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30/05/2024 | FRANCE | N°22/01289

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 30 mai 2024, 22/01289


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MAI 2024



N° RG 22/01289 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VEVB



AFFAIRE :



S.A.R.L. SOCIETE DE DISTRIBUTION DE VETEMENTS (SDV)



C/



[Y] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

Section : C

N° RG : F 20/00219



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SAS ACTANCE



la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MAI DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MAI 2024

N° RG 22/01289 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VEVB

AFFAIRE :

S.A.R.L. SOCIETE DE DISTRIBUTION DE VETEMENTS (SDV)

C/

[Y] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 20/00219

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SAS ACTANCE

la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. SOCIETE DE DISTRIBUTION DE VETEMENTS (SDV)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Loïc TOURANCHET et Me Aymeric DE LAMARZELLE de la SAS ACTANCE, Plaidants/Constitués, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0168, substitués par Me Robin DELBÉ avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Monsieur [Y] [D]

né le 04 Septembre 1985 à [Localité 5]

de nationalité Malienne

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Nouha ISSA,

FAITS ET PROCEDURE,

M. [Y] [D] a été embauché, à compter du 17 décembre 2015, selon contrat de travail à durée déterminée puis à durée indéterminée en qualité de manutentionnaire par la Société de Distribution de Vêtements, employant habituellement au moins onze salariés.

M. [D] a fait l'objet des sanctions disciplinaires suivantes de la part de son employeur :

- un avertissement le 23 mai 2018 ;

- un avertissement et mise à pied disciplinaire de trois jours à effet au 21 novembre 2018 ;

- un avertissement le 30 juillet 2019.

Par lettre du 20 août 2019, la Société de Distribution de Vêtements a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre 6 septembre 2019, la Société de Distribution de Vêtements a notifié à M. [D] son licenciement pour faute grave.

Le 29 mai 2020, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency pour contester le bien-fondé de son licenciement, l'annulation des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre et demander la condamnation de la Société de Distribution de Vêtements à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 7 mars 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [D] les somme suivantes :

* 1 451,04 euros à titre de rappel de salaire du 12 août au 7 septembre 2019 et 145,10 euros au titre des congés payés afférents

* 3 133,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 313,67 euros au titre des congés payés afférents

* 136,76 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés

*1 534,24 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 6 267,56 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail

* 1 732,44 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et moral

* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que la Société de Distribution de Vêtements devra rembourser aux organismes compétents les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [D] à concurrence de six mois d'indemnités, à charge pour les dits organismes de justifier des versements ;

- ordonné à la Société de Distribution de Vêtements de remettre à M. [D] un certificat de travail, une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de salaire de juillet 2019 et un bulletin de salaire récapitulatif, conformes, sous astreinte de 20 euros par jour et par document aux termes du quinzième jour suivant la notification ;

- dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Société de Distribution de Vêtements de sa première convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de mise à disposition au greffe de la décision pour les créances indemnitaires ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 1566,89 euros au fin l'exécution provisoire de la décision en application de l'article R. 1454-28 du code du travail ;

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes ;

- condamné la Société de Distribution de Vêtements aux dépens.

Le 19 avril 2022, la Société de Distribution de Vêtements a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°1, déposées le 18 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la Société de Distribution de Vêtements demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sur le licenciement, les condamnations prononcées à son encontre, les dépens, de confirmer le jugement sur le débouté des demandes de M. [D], et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :

- à titre principal, dire que le licenciement de M. [D] est fondé sur une faute grave et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes ;

- en tout état de cause, condamner M. [D] à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions n°2 déposées le 4 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [D] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Confirmer le jugement entrepris des chefs de rappel de salaire du 12 août au 7 septembre 2019, de congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture et par application des dispositions de l'article 700 du CPC.

- Confirmer, dans son principe, le jugement entrepris du chef d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à l'infirmer quant au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui a été alloué de ce chef.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à voir écarter le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect, par la Société de Distribution de Vêtements, des dispositions légales en matière de visites médicales chez le médecin du travail.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'annulation des sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées par lettres datées des 23 mai 2018 et 30 juillet 2019 et par une lettre non datée portant sur un prétendu fait survenu le 20 novembre 2018.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté de ses demandes de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire de trois jours à compter du 21 novembre 2018, de congés payé incidents et de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait des sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées.

