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23/05/2024 | FRANCE | N°23/03815

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 23 mai 2024, 23/03815


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78H



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/03815 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5AO



AFFAIRE :



[Y] [X] épouse [M]





C/

S.A. COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS )









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Avril 2023 par la Cour de Cassation de PARIS

N° RG : A21-19.174



Expédition

s exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Amina NAJI, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78H

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/03815 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5AO

AFFAIRE :

[Y] [X] épouse [M]

C/

S.A. COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS )

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Avril 2023 par la Cour de Cassation de PARIS

N° RG : A21-19.174

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Amina NAJI, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème civile) du 13 avril 2023 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 16ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 6 mai 2021

Madame [Y] [X] épouse [M]

née le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20230195

Ayant pour avocat plaidant Me Christophe PACHALIS, du barreau de Paris

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 303 236 186

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Amina NAJI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C2270 - N° du dossier CGEL

Ayant pour avocat plaidant Me Karine ALTMANN, du barreau de Paris

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Avril 2024, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI ;

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 31 décembre 2003, la SARL Sup 2 Com a conclu avec la SA Compagnie Générale de la Location d'Equipements (la société CGLE)un prêt de 45 507,80 euros en vue de l'acquisition de différents matériels professionnels, moyennant le paiement de 48 échéances mensuelles de 1 085,10 euros à compter du 31 décembre 2003.

Par actes séparés du même jour, Mme [Y] [X] ainsi que M. [K] [X], M. [F] [X] et Mme [G] [P] épouse [X], se sont portés cautions solidaires de la société Sup 2 Com pour le remboursement de ce prêt au profit de la société CGLE, à hauteur de la somme de 45 507,30 euros.

Suite à la défaillance de la société Sup 2 Com dans le paiement des loyers, la société CGLE a fait assigner cette société ainsi que les cautions solidaires en paiement des sommes dues au titre du prêt résilié.

Par jugement en date du 6 février 2006, le tribunal de commerce de Paris a notamment débouté la société CGLE de ses demandes vis-à-vis des cautions autres que M. [F] [X].

Par arrêt en date du 21 décembre 2007, la cour d'appel de Paris a infirmé partiellement le jugement, condamnant notamment Mme [Y] [X] à payer à la société CGLE la somme de 36 083,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,78 % à compter du 5 novembre 2007. La cour a également dit que les intérêts échus de ces sommes seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Sur le fondement de cet arrêt, par requête reçue le 28 février 2018, la société CGLE a demandé la saisie des salaires de Mme [X] auprès de la société LCL, à hauteur de la somme de 70 969,53 euros.

Par jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2020, le tribunal de proximité de Courbevoie a :

- débouté Mme [Y] [W] née [X] de sa demande de nullité du procès-verbal de signification du 25 février 2008,

- dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 21 décembre 2007 à l'encontre de Mme [W] est exécutoire et opposable à cette dernière, tout comme la requête en saisie des rémunérations reçue au greffe le 28 février 2018,

- rejeté la demande de délais faite par Mme [X],

- autorisé, au profit de la société Compagnie Générale de la Location d'Equipements, la saisie des rémunérations de Mme [X] sur une assiette de 38 093,53 euros, représentant le principal et les frais justifiés de procédure, sur le fondement du jugement rendu le 6 février 2006, par le tribunal de commerce de Paris et de l'arrêt rendu le 21 décembre 2007, par la cour d'appel de Paris,

- dit qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, la somme en principal ne produira plus d'intérêts à compter du jugement,

- renvoyé la société Compagnie Générale de la Location d'Equipements en intervention en ce qui concerne la demande au titre des intérêts, faute de production d'un décompte,

- mis les dépens à la charge de Mme [X], qui sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le jugement est assorti du bénéfice de l'exécution provisoire,

- rappelé que le jugement devra être signifié à l'initiative de la partie la plus diligente et que copie de cette signification devra être transmise au greffe du tribunal.

