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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03397

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, 30 mai 2024, 22/03397


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53E



Chambre commerciale 3-1

(ex-12e chambre)



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 22/03397 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VGRZ









AFFAIRE :



S.A. ABEILLE IARD & SANTE

...



C/



S.A. ALLIANZ IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
r>N° Chambre : 3

N° RG : 2020F01191



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Christophe DEBRAY



Me Oriane DONTOT



Me Franck LAFON



Me Pierre-Antoine CALS



TC NANTERRE













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53E

Chambre commerciale 3-1

(ex-12e chambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 22/03397 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VGRZ

AFFAIRE :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

...

C/

S.A. ALLIANZ IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre : 3

N° RG : 2020F01191

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Oriane DONTOT

Me Franck LAFON

Me Pierre-Antoine CALS

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES

RCS Nanterre n° 306 522 665

[Adresse 3]

[Localité 12]

S.A.R.L. SN ECI

RCS Marseille n° 434 697 520

[Adresse 16]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Stéphane KARAGEORGIOU substituant à l'audience Me Soledad RICOUARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0536

APPELANTES

****************

S.A. ALLIANZ IARD

RCS Nanterre n° 542 110 291

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Sophie SCHLUMBERGER et Me Philippe-Gildas BERNARD de l'AARPI NGO JUNG & PARTNERS, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R013

LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA venant aux droits des SOUSCRIPTEURS ET SYNDICATS DU LLOYD'S DE LONDRES CONCERNES

RCS Paris n° 844 091 793

[Adresse 10]

[Localité 9]

S.C.I. TOULOUBRE

RCS Cannes n° 811 490 101

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentées par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Eloïse MARINOS du cabinet BYRD & ASSOCIATES, Plaidant, avocat au barreau de Paris

S.A.S. RESOLTECH

RCS [Localité 13] n° 407 493 691

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre-Antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719 et Me Alain GALISSARD, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Novembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 juillet 2015, la SCI Touloubre a fait l'acquisition d'un ensemble immobilier industriel situé [Adresse 15].

Cet ensemble immobilier, constitué de deux lots distincts, a été assuré par la SCI Touloubre auprès de la société Lloyd's Insurance Company SA (ci-après société Lloyd's), intervenante volontaire venant aux droits des souscripteurs du Lloyd's de Londres (ci-après les Lloyd's), représentés à l'origine par la SAS Lloyd's France.

Les locaux étaient loués à :

- la SAS Resoltech, qui a pour activité la fabrication et le conditionnement de résine époxy, et occupe les locaux depuis 1996 (pour une surface de 956 m2 selon les indications des parties) ;

- la SARL SN ECI, qui a pour activité la distribution de produits d'entretien et accessoires de nettoyage, et occupe les locaux depuis 2001 (pour une surface de 362 m2 selon les indications des parties).

Le dimanche 23 août 2015, l'ensemble de ces locaux, alors vides de tout occupant, a été détruit par un incendie.

Une enquête a été ouverte contre X par la brigade territoriale d'[Localité 14]. La procédure a été classée sans suite le 24 octobre 2016 par le parquet d'[Localité 13].

Les parties se sont rapprochées suite à ce sinistre. Les assureurs respectifs des deux locataires, la compagnie Allianz Iard (ci-après Allianz) pour la société Resoltech (au titre d'une police n°48741044) et la compagnie Aviva Assurances pour la société SN ECI (au titre d'une police n°72918396), ont mandaté des experts d'assurance, sous toutes réserves, afin de tenter de trouver une solution amiable au sinistre ; l'assureur de la SCI Touloubre a mandaté également des experts afin de participer aux réunions amiables contradictoires. Un procès-verbal de constatations relatif aux causes et circonstances du sinistre a été établi. Aucun accord n'a été trouvé sur le chiffrage du préjudice.

La société Lloyd's a indemnisé son assurée, la société Touloubre, à hauteur de 1.095.000 €, le préjudice non assuré s'élevant selon les indications de cette dernière à 635.478,11 €.

Par lettre RAR du 31 juillet 2020, la société Touloubre et la société Lloyd's ont mis en demeure les sociétés SN ECI et Resoltech ainsi que leurs assureurs de leur régler ces sommes.