Et, statuant à nouveau sur ces chefs de demandes :

- Ecarter le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité au regard des règles de droit international.

- Annuler les sanctions disciplinaires notifiées par lettres datées des 23 mai 2018 et 30 juillet 2019 et par lettre non datée portant sur un prétendu fait survenu le 20 novembre 2018.

- Condamner la Société de Distribution de Vêtements à lui payer à les sommes suivantes :

* 20.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* Subsidiairement sur ce chef de demande, si la Cour ne devait pas écarter le plafond d'indemnisation prévu à l'article 1235-3 du code du travail, Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [D] la somme de 6.267,56 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du Code du travail.

*Confirmer dans son principe le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts distincts en réparation du préjudice financier et moral subi, sauf à porter le montant des dommages et intérêts alloués de ce chef à la somme de 15.000 €.

* 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect, par la Société de Distribution de Vêtements, des dispositions légales en matière de visites médicales chez le médecin du travail.

* 197,60 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire de trois jours à compter du 21 novembre 2018 et 19,76 € au titre des congés payés incidents * 1.500,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait des sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées

Et, y ajoutant,

- Condamner la Société de Distribution de Vêtements à payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du CPC, en cause d'appel.

- Ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi, du bulletin de salaire du mois de juillet 2019 et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et dire que la Cour se réservera le droit de liquider l'astreinte.

- Condamner la SARL SOCIETE DE DISTRIBUTION DE VETEMENTS-SDV aux entiers dépens.

- Dire que les intérêts courront à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

- Ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du Code civil.

Le 15 mars 2024, la Société de Distribution de Vêtements a déposé des conclusions n°2 et de nouvelles pièces.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 19 mars 2024.

Aux termes de conclusions déposées le 21 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [D] demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les pièces n° 18 à 30 et les conclusions n°2 déposées par la Société de Distribution de Vêtements le 15 mars 2024 ou en tout état de cause écarter ces pièces et conclusions des débats.

Aux termes de conclusions déposées le 3 avril 2024, la Société de Distribution de Vêtements demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer recevables les pièces et conclusions communiquées le 15 mars 2024;

- à titre subsidiaire, ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyer l'audience de plaidoiries à une prochaine date ;

- à titre infiniment subsidiaire, déclarer recevables ses conclusion déposées le 15 mars 2024.

SUR CE :

Sur la recevabilité et le rejet de conclusions et pièces et la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile : ' Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense' ; qu'aux termes de l'article 16 du même code : ' Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction./ Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. (...)'/

Aux termes de l'article 135 du même code : ' Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile'.

Aux termes du premier alinéa de l'article 803 du même code : 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue (...).

En l'espèce, la Société de Distribution de Vêtements, appelante à titre principal, a communiqué de nouvelles conclusions le vendredi 15 mars 2024, à 09h22, comportant quatre nouvelles pages et de nouveaux argument sur divers points, ainsi que de nouvelles pièces n°18 à 30, constituées pour l'essentiel d'attestations établies en 2019 au moment du licenciement alors que la clôture était fixée au mardi 19 mars suivant, selon un programme annoncé aux parties le 2 novembre 2023.

La Société de Distribution de Vêtements n'a ainsi pas communiqué ses nouvelles conclusions et pièces en temps utile afin que l'intimé soit à même d'organiser sa défense, lui laissant à peine deux jours ouvrables pour répliquer notamment à des pièces qu'elle détenait depuis plus de quatre ans et demi.

Par ailleurs, la Société de Distribution de Vêtements ne justifie d'aucune cause grave survenue après le prononcé de l'ordonnance de clôture aux fins de révocation de cette ordonnance.

Il y a donc lieu d'écarter des débats les conclusions d'appelante n°2 déposées par la Société de Distribution de Vêtements ainsi que ses pièces n°18 à 30, étant précisé qu'aucune irrecevabilité n'est encourue à ce titre contrairement à ce que soutient M. [D], cette fin de non-recevoir étant ainsi rejetée.

Il y a donc lieu également de rejeter la demande subsidiaire de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la société appelante.

Sur la nullité des sanctions disciplinaires et les demandes subséquentes :

En application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l'annulation d'une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur. Le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties. Toutefois, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.

Aux termes de l'article L. 1321- du même code : 'Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement :(...)