Sur appel de Mme [Y] [X], par arrêt contradictoire rendu le 6 mai 2021, la cour d'appel de Versailles a :

- déclaré irrecevables les conclusions de Mme [X] en date du 23 mars 2021 et celles de la société Compagnie Générale de Location d'Equipements en date du 24 mars 2021,

- déclaré Mme [X] irrecevable en son exception d'incompétence territoriale,

- confirmé le jugement contesté en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé l'assiette de la saisie à hauteur de la somme de 38 093,53 euros,

- fixé l'assiette de la saisie à hauteur de la somme de 36 083,12 euros,

- rejeté la demande en dommages et intérêts de Mme [M],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] aux entiers dépens.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt.

Par arrêt rendu le 13 avril 2023, la deuxième chambre civile de la cour de cassation (2e Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-19.174) a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée,

- condamné la société Compagnie Générale de Location d'Equipements aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Compagnie générale de location d'équipements et l'a condamnée à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

- dit que sur les diligences du procureur général près la cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevables les conclusions de Mme [X] du 23 mars 2021, postérieures à l'ordonnance de clôture du 16 mars 2021, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur la demande de révocation contenue dans le dispositif des conclusions remises par Mme [X] au greffe de la cour d'appel par voie électronique le 23 mars 2021.

Par déclaration reçue au greffe le 14 juin 2023, Mme [X] a saisi la présente cour, cour d'appel de renvoi, aux fins d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Courbevoie le 14 septembre 2020 en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 août 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] demande à la cour de :

'à titre principal :

- prononcer l'annulation du jugement rendu le 14 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Courbevoie, faute de motivation

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire la cour d'appel de Versailles devait ne pas prononcer l'annulation du jugement rendu le 14 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Courbevoie,

- infirmer le jugement en date du 14 septembre 2020 en ce qu'il a :

- dit que l'arrêt rendu par la cour d' appel de Paris le 21 décembre 2007 à l'encontre de Mme [Y] [W] née [X] est exécutoire et opposable à cette dernière, tout comme la requête en saisie des rémunérations reçue au greffe le 28 février 2018;

- rejeté la demande de délais faite par Mme [Y] [W] née [X];

- autorisé, au profit de la société CGL-Compagnie Generale de Location d'Equipements, la saisie des rémunérations de Mme [Y] [W] née [X] sur une assiette de trente huit mille quatre vingt treize euros et cinquante trois centimes (38 093,53 euros), représentant le principal et les frais justifiés de procédure, sur le fondement du jugement rendu le 6 février 2006, par le tribunal de commerce de Paris et de l'arrêt rendu le 21 décembre 2007, par la cour d' appel de Paris;

- dit qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, la somme en principal ne produira plus d'intérêts à compter du jugement;

- renvoyé la société CGL-Compagnie Generale de Location d'Equipements en intervention en ce qui concerne la demande au titre des intérêts, faute de production d'un décompte;

- mis les dépens à la charge de Mme [Y] [W] née [X], qui sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- dit que le présent jugement est assorti du bénéfice de l'exécution provisoire;

- rappelé que le présent jugement devra être signifié à l'initiative de la partie la plus diligente et que copie de cette signification devra être transmise au greffe de ce tribunal (service des saisies des rémunérations).

et statuant à nouveau :

- constater la nullité de la signification de l'arrêt en date du 21 décembre 2007 ainsi que du commandement de payer en date du 19 octobre 2017,

en conséquence

- juger que la prescription de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution est acquise à l'appelante ;

- juger que la sa Compagnie Générale de Location d'Equipements est déchue de toute action en recouvrement de la somme de 70 969,53 euros depuis le 20 décembre 2017 ;

- prononcer l'annulation de la saisie des rémunérations ordonnée le 14 septembre 2020 ;

à défaut

- établir la créance de la sa Compagnie Générale de Location d'Equipements à la somme de 26 446,10 euros à diminuer de la totalité des remboursements de la compagnie d'assurance Fédération Continentale,

- ordonner à la société CGL la production de tous les contrats conclus avec la compagnie d'assurance Compagnie Continentale,

en tout état de cause

- accorder à Mme [Y] [X], épouse [M] les plus larges délais de paiement,

- condamner la sa Compagnie Générale de Location d'Equipements à payer à Mme [Y] [X], épouse [M], la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la sa Compagnie Générale de Location d'Equipements à payer à Mme [Y] [X], épouse [M], la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code des procédures civiles ;

- confirmer le jugement dont appel pour le surplus

- condamner la sa Compagnie Générale de Location d'Equipements aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 octobre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Compagnie Générale de la Location d'Equipements demande à la cour de :

'- dire la SA Compagnie Générale de Location d'Equipements recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.