Par actes des 10 et 20 août 2020, la société Touloubre et la société Lloyd's ont fait assigner les sociétés SN ECI et Resoltech ainsi que leurs assureurs devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement contradictoire du 14 avril 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la SAS Resoltech, la SA Allianz Iard, la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, et la SARL SN ECI de leurs fins de non-recevoir ;

- Dit que la SARL SN ECI a engagé sa responsabilité en application de l'article 1733 du code civil ;

- Débouté Lloyd's Insurance Company SA et la SCI Touloubre de leurs demandes à l'encontre de la SAS Resoltech et de son assureur Allianz Iard ;

- Fixé le préjudice subi par la SCI Touloubre et son assureur Lloyd's Insurance Company SA à la somme de 1.096.342,74 € ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, à payer la somme de 1.095.000 € à Lloyd's Insurance Company SA et la somme de 1.342,74 € à la SCI Touloubre ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, à payer à la SCI Touloubre et à son assureur Lloyd's Insurance Company SA la somme de 6.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la SCI Touloubre et son assureur Lloyd's Insurance Company SA à payer à la SAS Resoltech et à son assureur la SA Allianz Iard la somme de 3.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SAS Aviva Assurances Iard, aux dépens.

Par déclaration du 18 mai 2022, les sociétés SN ECI et Abeille Iard & Santé (ci-après Abeille), venant aux droits de la société Aviva Assurances, ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2023, les sociétés SN ECI et Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la société Aviva Assurances, demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement RG 2020F01191 prononcé le 14 avril 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

- Débouté la SAS Resoltech, la SA Allianz Iard, la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, et la SARL SN ECI de leurs fins de non-recevoir ;

- Dit que la SARL SN ECI a engagé sa responsabilité en application de l'article 1733 du code civil ;

- Débouté Lloyd's Insurance Company SA et la SCI Touloubre de leurs demandes à l'encontre de la SAS Resoltech et de son assureur Allianz Iard ;

- Fixé le préjudice subi par la SCI Touloubre et son assureur Lloyd's Insurance Company SA à la somme de 1.096.342,74 € ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, à payer la somme de 1.095.000 € à Lloyd's Insurance Company SA et la somme de 1.342,74 € à la SCI Touloubre ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SA Aviva Assurances Iard, à payer à la SCI Touloubre et à son assureur Lloyd's Insurance Company SA la somme de 6.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la SCI Touloubre et son assureur Lloyd's Insurance Company SA à payer à la SAS Resoltech et à son assureur la SA Allianz Iard la somme de 3.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la SARL SN ECI et son assureur la SA Abeille Iard & Santé, venant aux droits de la SAS Aviva Assurances Iard, aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer la SA Lloyd's Insurance Company et la SCI Touloubre irrecevables en leurs demandes à l'encontre de de la société SN ECI et de son assureur Abeille Iard & Santé ;

- Débouter la SA Lloyd's Insurance Company et la SCI Touloubre de leur demande visant à voir déclarer irrecevable comme nouvelle la prétention des sociétés SN ECI et Abeille Iard et Santé sur l'irrecevabilité de la SCI Touloubre ;

- Déclarer la SA Lloyd's Insurance Company et la SCI Touloubre mal fondées en leurs demandes à l'encontre de de la société SN ECI et de son assureur Abeille Iard & Santé ;

En conséquence,

- Débouter la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company de toutes leurs demandes à l'encontre de la société SN ECI et de son assureur Abeille Iard & Santé ;

Très subsidiairement,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice subi par la SCI Touloubre et son assureur Lloyd's Insurance Company SA à la somme de 1.096.342,74 € et limité le montant de la condamnation au profit de la SCI Touloubre à 1.342,74 € ;

- Débouter la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company de leur appel incident du jugement en ce qu'il a limité le montant de la condamnation au profit de la SCI Touloubre à 1.342,74 € et de leur demande visant à voir fixer le préjudice restant à subir par la SCI Touloubre à la somme de 604.442 € ;

- Condamner in solidum la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company ou tout succombant à verser à la société Abeille Iard & Santé la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la société Resoltech demande à la cour de :

1- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Touloubre et les Lloyd's de leur action à l'encontre des sociétés Allianz et Resoltech ;

- Débouter la SCI Touloubre et les Lloyd's de leur action et de leur appel incident à l'encontre des sociétés Allianz et Resoltech ;

- Mettre hors de cause la société Resoltech ;

2- Infirmer le jugement pour le surplus et juger l'action des Lloyd's à l'encontre des sociétés Allianz et Resoltech irrecevable ;

3- En tout état de cause et au cas où l'action serait jugée recevable et bien fondée,