3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur'.

Aux termes de l'article L. 1311-2 du même code, dans sa version applicable au litige : 'L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés'.

Aux termes de l'article L. 1321-4 du même code : 'Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité social et économique. / Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. / En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité social et économique, est communiqué à l'inspecteur du travail. / Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur'.

En l'espèce, alors qu'il est constant que la Société de Distribution de Vêtements employait habituellement au moins vingt salariés au moment du prononcé des sanctions disciplinaires en litige, cette dernière ne justifie en rien avoir établi un règlement intérieur à cette période ni en toutes hypothèses avoir accompli les formalités de dépôt et de publicité afférentes.

Il s'ensuit que, d'une part, les avertissements et la mise à pied disciplinaire prononcés à l'encontre de M. [D] sont nuls.

D'autre part, il y a lieu de condamner la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [D] :

- une somme de 197,60 euros brut à titre de rappel de salaire afférent à cette mise à pied disciplinaire de trois jours entachée de nullité, outre 19,76 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le prononcé de ces sanctions illicites.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces différents chefs.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [D], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : ' (...) Nous vous reprochons pour l'essentiel d'avoir quitté brutalement votre service le vendredi 9 août 2019 à 10h00, sans autorisation et sans justification valable, dans un contexte de forte activité. Vous avez cessé de vous présenter à votre travail depuis ce jour à perturber le fonctionnement de l'entreprise et contre le reste du personnel à faire face à un surcroît d'activité. Par ailleurs les faits sont réitérés, et vous avez déjà été sanctionné notamment pour les mêmes actes par un avertissement. L'abandon de poste ainsi caractérisé est constitutive d'un manquement de votre part à vos obligations contractuelles suffisamment grave. Ils constitue un refus volontaire de travailler justifier un licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...)'.

La Société de Distribution de Vêtements soutient que la faute grave reprochée à M. [D] est établie en ce qu'il a abandonné son poste de travail le vendredi 9 août 2019 de manière délibérée ce qui a entraîné une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et qu'il ne s'est plus présenté à son poste de travail à partir du mardi 13 août suivant sans fournir aucun justificatif, ces faits survenant après des sanctions disciplinaires pour des manquements identiques. Elle conclut donc au débouté des demandes d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuses formée par M. [D].

M. [D] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que:

- son employeur l'a contraint à quitter son poste le vendredi 9 août dans l'attente de la réception d'un courrier puis lui a interdit de revenir dans l'entreprise lorsqu'il s'y est présenté le 13 août suivant, appelant même les services de police pour lui interdire l'accès ;

- aucune mise en demeure de reprendre son poste ni de justifier de son absence ne lui a été adressée, ce qui exclut la qualification d'abandon de poste.

Il réclame donc l'allocation d'indemnités de rupture ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en arguant de l'inconventionnalité des dispositions L. 1235-3 du code du travail.

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.

L'employeur qui fonde le licenciement sur une faute grave commise par le salarié doit en justifier.

En l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que M. [D] n'a pas été présent à son poste de travail à compter du 9 août 2019.

Toutefois, la Société de Distribution de Vêtements reconnaît n'avoir adressé aucune mise en demeure à M. [D] aux fins de reprendre son poste, ni d'ailleurs aucune demande de justification d'absence, avant de le convoquer à l'entretien préalable au licenciement.

Par ailleurs, il ressort d'une attestation du salarié ayant assisté M. [D] lors de l'entretien préalable au licenciement, corroborée par un courriel adressé par les services de la police nationale à l'avocat de l'intimé, que ce dernier s'est présenté sur son lieu de travail le 13 août 2019 et que les services de police sont intervenus à la demande de l'employeur à cette occasion.

Il est de plus constant que M. [D] s'est présenté à l'entretien préalable au licenciement et a nié tout abandon de poste.

Il résulte de ce qui précède que l'abandon de poste reproché à M. [D], qui est le seul grief formulé par l'employeur à son encontre dans la lettre de licenciement à l'exclusion du grief d'absence injustifiée, n'est pas établi.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse comme l'ont justement estimé les premiers juges.

