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03/06/2024 | FRANCE | N°20/03749

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 03 juin 2024, 20/03749


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 JUIN 2024



N° RG 20/03749 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T72O



AFFAIRE :



[G] [Y]

et autres



C/



MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

et autres





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7

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N° RG : 16:14309



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Nathalie SAULAIS,



Me Elisabeth AFONSO-FERNANDES



Me Anne-laure DUMEAU,



Me Stéphanie TERIITEHAU,



Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 JUIN 2024

N° RG 20/03749 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T72O

AFFAIRE :

[G] [Y]

et autres

C/

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° Section :

N° RG : 16:14309

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Nathalie SAULAIS,

Me Elisabeth AFONSO-FERNANDES

Me Anne-laure DUMEAU,

Me Stéphanie TERIITEHAU,

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [Y]

[Adresse 12]

[Localité 1]

Représentant : Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

Madame [I] [Y] épouse [D]

[Adresse 2]

[Localité 23]

Représentant : Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

Monsieur [X] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 22]

Représentant : Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 27]

[Localité 9]

Représentant : Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 7]

[Localité 16]

Représentant : Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

APPELANTS

****************

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 8]

[Localité 19]

Représentant :Me Elisabeth AFONSO-FERNANDES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 70 et Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES,

Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0244

SARL BATITEC EUROPE

[Adresse 20]

[Localité 24]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Natalie CREISSELS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0255

Société SMABTP

[Adresse 21]

[Localité 18]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Natalie CREISSELS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0255

S.A.S. S.A.P.E. (SOCIETE D' L'APPLICATION DE PRODUITS D'ETANCHEITE)

[Adresse 13]

[Localité 14]

Représentant: Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me David GIBEAULT de la SELARL SAUPHAR GIBEAULT FELDMAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1195

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 10]

[Localité 26]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Monsieur [H] [E], décédé le 30/09/2020 à [Localité 28]

[Adresse 11]

[Localité 25]

INTIMÉS

****************

Madame [U] [B] veuve [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentant : Me Elisabeth AFONSO-FERNANDES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 70 et Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0244

Madame [M] [E]

[Adresse 5]

Bât. B - RDC

[Localité 17]

Représentant : Me Elisabeth AFONSO-FERNANDES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 70 et Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0244

PARTIES INTERVENANTES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [J] [Y], propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 6]), a fait réaliser par la société Max Servant EMSE des travaux de ravalement de façades entre janvier et juillet 2000, réceptionnés le 25 juillet 2000.

Se plaignant de désordres suite à ces travaux, Mme [Y] a sollicité en référé la désignation d'un expert.

Par ordonnance de référé du 8 octobre 2004, M. [N] [Z] a été désigné en cette qualité.

Dans son rapport du 12 janvier 2007, il a validé les travaux de reprise proposés par les entreprises Batitec Europe (ci-après société Batitec) s'agissant notamment du ravalement pour un coût de 65 622,36 euros TTC et la SAPE (société d'application des produits d'étanchéité) (ci-après société « Sape ») pour le traitement des remontées capillaires pour un montant de 6 638 euros TTC. Le maître d'ouvrage avait fait le choix d'un maître d''uvre en la personne de M. [H] [E], architecte.

Les travaux de ravalement ont ainsi été confiés à la société Batitec qui les a sous-traités à l'entreprise Delta-bat, les travaux d'assèchement des murs ont été réalisés par la société Sape, le tout sous la maîtrise d''uvre de M. [H] [E].

Ces travaux ont été réceptionnés le 27 juin 2008.

Se plaignant de nouvelles dégradations des revêtements en plâtre et peinture de son immeuble, M. [S] [Y], désormais propriétaire en usufruit suite au décès de son épouse, a fait dresser le 25 mars 2013 un constat d'huissier relatif à la survenance de nouvelles dégradations sur l'immeuble.