- Juger que la société Resoltech sera relevée et garantie de toutes condamnations qui pourraient être portées à son encontre par son assureur la société Allianz ;

- Condamner solidairement les appelantes à verser à la société Resoltech la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 7 février 2023, la société Allianz Iard demande à la cour de :

À titre principal,

- Juger que l'incendie du 23 août 2015 a pris naissance dans les locaux occupés par la société SN ECI pour se propager aux locaux occupés par la société Resoltech ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la seule responsabilité de la société SN ECI sur le fondement de l'article 1733 du code civil ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Touloubre et les Lloyd's de leurs demandes à l'encontre de la société Resoltech et de la Compagnie Allianz ;

- Débouter la SCI Touloubre et les Lloyd's de leur appel incident à l'encontre de la Compagnie Allianz ;

À titre subsidiaire,

- Juger que les Lloyd's ne justifient pas du bien-fondé de leur recours subrogatoire ;

- Juger que la SCI Touloubre ne justifie pas du bien-fondé de sa réclamation au titre de son découvert ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action des Lloyd's au titre de son recours subrogatoire ;

- Juger l'action des Lloyd's à l'encontre de la Compagnie Allianz irrecevable ;

- Débouter la SCI Touloubre et les Lloyd's de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la Compagnie Allianz ;

À titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice subi par la SCI Touloubre et son assureur à la somme de 1.096.342,74 €, et limité le montant de la condamnation au profit de la SCI Touloubre à 1.342,74 € ;

En tout état de cause,

- Débouter la SCI Touloubre et les Lloyd's, ainsi que toute autre partie, de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la SCI Touloubre et les Lloyd's à verser à la Compagnie Allianz la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la SCI Touloubre et les Lloyd's aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Par dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2023, les sociétés Lloyd's Europe et Touloubre demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le Lloyd's de Londres recevable dans son action, Lloyd's Europe venant aux droits des souscripteurs et syndicats du Lloyd's de Londres concernés étant régulièrement subrogé dans les droits de son assuré, la SCI Touloubre, à hauteur de 1.095.000 €, suite au sinistre survenu dans les locaux de la SCI Touloubre le 25 août 2015 (sic) ;

Par conséquent,

- Débouter les sociétés SN ECI, Abeille Iard et Santé, Resoltech et Aviva de leurs demandes à ce titre ;

- Déclarer irrecevable la prétention nouvelle des sociétés SN ECI, Abeille Iard et Santé sur l'irrecevabilité de la SCI Touloubre ;

En tout état de cause,

- Déclarer Lloyd's Europe et la SCI Touloubre recevables dans leur action ;

À titre principal,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé la société SN ECI responsable de l'incendie survenu le 25 août 2015 (sic) au titre de l'article 1733 du code civil ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé la société Resoltech non responsable de l'incendie survenu le 25 août 2015 (sic) au titre de l'article 1733 du code civil ;

En conséquence,

- Dire et juger que les sociétés SN ECI et Resoltech sont responsables in solidum de l'incendie survenu le 25 août 2015 (sic) au titre des articles 1733 et 1734 du code civil ;

En toute hypothèse,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le préjudice de Lloyd's Europe, assureur subrogé de la SCI Touloubre, s'élevait à 1.095.000 € ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice de la société à la somme de 1.096.342,74 € ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité le préjudice restant à subir par la SCI Touloubre à 1.342,74 € ;

Jugeant à nouveau,

À titre principal,

- Condamner les sociétés SN ECI et Resoltech in solidum solidairement avec leurs assureurs respectifs, Allianz et Aviva, à indemniser Lloyd's Europe et la SCI Touloubre d'un montant total de 1.699.442 €, soit 1.095.000 € au Lloyd's Europe venant aux droits des souscripteurs et syndicats du Lloyd's de Londres concernés en tant qu'assureur subrogé et 604.442 € à la SCI Touloubre pour le préjudice non assuré restant à subir ;

À titre subsidiaire,

- Condamner la société SN ECI solidairement avec son assureur Abeille Iard & Santé à indemniser Lloyd's Europe et la SCI Touloubre d'un montant total de 1.699.442 €, soit 1.095.000 € au Lloyd's Europe venant aux droits des souscripteurs et syndicats du Lloyd's de Londres concernés en tant qu'assureur subrogé et 604.442 € à la SCI Touloubre pour le préjudice non assuré restant à subir ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Allianz de son appel incident et de toutes fins qu'il comporte ;

