COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2024
N° RG 22/05020 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VLDY
AFFAIRE :
S.A.S. FIDUCIAL INFORMATIQUE
...
C/
S.A.S. COMPUTACENTER FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2015F02286
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Mélina PEDROLETTI
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. FIDUCIAL INFORMATIQUE
RCS Nanterre n° 317 288 389
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL OUTSOURCING PERFORMANCE
RCS Nanterre n° 753 747 385
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL PRIVATE SECURITY - FIDUCIAL SECURITE
RCS Nanterre n° 753 747 385
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL SECURITE PREVENTION
RCS Nanterre n° 383 474 889
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL STAFFING
RCS Nanterre n° 449 658 400
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE DE REVISION COMPTABLE- FIDAUDIT
RCS Nanterre n° 334 301 488
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A. SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE DE REVISION COMPTABLE- FIDEXPERTISE
RCS Nanterre n° 552 108 722
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.E.L.A.F.A. SOCIETE FIDUCIAIRE NATIONALE DE REVISION COMPTABLE- SOFIRAL
RCS Nanterre n° 970 504 494
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A. BANQUE FIDUCIAL
RCS Lyon n° 780 076 857
[Adresse 6]
[Localité 5]
Société FIDEXPERTISE
numéro d'entreprise : 0459.517.110 (Bruxelles)
[Adresse 2]
[Localité 1] BELGIQUE
S.A.S. FIDUCIAL BUREAUTIQUE
RCS Nanterre n° 955 510 029
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL CONSEIL
RCS Nanterre n° 348 168 667
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL CONSULTING
RCS Nanterre n° 972 200 018
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL ENERGIE SECURITE (FIDUCIAL SECURITE) RCS Nanterre n° 384 228 508
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A. FIDUCIAL E-SECURITE
RCS Nanterre n° 327 424 248
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.C. FIDUCIAL
RCS Nanterre n° 328 084 074
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A. FIDUCIAL GERANCE
RCS Nanterre n° 612 011 668
[Adresse 4]
[Localité 7]
S.A.S. FIDUCIAL METIERS SECURITE (FIDUCIAL SECURITE)
RCS Nanterre n° 494 435 761
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Mathieu MARTIN de la SELARL BISMUTH, Plaidant, avocat au barreau de Lyon
APPELANTES
****************
S.A.S. COMPUTACENTER FRANCE
RCS Pontoise n° 388 734 568
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Valérie BOURGOIN & Me Lionel JUNG-ALLEGRET de la SELARL VENDOME SOCIETE D'AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DES FAITS
En 2012, le groupe Fiducial, par l'intermédiaire de la SAS Fiducial Informatique, a lancé un appel d'offres dont l'objectif était de choisir le fournisseur des futurs moyens d'impression des sociétés du groupe.
Les sociétés Samsung Electronics France (ci-après la société Samsung) et Computacenter France (ci-après la société Computacenter) ont été retenues et, le 3 juillet 2013, elles ont conclu avec la SAS Fiducial Informatique (ci-après la société Fiducial) une « Convention tripartite d'infogérance et de fourniture de matériels », avec effet rétroactif au 26 octobre 2012, pour une durée venant à expiration au 31 décembre 2017 (ci-après 'la Convention').
Par courrier du 11 mars 2013, la société Fiducial Staffing et lui a demandé de préciser les actions concrètes entreprises au regard du plan d'actions correctives arrêté le 18 février 2013.
Le déploiement des matériels a alors été repoussé du 15 avril au 13 mai 2013 puis suspendu de juillet à septembre 2013.
Par courrier du 22 novembre 2013, la société Fiducial Staffing a reproché à la société Computacenter le non-respect de ses engagements contractuels.
Il est rapporté que la société Computacenter a assuré la maintenance et la fourniture des consommables pour tous les matériels jusqu'au mois d'avril 2014, date à partir de laquelle la société Fiducial en a repris progressivement la charge, pour l'assurer intégralement à compter du mois de février 2015 sur les matériels de format A4 et des mois suivants sur les matériels de format A3.
Le déploiement des matériels s'est achevé au mois de septembre 2014.
Au mois de mars 2015, les sociétés Fiducial et Computacenter ont procédé à l'identification des points restants encore à résoudre et cette dernière s'est acquittée des pénalités contractuelles sanctionnant la non-atteinte de certains des niveaux de services stipulés à la Convention.
Le 4 mai 2015, la société Fiducial a, par l'intermédiaire de son conseil, notifié à la société Computacenter l'ensemble des manquements contractuels qu'elle allègue à son encontre, a fait état de son préjudice qu'elle a évalué à 1 million d'euros et a précisé ne pas être opposée à une solution amiable.
Par LRAR en réponse du 29 mai 2015, la société Computacenter a réfuté les griefs formés à son encontre par la société Fiducial, s'est étonnée de l'indemnité réclamée alors que la reddition des comptes contractuels a été faite entre les parties en mars 2015, s'est déclarée surprise que la responsabilité de la société Samsung soit écartée alors que le manque de fiabilité du matériel de cette dernière est à l'origine des difficultés rencontrées, et, a demandé à la société Fiducial de respecter son engagement de rachat du stock restant.
