La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23/03523

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 23 mai 2024, 23/03523


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/03523 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V4HP



AFFAIRE :



[Y] [X]



C/



[V] [P] [W]



et autres



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Avril 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 21/09746



Expéditions exécutoires

Expéditi

ons

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :



Me Sophie MAURA de l'AARPI AARPI MAURA DELGOVE, avocat au barreau de PARIS,



Me Charles SIMON, avocat au barreau de PARIS



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/03523 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V4HP

AFFAIRE :

[Y] [X]

C/

[V] [P] [W]

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Avril 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 21/09746

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :

Me Sophie MAURA de l'AARPI AARPI MAURA DELGOVE, avocat au barreau de PARIS,

Me Charles SIMON, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [X]

né le 18 Décembre 1949 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [C] [G]

né le 12 Octobre 1945 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [D] [G]

née le 23 Mai 1949 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [I] [S]

décédée le 7 septembre 2023

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

S.A.S.U. MARENGO

N° Siret : 892 230 715 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

S.A.S.U. WEIL [S] FEIST

N° Siret : 892 231 721 (RCS Meaux)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Sophie MAURA de l'AARPI AARPI MAURA DELGOVE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Emilie TADEO, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Monsieur [V] [P] [W]

né le 07 Août 1957 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Charles SIMON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0075 - N° du dossier E00021IO

INTIMÉ

Monsieur [Z] [X]

En qualité d'héritier de Mme [I] [S]

né le 11 avril 1981 à [Localité 10]

de nationalisé française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Monsieur [L] [X]

En qualité d'héritier de Mme [I] [S]

né le 25 décembre 1976 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Sophie MAURA de l'AARPI AARPI MAURA DELGOVE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Emilie TADEO, avocat au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Avril 2024, Madame Fabienne PAGES, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 25 juin 2005, M [Y] [X], Mme [I] [S] épouse [X], M [C] [G] et Mme [D] [S] épouse [G] ont donné à bail à M [V] [W] divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] pour une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 2006 et moyennant un loyer annuel porté selon le dernier avenant à la somme de 36 945,36 euros HT en principal outre une provision sur charges de 700 euros par trimestre payable trimestriellement et d'avance et un dépôt de garantie porté à la somme de 9 236,34 euros et pour y exercer l'activité de tapissier.

Selon courrier en date du 27 juin 2020, M [V] [W] a donné congé des locaux pour le 31 décembre 2020. Le locataire a restitué les clefs et libéré les lieux le 6 janvier 2021.

Suite à une mise en demeure en date du 27 janvier 2021 restée infructueuse, suivant assignation en date du 20 avril 2021, les sociétés Marengo et Weil [S] Feist venant aux droits de Mme [I] [S] épouse [X], M [Y] [X], M [C] [G] et Mme [D] [S] épouse [G] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre pour demander la condamnation de M [V] [W] au paiement d'une somme provisionnelle correspondant aux loyers impayés et par ordonnance du 13 septembre 2021, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé en raison d'une contestation sérieuse.

Reprochant à M [V] [W] de ne pas avoir réglé les loyers et provisions pour charges des 2°, 3° et 4° trimestres 2020, ainsi que la taxe foncière 2020, outre un rappel de charges au titre des exercices 2018 et 2019, M [Y] [X], les sociétés Marengo et Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [S] épouse [G] et Mme [I] [S] l'ont fait citer devant le tribunal judiciaire de Nanterre par assignation en date du 7 décembre 2021 en vue de sa condamnation en paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire en date du 24 avril 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Fixé le montant de la dette due par M [V] [W] au titre de l'arriéré locatif, la régularisation des charges et taxe foncière pour l'année 2020 à la somme de 27 750,29 euros après déduction du montant du dépôt de garantie

Rejeté les demandes formées au nom de l'indivision [G]-[X]

Rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et Mme [I] [S] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 30 mai 2023.

Dans leurs dernières conclusions n°2 transmises au greffe le 13 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et MM [Z] et [L] [X], appelants , demandent à la cour de :

Réformer le jugement du 24 avril 2023 du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions

Et, statuant à nouveau, plaise à la cour :

Déclarer M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayants droits de Mme [I] [S] recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions

Condamner M [V] [W] à payer à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayant droits de Mme [I] [S] la somme de 36.986,63 euros, se décomposant comme suit :

o 35.350,83 € au titre de l'arriéré locatif, TVA et provision sur charges incluses, correspondant aux 2 ème , 3 ème et 4 ème trimestres 2020

o 597,80 € au titre de la régularisation des charges pour l'exercice 2017/2018

o 1.038 € au titre de la taxe foncière de 2020

Assortir la condamnation de l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 janvier 2021, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil

Juger que le montant du dépôt de garantie actuellement entre les mains des bailleurs, soit la somme de 9.236,34 euros, restera acquis à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayant droits de Mme [I] [S] viendra en déduction de l'arriéré locatif dû par M. [V] [W]

Condamner M. [V] [W] à payer à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayant droits de Mme [I] [S] la somme de 3.698,66 euros au titre de la clause pénale

Condamner M. [V] [W] à payer à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayant droits de Mme [I] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le tribunal judiciaire de Nanterre

Condamner M. [V] [W] à payer M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et à MM. [Z] et [L] [X] ayant droits de Mme [I] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel

Condamner M. [V] [W] aux entiers dépens.