- Débouter les sociétés Resoltech et SN ECI ainsi que les assureurs de toutes leurs demandes à l'encontre de Lloyd's Europe et de la SCI Touloubre ;

- Condamner les succombants in solidum à verser la somme de 20.000 € à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les succombants in solidum aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des demandes des sociétés Lloyd's et Touloubre

Les appelantes, les sociétés SN ECI et Abeille, sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs fins de non-recevoir et elles demandent à la cour de déclarer les sociétés Lloyd's et Touloubre irrecevables à agir. Elles soutiennent en premier lieu que la demande de l'assureur ne peut prospérer, et ce pour défaut de qualité ; qu'en effet le tribunal, qui a retenu que la société Lloyd's justifiait d'une subrogation conventionnelle à hauteur de 1.095.000 €, ne pouvait estimer l'assureur valablement subrogé en le dispensant de la production de sa police ; qu'en tout état de cause, l'absence de preuve d'un paiement effectif des indemnités concomitant à la signature de quittances subrogatives fait échec au recours subrogatoire, quelle que soit sa nature. Elles prétendent en second lieu que la demande de l'assuré au titre de son découvert ne peut davantage prospérer, et ce pour défaut d'intérêt à agir, dans la mesure où la société Touloubre ne justifie d'aucun décompte adressé à son assureur fixant les montants au titre desquels elle aurait reçu l'indemnité contractuelle, ni du contrat d'assurance les liant et fixant les garanties d'indemnisation.

Elles ajoutent, en réponse à l'argumentation des sociétés Lloyd's et Touloubre, que leur demande d'irrecevabilité concernant la SCI Touloubre n'est pas nouvelle puisqu'elle a été développée dans les mêmes termes dans leurs conclusions de première instance, qu'en outre selon l'article 123 du code de procédure civile « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause », et que selon l'article 564 du même code « ne sont pas nouvelles les prétentions destinées à faire écarter les prétentions adverses ».

Les sociétés Resoltech et Allianz s'associent à la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés SN ECI et Abeille à l'encontre de la société Lloyd's, qui ne justifie pas de sa qualité de subrogée, à défaut de produire les conditions générales et particulières de la police ainsi que la preuve d'un règlement effectif à son assurée, seuls à même d'établir le caractère obligé du paiement et son caractère réel, conditions de la subrogation légale. Elles considèrent que les lettres d'acceptation et les quittances subrogatives signées par son assurée, versées aux débats par la société Lloyd's, sont insuffisantes pour justifier de la recevabilité de son recours subrogatoire. La société Allianz répond, s'agissant de la subrogation conventionnelle dont se prévaut la société Lloyd's, qu'en vertu de l'article 1346-2 du code civil, la subrogation doit être expresse et concomitante avec le paiement de l'indemnité, ce que celle-ci échoue à démontrer.

La société Lloyd's soutient en réplique qu'elle justifie être subrogée dans les droits de son assurée à hauteur d'une partie de son préjudice représentant les limites contractuelles. Elle précise qu'en effet le préjudice de la société Touloubre dépasse le plafond de garantie accordé par les Lloyd's. Elle invoque la subrogation conventionnelle, qui ne nécessite pas de produire la police d'assurance, et elle indique qu'un paiement total de de 1.095.000 € a été fait à l'assurée par plusieurs versements qui sont prouvés d'une part, par cinq lettres d'acceptation d'indemnités aux termes desquelles la société Touloubre manifeste expressément avoir été réglée ainsi que sa volonté de subroger Lloyd's Europe dans ses créances et d'autre part, par cinq quittances attestant du bon versement des sommes.

Les sociétés Lloyd's et Touloubre répondent, s'agissant de l'irrecevabilité opposée à cette dernière par les appelantes, que cette fin de non-recevoir n'a jamais été soulevée en première instance, aucune partie n'ayant jamais nié que la société Touloubre avait souffert de l'incendie et était recevable en son action. Elles sollicitent, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, le rejet de cette demande comme étant nouvelle. Elles soulignent, sur le fond, que la question de la subrogation de la Lloyd's n'a aucune incidence sur la recevabilité de la société Touloubre.

*****

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée ».

L'article 123 dispose que : « Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »

Conformément aux dispositions de l'article 31 de ce code, « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

L'article 32 du même code dispose que « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».

- sur l'irrecevabilité des demandes de la société Lloyd's

Selon l'article L.121-12 du code des assurances, « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ».