- débouter Mme [Y] [X], de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'elles sont irrecevables, notamment quant à la nullité du jugement critiqué nouvelle en cause d'appel ;

par conséquent, confirmer le jugement du tribunal de proximité de Courbevoie en ce qu'il a :

« - déboute Mme [Y] [W] née [X] de sa demande de nullité du PV de signification du 25 février 2008,

- dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 21 décembre 2007 à l'encontre de Mme [Y] [W] née [X] est exécutoire et opposable à cette dernière, tout comme la requête en saisie des rémunérations, reçue au greffe le 28 février 2018,

- rejette la demande de délais faite par Mme [Y] [W] née [X],

- autorise au profit de la Compagnie Générale de Location d'Equipements la saisie des rémunérations de Mme [Y] [W] née [X] sur une assiette de 38 093,53 euros représentant le principal et les frais justifiés de procédure, sur le fondement du jugement rendu le 6 février 2006 par le tribunal de commerce de Paris et de l'arrêt rendu le 21 décembre 2007 par la cour d'appel de Paris,

- dit qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, la somme en principal ne produira plus d'intérêts à compter du jugement,

- renvoyé la société Compagnie Générale de Location d'Equipements en intervention en ce qui concerne la demande au titre des intérêts, faute de production d'un décompte,

- mis les dépens à la charge de Mme [Y] [W] née [X], qui sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le présent jugement est assorti du bénéfice de l'exécution provisoire. »

et y ajoutant :

- condamne Mme [Y] [X], au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel.

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir

- condamner Mme [Y] [X] aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de nullité du jugement en date du 14 septembre 2020 dont appel :

Mme [X] sollicite à titre principal l'annulation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Courbevoie le 14 septembre 2020, faisant valoir, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, qu'il n'a pas été répondu dans cette décision à son moyen tiré de l'irrégularité de la signification de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 février 2008.

La société CGLE rétorque que cette prétention est nouvelle, Mme [X] ne l'ayant jamais fait valoir avant l'arrêt de la Cour de cassation, de sorte qu'elle est irrecevable.

Subsidiairement, l'intimée fait observer que le premier juge a justifié sa décision au vu des titres exécutoires précédemment obtenus et du décompte des sommes dues.

Sur ce,

Suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2023 ayant cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles, les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, de sorte que la présente cour est saisie de l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 14 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Courbevoie.

Dès lors, le moyen tiré de la nullité de ce jugement doit être considéré comme valablement soulevé pour la première fois dans la présente procédure d'appel, les écritures de Mme [X] déposées dans la procédure ayant donné lieu à cassation n'ayant pas à être prises en compte.

La demande de nullité du jugement du 14 septembre 2020 est donc recevable et le moyen soulevé à ce titre par la société CGLE sera rejeté.

L'article 455 du code de procédure civile impose au jugement d'être motivé.

Or en réponse au moyen de Mme [X] tiré de l'irrégularité de la signification de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris en date du 21 décembre 2007, le jugement critiqué indique dans ses motifs que :

« l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 21 décembre 2007, signifié à Madame [Y] [X] le 25 février 2008, selon les modalités de l'article 659 du CPC, à l'adresse du [Adresse 5], qui décrit les recherches effectuées (« la gardienne a déclaré que la susnommée était partie sans laisser d'adresse depuis plus d'un an ; les recherches effectuées dans l'annuaire électronique se sont révélées négatives »), la signification qui est régulière et a produit effet, la requérante pouvant se prévaloir d'un titre exécutoire pour réaliser la saisie, la requête étant opposable à la défenderesse »,

de sorte qu'à l'évidence, le premier juge a bien examiné le moyen ainsi soulevé et retenu que la signification de l'arrêt était régulière.

Nul défaut de motivation n'entachant ce jugement, le moyen tiré de sa nullité sera rejeté.