C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier de justice du 2 décembre 2015, les sociétés Fiducial ont assigné la société Computacenter devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de mettre en cause la responsabilité de cette dernière et obtenir réparation de leur préjudice.
Par jugement avant-dire droit du 26 juillet 2019 le tribunal a désigné un expert judiciaire lequel a déposé son rapport le 20 janvier 2021.
Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Débouté les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable- Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise de toutes leurs demandes en dommages-intérêts formées à l'encontre de la SAS Computacenter France au titre de l'exécution de la Convention tripartite du 3 juillet 2013 ;
- Débouté la SAS Computacenter France de sa demande visant à voir la SAS Fiducial Informatique condamnée à lui payer les sommes de (i) 29.714,95 € HT au titre des matériels en stock et non repris par celle-ci, et (ii) 112.666 € HT au titre de l'achat de consommables, avec intérêts calculés au taux légal à compter du 3 mars 2015 ;
- Condamné in solidum les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable- Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise à payer à la SAS Computacenter France la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
- Débouté les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable- Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise de leur demande visant à voir la SAS Computacenter France condamnée à prendre en charge les frais d'expertise.
Par déclaration du 28 juillet 2022, les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consultant, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SA Fiducial E-Sécurité, S.C. Fiducial SC, SA Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SELAFA Société Fiduciaire Nationale de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SAS Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise ont interjeté appel de ce jugement (ci-après dénommées ensemble les sociétés Fiducial ou les Appelantes).
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 avril 2023, les sociétés Fiducial demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SAS Computacenter de sa demande visant à voir la SAS Fiducial Informatique condamnée à lui payer les sommes de (i) 29.714,95 € HT au titre des matériels en stock et non repris par celle-ci, et (ii) 112.666 € HT au titre de l'achat de consommables, avec intérêts calculés au taux légal à compter du 3 mars 2015 ;
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il ne qualifie pas la société Samsung de sous-traitant de la société Computacenter France et que de fait, il exonère totalement la société Computacenter de sa responsabilité contractuelle pour cause étrangère ;
- Réformer le jugement dont appel ce qu'il débouté les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise de toutes leurs demandes en dommages et intérêts formées à l'encontre de la société Computacenter France au titre de l'exécution de la convention tripartite du 3 juillet 2013 ;
- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise à payer à la SAS Computacenter France la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
- Réformer le jugement dont appel ce qu'il déboute les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise de leur demande visant à voir la SAS Computacenter France condamnée à prendre en charge les frais d'expertise ;
Statuant à nouveau,
- Juger que la société Samsung était sous-traitante de la société Computacenter France, seule responsable des inexécutions de la convention tripartite du 3 juillet 2013 ;
- Juger que la société Computacenter France ne peut s'exonérer totalement de sa responsabilité en invoquant la cause étrangère ;
- Juger que la société Computacenter France était débitrice d'une obligation de résultat au titre du respect de dates clés et des opérations de déploiement ;
- Juger que la société Computacenter France n'a pas respecté ses engagements et ne justifie pas d'un cas fortuit lui permettant de s'exonérer de sa responsabilité ;
- Juger que le contrat comporte une clause de hiérarchie contractuelle excluant toute limitation d'indemnisation du préjudice subi au titre de seules pénalités déjà versées ;
- Juger qu'aucune clause pénale ne peut être opposée par la société Computacenter France ;
En conséquence,
- Juger que la société Computacenter France, en manquant à ses engagements contractuels, a engagé sa responsabilité et causé différents préjudices aux sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consulting, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise ;
En conséquence,
- Condamner la société Computacenter France à payer les sommes suivantes :
- Au titre du non-respect du calendrier de déploiement et de la suspension associée du projet : 212.220,18 €
- Au titre du préjudice de jouissance compte tenu du non-respect des délais de réparation et d'une fourniture non conforme : 307.461,50 €
- Au titre du préjudice subi compte tenu de la non souscription des garanties associées aux matériels fournis : 6.280,73 € ;
En tout état de cause,
- Déclarer mal fondé l'appel incident de la société Computacenter et l'en débouter ;
- Débouter la société Computacenter de toutes ses demandes ;
- Juger que les condamnations de la société Computacenter France pourront être versées dans leur intégralité à première demande de l'une des sociétés appelantes, charge à celle-ci de les répartir au prorata des différents préjudices subis par les différentes entités appelantes ;
- Condamner la société Computacenter France au paiement de la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Computacenter France aux entiers frais et dépens de justice en ce compris les frais d'expertise.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 janvier 2024, la société Computacenter France demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du 20 mai 2022 en ce qu'il a débouté les sociétés demanderesses, appelantes devant la cour, soit, les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consultant, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise, de toutes leurs demandes en dommages-intérêts au titre de l'exécution de la Convention tripartite du 3 juillet 2013 :
- Réformer le jugement du 20 mai 2022 en ce qu'il a débouté la société Computacenter France de sa demande de condamner ces sociétés à lui verser les sommes suivantes, et statuant à nouveau les condamner à payer les sommes suivantes :
- 29.714,95 € HT au titre des matériels en stock et non repris par celle-ci,
- 112.666 € HT au titre de l'achat de consommables par celle-ci directement auprès de Samsung alors qu'elle avait contractuellement l'obligation de ne les acquérir qu'auprès de Computacenter France qui les achetait et les stockait à son bénéfice,
- Avec intérêt légal à compter de la date de réunion de reddition de compte du 3 mars 2015,
et faire droit à ces demandes de la société Computacenter France ;
- Débouter les sociétés demanderesses, appelantes devant la cour, soit les sociétés SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consultant, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial E-Sécurité, Fiducial SC, SAS Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SAS Fiducial Sécurité Prévention, SAS Fiducial Staffing, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise, SEL Société Fiduciaire National de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise, de leurs demandes et prétentions ;
- Les condamner in solidum à payer à la société Computacenter France une somme de 35.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes de 'dire et juger', 'constater', 'dire', dans la mesure où elles consistent en une reprise de simples moyens ou arguments, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile de sorte que la cour ne statuera pas sur celles-ci.