Il résulte de ces dispositions que l'assureur qui entend faire jouer la subrogation légale doit démontrer qu'il a réglé une indemnité à l'assuré en vertu d'une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité d'indemnité d'assurance.

En l'espèce, la société Lloyds se limite à communiquer une unique page des conditions particulières de la police d'assurance 'Incendie et périls multirisques' souscrite le 10 juillet 2015 par la société Touloubre. Cette page ne comporte aucune information sur les risques et capitaux assurés mais renvoie à un 'Tableau récapitulatif des montants, événements et risques garantis' qui n'est pas produit aux débats.

La subrogation légale de l'article L.121-12 ne peut donc jouer en l'absence de production de la police d'assurance définissant le contenu des garanties souscrites ainsi que les causes d'exclusion de ces garanties.

La société Lloyd's se prévaut d'une subrogation conventionnelle, dont il convient de rappeler qu'en application de l'article 1346-1 du code civil, elle est subordonnée à la seule volonté expresse de l'assuré, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur.

Elle produit cinq documents intitulés 'Lettre d'acceptation d'une indemnité provisionnelle valant subrogation conventionnelle', signés par la société Touloubre les 12 octobre 2015, 6 juin 2016, 16 mars 2017, 26 octobre 2018 et 18 février 2019, aux termes desquels les Lloyd's se sont engagés, « dans l'attente de l'aboutissement des investigations amiables », à verser à leur assurée diverses sommes en réparation du préjudice subi par cette dernière suite à l'incendie de ses locaux sis à [Localité 14]. Il est mentionné qu'il est convenu « qu'à l'instant où le paiement sera effectué, les souscripteurs et syndicats du Lloyd's de Londres concernés seront subrogés dans tous les droits et actions de la SCI Touloubre à hauteur dudit paiement à intervenir ».

Sont également versées aux débats cinq quittances subrogatoires des 27 octobre 2015, 10 juin 2016, 29 mars 2017, 31 octobre 2018 et 18 février 2019 par lesquelles la société Touloubre reconnaît avoir reçu les versements de 90.000 €, 300.000 €, 400.000 €, 250.000 € et 55.000 €, soit au total 1.095.000 €, et confirme que les Lloyd's sont subrogés à hauteur desdites sommes dans les droits et actions de la société Touloubre qui sont nés ou en relation avec le sinistre incendie.

Ces pièces établissent que l'assurée a manifesté, au plus tard au moment des paiements reçus, sa volonté de subroger son assureur dans ses droits et actions en lien avec l'incendie dont elle a été victime le 23 août 2015.

Ainsi, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer recevable l'action de l'assureur de la société Touloubre, les conditions de la subrogation conventionnelle étant réunies.

- sur l'irrecevabilité des demandes de la société Touloubre

Les appelantes soutiennent que la société Touloubre ne justifie pas d'un intérêt à agir.

Les sociétés Lloyd's et Touloubre invoquent en réplique les dipositions de l'article 564 du code de procédure civile selon lesquelles « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Les sociétés SN ECI et Abeille répondent que leur demande d'irrecevabilité dirigée contre la société Touloubre n'est pas nouvelle puisqu'elle a été développée dans leurs conclusions de première instance. Cependant, outre qu'elles ne produisent pas ces conclusions en cause d'appel, il ne ressort pas du jugement déféré que cette demande avait été formulée devant les premiers juges.

Il n'en demeure pas moins que, comme rappelé supra, le moyen tiré du défaut de qualité à agir constitue une fin de non-recevoir, laquelle peut, selon l'article 123 du code de procédure civile, être proposée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel. Le grief tiré de la nouveauté du moyen ne peut dès lors être opposé aux appelantes. La demande n'est donc pas irrecevable.

Il n'est par ailleurs pas discuté que les locaux incendiés le 23 août 2015 étaient la propriété de la société Touloubre depuis le 10 juillet 2015 et qu'ils étaient assurés auprès des Lloyds. La société Touloubre, qui reconnaît avoir été indemnisée par son assureur à hauteur de 1.095.000 €, invoque en cause d'appel un préjudice non assuré de 604.442 € dont elle demande réparation, en produisant pour en justifier diverses pièces dont un tableau récapitulatif de ses préjudices.

