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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03193

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 30 mai 2024, 22/03193


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80O



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 22/03193 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPIG



AFFAIRE :



[C] [O] DIVORCÉE [N]



C/



S.A.S. GSF GRANDE ARCHE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C



N° RG : 18/00857



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Laurence SOLOVIEFF



Me Gautier KERTUDO







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 22/03193 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPIG

AFFAIRE :

[C] [O] DIVORCÉE [N]

C/

S.A.S. GSF GRANDE ARCHE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/00857

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence SOLOVIEFF

Me Gautier KERTUDO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [C] [O], divorcée [N]

née le 24 Mars 1974 à [Localité 4] GHANA

de nationalité Ghanéenne

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Laurence SOLOVIEFF, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 20222/010572 du 30/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A.S. GSF GRANDE ARCHE

N° SIRET : 794 514 356

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Gautier KERTUDO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0097, substitué par Me Mathilde PETY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

FAITS ET PROCEDURE,

Mme [N] a été engagée par la société GSF Grande Arche en qualité d'agent de service, par contrats de travail à durée déterminée du 22 juin 2015 au 24 juillet 2015, du 27 juillet 2015 au 3 octobre 2015, du 26 octobre 2015 au 6 novembre 2015, du 9 novembre 2015 au 14 novembre 2015, puis du 16 novembre 2015 jusqu'au 6 octobre 2017.

Par requête reçue au greffe le 17 octobre 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin, notamment, d'obtenir une requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

Par jugement du 26 septembre 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société GSF Grande Arche de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de Mme [N] en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile comprenant la signification éventuelle du présent jugement 'par voie d'huissier de suite ainsi qu'à ses suites'.

Par déclaration au greffe du 20 octobre 2022, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva avant la clôture de l'instruction, le 4 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [N], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes » et « mis les dépens à sa charge en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile comprenant la signification éventuelle du présent jugement par voie d'huissier de suite ainsi qu'à ses suites »,

statuant à nouveau,

- constater que les contrats à durée déterminée dont elle a bénéficié ont été conclus pour pourvoir un emploi lié à l'activité permanente et normale de l'entreprise et ont en tout état de cause dépassé la durée légale maximale légale,

- constater qu'elle a travaillé jusqu'au 9 octobre 2017,

- requalifier les contrats à durée déterminée conclus du 23 octobre 2015 au 9 octobre 2017 en contrat à durée indéterminée,

- juger que les relations de travail s'analysent en un contrat de travail à durée indéterminée du 23 octobre 2015 au 9 octobre 2017,

- juger que la société GSF Grande Arche a, en mettant un terme au contrat de travail, procédé par rupture abusive du contrat de travail liant les parties,

- condamner, en conséquence, la société GSF Grande Arche à lui payer les sommes suivantes :

* à titre principal 7 831,20 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et à titre subsidiaire si la cour de céans jugeait le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et l'article L.1235-3 du code du travail conforme à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT sur le licenciement, 2 284,10 euros nets,

* 652,60 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 65,20 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 333,09 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 652,60 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

* 652,60 euros nets à titre d'indemnité en application des articles 1245-1 et 1245-2 du code du travail,

- condamner la société GSF Grande Arche à lui payer les sommes suivantes :

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation,

* 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l'obligation de sécurité et l'absence de visite médicale,

* 1 095,49 euros nets à titre d'indemnité de contrepartie prévue par l'article L.3121-3 du code du travail,

* 460 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des articles R.4323-95 et R.4321-4 du code du travail,

* 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la durée minimum de travail,

- condamner la société GSF Grande Arche à lui remettre les bulletins de paie, certificat de travail pour la même période et attestation pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- lui allouer les intérêts de droit sur lesdites sommes à compter de la date de convocation de la société GSF Grande Arche devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et en ordonner la capitalisation,

- fixer à 652,60 euros la moyenne de son salaire en application de l'article R.1454-28 du code du travail,

- débouter la société GSF Grande Arche de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société GSF Grande Arche au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et dont distraction au profit de Me [X] [D] ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société GSF Grande Arche demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,

en conséquence,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 mars 2024.