*
Sur la responsabilité de la société Computacenter
Les Appelantes (Fiducial) soutiennent, au visa des articles 1137 et 1147 anciens du code civil, que la société Computacenter a souscrit aux termes de la Convention une obligation générale de moyens renforcée et de résultat s'agissant du respect des dates clés et du déploiement du matériel. Elles exposent que l'obligation de moyens renforcée vaut présomption simple de responsabilité dont ne peut s'exonérer la société Computacenter qu'en démontrant ne pas avoir commis de fautes. En revanche, précisent-elles, celle-ci est présumée irréfragablement responsable au titre de son obligation de résultat en cas de non-respect des dates clés et du déploiement du matériel, aucune cause étrangère ne pouvant l'exonérer de sa responsabilité.
Elles fondent la responsabilité de la société Computacenter sur le rapport d'expertise, sur le rôle contractuel de la société Computacenter et sur l'inopposabilité, à leur égard, de tout manquement de la société Samsung.
Elles exposent que l'expert a identifié de nombreux manquements (le non-respect des indicateurs de qualité du déploiement ; les taux de pannes élevés ; le non-respect des indicateurs de la qualité de service au titre de la maintenance des matériels et de la livraison des consommables ; les difficultés d'exécution rencontrées par la société Computacenter et les retards de livraison ; le défaut de souscription de garantie pour le matériel).
Elles soutiennent qu'en choisissant de recourir à l'infogérance pour le renouvellement du parc de leurs imprimantes, elles souhaitaient s'assurer le concours d'un professionnel du domaine en l'espèce la société Computacenter. Elles soutiennent que la société Samsung n'avait aucun lien avec elles, notamment s'agissant de la fourniture et du déploiement des matériels, que cette dernière était donc bien sous-traitante de la société Computacenter et qu'à ce titre la société Samsung a travaillé sous la responsabilité de celle-ci. Elles contestent l'analyse des premiers juges qui n'ont pas retenu cette qualification alors que l'appel d'offres, les dispositions contractuelles de la Convention, notamment la répartition des périmètres (1 et 2) des prestations entre les sociétés Samsung et Computacenter, ainsi que les conditions d'exécution de la Convention démontrent le contraire.
Elles en déduisent qu'elles n'avaient pas à gérer en direct les défaillances techniques des matériels, seule la société Computacenter en étant responsable en sa qualité d'entrepreneur principal. Elles critiquent les premiers juges qui pour les débouter de leurs demandes et exonérer de toute responsabilité la société Computacenter, ont retenu que les manquements provenaient d'une cause étrangère à cette dernière à savoir les dysfonctionnements des matériels et logiciels fournis par la société Samsung. Elles rappellent que seule la force majeure caractérise la cause étrangère, que les premiers juges ont écartéla responsabilité de la société Computacenter au motif que la société Samsung était un tiers, que cependant la société Computacenter disposait d'une action récursoire contre la société Samsung et que le fait qu'elles n'aient pas elles-mêmes attrait dans la cause la société Samsung 'pour des raisons qui [ leur] sont propres' ne conduit pas à considérer la société Samsung comme 'un tiers'. Elles font valoir que la société Computacenter n'a jamais démontré l'existence d'un cas fortuit pour s'exonérer de son obligation de résultat, ni n'a justifié avoir exécuté ses prestations conformément à l'état de l'art.
Elles sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Computacenter au titre de la Convention.
La société Computacenter rappelle le cadre contractuel et le rôle de chacune des parties, dans l'exécution de la Convention. Elle conteste les griefs qui lui sont reprochés. Elle invoque les défaillances de la société Samsung, s'appuyant sur le rapport d'expertise. Elle réfute la qualification d'entrepreneur principal qui lui est attribuée, conséquence de celle de sous-traitant attribuée, à tort, à la société Samsung par les appelantes.