En conséquence, et eu égard à une rémunération moyenne mensuelle s'élevant au vu des pièces versées à 1 566,89 euros brut, il y a lieu de confirmer la condamnation de la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [D] les sommes suivantes :

- 3 133,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 313,67 euros au titre des congés payés afférents,

-1 534,24 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Il y a lieu également d'allouer à M. [D] une indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse d'un montant compris, eu égard à son ancienneté de trois années complètes, entre trois mois et quatre mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l'appelant faute d'effet direct horizontal et que les recommandations du comité des ministres du Conseil de l'Europe du 6 septembre 2023 n'ont aucun effet contraignant dans l'ordre juridique national. Eu égard à son âge (né en 1985), à sa rémunération moyenne mensuelle, à l'absence d'éléments sur sa situation postérieure au licenciement, il y a lieu de confirmer l'allocation d'une somme de 6 267,56 euros à ce titre.

Sur le rappel de salaire pour la période du 12 août au 7 septembre 2019 :

En l'espèce, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au titre du licenciement, la Société de Distribution de Vêtements ne démontre pas que M. [D] ne se tenait pas à sa disposition ou a refusé d'exécuter le contrat de travail pendant cette période.

Il y a donc lieu de confirmer l'allocation d'une somme de 1 451,04 euros à titre de rappel de salaire du 12 août au 7 septembre 2019 et d'une somme de 145,10 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages-intérêts en 28 mai 2024 et moral distinct du licenciement :

En l'espèce, M. [D] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre. Il y a donc lieu de débouter M. [D] de cette demande et d'infirmer le jugement sur ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

En l'espèce, la Société de Distribution de Vêtements ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui revient, s'être acquittée de ses obligations en ce domaine. Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il alloue à M. [D] une somme de 136,76 euros à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture :

En l'espèce, M. [D] ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice à ce titre puisqu'il produit sur ce point différentes pièces relatives à sa situation financières datant de 2021, soit près de deux années après la rupture et la remise des documents en litige, sans démonstration d'un lien direct avec le retard invoqué intervenu en septembre 2019.

Il y a donc lieu de débouter M. [D] de cette demande, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour absence de visite auprès du médecin du travail :

En l'espèce, M. [D] n'établit pas l'existence d'un préjudice à ce titre. Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire.

Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à la Société de Distribution de Vêtements de remettre à M. [D] un certificat de travail, une attestation pour France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt.

M. [D] sera en revanche débouté de sa demande d'astreinte à ce titre, une telle mesure n'étant pas nécessaire.

Le jugement sera donc infirmé sur ces chefs.

Le jugement sera en revanche confirmé en qu'il a ordonné à la Société de Distribution de Vêtements de remettre à M. [D] un bulletin de salaire afférent aux mois de juillet 2019, cette dernière ne démontrant pas s'être acquittée de cette obligation.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ce point.

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ces points.

En outre, la somme à caractère indemnitaire allouée ci-dessus par le present arrêt produit intérêt légaux à compter de son prononcé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points.

En outre, la Société de Distribution de Vêtements sera condamnée à payer à M. [D] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande d'irrecevabilité de conclusions et pièces soulevée par M. [Y] [D],

Ecarte des débats les conclusions d'appelant n°2 déposées par la Société de Distribution de Vêtements le 15 mars 2024 ainsi que ses pièces n°18 à 30,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la Société de Distribution de Vêtements,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'annulation des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de M. [Y] [D] et les dommages-intérêts afférents, le rappel de salaire sur la mise à pied disciplinaire et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour préjudice financier et moral distinct, les dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture, la remise de documents sociaux sous astreinte autres que le bulletin de salaire de juillet 2019,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Annule les sanctions disciplinaires d'avertissement et de mise à pied prononcées à l'encontre de M. [Y] [D],

Condamne la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [Y] [D] les sommes suivantes  :

- 197,60 euros brut à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied disciplinaire de trois jours entachée de nullité et 19,76 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le prononcé de sanctions disciplinaires illicites, avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent arrêt,

Ordonne à la Société de Distribution de Vêtements de remettre à M. [Y] [D] un certificat de travail, une attestation pour France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt autre que le bulletin de salaire de juillet 2019,

Déboute M. [Y] [D] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral distinct du licenciement, de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de rupture et d'astreinte,

Condamne la Société de Distribution de Vêtements à payer à M. [Y] [D] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la Société de Distribution de Vêtements aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Nouha ISSA, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/01289
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.01289 ?
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