Sur la prescription de l'action en recouvrement :

Sur le fondement de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, Mme [X] soutient que la société CGLE disposait d'un délai de 10 ans, soit jusqu'au 21 décembre 2017 pour procéder à l'exécution forcée de la décision du 21 décembre 2007 ; que lors de la saisine du tribunal de proximité de Courbevoie le 28 février 2018, la prescription de l'action était donc acquise.

Elle argue de la nullité du commandement de payer en date du 19 octobre 2017 en ce que :

- la mention des 2 titres exécutoires dans le commandement ne répond pas aux exigences de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- le montant des intérêts échus n'est pas détaillé et ne correspond pas au dispositif de l'arrêt du 21 décembre 2007 puisqu'il ne précise pas l'existence d'un anatocisme, ce qu'a d'ailleurs constaté le juge de proximité en rejetant la demande ;

- le commandement de payer ne comporte pas les mentions prescrites par les dispositions de l'article 648 du code de procédure civile car la forme de la société CGLE est pas mentionnée, pas plus que l'organe qui la représente.

Elle conclut ensuite à la nullité de l'acte introductif d'instance sous la forme d'une requête en conciliation qui ne comporte pas non plus la forme juridique du requérant et l'organe qui le représente, ainsi qu'en ce qu'il comporte une mauvaise indication de l'adresse du destinataire.

Elle expose subir un grief du fait que :

- la mention de 2 titres exécutoires est de nature à jeter le trouble et la confusion du débiteur qui ne comprend pas pourquoi il est assigné en paiement alors qu'il n'a pas été condamné en première instance,

- l'erreur quant au détail et au calcul des intérêts de la créance, y compris l'absence de mention et de détail de la capitalisation des intérêts rend impossible le calcul de la dette.

La société CGLE intimée conclut à l'interruption de la prescription prévue à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution du fait de la délivrance à l'ensemble des défendeurs, dont Mme [X], d'un commandement de payer le 19 octobre 2017 par dépôt à étude d'huissier.

Elle répond encore que la demande de nullité de la requête en conciliation doit être rejetée, l'appelante ne démontrant aucun grief, alors qu'elle était valablement représentée par son conseil lors des débats ayant précédé le jugement du 14 septembre 2020.

Sur ce,

Selon l'alinéa 1er de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, dont la rédaction est issue de la loi n° 2008 -561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° [dont font partie les décisions de justice] de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Auparavant, le délai d'exécution d'une décision de justice était de 30 ans.

A la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l'arrêt de la cour d'appel en date du 21 décembre 2007, n'était pas prescrit puisque soumis à cette prescription trentenaire.

En vertu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, en cas de réduction d'un délai de prescription ou de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Dès lors au cas présent, le nouveau délai de 10 ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008, pour expirer le 19 juin 2018, de sorte qu'à la date de la requête aux fins de saisie des rémunérations du travail reçue au greffe le 28 février 2018, le délai de prescription de l'arrêt dont l'exécution est poursuivie n'était pas expiré.

Il est constant que le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité ne constitue qu'un vice de forme (Ch.Mixte, 22 février 2002, n°00-19.639) et que la mention « agissant poursuites et diligence de ses représentants légaux » est suffisante si la loi précise quel est le représentant de la personne morale concernée, et si ce vice ne cause pas grief.

Or Mme [X] n'invoque aucun grief qui lui aurait été causé du fait que ni la forme ni le nom de l'organe qui représente la société CGLE ne figurent dans l'acte de signification de la requête en conciliation.

Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à la société CGLE d'avoir ignoré que Mme [X] avait déménagé puisque celle-ci ne l'en a pas avisé.

La requête en conciliation a donc valablement été signifiée dans les délais, par acte du 26 février 2018.

Sans nécessité d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du commandement de payer, le moyen tiré de cette prescription sera en conséquence rejeté.

Sur l'absence de signification de l'arrêt du 21 décembre 2007 à la personne de Mme [X] :

Outre le fait que la signification de l'arrêt du 21 décembre 2007 est intervenue le 25 février 2018, selon elle au-delà de la prescription décennale, Mme [X] soutient qu'elle n'a pas été valablement délivrée à sa personne, l'huissier de justice ayant établi un procès-verbal de recherches infructueuses sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile.