Elle expose que selon la Convention, elle était chargée de déployer sur les sites des sociétés Fiducial, les matériels d'impression de la société Samsung et d'en assurer la maintenance en ce compris la fourniture des consommables, jusqu'à ce que les sociétés Fiducial reprennent directement cette maintenance sous réserve de l'agrément de la société Samsung. Elle fait valoir que la société Samsung était en charge de la fourniture des matériel et de leur mise au point pour permettre leur fonctionnement et assurer l'interfaçage avec le système d'information des sociétés Fiducial. Elle soutient que la Convention suppose une collaboration active et permanente entre les parties non seulement lors des phases de mise au point mais également au long de l'exécution de la Convention.
Elle rappelle avoir procédé au mois de mars 2015 à la reddition des comptes contractuels avec les sociétés Fiducial, laquelle a donné lieu à la mise en 'uvre des clauses pénales contractuelles entraînant le paiement de pénalités sanctionnant la non-atteinte de certains niveaux de service. Elle évoque les difficultés de mise au point de certains matériels rencontrées par la société Samsung ainsi que les comptes-rendus des comités de pilotage permettent de le documenter. Elle expose que celles-ci ont affecté ses propres prestations tant sur le déploiement (retard) que sur la maintenance (taux de panne anormalement élevé). Elle soutient que le compte rendu du 3 mars 2015 de reddition des comptes vaut reconnaissance par les sociétés Fiducial d'une exécution conforme par ses soins de la Convention, le règlement des pénalités ayant soldé les manquements contractuels constatés.
Elle affirme que les sociétés Fiducial lui imputent à tort le retard de déploiement (La 'suspension du déploiement a duré 2 mois courant l'été 2013 plus 1 mois du 15 avril au 13 mai 2013 ') pour réclamer un préjudice de jouissance. Elle soutient que cette suspension et l'allongement des délais de mise en 'uvre de la solution recherchée par les sociétés Fiducial sont exclusivement dus au non-respect des délais d'approvisionnement par la société Samsung, au mauvais fonctionnement des matériels et logiciels dont celle-ci est responsable et aux décisions prises par les sociétés Fiducial, ainsi que le rapport d'expertise le confirme.
Après avoir rappelé les dispositions légales relatives à la sous-traitance et les termes de l'appel d'offres ainsi que ceux de la Convention, elle soutient que la société Samsung ne peut être considérée comme sa sous-traitante et doit sa garantie.
Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris qui, écartant sa responsabilité, a débouté les sociétés Fiducial de leur demande de dommages et intérêts.
*
En premier lieu, la cour statuera sur le rôle dévolu à la société Computacenter et à la société Samsung par la Convention à fin de déterminer, en second lieu, les responsabilités respectives au titre des manquements contractuels allégués par les sociétés Fiducial à l'encontre de la seule société Computacenter.
Sur l'intervention de la société Samsung en qualité de sous-traitant de la société Computacenter
Ainsi que les premiers juges l'ont relevé, il ne résulte ni des documents contractuels ni des faits que la société Samsung devait agir et a agi comme sous-traitant de la société Computacenter dans le cadre de la Convention.
Selon les dispositions de l'article 1er de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, rappelées par les Appelantes, la sous-traitance se définit comme une opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.
La sous-traitance se distingue de la co-traitance laquelle consiste, pour deux entreprises ou plus, à s'engager, entre elles, à soumissionner à un marché et à l'exécuter s'il leur est attribué.
La Convention relève de cette seconde opération.
En effet, l'appel d'offres (in pièce 1 - Fiducial) qui éclaire les futures relations contractuelles, précise l'objectif poursuivi par les sociétés Fiducial, lequel est de 'choisir le fournisseur des futurs moyens d' impression de Fiducial. Il s'inscrit dans le projet de rénovation de la totalité du parc, des moyens d'impression de la firme (imprimantes, copieurs, fax, scan)'.
La Convention est dénommée 'tripartite', ce qui d'emblée place la société Samsung (signataire 'de deuxième part') au même niveau contractuel que les sociétés Fiducial ('d'une part') et Computacenter ('de troisième part').
Le préambule de la Convention rappelle qu' 'Au-delà de la fourniture des matériels, FIDUCIAL a exposé qu'elle attendait de ses fournisseurs choisis de faire de ce projet de rénovation un succès, en accompagnant FIDUCIAL dans la phase de déploiement, critique pour la réussite du projet de refonte des systèmes d'impression ci-après dénommé le « Projet »'.
Au chapitre des définitions de la Convention, 'Partenaire' désigne 'indistinctement SAMSUNG et/ou COMPUTACENTER', 'Périmètre' désigne 'indistinctement le Périmètre 1 ou le Périmètre 2", 'Périmètre 1" 'désigne les conditions contractuelles spécifiques aux prestations fournies par SAMSUNG et visées en Annexe 2", 'Périmètre 2" 'désigne les conditions contractuelles spécifiques aux prestations fournies par COMPUTACENTER et visées en Annexe 3', 'Prestations' 'désigne l'ensemble des services et prestations fournies par un, ou les deux Partenaires suivant le cas, en exécution des présentes et suivant le détail visé dans chaque Périmètre'.
Dans l'ordre de priorité décroissante des documents contractuels, l'Annexe 2 relative aux prestations dues par la société Samsung prévaut sur l'Annexe 3 précisant les prestations de la société Computacenter (article 5 de la Convention).