Par des conclusions remises au greffe le 13 mars 2024, Mme [N] demande à la cour de :

à titre principal :

- ordonner le rabat de la clôture prononcée le 12 mars 2024,

- juger recevables les conclusions récapitulatives n°3 en réplique signifiées dans son intérêt le 12 mars 2024,

à titre subsidiaire :

- prononcer le rejet des débats des conclusions de la société GSF Grande Arche signifiées le 11 mars 2024 et des pièces communiquées sous le numéro 16 à la même date.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

Aux termes de conclusions de procédure remises après la clôture de l'instruction mais néanmoins recevables, Mme [N] demande à titre principal à la cour d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 12 mars 2024 pour voir déclarer recevables ses conclusions n°3 du même jour, et, à titre subsidiaire, le rejet des débats des conclusions d'intimée du 11 mars 2024 contenant une nouvelle argumentation en pages 9, 15 et 16, et la pièce n°16 communiquée à la même date.

Selon l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; l'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

La cause grave peut être définie comme une circonstance indépendante de la volonté de la partie qui l'invoque, qui s'est révélée à elle postérieurement à l'ordonnance de clôture et qui est de nature à avoir une incidence sur la solution du litige.

Au cas particulier, Mme [N] invoque l'absence de procès équitable et le principe du contradictoire en ce qu'elle n'a pu prendre connaissance des conclusions adverses notifiée le 11 mars 2024 à 19h40 avant le prononcé de la clôture le 12 mars 2024 à 9 heures afin d'y répliquer.

Ce faisant, elle ne justifie d'aucune cause grave s'étant révélée à elle depuis la clôture de l'instruction.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par Mme [N] sera donc en voie de rejet et il y a lieu de déclarer irrecevables ses conclusions n° 3 remises au greffe par le Rpva postérieurement à la clôture de l'instruction prononcée le 12 mars 2024 à 9 heures

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile : ' Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.

Selon l'article 16 de ce code, ' Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction./ Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. (...)' .

L'article 135 du même code prévoit que 'Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile' ;

Si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et des pièces ont été déposées en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile, ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, que ces dernières soient déposées avant ou après le prononcé de l'ordonnance de clôture.

Les parties ont été avisées, dès le 17 octobre 2023, de la date de la clôture de l'instruction fixée au 5 mars 2024 à 9 heures, reportée au 12 mars 2024 à 9 heures à la demande de l'intimée reçue le 4 mars 2024 pour répliquer à des conclusions de Mme [N] notifiées par le Rpva à cette date.

Or, il apparaît que les conclusions d'intimée notifiées le 11 mars 2024 l'ont été pour répliquer aux conclusions de dernière heure de Mme [N] qui n'est donc pas légitime à en contester le caractère tardif en invoquant le procès équitable et le principe du contradictoire dont elle s'est elle-même affranchie en ayant conclu la veille de la clôture initialement fixée.

La demande de voir écarter les dernières conclusions d'intimée et la pièce communiquée en appui de celles-ci, sera donc en voie de rejet.

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Mme [N] sollicite la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée en ce qu'elle a été employée de manière continue du 26 octobre 2015 au 9 octobre 2017 pour exercer les fonctions d'agent de propreté sur le même site, pourvoyant ainsi un emploi durable et permanent de l'entreprise, faute de preuve de la réalité des absences des salariés dont le remplacement est invoqué, en raison d'une réduction d'horaires, à défaut de respect des règles relatives à la durée maximale de 18 mois ainsi qu'en matière de délai de carence, et compte tenu de l'exécution d'un travail après le terme du dernier contrat.

L'employeur réplique que la salariée doit être déboutée de cette demande de requalification en contrat à durée indéterminée compte tenu de la réalité des absences des salariés remplacés, de la non application aux contrats concernés des dispositions en matière de durée maximale et délai de carence, de la fin du dernier contrat de travail dont Mme [N] a été oralement informée dès le retour de la salariée remplacée, peu important la venue de Mme [N] dans l'entreprise après cette date afin de se voir remettre son reçu pour solde de tout compte qu'elle a alors signé sans émettre la moindre réserve.

En premier lieu, en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 1242-1 et suivants du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et doit respecter certaines conditions de forme, notamment préciser son motif et le montant de la rémunération, et, quel que soit son motif, il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Les disposition alors en vigueur de l'article L. 1242-2 du code du travail prévoient que, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu'il énumère, parmi lesquels figure le remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail.

Selon l'article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles précités.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. L'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre.