Il a également sollicité une mesure d'expertise à laquelle il a été fait droit par ordonnance de référé du 21 mai 2015, M. [L] [O] a été désigné en qualité d'expert, au contradictoire des sociétés Batitec, SMABTP, son assureur, Sape et AXA France, son assureur.

Par ordonnance de référé du 6 octobre 2015, les opérations d'expertise ont été rendues communes à M. [H] [E] et son assureur la société MAF puis par ordonnance de référé du 18 mars 2016 aux sociétés MMA et MAAF assurances.

L'expert a rendu son rapport le 20 novembre 2016.

Selon actes délivrés les 7 et 20 décembre 2016, M. [Y] a fait assigner, devant le tribunal judiciaire de Nanterre, les sociétés Batitec, SMABTP, Sape, AXA France, M. [H] [E] et la société MAF aux fins d'indemnisation.

[S] [Y] est décédé le 6 juin 2017, laissant comme ayants droit M. [G] [Y], Mme [I] [Y], M. [X] [Y], M. [S] [Y] et M. [V] [Y].

[H] [E] est décédé, laissant comme ayants droit Mmes [U] [B] et [M] [E].

Par jugement contradictoire du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [G] [Y], Mme [I] [Y] épouse [D], M. [X] [Y], M. [S] [Y] et M. [V] [Y],

- débouté les consorts [Y] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné in solidum les consorts [Y] aux dépens avec recouvrement direct,

- condamné in solidum les consorts [Y] à payer 1 000 euros à la société Batitec et à la société SMABTP ensemble, et 1 000 euros à la société AXA France, la société Sape, [H] [E] et la MAF, au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a considéré que la prestation de ravalement prévue dans le devis de la société Batitec n'avait pas pour objet d'assurer l'étanchéité des façades et a rejeté les demandes dirigées contre elle et l'architecte sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Il a estimé que les requérants n'expliquaient pas pour quelles raisons la responsabilité de la société Sape pouvait être retenue, s'agissant des remontées capillaires, la société Sape ayant appliqué les préconisations du précédent expert judiciaire validées par un architecte et qu'il ne saurait lui être reproché un manquement à son devoir de conseil.

Par déclaration du 3 août 2020, les consorts [Y] ont interjeté appel.

Par arrêt en date du 4 juillet 2022 la présente cour a :

- constaté l'interruption, le 10 mai 2022, des instances opposant M. [E] aux autres parties au litige,

- ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 4 octobre 2022 afin de permettre aux héritiers de M. [E] de reprendre volontairement l'instance, ou à la partie la plus diligente de les citer à comparaître ou encore aux parties de justifier de toutes initiatives prises en vue de reprendre l'instance.

Par actes des 1er et 4 août 2022, les consorts [Y] ont appelé en intervention forcée les ayants droit de [H] [E], Mme [M] [E] et Mme [U] [B] veuve [E].

Aux termes de leurs conclusions n°2 remises le 25 novembre 2022, MM. [G], [X], [S] et [V] [Y] et Mme [I] [Y] épouse [D] demandent à la cour :

- de juger recevable l'intervention forcée de Mme [B] veuve [E] et de Mme [E] en leur qualité d'héritières de [H] [E],

- d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés in solidum aux dépens et à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles au profit des sociétés Batitec, la SMAPTP, M. [E] et la MAF, les sociétés Sape et AXA France ,

- de condamner in solidum les sociétés Batitec, SMABTP, Mmes [B] et [E] en leur qualité d'héritières de [H] [E] et la société MAF à leur verser à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2016 la somme de 192 963,17 euros TTC au titre du ravalement,

- de condamner in solidum les sociétés Sape, AXA France, Mmes [B] et [E] et la société MAF à leur verser à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2016 de l'assignation la somme de 4 690,85 euros TTC au titre des remontées capillaires,

- de condamner in solidum les sociétés Batitec, SMABTP, Sape, AXA France, Mmes [B] et [E] et la société MAF à leur verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- de condamner in solidum les sociétés Batitec, SMABTP, Sape, AXA France, Mmes [B] et [E] et la société MAF à leur verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise,

- de débouter les sociétés Batitec, SMABTP, Sape, AXA France, et MAF de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le ravalement, ils soutiennent, sur le fondement de la garantie décennale, qu'il ne constituait pas «un travail de ravalement banal» mais un ravalement «ayant pour objet d'assurer une fonction d'étanchéité» ainsi que le définit la jurisprudence rendant applicable les dispositions de l'article 1792 du code civil à la société Batitec et à M. [E], architecte ainsi qu'à leurs assureurs respectifs.