L'Annexe 2 (Périmètre 1) se présente ainsi sous forme de contrat passé entre la société Samsung et l'une des sociétés Fiducial (la société Fiducial Informatique) par lequel la première habilite la seconde à procéder à des prestations de réparation et de maintenance sur les matériels Samsung.
L'Annexe 3 (Périmètre 2) décrit les modalités de prestations de déploiement et les conditions de maintenance des matériels et de fourniture des consommables assurées par la société Computacenter ainsi que les conditions financières de la fourniture de celles-ci.
Le suivi du Projet est assuré par des comités auxquels sont invités à participer 'les deux Partenaires' (article 6.2).
Les opérations d'internalisation du projet, c'est-à-dire la reprise en main par les sociétés Fiducial de la maintenance des matériels déployés (article 7.2), suppose un agrément préalable accordé, selon les conditions prévues au Périmètre 1 (et non au Périmètre 2), par la société Samsung (et non par la société Computacenter).
La Convention prévoit (article 8.2) que chaque partie désigne un responsable du 'Contrat' disposant du 'pouvoir, de la connaissance, des compétences nécessaires pour répondre au nom de la Partie qu'il représente et pour prendre toute décision' utile. Cette désignation serait dépourvue d'intérêt si la société Samsung était sous-traitante de la société Computacenter.
La société Samsung s'engage à réaliser le manuel utilisateur des matériels tandis que la société Computacenter fournit le guide 'animateur de formation' (article 8.3.2).
Chaque 'Partenaire' doit constituer une équipe affectée à l'exécution de la Convention (article 8.4).
Seule la société Samsung doit respecter la compatibilité ascendante des logiciels, attachés aux matériels, mis en service lors du déploiement. Elle doit également assurer la maintenance et le support de ceux-ci pendant toute la durée de la Convention (article 8.5).
Les sociétés Samsung et Computacenter se sont donc engagées à fournir aux sociétés Fiducial des prestations distinctes.
La Convention prévoit le cas d'une résiliation partielle d'un périmètre (article 16.5.1) avec en particulier la rupture des relations avec la société Computacenter dans les termes suivants : 'Compte tenu de l'équilibre économique du Contrat pour FIDUCIAL au titre des prix pratiqués et négociés, SAMSUNG reconnaît que toute résiliation partielle du Contrat cadre vis-à-vis de COMPUTACENTER pourrait remettre en cause l'économie de ce dernier. Dans ces conditions, SAMSUNG s'engage à assister FIDUCIAL dans le cadre de toute recherche d'un nouveau partenaire, en charge du périmètre 2 en lieu et place de COMPUTACENTER, et notamment au titre de toute négociation commerciale ou financière pouvant en découler'. Cette précision met en lumière le rôle exact de la société Samsung qui n'agit pas en qualité de sous-traitante dans le cadre de la Convention. En effet, elle est considérée par les Appelantes comme partenaire de premier plan ce qui se conçoit dans la mesure où la société Samsung fournit les matériels dans le cadre d'une Convention qui organise l'installation de ceux-ci et leur maintenance sur l'ensemble des sites des Appelante. A cet égard, la cour relève que les parties ne sont pas convenues de la réciprocité d'un engagement d'assistance pris par la société Computacenter en cas de retrait de la société Samsung.
Par ailleurs, aucune disposition de la Convention ne prévoit que la société Samsung agit en qualité de sous-traitant de la société Computacenter. L'article 21.4 de la Convention autorise seulement chaque 'Partenaire' à faire appel à des sous-traitants pour ce qui le concerne, sous réserve de l'agrément préalable de la société Fiducial Informatique. Cet article intitulé 'SOUS TRAITANCE' ne fait pas mention de ce que la société Samsung interviendrait comme sous-traitant de la société Computacenter.
Les sociétés Fiducial ont retenu la société Samsung pour la fourniture des matériels en association avec la société Computacenter pour le déploiement, la maintenance et la fourniture de consommables. Le choix des produits Samsung relève de la seule décision des sociétés Fiducial et non de celle de la société Computacenter. Les sociétés Fiducial ne peuvent, sans mauvaise foi, soutenir qu'elles n'auraient fait qu'accepter la réponse à l'appel d'offres de la société Computacenter laquelle incluait des imprimantes Samsung.
Le fait que l'approvisionnement, la livraison, la facturation et le paiement des matériels destinés aux sites des sociétés Fiducial soient assurés par la société Computacenter, laquelle doit assurer leur déploiement et leur maintenance, ne suffit pas à qualifier la société Samsung de sous-traitant de la société Computacenter, celle-là ne fournissant pas à celle-ci des prestations relevant de son périmètre (Périmètre 2 : déploiement, maintenance ou fourniture de consommables). L'organisation retenue permet d'assurer un meilleur contrôle du déploiement et un meilleur suivi de la maintenance par la société Computacenter au bénéfice des sociétés Fiducial.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré que n'était pas caractérisée la relation alléguée de sous-traitance entre les sociétés Samsung et Computacenter dans le cadre de l'exécution la Convention.
Il s'en déduit que la société Computacenter ne peut être tenue responsable à l'égard des sociétés Fiducial des obligations souscrites par la société Samsung au titre de la Convention.