En l'espèce, il ressort des exemplaires des contrats à durée déterminée signés par les parties, dont la régularité formelle n'est pas utilement contestée, qu'ils ont été successivement conclus pour assurer le remplacement, le premier, de M. [A] [B], agent de service, absent pour congés payés, pour une période minimale de 4 semaine et 5 jours à compter du 22 juin 2015 ; le deuxième, de Mme [V] [G], agent de service, absente pour congés payés, pour une période minimale de 9 semaines et 6 jours à compter du 27 juillet 2015 ; le troisième, de M. [E], agent de service, absent pour congés payés, pour une période minimale de 1 semaine et 5 jours à compter du 26 octobre 2015 ; le quatrième, de M. [J] [F], agent de service, absent pour une période minimale de 5 jours en raison d'un détachement sur un autre site à compter du 9 novembre 2015 ; le cinquième, de Mme [V] [G], agent de service, absente en raison d'un accident de trajet pour une période minimale de 1 jour à compter du 16 novembre 2015.

Au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont les pièces de nature médicale, les bulletins de paie et les plannings relatifs aux salariés et périodes concernés, si dans le cadre de l'exécution des trois derniers contrats litigieux Mme [N] a assuré sur un même site le remplacement de salariés affectés à des postes d'agent de service de manière continue du 26 octobre 2015 au 9 octobre 2017, partiellement avec une réduction des horaires dans des proportions globalement peu significatives, ces éléments invoqués par Mme [N], regardés ensemble, ne sont pas de nature à caractériser que l'employeur a, au cours de la période contractuelle, eu recours aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre.

En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 1244-1, L. 1244-3 et L. 1244-4 dans leurs versions applicables au litige, que lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, il n'y a pas lieu à application d'un délai de carence pour la conclusion, comme en l'espèce, de plusieurs contrats à durée déterminée successifs.

De même, il résulte de l'article L. 1242-7, dans ses versions alors en vigueur, d'une part, que la durée maximale de 18 mois est inapplicable au contrat conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, qui ne comporte pas de terme précis dès l'instant qu'il prévoit une durée minimale comme en l'espèce, d'autre part, que le contrat prend fin à la fin de l'absence du salarié remplacé et qu'il n'est pas exigé que l'employeur y mette un terme par écrit, de sorte que Mme [N] a été valablement informée de façon orale, comme indiqué dans le courrier de l'employeur du 9 octobre 2017 non utilement contredit, de la fin de son contrat à durée déterminée le 6 octobre 2017 quand la salariée remplacée a repris le travail, ce que corrobore l'ensemble des documents de fin de contrat, peu important la présentation de Mme [N], bien qu' informée de la fin de son contrat, sur son lieu de travail le 9 octobre 2017, date à laquelle il lui a été remis son solde de tout compte qu'elle a alors signé sans exprimer la moindre réserve, toutes circonstances que les éléments versés ne sont pas de nature à remettre en cause, notamment des badgeages de sa carte d'entrée les 6 et 9 octobre 2017 ou le bulletin de paie de Mme [G] du mois d'octobre 2017 qui ne font pas ressortir à suffisance le retour de celle-ci dans l'entreprise dès le 5 octobre 2017.

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter Mme [N] de sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes .

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des droits à la formation

Au visa de l'article L. 6321-1 du code du travail et de l'accord du 25 octobre 2004 relatif à la formation professionnelle, Mme [N] soutient ne pas avoir bénéficié d'une formation professionnelle ou de sécurité suffisante, ce qui lui a causé un préjudice résultant de l'absence de possibilité d'évoluer dans son poste et d'acquérir des compétences spécifiques lui permettant de gravir les échelons.

L'employeur fait valoir que Mme [N] a suivi au moins deux formations portant sur la sécurité au travail.

Au sein des documents 'd'évaluation de la formation information sécurité' qu'elle a signés les 22 juin 2015 et 16 novembre 2015, Mme [N] précise le détail des nombreux points sur lesquels elle a bénéficié de formations en matière de sécurité, ce dont elle atteste quant aux 'questions relatives à sa propre sécurité, celle de ses collègues comme toute personne présente sur le site ainsi qu'à celle des locaux et matériels', respectivement pour les sites de 'Magnum' et de 'L'Oréal Levallois'.

En tout état de cause, Mme [N] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de ses droits en matière de formation.

Sur la violation de l'obligation de sécurité

Au visa des articles R. 4624-16 et L. 4121-1 du code du travail, Mme [N] fait valoir qu'elle a été privée des visites médicales légales de sorte que son état de santé n'a pu être apprécié et que sa compatibilité avec les tâches confiées n'a pas été vérifiée.