La cour retiendra au vu de ces éléments que la société Touloubre justifie d'un intérêt à agir, étant rappelé que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

Sur les responsabilités dans le sinistre

Les appelantes soutiennent que la société Touloubre et son assureur sont mal fondés à rechercher leur responsabilité dans le sinistre sur le fondement des articles 1733 et suivants du code civil et que la responsabilité de la société SN ECI ne pourrait être recherchée que sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2, devenu 1242 alinéa 2, de ce code. Elles font valoir que l'incendie a pris naissance dans une allée extérieure longeant le bardage nord du bâtiment, le long des locaux occupés par la société SN ECI, et non pas dans les locaux objets du bail, et qu'il s'est ensuite communiqué aux bâtiments loués à la société SN ECI ; qu'il incombe donc à la société Touloubre et à son assureur, qui ne bénéficient d'aucune présomption de responsabilité, de démontrer l'existence d'une faute imputable à la société SN ECI, directement en relation de cause à effet avec l'incendie. Elles relèvent que le bailleur et son assureur échouent à rapporter cette preuve alors que de surcroît ils indiquent dans leurs écritures que « l'origine de l'incendie est indéterminée ». Elles soulignent encore qu'ils s'abstiennent de produire le moindre bail ; que rien n'autorise à considérer que les parties extérieures, où la société SN ECI garait sa camionette, seraient une « dépendance » ou un « accessoire » des locaux loués ; qu'en outre de nombreux autres véhicules y stationnaient et que la société Resoltech y stockait des fûts et des bidons, ce que la société Touloubre n'ignorait pas.

La société Resoltech soutient qu'aucun recours ne peut prospérer à son encontre et celui de son assureur, la société Allianz, sur le fondement des articles 1733 et suivants du code civil, l'incendie n'ayant pas pris naissance dans ses locaux. Elle affirme démontrer que « le feu a été communiqué par une maison voisine », au sens de l'article 1733, et que « l'incendie a commencé dans l'habitation de [la société SN ECI] », au sens de l'article 1734. Elle en conclut que seule la société SN ECI est susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du bailleur, le point de départ de l'incendie se situant dans les locaux de cette société ainsi qu'il ressort des constatations effectuées par les experts des parties comme des conclusions de l'enquête pénale. La société Resoltech estime que sa responsabilité ne peut pas non plus être retenue sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2, devenu 1242 alinéa 2, du code civil, faisant valoir qu'elle n'est ni à l'origine du stationnement ni la propriétaire ou l'utilisatrice du véhicule impliqué dans l'incendie ; qu'en outre les fûts vides lui appartenant n'ont pas été considérés comme étant à l'origine de l'incendie. Elle ajoute que, quand bien même une origine criminelle de l'incendie serait retenue, elle serait liée aux mauvaises relations de la SN ECI avec ses clients/fournisseurs.

De même que son assurée, la société Allianz sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté toute responsabilité de la société Resoltech dans la survenance de l'incendie, qui n'a pas pris naissance dans ses locaux et qui s'est propagé dans un second temps aux locaux loués par son assurée. Elle fait observer que la société Touloubre et son assureur, qui demandaient en première instance, à titre principal, la condamnation solidaire de la société SN ECI et de la société Resoltech, et à titre subsidiaire, la condamnation de la seule société SN ECI, concluent désormais à titre principal à la seule responsabilité de la société SN ECI, la condamnation de la société Resoltech et de son assureur n'étant sollicitée qu'à titre subsidiaire (sic). Elle souligne que l'incendie a pris naissance à l'opposé des locaux loués par la société Resoltech, dans la zone louée par la société SN ECI et que l'accès à cette zone nécessitait l'utilisation d'un badge en la possession de cette seule société. Elle en déduit que c'est en vain que la société SN ECI tente d'exclure sa responsabilité sur le fondement des articles 1733 et 1734 du code civil.

En cause d'appel, les sociétés Lloyd's et Touloubre concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu, sur le fondement de l'article 1733 du code civil, la responsabilité de la société SN ECI dans l'incendie survenu le 23 août 2015. Elles en demandent l'infirmation en ce que le tribunal a jugé la société Resoltech non responsable de cet incendie. Elles sollicitent la condamnation in solidum des sociétés SN ECI et Resoltech, solidairement avec leurs assureurs respectifs, à les indemniser à hauteur d'un montant total de 1.699.442 €, soit 1.095.000 € au Lloyd's en tant qu'assureur subrogé et 604.442 € à la société Touloubre pour le préjudice non assuré restant à subir.