Sur la responsabilité de la société Computacenter au titre des manquements à la Convention allégués par les sociétés Fiducial
Les sociétés Fiducial font état de divers manquements prétendument commis par la société Computacenter à l'occasion de l'exécution de la Convention qu'il convient d'examiner.
La société Computacenter ne conteste pas le non-respect de l'engagement de qualité du déploiement, portant essentiellement sur le taux de matériel défectueux à la livraison qui doit être inférieur ou égal à 2%. Ce manquement a donné lieu à l'application de pénalités sous forme d'avoir émis par elle en application des dispositions contractuelles.
Des taux de pannes élevés ont été constatés par l'ensemble des parties en particulier sur deux modèles d'imprimantes (modèles 8640). L'expert (son rapport page 10), s'appuyant sur les comptes-rendus de comité de pilotage également communiqués, en attribue la responsabilité exclusive à la société Samsung en relevant que celle-ci a rencontré des difficultés à fiabiliser les modèles nouveaux.
Le non-respect des indicateurs de la qualité de service, au titre de la maintenance des matériels, a également été constaté par l'ensemble des parties et l'expert. En application des dispositions contractuelles, la société Computacenter a émis un avoir à titre de pénalités au titre de ce non-respect. Toutefois, l'expert attribue l'origine de ce manquement exclusivement à la société Samsung en ces termes :
'Factuellement, le constat des dysfonctionnements frappant les matériels SAMSUNG de manière plus importante que ce qui est généralement constaté et admis apparaît clairement à travers les documents produits en expertise.
En tant qu'expert-technicien, sans tenir compte des engagements contractuels tripartites, il est impossible d'attribuer la responsabilité de cette situation et de ses conséquences à Fiducial (choix du matériel) ou à Computacenter, déploiement et maintenance.
Le nombre de pannes est très/trop élevé et hors de ce qui est communément admissible et supérieur à ce qui a été annoncé par Samsung. Samsung écrit avoir communiqué le taux de pannes d'un autre modèle plus éprouvé.
Il est vrai qu'à l'occasion de la sortie d'un nouveau modèle d'un équipement complexe, ici matériel multifonctions connecté, imprimante, copieur, émetteur/récepteur de fax, scanner, avec mise en forme de documents (pliage, agrafage) le taux de pannes peut être plus élevé. Mais il faut que les acheteurs/utilisateurs et les installateurs soient clairement informés de ce risque. Cette information a été plutôt un constat tardif de Samsung dans ce dossier' (Paragraphe 3.3.5 du rapport). Ainsi, la société Samsung, en ne communiquant pas une information exacte sur le taux de panne de son nouveau matériel a trompé la société Computacenter sur ses propres engagements de qualité de service. La société Samsung a ainsi engagé sa responsabilité de sorte que celle de la société Computacenter ne peut être recherchée à ce titre par les sociétés Fiducial quand bien même elle a émis un avoir à titre de pénalités en application des dispositions de la Convention.
Le non-respect des indicateurs de la qualité de service au titre de la livraison des consommables a également été constaté par les parties ainsi que par l'expert. Les délais convenus doivent être respectés à 98%.La Convention ne prévoit pas l'application de pénalités pour non-respect de cet indicateur. L'expert relève que les sociétés Fiducial ne réclament pas de préjudice à ce titre. Ce manquement est néanmoins imputable à la société Computacenter.
Les sociétés Fiducial reprochent également des difficultés d'exécution rencontrées par la société Computacenter et des retards dans la mise en 'uvre du projet. Sur ce point l'expert relève que les sociétés Fiducial ont décidé de suspendre le déploiement du projet une première fois pendant un mois (mi-avril, mi-mai 2013) puis du mois de juillet à septembre 2013, la première moitié du mois de mai 2013 ainsi que le mois d'août de la même année étant 'neutralisés' conventionnellement (page 4, Annexe 3 - Périmètre 2). Il conclut que le déploiement généralisé prévu initialement sur 13 mois (début mars 2013 à fin mars 2014), s'est effectué, dans les faits, dans le même temps mais avec un glissement d'octobre 2013 à septembre 2014 soit un décalage de 7 mois. Il résulte des constatations de l'expert que ces retards, ayant entraîné la décision par les sociétés Fiducial de suspendre temporairement le déploiement, sont dus principalement au matériel Samsung. Il précise ainsi (paragraphe 4.1.1 du rapport) : 'A cet égard, il convient de préciser que la grande majorité des matériels retenus par Fiducial est Ie copieur Samsung CLX-8640ND, sorti sur Ie marché le 1erdécembre 2012, et dont l'installation au titre du contrat Fiducial constituait donc une première. C'est ainsi que la mise au point par Samsung du firmware, pendant l'exécution du Contrat, a donné lieu à 27 versions successives de celui-ci en raison de ses défauts de fonctionnement. Que pareillement, Samsung a dû procéder à au moins 4 évolutions de versions des fours des matériels'. L'expert ajoute (paragraphe 4.1.3 du rapport) : 'II est certain que ces difficultés liées aux fournitures de Samsung ont eu des répercussions sur les prestations de Computacenter et le déroulement du déploiement, notamment pendant les phases initiales'. La cour en déduit que les 'difficultés rencontrées' par la société Computacenter, chargée du déploiement et de la maintenance de ces matériels, trouvent leur origine dans le lancement hâtif de certains matériels fournis par la société Samsung. La société Samsung doit donc être considérée comme seule responsable des retards dans le déploiement.
