COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUIN 2024
N° RG 23/01129 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VWDL
AFFAIRE :
S.A. CREATIS
C/
[U] [W]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de CHARTRES
N° RG : 1121000397
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 04/06/2024
à :
Me Sabrina DOURLEN
Me Odile BORDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. CREATIS
Ayant son siège
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Sabrina DOURLEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 453
Représentant : Maître Jean-Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSMANN KAINIC HASCOËT, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE
APPELANTE
****************
Madame [U] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Maître Odile BORDIER de la SCP BORDIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000006 - N° du dossier E00022HT
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN, en présence de Madame [O] [G], greffier stagiaire, sans opposition
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre acceptée le 19 novembre 2015, la société Creatis a consenti à Mme [U] [W] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 36 200 euros, remboursable en 132 mensualités de 374,55 euros incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 5,96% et un taux annuel effectif global de 7,10%.
Par acte d'huissier de justice en date du 21 avril 2021, la société Creatis a fait citer Mme [W] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres au visa des dispositions des articles 1134, 1217 du code civil et des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, aux fins de voir :
- condamner Mme [W] à lui payer, au titre du prêt, la somme de 31 294,83 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,96% l'an à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2020 et, à titre subsidiaire, à compter de la présente assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit souscrit sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil,
- condamner alors Mme [W] à payer à la société Creatis la somme de 31 294,83 euros, au taux légal à compter du jugement à intervenir,
En tout état de cause,
- condamner Mme [W] au paiement d'une indemnité de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire par application de l'article 514 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 29 novembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Creatis au titre du contrat de prêt souscrit par Mme [W] le 19 novembre 2015, à compter de cette date,
- débouté la société Creatis de sa demande de condamnation au titre de l'indemnité contractuelle sur le capital restant dû,
- écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
- condamné en conséquence Mme [W] à payer à la société Creatis la somme de 13 987,94 euros avec intérêts au taux légal sans majoration, à compter du 21 avril 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- dit que les sommes versées par Mme [W] antérieurement à la présente décision et non inclues dans le décompte de créance du 21 février 2022 viendront en déduction de la somme de 13 987,94 euros,
- débouté la société Creatis de sa demande de capitalisation des intérêts,
- autorisé Mme [W] à s'acquitter de la somme susvisée en 23 mensualités de 374,55 euros chacune, le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité correspondant au solde de la dette en principal et intérêts,
- dit qu'en cas de non-paiement d'une seule mensualité à son échéance, la totalité de la créance en principal et intérêts deviendra immédiatement exigible,
- rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [W] aux dépens,
- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration déposée au greffe le 16 février 2023, la société Creatis a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 octobre 2023, la société Creatis, appelante, demande à la cour de :
- déclarer Mme [W] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,
Y faire droit,
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel,
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 31 294,83 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,96% l'an à compter du jour de la mise en demeure du 30 septembre 2020,
A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme ne lui était pas acquise,
- constater les manquements graves et réitérés de Mme [W] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt et prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil,
En conséquence,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 31 294,83 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 13 987,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2020, sans suppression de la majoration de 5 points,
En tout état de cause,
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 13 juillet 2023, Mme [W], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel incident du jugement du juge des contentieux et de la protection de Chartres du 29 novembre 2022, le déclarer bien fondé,
- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du terme,
Et statuant à nouveau,
- dire n'y avoir lieu à déchéance du terme eu égard aux faits de la cause,
- débouter, en conséquence, la société Creatis de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- juger qu'elle continuera de régler la somme de 374,55 euros à la société Creatis jusqu'à apurement du crédit, ces sommes s'imputant sur le capital et non productives d'intérêts,
- dire n'y avoir lieu à indemnité de résiliation,
- lui accorder en tout état de cause le bénéfice de l'article 1343-5 du code civil, à savoir 2 ans de délai pour apurer la somme qui pourrait être fixée,
A titre subsidiaire,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 29 novembre 2022,
- condamner la société Creatis à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entier dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 mars 2024.
A l'audience du 4 avril 2024, l'avocat de Mme [W] a été autorisée à justifier de la notification à la cour de ses conclusions qu'elle indiquait avoir notifiées par voie électronique à la société Creatis le 23 février 2024.
Par courrier du 4 avril, reçu au greffe le 8 avril 2024, Mme [W] a produit le justificatif de l'envoi et de la réception de ses conclusions n°2 à l'avocat de la société Creatis mais n'apporte aucun justificatif quant à leur transmission à la cour.