Elle considère que l'huissier n'a pas réalisé toutes les diligences nécessaires afin de trouver le domicile, la résidence ou le lieu de travail de la personne destinataire, n'habitant plus à l'adresse connue.

Elle fait valoir qu'il doit notamment interroger son conseil lorsque l'acte qui fait l'objet de la délivrance est une décision de justice ; qu'il doit rechercher son lieu de travail, et qu'à défaut de telles démarches en l'espèce, la signification doit être déclarée nulle, de sorte que la demande de saisie des rémunérations introduites par la société CGLE est irrecevable, l'arrêt rendu le 21 décembre 2007 lui étant inopposable.

La société CGLE fait quant à elle valoir que l'huissier instrumentaire a accompli les diligences nécessaires mais qu'elles n'ont pas permis de découvrir le domicile, la résidence ou le lieu de travail de Mme [X].

Sur son lieu de travail, elle relève que lorsqu'elle s'est portée caution solidaire, elle s'est simplement présentée en qualité d'associée de la société Sup 2 Com mais n'a fourni aucun élément relatif à son activité professionnelle, de sorte que l'huissier ne pouvait découvrir son lieu de travail.

Sur le fait que son avocat aurait dû être contacté, elle indique que les défendeurs ont toujours donné la même adresse, au [Adresse 5] ; que Mme [X] a indiqué cette adresse dans ses conclusions d'appel, de sorte qu'elle est mal fondée à prétendre que l'huissier devait interroger son conseil alors qu'il lui appartenait de communiquer sa nouvelle adresse par la voie de son conseil.

Enfin, elle fait observer que l'huissier a la possibilité de faire lever le secret professionnel afin d'obtenir des administrations des renseignements sur le débiteur durant l'exécution du jugement, et non lors de sa signification (article L. 152-1 du code des procédures civiles d'exécution), de sorte que l'arrêt a été régulièrement signifié.

Sur ce,

Selon les dispositions de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

Un décision de justice doit pour être valablement exécutée avoir été au préalable régulièrement notifiée à la personne à l'encontre de laquelle elle est opposée conformément à l'article 503 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

Le 1er alinéa de l'article 659 du même code prévoit que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Aux termes du procès-verbal de signification selon cet article, délivré à Mme [X] le 25 février 2008, l'huissier de justice expose qu'il s'est rendu à l'adresse de l'intéressée indiquée par la société CGLE, qu'il n'a pas été possible de rencontrer la destinataire de l'acte, que la gardienne de l'immeuble lui a déclaré que la sus nommée était partie sans laisser d'adresse depuis plus d'un an.

Il ajoute que « les recherches effectuées dans l'annuaire électronique se sont révélées négatives » et qu'aucun autre renseignement susceptible dans l'orienter dans ses recherches n'a pu être recueilli.

L'huissier a donc interrogé la gardienne de l'immeuble de la dernière adresse connue de Mme [X] et effectué des recherches dans l'annuaire électronique.

Si comme le fait valoir l'appelante il peut être exigé de l'huissier qu'il effectue des diligences supplémentaires afin de découvrir le domicile, la résidence ou le lieu de travail du destinataire de l'acte, c'est à la condition qu'il existe dans les éléments en sa possession d'autres indications méritant d'être creusées.

Or l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 décembre 2007 porte mention de ce que tous les membres de la famille [X] demeurent au [Adresse 5], où l'huissier instrumentaire n'a trouvé aucun d'entre eux.

S'il y est également indiqué que Mme [X], comme les autres membres de sa famille, sont représentés par Maître Michel Blin, il est toutefois précisé que celui-ci n'a pas déposé de conclusions, et surtout, ses coordonnées n'y figurent pas, de sorte qu'il ne saurait être fait grief à l'huissier instrumentaire de n'avoir pas pris contact avec l'avoué.

Aucun indice ne pouvait en outre constituer une piste pour l'huissier afin qu'il puisse initier des recherches sur un éventuel lieu de travail de Mme [X].