Enfin, les sociétés Fiducial reprochent à la société Computacenter de n'avoir pas commandé auprès de la société Samsung les extensions de garanties applicables aux matériels. Elles réclament l'indemnisation du temps passé à corriger ce manquement. Il n'est pas contesté que cette mission entrait dans le champ des prestations dues par la société Computacenter dans le cadre de la Convention. L'expert, sans nier le temps consacré par les sociétés Fiducial à vérifier ces extensions, écrit cependant (paragraphe 5.4.3 du rapport) : 'Toutes les extensions de garantie ont bien été souscrites par Computacenter auprès de Samsung puis transférées au profit de Fiducial. Il n'y a pas eu de défaut de souscription'. Le prétendu manquement n'est pas avéré.
Sur le préjudice
Les appelantes sollicitent, au visa des articles 1147 et 1149 anciens du code civil, la réparation de l'intégralité du préjudice (dommage prévisible) conséquence directe et immédiate des manquements de la société Computacenter.
Elles font valoir plusieurs chefs de préjudice consécutifs aux manquements précédemment examinés et identifiés ainsi : un préjudice de jouissance (200.000 €), un coût de réaffectation de leurs ressources internes (12.220,18 €), une perte de productivité (270.609 €), des frais de gestion des équipes (28.010 €), une privation de jouissance des matériels liée au retard de livraison (8.842,05 €), des pertes financières (6.280,73 €).
Elles critiquent les premiers juges qui ont considéré que les pénalités prévues contractuellement et versées par la société Computacenter s'opposaient à une indemnisation supérieure.
Elles font valoir, à titre subsidiaire, le caractère manifestement dérisoire de l'application de la clause pénale (33.401 €) et sollicitent un complément pour atteindre la somme de 1.009.000 €.
A titre très subsidiaire, elles invitent la cour à tirer les conséquences de l'omission dolosive commise par la société Computacenter qui n'a pas révélé, dès la négociation de la Convention, qu'elle était incapable d'exécuter ses obligations au titre de la Convention, que dès lors que le dol est constaté, la limite imposée par clause pénale ne peut plus s'appliquer .
En tout état de cause, elles font valoir la prévalence de la clause limitative de responsabilité, fixant un plafond de 500.000 €, sur la clause pénale qui les autorise à réclamer un montant de préjudice au moins à ce plafond.
Les appelantes sollicitent l'infirmation du jugement entrepris qui les a déboutées de leur demande indemnitaire.
La société Computacenter fait valoir, au visa de l'article 1151 ancien du code civil, que la réparation du dommage contractuel exige la démonstration de ses caractères direct et personnel.
Elle soutient qu'en l'espèce, l'existence et la caractérisation des dommages subis par chacune des Appelantes ne sont pas démontrées, pas plus que le quantum du préjudice subi par chacune d'elles.
Elle objecte aux Appelantes que cette démonstration reste nécessaire pour chacune de celles-ci quand bien même les parties à la Convention auraient accepté que l'entité Groupe Fiducial agisse pour l'ensemble des entités composant ce groupe, qu'il convient de distinguer l'intérêt à agir au nom de celles-ci et la réparation d'un préjudice direct qui doit être démontré par chacune des appelantes.
Elle fait valoir, subsidiairement, que le règlement des pénalités contractuelles constitue le paiement de dommages-intérêts fixés forfaitairement et d'avance en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution des obligations souscrites, qu'il présente un caractère forfaitaire et libératoire de sorte qu'en l'espèce les sociétés Fiducial ne peuvent réclamer à titre indemnitaire plus que le montant des pénalités versées en application de la clause pénale contractuellement convenue.
Elle réfute toute omission dolosive de sa part non démontrée en l'espèce qui conduirait à écarter l'application des dispositions de la clause pénale.
Elle conteste plus subsidiairement les fondements et le quantum des préjudices prétendument subis par les sociétés Fiducial.
*
La cour a, en définitive, identifié précédemment deux manquements imputables à la société Computacenter. D'une part, le non-respect des indicateurs de qualité du déploiement au regard du taux de matériel défectueux à la livraison, d'autre part le non-respect des indicateurs de la qualité de service au titre de la livraison des consommables.
- sur la qualité de service du déploiement s'agissant de la livraison de matériels défectueux
Ce manquement a donné lieu à l'application de pénalités sous forme d'avoir en application des dispositions contractuelles. Le taux de matériel défectueux à la livraison qui conventionnellement ne devait pas être supérieur à 2% a été dépassé. Une pénalité a été appliquée selon les modalités suivantes : 500 € par site non conforme (en l'espèce 66 sites sur 600) plafonnée à 2,5% du montant de la prestation de déploiement. La société Computacenter a, en conséquence, établi un avoir de 10.648 € HT, ce qui n'est pas contesté, lequel correspond au plafond de 2,5% du montant de la facturation du déploiement des 600 sites pris en compte.