Le 15 mai 2024, la cour a adressé aux avocats des parties le message électronique suivant:
« A l'audience, il a été demandé à l'avocat de Mme [W] de justifier de la notification de ses conclusions du 24 février 2024 à la cour et à l'avocat de la société Creatis, ses dernières conclusions déposées au greffe via le réseau électronique l'ayant été le 13 juillet 2023.
Or, par courrier du 4 avril reçu le 8 avril 2024, il n'a été justifié que de la transmission de ces conclusions à la partie adverse via le RPVA le 23 février 2024.
En application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile aux termes duquel elle ne statue que sur les dernières conclusions déposées, la cour n'apparaît donc pas saisie de ces conclusions qui ne lui ont été transmises que postérieurement à la clôture et par courrier, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, sans que l'intimée fasse valoir une cause étrangère.
Les parties sont donc invitées à faire valoir leurs observations sur ce point avant le 24 mai 2024.'
Par message RPVA du 20 mai 2024, Mme [W] a expliqué qu'il y avait eu une erreur de manipulation du RPVA puisque les conclusions notifiées à l'avocat de l'appelante n'avaient pas été transmises à la cour. Elle ajoute que ces conclusions ne comportent aucune prétention nouvelle et qu'elles étaient seulement destinées à actualiser sa situation financière et le montant de sa créance, en ce qu'elle respecte l'échéancier fixé par le premier juge, ce que la société Creatis n'a pas contesté. Elle demande à la cour de faire application de l'article 802 du code de procédure civile pour recevoir les conclusions remises le jour de l'audience, sauf à ce qu'elle souhaite qu'elle établisse des conclusions de demande de rabat de clôture.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est précisé que compte tenu de la date de signature du contrat, il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 effective au 1er mai 2011 et antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
Sur les conclusions de l'intimée notifiées à la société Creatis le 23 février 2024
En application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, le cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
L'article 802 du code de procédure civile dispose qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, Mme [W] n'a pas transmis à la cour ses conclusions notifiées à la société Creatis le 23 février 2024 avant l'audience du 4 avril 2024 date à laquelle elles les a déposées avec son dossier de plaidoirie.
Outre le fait qu'elles n'ont pas été remises à la cour par voie électronique, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile sans faire valoir la survenance d'une cause étrangère, il convient de relever que ce dépôt est postérieur à l'ordonnance de clôture prononcée le 14 mars 2024.
Dans ces conditions, il convient de déclarer ces conclusions irrecevables sans qu'il y ait lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en application de l'article 803 du code de procédure civile en l'absence de cause grave survenue depuis son prononcé.
Sur la déchéance du terme
Mme [W] fait grief au premier juge d'avoir prononcé la déchéance du terme.
Elle fait valoir qu'elle a réagi aux mises en demeure lui ayant été adressées en ce qu'elle a pris attache avec l'huissier de justice en mai 2019 et octobre 2020 et lui a versé des acomptes.
Elle affirme n'avoir jamais reçu les lettres de mise en demeure des 18 août et 30 septembre 2020 et indique justifier de son adresse à cette époque que ne pouvait ignorer la société Creatis puisqu'elle était en relation avec l'huissier de justice.
Elle en conclut qu'en l'absence de justificatif de la bonne réception de la mise en demeure, la déchéance du terme ne pouvait être prononcée, et ce d'autant qu'elle réglait chaque mois l'huissier à sa demande.
La société Creatis fait valoir qu'en application de l'article L. 311-24 du code de la consommation et de l'article I-2 du contrat, elle a valablement prononcé la déchéance du terme en relevant que les deux courriers de mise en demeure ont été distribués.
Sur ce,
Si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non-commerçant entraînera la déchéance du terme ou l'exigibilité anticipée du prêt, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
Il résulte de l'article I. 2 du contrat de prêt qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, la société Creatis pourra résilier le contrat de prêt après mise en demeure restée infructueuse.
En l'espèce, la société Creatis verse aux débats:
- le courrier de mise en demeure du 18 août 2020 mettant Mme [W] en demeure de régler la somme totale de 6 382,32 euros, correspondant aux mensualités du 31 mai 2019 au 30 juin 2020, dans un délai de 30 jours sous peine de voir prononcer la déchéance du terme entraînant la résiliation du contrat. Y est joint l'avis de réception de cette lettre recommandée avec la mention 'distribué le 20 août 2020" et l'adresse actuelle de l'intimée ([Adresse 1]).