À défaut, ils déclarent agir sur le fondement contractuel, retenant le caractère fautif de l'intervention de la société Batitec, qui a réalisé un ravalement non conforme aux règles de l'art, non visés par les DTU, et de l'architecte, pour défaut de prescription et négligence du suivi des travaux entraînant des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage et le rendant impropre à sa destination.

Concernant les remontées capillaires, ils affirment que le système mis en 'uvre par la société Sape ne remplit pas la fonction demandée, l'expert ayant en effet relevé que le système d'assèchement n'était pas compatible avec la structure existante du bâtiment. Et que le traitement des remontées capillaires aurait dû être réalisé selon un autre procédé et que pour ce manque de conseil et pour l'exécution d'une prestation sur un ouvrage existant qui n'était pas compatible avec le traitement proposé, la responsabilité de la société Sape est engagée sur le fondement contractuel.

Concernant les fautes de l'architecte, ils citent l'expert renvoyant au CCTP du 29 mai 2006, établi par l'architecte qui prévoyait une réfection des enduits par des matériaux à base de plâtre et non par des mortiers à base de liant hydraulique et qui décrivait aussi dans le lot 119 «assèchement» une exécution par traitement de type Wagner associant électro-osmose et électrophorèse. Il en est résulté une contradiction dans les préconisations de l'architecte décrivant ainsi des ouvrages incompatibles entre eux, contradiction qui durant le déroulement du chantier n'a été ni remarquée, ni évoquée par l'architecte, qui par ce défaut et par la négligence du suivi des travaux a engagé sa responsabilité.

Enfin, ils revendiquent un préjudice de jouissance et ont réactualisé les devis de réparation des travaux.

Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe le 29 août 2022, Mme [U] [B] veuve [E], Mme [M] [E] et la société MAF demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter les consorts [Y] et toute autre partie de leurs demandes formées à leur encontre,

- à titre subsidiaire, limiter le montant des condamnations à la somme de 106 391,82 euros, 3 153,29 euros HT pour les travaux de remise en état et zéro euro pour le préjudice de jouissance,

- à titre subsidiaire, réduire le pourcentage de responsabilité de [H] [E] à 20 %, et à défaut retenir celui de 50 % proposé par l'expert judiciaire,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la solidarité ne se présume pas et dès lors qu'ils ne sauraient être condamnés in solidum ou solidairement avec les autres défendeurs,

- à titre subsidiaire, condamner la société Batitec, et son assureur la société SMABTP, la société Sape et son assureur la société AXA France, dont les fautes causes des dommages, ont été caractérisées, à les garantir,

- à titre subsidiaire, appliquer les termes et limites de la police souscrite par [H] [E], architecte DPLG, auprès de la MAF, dire et juger opposable la franchise en cas de condamnation prononcée sur un fondement autre que décennal,

- condamner toute partie perdante aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Afonso-Fernandes, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner toute partie perdante à verser à la société MAF, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que le ravalement n'était pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil puisqu'il ne s'agissait pas d'un ravalement avec étanchéité soumis à la garantie décennale mais uniquement d'une peinture décorative, relevant de la seule garantie biennale. Ils ajoutent qu'aucune faute ne peut être imputée à l'architecte.

Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 octobre 2022, la société Sape demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter les consorts [Y] de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre,

- subsidiairement, dire et juger que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre des travaux de ravalement,

- dire et juger que, dès lors, aucune condamnation solidaire ou in solidum ne pourra être prononcée à son encontre, qui n'a en aucun cas concouru à la réalisation du dommage,

- dire et juger les consorts [Y] mal fondés en leurs demandes formées à son encontre pour les travaux d'assèchement,

- en conséquence, débouter les consorts [Y] de l'intégralité de leurs demandes formées à son encontre,

- débouter toute partie formant une demande, tant en principal qu'en garantie, à son encontre et notamment Mme [B] et Mme [E], ayants droit de [H] [E], et la société MAF, ainsi que les sociétés Batitec et SMABTP,

- subsidiairement, dire et juger que seule une part de 20 % pourrait être éventuellement retenue à son encontre, sur le chiffrage des seuls travaux de traitement des remontés capillaires, chiffrés par M. [A] dans son rapport à la somme de 4 586,85 euros TTC, soit une somme de 917,37 euros TTC,

- plus subsidiairement, dire et juger que seule pourrait être retenue à son encontre une condamnation limitée à 50 % du coût des travaux de traitement des remontées capillaires soit la somme de 2 293,42 euros TTC,

- dire et juger, en cas de condamnation, que sa contribution aux dépens et aux frais irrépétibles devra être proportionnelle à sa part due au principal,

- débouter les consorts [Y] du surplus de leurs demandes,

- en toutes hypothèses, en cas de condamnation, condamner in solidum les sociétés Batitec et SMABTP, Mmes [B] et [E] et la société MAF, ainsi que la société AXA France à la garantir,

- condamner in solidum les consorts [Y], ainsi que tout succombant, à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens, dont distraction au profit de la société Minault Teriitehau agissant par Me Teriitehau, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions n°2, remise au greffe le 5 octobre 2022, la société AXA France demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,

- rejeter la demande de garantie de la société Sape,

- condamner les consorts [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance et dire que Me [R] pourra recouvrer sur la partie condamnée, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Aux termes de leurs conclusions n°2, remise au greffe le 29 septembre 2022, les sociétés SMABTP et Batitec Europe demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [Y] de l'ensemble de leurs demandes,

- dire et juger mal fondée l'action les consorts [Y] à leur encontre,

- prononcer leur mise hors de cause s'agissant des remontées capillaires des murs de façade,

- débouter les consorts [Y] de l'ensemble de leurs demandes,

- débouter Mme [B], Mme [E], ainsi que la MAF, la société Sape et la société AXA France de leurs demandes de condamnation et de garantie à leur encontre,

- à titre subsidiaire, limiter le montant des condamnations à la somme de 105 109,81 euros HT,

- limiter la responsabilité de la société Batitec à 20 % du montant des condamnations,

- condamner in solidum Mmes [B] et [E] et les sociétés MAF, Sape et AXA France à les garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- dire et juger que la société SMABTP ne pourra être tenue que dans les termes et limites de la police d'assurance souscrite par la société Batitec qui prévoit notamment des franchises s'agissant des garanties obligatoires et facultatives et plafonds de garantie,

- condamner les consorts [Y] et toute partie succombante au paiement de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Dumeau, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Batitec et son assureur la SMABTP soutiennent que le ravalement commandé par le maître d'ouvrage n'avait pas de fonction d'étanchéité et que « la solidité de l'ouvrage n'étant pas compromise dans le délai décennal (expiré depuis le 25 juin 2018) et « la dé cohésion des enduits du support » constatée par l'expert ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination, les désordres ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792 du civil.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 15 mai 2023 mais a été renvoyée, en raison de l'indisponibilité du président, à celle du 18 mars 2024 pour être mise en délibéré au 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'est pas contesté que Mme [U] [B] veuve [E] et Mme [M] [E] sont les ayants droit de l'architecte décédé.

L'intervention volontaire des consorts [Y] ayants droit de [S] [Y] n'est pas remise en cause.