Dans ces conditions, les diligences effectuées par l'huissier de justice sont suffisantes et l'acte de signification de l'arrêt du 21 décembre 2007 régulier.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que cet arrêt est exécutoire et opposable à Mme [X].

Sur le montant de la créance de la société CGLE :

Mme [X] expose que la somme due par les cautions serait d'un montant de 36 083,12 euros (somme à laquelle les autres cautions ont été condamnées), de laquelle il convient de déduire la somme de 9 637,02 euros perçue par la société CGLE de la part de la Compagnie d'assurance Fédération Continentale au titre d'un contrat souscrit par Mme [G] [P], épouse [X], mère de l'appelante.

La société CGLE oppose que la réception de la part de la compagnie d'assurance de la somme de 9 641,28 euros a déjà fait l'objet d'une imputation sur sa créance, passée d'un montant initial de 45 720,14 euros à 36 083,12 euros, somme que lui doit Mme [X] au principal.

Sur ce,

L'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 21 décembre 2007 a condamné Mme [Y] [X] (solidairement avec les autres cautions civiles) à payer à la société CGLE la somme de 36 083,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,78 % à compter du 5 novembre 2004, et dit que les intérêts échus sur ces sommes seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction d'alors.

Par ailleurs, il ressort en particulier du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 6 février 2006, ayant condamné M. [F] [X] en sa qualité de caution solidaire dirigeante, que la dette initiale s'élevait à la somme de 45 720,14 euros, et qu'a été déduite la somme de 9 637,02 euros versée à l'intimée par l'assureur de Mme [G] [P] épouse [X].

La créance en principal de la société CGLE s'élève donc bien à la somme de 36 083,12 euros et l'appelante ne démontre pas que d'autres sommes auraient pu être versées par l'assureur.

La société CGLE ne critique pas le jugement attaqué en ce qu'il l'a renvoyée en intervention en ce qui concerne sa demande au titre des intérêts, faute de production d'un décompte.

Il convient dès lors de confirmer le jugement, sauf à rectifier le montant erroné de l'assiette de la saisie figurant dans son dispositif par voie d'infirmation sur ce point.

Sur la procédure abusive :

L'appelante sollicite la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement qu'elle a subi et de l'information portée à la connaissance de son employeur, de nature à compromettre son avancement et le déroulé de sa carrière.

Compte tenu de ce qui précède, l'intimée conclut au débouté de la demande de l'appelante au titre de la procédure abusive, faisant observer qu'en présence d'un titre exécutoire, il lui était loisible de poursuivre le recouvrement forcé de sa créance, notamment en l'absence de prescription de son action en recouvrement.

Sur ce,

Compte tenu de ce qu'il est fait droit aux demandes de la société CGLE, son action en justice ne saurait être considérée comme abusive.

La demande de Mme [X] à ce titre sera rejetée.

Sur les délais de paiement :

Enfin l'appelante, faisant valoir que son engagement de caution a été pris lorsqu'elle était jeune majeure dépourvue de revenus, et que sa situation économique actuelle est fragile, sollicite l'octroi des plus larges délais de paiement.

La société CGLE ne se prononce pas sur cette demande.

Sur ce,

En vertu du 1er alinéa de l'article 1343-5 du code de procédure civile, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Compte tenu toutefois de l'ancienneté de la dette et des très larges délais dont Mme [X] a bénéficié de fait, sa demande à ce titre sera rejetée, étant au surplus précisé que la saisie des rémunérations organise de fait un règlement échelonné de la dette puisque seule la quotité saisissable est prélevée chaque mois.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, Mme [X] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société CGLE la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant dans les limites de sa saisine par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Dit que la demande de nullité du jugement attaqué est recevable mais non fondée, et en déboute Mme [Y] [X],

Rejette le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement,

Confirme le jugement du 14 septembre 2020 sauf en ce qu'il fixe l'assiette de la saisie à la hauteur de la somme de 38 093,53 euros,

Statuant à nouveau sur le quantum,

Fixe l'assiette de la saisie autorisée à la somme de 36 083,12 euros,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne Mme [Y] [X] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [Y] [X] à verser à la société CGLE la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/03815
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.03815 ?
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