L'employeur réplique que Mme [N] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Si l'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du respect de ses obligations légales qui lui imposent de mettre en place et d'assurer l'effectivité des visites médicales obligatoires, ce qui caractérise le manquement de celui-ci à son obligation de sécurité, Mme [N], qui se borne à une déclaration de principe d'ordre général sans caractériser l'existence d'un préjudice dont elle aurait personnellement souffert, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les contreparties prévues par les dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail

Mme [N] fait valoir, d'une part, qu'elle était tenue de porter des vêtements de travail conformes et adaptés aux travaux confiés afin d'assurer sa protection et en raison de l'exécution de travaux salissants, d'autre part, que l'obligation de se vêtir et se dévêtir sur place était imposée pour des raisons d'hygiène 'évidentes'. Elle indique avoir consacré vingt minutes supplémentaires pour les opérations d'habillage et de déshabillage sur le site, soit 4h33 par mois. Elle sollicite une contrepartie calculée sur cette base pour la période du 26 octobre 2015 au 9 octobre 2017.

L'employeur soutient pour sa part que si Mme [N] devait porter une blouse ou chasuble pour permettre la réalisation des opérations de nettoyage et d'entretien sans avoir à se tacher, le temps correspondant au passage de la tenue, qui n'est pas significatif puisque de quelques secondes, est intégré au temps de travail et rémunéré, ce qui constitue la contrepartie visée à l'article L. 3121-3 du code du travail.

L'article L. 3121-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, dispose :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.'

Selon l'article L. 3121-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016,

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port de la tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.'

L'article L. 3121-7 alinéa 1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose :

'Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit soit d'accorder des contreparties aux temps d'habillage et de déshabillage mentionnés à l'article L. 3121-23, soit d'assimiler ces temps à du temps de travail effectif.'

Il en résulte que les contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation de deux conditions cumulatives, à savoir l'obligation de porter une tenue de travail et l'obligation de la revêtir et de l'enlever dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Lorsque les deux conditions cumulatives résultant de l'article L. 3121-3 du code du travail sont réunies, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce que les temps d'habillage et de déshabillage nécessaires pour revêtir et enlever la tenue de travail sont pris en compte dans le temps de travail effectif.

L'article L. 4121-1du code du travail fait obligation à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et prévoit que ces mesures comprennent notamment la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'article R. 4321-4 du même code lui fait obligation de mettre à la disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuels appropriés et, lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés. Il veille à leur utilisation effective.

L'article L. 4122-1 du même code fait obligation au salarié de prendre soin, en fonction de sa formation et de ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité.

L'employeur ne conteste pas la nécessité pour la salariée de devoir porter en raison de la nature des travaux exercés, une tenue de travail sur les sites L'Oréal, soit une blouse ou chasuble, en tant qu'équipement de protection individuelle, qu'il mettait à sa disposition, ni l'obligation de revêtir et d'enlever sa tenue de travail dans l'entreprise, notamment pour des raisons d'hygiène.

Toutefois, il n'établit pas que les temps d'habillage et de déshabillage de la salariée sont rémunérés comme du temps de travail effectif. Celle-ci est dès lors bien fondée à prétendre à une contrepartie pour ses temps d'habillage et de déshabillage.

En l'absence de convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, de clause dans le contrat de travail déterminant la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doit bénéficier la salariée qui le saisit.

Le temps d'habillage de déshabillage pouvant être évalué à deux minutes par jour travaillé, soit une minute pour l'habillage et une minute pour le déshabillage, il convient de fixer la contrepartie due à la salariée à la somme de 99,59 euros brut pour la période réclamée, outre 9,96 euros brut de congés payés afférents.

Il y a donc lieu de condamner l'employeur, par voie d'infirmation du jugement, à payer à Mme [N] les sommes précitées.

Sur la demande de prime d'entretien de la tenue de travail

L'article L. 4122-2 du code du travail dispose que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.

Indépendamment des dispositions de cet article, les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au salaire minimum applicable.

L'employeur, qui se borne à invoquer la présence de machines à laver et sécher le linge sur l'un des deux sites L'Oréal à compter du 17 avril 2013 sans démontrer la présence de celles-ci au moment de l'exécution des prestations de travail confiées à la salariée, ne justifie pas avoir respecté ses obligations en matière d'entretien des tenues de travail fournies à la salariée alors qu'il résulte des articles R. 4321-4 et R. 4323-95 du code du travail qu'il devait s'assurer de leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant.