Sur la demande des consorts [Y] en réparation du dommage affectant le ravalement

Sur l'application de la garantie décennale au ravalement litigieux

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, les consorts [Y] fondent leur demande principale concernant les travaux de ravalement sur ces dispositions. Ce fondement est contesté par les parties adverses.

Il est admis que la garantie de l'article 1792 du code civil s'applique à des travaux de ravalement assurant l'étanchéité de l'immeuble. Il en va de même de la restauration des pierres de façade, qui ont pour objet de maintenir l'étanchéité nécessaire à la destination de l'immeuble compte tenu d'un environnement particulier, par exemple l'exposition aux embruns. En revanche, un nettoyage ou une peinture de façade, de même que la pose d'enduits, non susceptibles de porter atteinte à la destination ou à la solidité de l'immeuble, n'ayant qu'un caractère esthétique, n'engagent que la responsabilité contractuelle de droit commun de ceux qui effectuent la prestation.

La lecture du devis de la société Batitec, qui a effectué le ravalement, ne fait apparaître aucune fonction spécifique d'étanchéité de celui-ci, même s'il incluait la reprise des pierres endommagées. Il s'agissait d'un ravalement d'embellissement. Il y est indiqué au titre des prestations à effectuer : décapage chimique, nettoyage, reprise en surface du parement pierre, piochage et recoupement des parties de pierre dégradées, rejointoiement de la brique, scellement plâtre, réfection d'éléments linéaires plâtre, purge de la maçonnerie plâtre avant application d'une peinture minérale.

L'humidité décelée par l'expert judiciaire provenant d'un tuyau d'évacuation des eaux usées qui se déverse dans une descente en fonte extérieure par l'intermédiaire d'un branchement encastré dans le mur de façade, n'a rien à voir avec les désordres affectant le ravalement.

Nonobstant la gravité des désordres et l'affirmation de l'expert selon lequel les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendront « à terme » impropre à son usage, l'enduit mis en 'uvre par la société Batitec et les travaux n'avaient pas pour objet d'assurer l'étanchéité de la façade.

En conséquence, sur le fondement de l'article précité, la demande a été justement rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur la responsabilité contractuelle des intervenants et les réparations

Les désordres qui ne relèvent pas d'une garantie légale peuvent donner lieu à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'ancien article 1147 du code civil -applicable aux faits de l'espèce-. La responsabilité de droit commun est donc une responsabilité subsidiaire applicable seulement dans les hypothèses où les conditions des garanties décennales et biennales ne sont pas réunies. Après la réception des travaux, elle est fondée sur la faute de l'exécutant.

Les responsabilités des sociétés Batitec et Sape -dans le paragraphe ci-après- sont examinées sur le fondement de la responsabilité contractuelle, tout comme celle du maître d''uvre qui est tenu d'une obligation de moyens pour ses prestations.

En outre, chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune des fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que leurs rapports réciproques mais non le caractère ni l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.

En l'espèce, il est reproché des fautes à la société Batitec et à l'architecte, d'une part, dans l'exécution de leurs obligations quant au ravalement, et à la société Sape et à l'architecte, d'autre part, pour l'assèchement des murs.

Il ressort du rapport d'expertise que le ravalement est atteint d'une dé-cohésion des enduits du support sur des épaisseurs pouvant aller jusqu'à 40 mm, il est constaté que des pans d'enduit n'adhèrent plus au support. L'expert remarque également sur la façade des supports en matériaux très hétéroclites notamment pour les enduits et mortier. Il constate des remontées capillaires et un taux d'humidité dans la cave de 100 % sur une des parois.

L'expert relate un sondage effectué en juin 2013, à la demande de la société SMABTP, par une entreprise spécialisée qui confirme l'hétérogénéité des matériaux de la maçonnerie avec plusieurs types de liants hydrauliques et de plâtre. Ce rapport ajoute que le traitement d'assèchement est inefficace car inadapté, des remontées capillaires et des fissures sont remarquées. Il est préconisé une purge pour éliminer des enduits et mortiers de liants hydrauliques défectueuses en partie basse, la réfection de ces parties avec des liants adaptés (ciment alumineux), la reprise des fissures pour éviter les entrées d'eau, la réfection des plâtres.