Elles estiment que la société SN ECI doit répondre des conséquences de l'incendie car il est établi que l'incendie, tout au moins un départ de feu, est né dans ses locaux, à l'avant du lieu où était garé son véhicule. Elle précise que l'incendie n'est pas né dans les parties communes des locaux, ceux-ci n'en étant pas pourvus ; que l'incendie n'est pas arrivé par cas fortuit ou force majeure ; que s'il est clair que l'origine précise de l'incendie ne peut être déterminée, les gendarmes ont néanmoins émis l'hypothèse d'au moins un départ de feu du côté des locaux de la société SN ECI. Elle souligne que la société SN ECI était locataire et utilisatrice du bâtiment mais aussi de l'extérieur des locaux, annexé à ceux-ci, qu'elle utilisait de façon privative et exclusive, raison pour laquelle l'accès à l'enceinte de la société SN ECI nécessitait l'utilisation d'une clé en la possession de cette seule société ; que la société SN ECI a pris la liberté d'autoriser le stockage dans ce lieu des fûts et bidons de la société Resoltech ; qu'elle y stationnait elle-même son véhicule de société.

Elles soutiennent que la société Resoltech qui, comme la société SN ECI, ne peut prouver l'un des cas d'exonération de l'article 1733 du code civil, est responsable de l'incendie in solidum avec la société SN ECI, à défaut d'avoir pu démontrer, conformément à l'article 1734 du même code, que l'incendie ne serait pas né également dans ses locaux. Elle indique que s'il est incontestable que l'un des départs de feu est né « du côté des locaux loués à la société SN ECI », il n'empêche que l'hypothèse d'au moins un autre foyer a été envisagé et qu'« il peut y avoir eu un autre départ de feu dans les locaux loués à la société Resoltech ».

*****

La SCI Touloubre et son assureur recherchent la responsabilité de la société SN ECI et de la société Resoltech sur le fondement de la présomption de responsabilité instituée par les articles 1733 et 1734 du code civil, aux termes desquels :

« [Le preneur] répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve :

Que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction.

Ou que le feu a été communiqué par une maison voisine. » (article 1733)

« S'il y a plusieurs locataires, tous sont responsables de l'incendie, proportionnellement à la valeur locative de la partie de l'immeuble qu'ils occupent ;

A moins qu'ils ne prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, auquel cas celui-là seul en est tenu ;

Ou que quelques-uns ne prouvent que l'incendie n'a pu commencer chez eux, auquel cas ceux-là n'en sont pas tenus. » (article 1734)

Il importe de déterminer si l'incendie, objet du litige, a pris naissance dans les locaux loués par la société SN ECI et/ou dans ceux loués par la société Resoltech.

Il ressort de la procédure d'enquête préliminaire que le 23 août 2015 à 15h05, les gendarmes de la brigade territoriale d'[Localité 14] (13) sont intervenus Impasse [T] dans la ZA des Jallassières à [Localité 14] où ils ont constaté qu'un fourgon Ford Transit stationné dans l'enceinte de la société SN ECI, contre le bâtiment de cette entreprise, était en feu à l'avant ; que le feu se propageait rapidement et pénétrait à l'intérieur de l'entreprise ; qu'à l'arrivée des pompiers le feu s'était déjà répandu à l'intérieur de la deuxième société Resoltech ; que les pompiers ont fini par maîtriser l'incendie vers 20h30 mais que le feu avait détruit les deux bâtiments.

Le rapport établi par la police scientifique (INPS) se conclut ainsi : « Les constatations et opérations de police technique effectués sur les lieux des faits rendent plausibles les hypothèses accidentelles et criminelles. La présence de fûts intacts entre deux zones sinistrées indiquent la possibilité de deux points de départ. Le fait que le véhicule ne soit pas totalement détruit rend peu probable qu'il soit à l'origine du sinistre ».

Les experts désignés par les assureurs du propriétaire de l'ensemble immobilier et des deux sociétés locataires ont régularisé un procès-verbal de constatations relatif aux causes et circonstances du sinistre, lequel mentionne : « un sinistre incendie a pris naissance le dimanche 23 août 2015 vers 15h dans l'allée extérieure longeant le bardage nord du bâtiment, le long des locaux occupés par SN ECI. La camionnette (...) appartenant à SN ECI se situe dans la zone de départ de l'incendie et a été détruite. Le feu a progressé vers l'intérieur des locaux de SN ECI puis vers les locaux occupés par Resoltech ».

Ainsi, selon ces constatations, l'incendie a pris naissance à l'extérieur, à proximité du bâtiment occupé par la société SN ECI, et il s'est ensuite communiqué aux bâtiments occupés par la société SN ECI et par la société Resoltech.