Il incombe dès lors à l'employeur de prendre en charge le coût d'entretien de la tenue de travail de la salariée.

Le lavage et le repassage régulier de sa tenue de travail génèrent pour la salariée des frais de lessive, d'eau, d'électricité et d'usure du matériel utilisé. La dépense engagée par Mme [N] pour entretenir cette tenue, qui est certaine, doit être évaluée à la somme de 350 euros pour la période du 26 octobre 2015 au 9 octobre 2017. Le jugement est dès lors infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée minimale du temps de travail

Au visa de l'article L. 3124-14-1 du code du travail, applicable jusqu'au 10 août 2016, et L. 3123-27 du même code applicable à compter de cette date, ainsi que de l'article 6.2.4.1 de la convention collective applicable, Mme [N] fait valoir qu'elle a travaillé 15 heures par semaine en méconnaissance des règles légales et conventionnelles exigées, ce qui lui a causé un préjudice.

L'employeur réplique que la durée légale de travail minimale de 24 heures hebdomadaires n'est pas applicable aux contrats de travail à durée déterminée de remplacement et que la durée conventionnelle minimale de 16 heures hebdomadaires ne concerne que la dérogation mentionnée à l'ancien article L. 3123-14-1 du code du travail sans pouvoir être étendue aux contrats à durée déterminée de remplacement.

D'une part, selon l'article L. 3124-14-1du code du travail, applicable du 31 janvier 2015 au 10 août 2016, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée ou à l'équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ; les dispositions prévues au premier alinéa ne sont pas applicables aux contrats d'une durée au plus égale à sept jours.

Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 3123-14-6 du code du travail que ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats de travail à durée déterminée de remplacement.

D'autre part, s'il résulte de l'article 6.2.4.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, issu de l'avenant n° 3 du 5 mars 2014, étendu par arrêté du 19 juin 2014 entré en vigueur le 1er juillet suivant, que la durée du travail minimale était de 16 heures hebdomadaires au cours de la période litigieuse, il ne s'en déduit pas que cette durée minimale s'applique au contrat de travail à durée déterminée de remplacement contrairement à la dérogation légale. En tout état de cause, la salariée ne justifie pas d'un préjudice résultant du non-respect de la durée minimale de travail.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute la salariée de sa demande indemnitaire formée de ce chef.

Sur les intérêts légaux

Les créances salariales que constituent les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage sont productives de plein droit d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance pour les créances échues postérieurement.

Les autres sommes allouées produisent des intérêts à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents rectifiés

Eu égard à la solution du litige, l'employeur sera condamné à remettre à la salariée un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi devenu France Travail, et un certificat de travail, conformes au présent arrêt.

Au vu des éléments de la cause, le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité de procédure.

L'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, l'employeur sera condamné à payer à Me Laurence Solovieff, avocat de la salariée bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2 000 euros au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Rejette la demande de Mme [C] [N] de révocation de l'ordonnance de clôture de l'instruction ;

Déclare en conséquence irrecevables ses conclusions n°3 remises au greffe par le Rpva postérieurement au prononcé de la clôture de l'instruction ;

Rejette sa demande de voir écarter des débats les conclusions de la société GSF Grande Arche signifiées le 11 mars 2024 et la pièce numéro 16 communiquée par celle-ci ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage, les frais d'entretien de la tenue de travail, les intérêts légaux, la remise de documents conformes, les dépens et l'indemnité de procédure ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société GSF Grande Arche à payer à Mme [C] [N] les sommes suivantes :

* 99,59 euros brut au titre des contreparties au temps d'habillage et de déshabillage ;

* 9,96 euros brut de congés payés afférents ;

* 350 euros au titre des frais d'entretien de la tenue de travail ;

Dit que les intérêts au taux légal courent sur les contreparties au temps d'habillage et de déshabillage à compter du jour de la présentation à la société GSF Grande Arche de la lettre la convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance pour les créances échues postérieurement ;

Dit que les autres sommes allouées courent à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société GSF Grande Arche à remettre à Mme [C] [N] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi devenu France Travail, et un certificat de travail, conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la société GSF Grande Arche à payer à Maître Laurence Solovieff, avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 2 000 euros au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société GSF Grande Arche aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Nouha ISSA, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/03193
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03193 ?
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