- le courrier du 30 septembre 2020 informant Mme [W] de la déchéance du terme et la mettant en demeure de régler les sommes restant dues au titre du prêt, soit un total de 32 748,79 euros, envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception à la même adresse. Y est joint le justificatif du détail de cet envoi avec la mention distribué le 5 octobre 2020.
Il apparaît ainsi que la société Creatis justifie de l'envoi de ces deux courriers à Mme [W] sans que celle-ci établisse qu'ils auraient été envoyés à une adresse erronée.
Etant en outre rappelé que le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure adressée par lettre recommandée qu'il s'est abstenue de réclamer n'affecte pas sa validité ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (1ère civ., 20 janv. 2021, pourvoi n°19-20.680), il convient de retenir que la déchéance du terme concernant le contrat de prêt a été régulièrement acquise.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef.
Sur la forclusion
En application de l'article L. 311-52 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par premier incident de paiement non régularisé.
Le délai biennal, opposable en cas de contentieux né de la défaillance de l'emprunteur, court à compter du premier incident de paiement non régularisé dont il appartient aux juges du fond de rechercher la date.
Au vu de l'historique de prêt (pièce 7 de l'appelante), le premier incident de paiement non régularisé lié à l'exécution du prêt consenti à l'intimé et déterminé selon la méthode d'imputation énoncée par l'article 1256 du code civil devenu 1342-10 du code civil doit être fixé au 30 mai 2019.
Le prêteur a engagé son action le 21 avril 2021, date de l'assignation, soit avant l'expiration d'un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé.
Dès lors, aucune forclusion de l'action du prêteur ne saurait être envisagée et la banque sera dite recevable en ses demandes.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
La société Creatis fait grief au premier juge de l'avoir déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif qu'elle produisait un justificatif de la consultation du FICP daté du 22 mai 2014, soit près de 18 mois avant l'octroi du crédit.
Elle expose verser aux débats différentes consultations du FICP effectuées les 13 octobre, 18 et 28 décembre 2015, outre celle du 22 mai 2014, afin de s'assurer de la solvabilité de Mme [W], lesquelles respectent parfaitement les dispositions du code de la consommation.
Elle fait valoir qu'en application des dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-13 du code de la consommation et de l'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010, la consultation du FICP n'a pas à être faite préalablement à l'acceptation de l'offre par l'emprunteur ni à la date de signature de l'offre ni dans les 14 jours de la signature car l'emprunteur peut encore se rétracter.
Elle indique que le contrat de prêt a été signé le 19 novembre 2015; que Mme [W] disposait d'un délai de 14 jours pour se rétracter, soit jusqu'au 3 décembre 2015. Elle ajoute que les fonds ont été débloqués le 28 décembre 2015, de sorte qu'elle a consulté ce fichier avant la conclusion du prêt et qu'elle n'encourt aucune déchéance du droit aux intérêts
Mme [W] relève que la cour s'interrogera sur les trois consultations produites devant elle et non en première instance et qu'elle considère comme tardives puisque le contrat a été signé le 19 novembre 2015, ajoutant qu'il serait intéressant de connaître la totalité de la réponse du FICP et les raisons pour lesquelles elle a interrogé ce fichier postérieurement à la signature à plusieurs reprises.
Elle affirme que la décision du premier juge était fondée au vu de la seule consultation produite par la société Creatis qui était inopérante et non conforme au texte en la matière, la consultation devant être faite au moment de la souscription.
Elle soutient que la société Creatis n'a pas pris toutes les précautions nécessaires au moment de la souscription du contrat au regard de ses capacités de remboursement, ce qui entraîne la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur ce,
L'article L. 311-48 du code de la consommation dispose que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En application de l'article L 311-9 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
L'article L. 333-4 du même code indique qu'un fichier national recense les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.
L'arrêté du 26 octobre 2010 indique qu'afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable.
En l'espèce, la société Creatis justifie, en cause d'appel, avoir consulté le FICP le 13 octobre 2015, le 18 décembre 2015 et le 28 décembre 2015 en produisant pour chaque consultation un document intitulé 'preuve de la consultation du FICP' qui mentionne pour chacun la date et heure de la consultation, la clé BDF utilisée ([Numéro identifiant 2]), l'objet de la consultation (rachat de crédits) et la réponse de la banque de France (0) répondant ainsi aux dispositions susvisées.
Le contrat de prêt ayant été signé par Mme [W] le 19 novembre 2015 et les fonds débloqués le 28 décembre 2015 ainsi qu'il en résulte de l'historique de prêt produit, il apparaît que la consultation du FICP est intervenue avant la mise à disposition des fonds valant agrément de l'emprunteur par le prêteur.