M. [A] affirme que les désordres sont la conséquence des travaux réalisés, soit le raccord d'enduit plâtre et peinture par film mince sur enduit extérieur en plâtre en hauteur et la réalisation d'un mortier à base de liants hydrauliques en hauteur. Il confirme que les règles de l'art interdisent l'application de mortier sur ce type de support ancien en plâtre et le raccord d'enduit au plâtre pur et l'application de peinture par film mince sur des enduits extérieurs en plâtre.

Il conclut que les désordres n'ont qu'une seule cause, l'utilisation de mortiers et de procédés différents selon les étages, non visés par les DTU (documents techniques unifiés) et non conformes aux règles de l'art et finalement non adaptés.

La responsabilité de la société Batitec est donc évidente dans la mesure où si elle avait bien prévu dans son devis une réfection des enduits par une application d'enduits à base de plâtre elle a finalement utilisé un mortier à base de liants hydrauliques. Cette modification s'explique selon elle par le suivi des préconisations de la société Sape. Or comme l'expert affirme justement, en sa qualité de professionnelle, elle ne saurait se décharger de sa faute de cette façon.

Quant au maître d''uvre, il a bien dans son CCTP (cahier des clauses techniques particulières) retenu la méthode idoine pour la réfection des enduits par plâtre mais n'a pas, lors de l'exécution, remarqué qu'un mortier à base de liants hydrauliques y avait été substitué. Si le maître d''uvre n'est effectivement pas tenu à une présence constante sur le chantier, il doit s'enquérir des matériaux effectivement utilisés et se faire transmettre les fiches techniques de ceux-ci.

Ainsi, ces deux intervenants sont fautifs mais dans des proportions différentes. Leur responsabilité est retenue à hauteur de 70 % pour la société Batitec et de 30 % pour l'architecte concernant la réfection des travaux de ravalement justement évaluée en 2016 à la somme de 105 109,81 euros HT selon le devis de la société DNT retenu mais réduit par M. [A] dont les consorts [Y] demande l'actualisation à la somme de 192 963,17 euros TTC.

Ils ont pour cela sollicité l'entreprise DNT qui a réactualisé son devis, les déductions de l'expert ont été appliquées, ce qui revient à la somme de 158 037 euros HT. Toutefois, même en 8 ans le devis a augmenté d'un tiers ce qui apparaît excessif. Le devis doit évidemment être réévalué mais dans une proportion raisonnable, ainsi il est réévalué à la somme de 130 000 euros HT à laquelle il faut rajouter 7 % pour les frais de maîtrise d''uvre et la TVA de 10 % mais sans assurances dommages-ouvrage, celle-ci étant inutile, soit la somme totale de 153 010 euros TTC à laquelle sont condamnés in solidum la société Batitec, son assureur la société SMABTP, dans les limites de sa police, et les ayants droit de l'architecte Mmes [U] [E] et [M] [E] avec la société MAF, dans les limites de sa police. En revanche les intérêts légaux compensatoires ne sont dus qu'à compter de la présente décision.

Dans leurs rapports finaux, les premières gardent à charge 70 % de la dette, et les secondes 30 %.

Le jugement est infirmé.

Sur la demande au titre des remontées capillaires

Pour le traitement des remontées capillaires, l'expert confirme que le système mis en 'uvre par la société Sape ne remplit pas sa fonction. Il remarque que son devis indique « Attention : l'utilisation de plâtre en enduit de finition, rebouchage et scellement est interdite ».

