du code civil dispose que la novation convenue entre le créancier et l'un des codébiteurs solidaires libère les autres.

S'il n'est pas nécessaire que l'intention de nover soit exprimée en termes formels, dès lors qu'elle est certaine, seuls des faits et actes positifs et non équivoques, intervenus entre les parties contractantes, sont susceptibles d'établir la volonté de nover.

En l'espèce, il ressort du contrat de bail signé le 1er novembre 2009 par M. [V] que le montant du loyer était de 1 100 euros.

Le fait que Mme [L] épouse [N], percevant les aides au logement de la CAF, n'ait pas réclamé le complément de loyers aux locataires et notamment à son fils, M. [V], et n'ait pas avisé cet organisme des impayés de loyers, ne saurait suffire à manifester clairement la volonté de la bailleresse de substituer une obligation nouvelle à l'obligation ancienne découlant des clauses du bail et ainsi caractériser la novation par des actes positifs et non équivoques, étant ajouté que par acte d'huissier de justice du 22 mars 2021, elle a fait délivrer à Mme [X] épouse [V] un commandement de payer visant la clause résolutoire au vu de la dette locative résultant des impayés de loyers.

Il convient ainsi de débouter Mme [X] épouse [V] de sa demande visant à dire qu'elle n'est redevable d'aucun loyer pour ce motif.

* Sur la prescription

Mme [X] épouse [V] demande à la cour, à titre subsidiaire, de fixer la créance de Mme [L] épouse [N] au montant des loyers impayés postérieurs au 4 février 2019 en faisant valoir que le délai pour agir dont dispose le bailleur est de 3 ans et que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'elle avait reconnu être redevable des loyers en novembre 2018 alors que pour interrompre la prescription, il faut un acte positif de reconnaissance de dette, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mme [L] épouse [N] relève que Mme [X] épouse [V] a reconnu être redevable des sommes dues devant le tribunal et prétend l'inverse aujourd'hui en toute mauvaise foi.

Sur ce,

En application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

L'article 2241 du code civil dispose que a demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Devant le premier juge, Mme [L] épouse [N] faisait valoir la prescription des loyers antérieurs au 3 novembre 2018 du fait que le commandement de payer avait été délivré le 3 novembre 2021 et que seuls les loyers des 3 années le précédant étaient dus. Après avoir rappelé que ce commandement de payer avait été délivré le 22 mars 2021 et qu'il n'avait pas d'effet interruptif, le juge des contentieux et de la protection a relevé être tenu par les demandes des parties et a en conséquence retenu que Mme [X] épouse [V] admettait devoir les loyers appelés depuis le 3 novembre 2018.

Il est rappelé que le commandement de payer, qui n'est pas à fin de saisie-vente, n'engage aucune mesure d'exécution et n'a donc pas d'effet interruptif de la prescription, ce que soutient désormais Mme [X] épouse [V] en cause d'appel.

Dans ces conditions, seule l'assignation délivrée le 4 février 2022 a un effet interruptif de la prescription, de sorte que l'action de Mme [L] épouse [N] pour les loyers impayés dus avant le 4 février 2019 est prescrite, étant relevé qu'il n'est fait état d'aucune reconnaissance de la dette par Mme [X] épouse [V] antérieurement à la délivrance de l'assignation et qui pourrait avoir un effet interruptif en application de l'article 2240 du code civil.

* Sur le montant de la dette

Mme [X] épouse [V] n'étant redevable des loyers et charges impayés qu'à compter du 4 février 2019, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 28 858 euros au titre de l'arriéré locatif incluant le loyer du mois de septembre 2022.

Elle sera condamnée au paiement de la somme de 26 950,21 euros (614/28 X 25 + 614 X 43) à ce titre avec les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021 sur la somme de 21 490 euros et du jugement déféré pour le surplus.

Sur les délais de paiement

Mme [X] épouse [V] demande la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement à hauteur de 94,65 euros par mois jusqu'à apurement de la dette en faisant valoir qu'elle perçoit le RSA et dispose de peu de ressources et qu'à défaut, elle se retrouverait dans une situation précaire difficile à surmonter.

Mme [L] épouse [N] relève que Mme [X] épouse [V] proposait déjà de tels règlements en première instance qu'elle n'a pas respectés.

Sur ce,

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme [X] épouse [V] produit pour seul justificatif de ses revenus un relevé de situation de Pôle Emploi du 16 août 2022 mentionnant qu'elle a perçu, pour le mois de juillet 2022, une allocation d'aide au retour à l'emploi de 269,08 euros.

Outre qu'elle ne justifie pas avoir repris le paiement du loyer courant ni effectué des versements en vue d'apurer sa dette, elle n'établit pas être dans une situation financière lui permettant d'apurer sa dette, d'un montant de 26 950,21 euros, dans les délais légaux.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [X] épouse [V] de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [X] épouse [V], qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties à ce titre sont en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions dévolues à la cour sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, débouté Mme [L] épouse [N] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [X] épouse [V] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de Mme [L] épouse [N] d'acquisition de la clause résolutoire ;

Déboute Mme [L] épouse [N] de ses demandes subséquentes (expulsion, astreinte et indemnités d'occupation) ;

Déclare prescrite la demande de Mme [L] épouse [N] au titre des loyers et charges antérieurs au 4 février 2019 ;

Condamne Mme [Z] [X] épouse [V] à payer à Mme [M] [L] épouse [N] la somme de somme de 26 950,21 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 4 février 2019 au mois de septembre 2022 inclus, avec les intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021 sur la somme de 21 490 euros et du 20 octobre 2022 pour le surplus;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mme [X] épouse [V] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 23/01704
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;23.01704 ?
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