Dès lors, la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif n'est pas encourue.
Par ailleurs, Mme [W] n'explicite pas en quoi la société Creatis n'aurait pas pris toutes les précautions nécessaires au regard de ses capacités de remboursement au moment de la souscription du contrat alors qu'elle a rempli une fiche de dialogue relative à ses revenus et charges et que la banque justifie avoir sollicité son avis d'imposition et son avis d'échéance de septembre 2015 et qu'elle produit la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées ainsi que le document d'information propre au regroupement de créances.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance
Aux termes de l'article L. 311-24 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
L'article D. 311-6 dudit code dispose que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
La société Creatis produit à l'appui de sa demande en paiement notamment:
- l'offre de prêt acceptée,
- la notice d'information sur l'assurance des emprunteurs,
- le document d'information propre au regroupement de créances,
- la fiche de dialogue,
- les différentes pièces produites par l'emprunteur pour justifier de son identité, son domicile et sa solvabilité,
- la fiche d'informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs,
- le justificatif de la consultation du FICP,
- l'historique du prêt depuis l'origine,
- les courriers de mise en demeure des 18 août 2020 et 30 septembre 2020,
- un décompte de la créance arrêté au 18 mars 2021.
Il ressort des documents versés au débats que Mme [W] est redevable envers la société Creatis des sommes suivantes:
- 23 661,60 euros au titre du capital restant dû,
- 6 753,92 euros au titre des échéances impayées,
soit 30 415,52 euros, de laquelle il convient de déduire les versements effectués par Mme [W] jusqu'au 18 mars 2021 à hauteur de 2 247,30 euros sans qu'elle établisse que ce décompte ne tiendrait pas compte de versements effectués par elle avant cette date, sa pièce n°3 étant des mentions manuscrites de versements non corroborés par les relevés de compte correspondant.
Il convient donc de condamner Mme [W] au paiement de la somme de 28 168,22 euros qui portera intérêts au taux contractuel de 5,96 % à compter du 23 septembre 2020, date de la déchéance du terme.
Il conviendra de déduire de ce montant toutes les sommes versées après le 18 mars 2021 auprès de la société Synergie ou de la société Creatis par Mme [W] qui ne précise pas le montant total des versements qu'elle a effectués et qui n'en justifie que partiellement dans la mesure où elle ne produit pas tous les relevés bancaires correspondants ni un relevé des versements émanant de ces sociétés, le décompte produit (pièce 33) ayant été établi par elle.
La société Creatis sollicite également la condamnation de Mme [W] à lui verser la somme de 2 208,44 euros au titre de l'indemnité de résiliation.
Aux termes de l'article 1152 du code civil devenu l'article 1231-5 du code civil, le juge peut toujours, même d'office, modérer ou réduire la pénalité prévue au contrat si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Il convient pour apprécier, d'office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l'indemnité, de se référer à l'économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu'à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d'exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l'indemnité.
En l'espèce, compte tenu du montant et de la durée du prêt, du taux d'intérêt pratiqué, et des règlements déjà intervenus, l'indemnité contractuelle de 8 % apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice déjà retiré par le prêteur. Elle doit être réduite à la somme de 50 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt jusqu'à parfait paiement.
Sur les délais de paiement
Mme [W] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement en faisant valoir sa bonne foi. Elle expose avoir dû prendre sa retraite anticipée en raison de son état de santé ce qui a entraîné une baisse de ses revenus.
La société Creatis s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [W] n'est pas en capacité financière de régler la dette par des règlements de 374,55 euros ni d'apurer la dette dans le délai de 24 mois.
Sur ce,
Selon l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Mme [W] justifie percevoir en 2022 un revenu total de 23 544 euros selon son avis d'imposition et régler un loyer mensuel de 691 euros outre les charges de la vie courante.
Il n'est pas contesté qu'elle a respecté les délais de paiement accordés par le premier juge.
Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [W], qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions relatives aux dépens de première instance étant par ailleurs confirmées.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement à Mme [W];
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [U] [W] à payer à la société Creatis la somme de 28 168,22 euros, arrêtée au 18 mars 2021, qui portera intérêts au taux contractuel de 5,96 % à compter du 23 septembre 2020, outre la somme de 50 euros au titre de l'indemnité de résiliation assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Rappelle que les versements effectués postérieurement par Mme [W] auprès de la société Synergie ou de la société Creatis seront déduits de ces sommes ;
Y ajoutant,
Déclare recevable l'action en paiement engagée par la société Creatis ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
Condamne Mme [U] [W] aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, Le président,