Sa responsabilité est, dans un premier temps, écartée par l'expert qui explique qu'elle n'a pas réalisé les travaux qui ont amené les désordres et ne peut être incriminée pour les préconisations écrites de son devis. Cependant, l'expert retient finalement à juste titre la responsabilité de la société Sape dans la mesure où elle a effectué des travaux d'assèchement en utilisant une méthode incompatible avec la structure et qui n'a donc pas rempli son office.

En revanche, l'expert ne met pas en évidence une faute de l'architecte sur ce point.

Ainsi, la responsabilité de la société Sape est entière pour les remontées capillaires dont la réfection est justement évaluée à la somme de 4 586,85 euros TTC, elle est condamnée à payer cette somme avec son assureur, dans les limites de sa police.

Le jugement est infirmé.

Sur la demande au titre du préjudice de jouissance

Les travaux de réfection auront forcément un inconvénient pour la jouissance du bien et la somme de 3 000 euros réclamée est convenable, elle est accordée à charge de la société Batitec et de son assureur qui assume la responsabilité prépondérante dans la réalisation du dommage.

Le jugement est infirmé.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

Les intimés, qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, dans la proportion de 60 % pour les sociétés Batitec et SMABTP, de 20 % pour les ayants droit du maître d''uvre et la société MAF et de 10 % pour la société Sape et son assureur la société AXA, dans leurs rapports finaux. Le jugement est infirmé. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner in solidum les intimés à payer aux consorts [Y] la somme de 10 000 euros au total dans la même proportion que les dépens, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [G] [Y], Mme [I] [Y] épouse [D], M. [X] [Y], M. [S] [Y] et de M. [V] [Y] ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum les sociétés Batitec Europe et SMABTP, Mmes [U] [B] veuve [E] et [M] [E] en leur qualité d'ayants droit de [H] [E] et la société MAF à payer à MM. [G] [Y], [X] [Y], [S] [Y], [V] [Y] et Mme [I] [Y] épouse [D] la somme de 153 010 euros TTC au titre de la réfection du ravalement ;

Dit que dans leurs rapports finaux, la société Batitec Europe, la société SMABTP gardent à leur charge 70 % de la dette et Mmes [U] [B] veuve [E] et [M] [E] en leur qualité d'ayants droit de [H] [E] et la société MAF 30 % de la dette ;

Condamne in solidum la société SAPE (société d'application des produits d'étanchéité) et la société AXA France à payer à MM. [G] [Y], [X] [Y], [S] [Y], [V] [Y] et Mme [I] [Y] épouse [D] la somme de 4 586,85 euros TTC au titre de la reprise de l'assèchement ;

Condamne in solidum les sociétés Batitec Europe et SMABTP à payer à MM. [G] [Y], [X] [Y], [S] [Y], [V] [Y] et Mme [I] [Y] épouse [D] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Rappelle que les intérêts au taux légal sur ces sommes sont dus à compter de la présente décision ;

Dit que les assureurs sont condamnés dans les limites et conditions de leurs engagements contractuels concernant notamment les franchises opposables et sont autorisés à déduire leurs montants des condamnations prononcées à leur encontre ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne in solidum les sociétés Batitec Europe et SMABTP, Mmes [U] [B] veuve [E] et [M] [E] et la société MAF, les sociétés SAPE (société d'application des produits d'étanchéité) et AXA France aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, à hauteur de 60 % pour les sociétés Batitec et SMABTP, 20 % pour Mmes [U] [B] veuve [E] et [M] [E] et la société MAF et de 10 % pour les sociétés Sape (société d'application des produits d'étanchéité) et AXA France dans leurs rapports finaux ainsi qu'à payer à MM. [G] [Y], [X] [Y], [S] [Y], [V] [Y] et Mme [I] [Y] épouse [D] une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 60 % pour les sociétés Batitec et SMABTP, 20 % pour Mmes [U] [B] veuve [E] et [M] [E] et la société MAF et de 10 % pour les sociétés Sape (société d'application des produits d'étanchéité) et AXA France, dans leurs rapports finaux.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 20/03749
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;20.03749 ?
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