La SCI Touloubre et son assureur prétendent que les locaux loués par la société SN ECI étaient constitués de locaux intérieurs (hangars et bureaux) mais également de surfaces extérieures, dont celle d'où serait parti le feu. Pour autant, ils s'abstiennent de communiquer le contrat de bail qui permettrait éventuellement de le confirmer, se limitant à produire la facture relative au loyer du mois de juillet 2015, qui mentionne uniquement un 'local commercial'. Il n'est ainsi pas démontré que l'origine de l'incendie se trouve dans les locaux loués à la société SN ECI.

La possibilité d'un deuxième départ de feu a été évoquée, sans autre précision notamment quant à sa localisation, et surtout sans aucune certitude, ce qui ne permet pas non plus de retenir que l'incendie a pris naissance à l'intérieur du bâtiment loué par la société Resoltech, sachant que le contrat de bail, en date du 12 décembre 1996, versé aux débats par cette dernière désigne ainsi les lieux loués : « Un entrepôt avec à l'étage des bureaux cloisonnés et climatisés ainsi qu'une surface d'archives soit une surface totale de 458 m2 environ ». Aucun espace extérieur n'est compris dans l'emprise du bail.

L'incendie ayant pris naissance à l'extérieur des locaux loués par la société Touloubre et de ceux loués à la société Resoltech, les dispositions des articles 1733 et 1734 du code civil ne sont pas applicables et il y a lieu de faire application de celles de l'article 1384 alinéa 2, devenu 1242 alinéa 2, du code civil, aux termes duquel, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Il appartient à la société Touloubre et à son assureur de démontrer une faute de la société SN ECI ou de la société Resoltech.

Il ressort des pièces visées supra (enquête préliminaire, rapport INPS ou encore expertise amiable) que la cause exacte de l'incendie n'a pu être déterminée, l'hypothèse accidentelle restant aussi plausible que l'hypothèse criminelle. Si les premières constatations ont permis d'établir que le véhicule appartenant à la société SN ECI se situait dans la zone de départ de l'incendie, la police scientifique a également conclu qu'il était peu probable que ce véhicule soit à l'origine du sinistre. L'enquête n'a pas non plus permis de démontrer que les fûts et bidons vides que la société Resoltech avait empilés le long du bâtiment de la société SN ECI ont eu un rôle dans le sinistre, sachant que, selon le rapport de l'INPS, une partie d'entre eux sont restés intacts.

Ainsi, non seulement il n'est pas établi que l'incendie a pris naissance dans les biens mobiliers appartenant aux locataires (véhicule de la société SN ECI ou fûts/bidons de la société Resoltech) mais en outre, aucune faute de la part de ces derniers n'est démontrée. La cour observe d'ailleurs que le bailleur et son assureur n'ont pas jugé opportun de demander en temps utile la désignation d'un expert judiciaire.

Dans ces conditions, il convient de débouter la société Touloubre et la société Lloyd's de l'intégralité de leurs demandes, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la société Touloubre et son assureur, la société Lloyd's, supporteront in solidum les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats en ayant fait la demande.

Elles seront en outre condamnées in solidum à verser la somme de 5.000 € chacune aux sociétés Abeille et Allianz ainsi que la somme de 2.500 € à la société Resoltech au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE recevable le moyen soulevé par les sociétés SN ECI et Abeille Iard et Santé tendant à l'irrecevabilité de la SCI Touloubre ;

DÉCLARE la SCI Touloubre recevable en ses demandes ;

INFIRME le jugement rendu le 14 avril 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre sauf en ce qu'il a débouté la SAS Resoltech, la SA Allianz Iard, la SA Abeille Iard & Santé et la SARL SN ECI de leurs fins de non-recevoir et en ce qu'il a débouté la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company de leurs demandes à l'encontre de la SAS Resoltech et de son assureur la SA Allianz Iard ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company de leurs demandes à l'encontre de la SARL SN ECI et de son assureur la SA Abeille Iard & Santé ;

CONDAMNE la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats en ayant fait la demande ;

CONDAMNE la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company in solidum à verser à la SA Abeille Iard & Santé la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company in solidum à verser à la SA Allianz Iard la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Touloubre et la SA Lloyd's Insurance Company in solidum à verser à la SAS Resoltech la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-1
Numéro d'arrêt : 22/03397
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03397 ?
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