L'article 1152 ancien du code civil dispose que 'Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite'.
Ainsi, les sociétés Fiducial ne peuvent revendiquer au titre de ce manquement une somme plus importante que celle résultant de l'application de la clause pénale convenue sauf à démontrer que le montant de la pénalité est manifestement dérisoire comme elles le soutiennent.
Le montant acquitté résultant de l'application de la clause pénale n'est manifestement pas dérisoire puisqu'il résulte, selon l'accord des parties, de la prise en compte des paramètres indicatifs du service attendu : le nombre de sites affectés au titre de la livraison des matériels défectueux (66 soit 11 % des sites concernés) et un montant forfaitaire par site (500 €) fixé entre les parties, lesquelles ont estimé que ces modalités réparatrices étaient à la fois incitatives mais aussi supportables.
Par ailleurs, les sociétés Fiducial ne rapportent pas la preuve d'une omission dolosive, susceptible d'écarter l'application de la clause pénale, au motif que la société Computacenter n'avait pas la compétence pour s'engager dans la Convention alors que l'expert n'a retenu que très peu de manquements commis par la société Computacenter dans l'exécution de ses prestations, lesquels n'ont pas empêché la Convention d'être exécutée.
Les sociétés Fiducial invoquent les dispositions de l'article 11.2 de la Convention dont l'un des paragraphes dispose que : 'Les pénalités versées sans préjudice de toutes actions en responsabilité, viendront en déduction de plafond de responsabilité'.
Elles en tirent la conclusion qu'elles peuvent se prévaloir de cette stipulation qui les autoriserait à réclamer à la fois le principal et la peine.
Les Appelantes ne peuvent soutenir que les pénalités obtenues en application de la clause pénale, sauf à la vider de son sens, leur permettent néanmoins de réclamer un préjudice plus important au titre du même manquement.
La cour n'écartera pas l'application de la clause pénale au manquement concerné.
- sur la qualité de service des consommables
Les sociétés Fiducial ne font pas état d'un préjudice à ce titre.
*
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Fiducial de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires.
Sur les demandes reconventionnelles de la société Computacenter
La société Computacenter critique les premiers juges qui l'ont déboutée de ses demandes de condamnation des sociétés Fiducial aux sommes suivantes avec intérêt légal à compter de la date de réunion de reddition de compte du 3 mars 2015 :
- 29.714,95 € HT au titre des matériels en stock et non repris par les sociétés Fiducial ;
- 112.666,00 € HT au titre de l'achat de consommables par les appelantes directement auprès de la société Samsung alors qu'elles avaient contractuellement l'obligation de ne les acquérir qu'auprès d'elle.
Les appelantes sollicitent la confirmation du jugement sur ce point. Elles font valoir que la société Computacenter ne justifie pas de ses demandes au titre de la reprise de matériel en stocks et de consommables commandés en l'absence d'obligations à cet effet à la Convention.
Elles contestent tout accord de leur part à cet effet qui aurait pu être donné en marge de la Convention.
*
La société Computacenter invoque la Convention sans toutefois viser les dispositions précises qui lui permettraient de démontrer que les sociétés Fiducial ont souscrit une obligation de rachat des matériels en stock et de fourniture exclusive de consommables auprès d'elle.
Le compte-rendu du 3 mars 2015 de la conférence téléphonique présentée comme une reddition des comptes (pièce 2 - Computacenter) ne permet pas de constater qu'un accord ferme et définitif de la part du représentant du groupe Fiducial soit intervenu à l'effet de racheter à la société Computacenter le matériel en stocks et les consommables.
Le jugement entrepris qui a débouté la société Computacenter de ses demandes reconventionnelles sera confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les sociétés Fiducial qui succombent pour l'essentiel seront condamnées in solidum aux dépens d'appel.
Les sociétés Fiducial seront condamnées in solidum, en appel, à verser à la société Computacenter la somme de 10.000 € en exécution des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 mai 2022,
y ajoutant,
Condamne, in solidum, les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consultant, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SA Fiducial E-Sécurité, S.C. Fiducial SC, SA Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SELAFA Société Fiduciaire Nationale de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise, SAS Fiducial Sécurité prévention, SAS Fiducial Staffing, SAS Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne, in solidum, les sociétés SAS Fiducial Informatique, SAS Fiducial Bureautique, SAS Fiducial Conseil, SAS Fiducial Consultant, SAS Fiducial Energie Sécurité (Fiducial Sécurité), SA Fiducial E-Sécurité, S.C. Fiducial SC, SA Fiducial Gérance, SAS Fiducial Métiers Sécurité (Fiducial Sécurité), SAS Fiducial Outsourcing Performance, SAS Fiducial Private Security-Fiducial Sécurité, SELAFA Société Fiduciaire Nationale de Révision Comptable-Sofiral, SA Banque Fiducial, SDE Fidexpertise, SAS Fiducial Sécurité prévention, SAS Fiducial Staffing, SAS Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidaudit, SA Fiduciaire National de Révision Comptable-Fidexpertise à verser à la SAS Computacenter France la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,