Dans ses premières et dernières conclusions transmises au greffe le 10 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [V] [W] , intimé, demande à la cour de :

Déclarer M [V] [W] recevable et bien-fondé en l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions

Débouter Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions

Déclarer irrecevable la demande de Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist tendant à la condamnation de M. [V] [W] à leur payer la somme de 36.986,63 euros

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées au nom de l'indivision [G]-[X]

Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la dette de M. [V] [W] à la somme de 27.750,29 euros après déduction du montant du dépôt de garantie

Statuant à nouveau :

Fixer la dette de M. [V] [W] envers Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist à 14.379,81 euros, subsidiairement 31.005,22 euros

Condamner Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist à payer 3.694,53 euros à M. [V] [W] à titre de dommages et intérêts pour violation de leur obligation d'exécution de bonne foi des contrats

Ordonner la compensation de la dette de M. [V] [W] envers Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist avec le dépôt de garantie de 9.236,34 euros

Autoriser M [W] à se libérer de sa dette par virement mensuel de 1.000 euros jusqu'à épuisement de sa dette, et ce dans un délai maximum de 24 mois, avec paiement du solde lors de la dernière mensualité

Condamner Mmes [I] [S] et [D] [G], née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G] et les sociétés Marengo et Weil [S] Feist à payer 2.500 euros à M. [V] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 5 mars 2024, fixée à l'audience du 24 avril 2024 et mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [I] [S] épouse [X] partie à la procédure en première instance en qualité de co indivisaire est décédée le 7 septembre 2023 laissant pour lui succéder deux enfants M M [Z] et [L] [X], intervenus volontairement en cette qualité devant la cour aux droits de leur mère.

Il leur sera donné acte de leur intervention volontaire, par ailleurs non contestée par la partie adverse.

Sur la recevabilité des demandes de condamnation en paiement des appelants à l'encontre de M [V] [W]

Le tribunal a considéré que les différentes demandes en paiement étaient faites pour le compte de l'indivision et que cette dernière n'avait pas la capacité juridique, de telle sorte qu'il ne pouvait être fait droit à sa demande de condamnation en paiement et n'a procédé qu'à la fixation du montant de l'arriéré locatif à la charge du preneur.

M. [V] [W] fait valoir l'irrecevabilité des demandes en paiement faites par les co indivisaires bailleurs pour la première fois en cause d'appel et non par l'indivision comme devant le tribunal.

Les appelants font au contraire valoir que leur demande de condamnation en paiement à l'encontre de M. [V] [W] est faite devant la cour comme devant le tribunal au nom de l'ensemble des co indivisaires et nom par l'indivision, comme retenu à tort part la décision contestée de telle sorte que cette demande de condamnation ne peut être qualifiée de nouvelle et doit pour ce motif déclarée irrecevable.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d'appel, comme rappelé à juste titre par M [V] [W], ce que la partie adverse ne conteste pas.

Par assignations du 7 décembre 2021 (pièce n° 20 des appelants) les différentes demandes en paiement au titre du solde locatif ont été effectuées par 'l'indivision [G]-[X]', tout comme par conclusions du 8 juillet 2022 devant le tribunal judiciaire (pièce 21 des appelants) alors que les demandes en paiement à l'encontre de M [V] [W] faites devant la cour au vu des dernières conclusions des appelants du 13 février 2024 sont faites par ' [D] [G] née [S], MM. [Y] [X] et [C] [G], les sociétés Marengo et Weil [S] Feist et MM [Z] et [L] [X]'.

Or, les parties s'accordent quant au fait que l'indivision [G]-[X], bailleresse est à ce jour composée de l'ensemble des personnes mentionnées en qualité d'appelant par les conclusions susvisées de telle sorte que leur demande en paiement présentée devant la cour dont l'objet est par ailleurs identique à celui présenté devant le tribunal et désormais aux lieu est place de l'indivision [G]-[X] et ce, au vu des motifs du jugement contesté ne peut être qualifiée de nouvelle en cause d'appel.

Elle sera déclarée recevable.

Sur son bien fondé au titre de la demande en paiement au titre du solde locatif

Pour retenir un arriéré locatif à hauteur de la somme de 35 350,83 euros représentant les loyers des 2°, 3° et °4 trimestres 2020 avec la TVA et les provisions sur charges , le tribunal a considéré que les pièces versées aux débats par les bailleurs justifiaient de cette somme, que les loyers échus pendant la période de crise sanitaire étaient dus et que la mauvaise foi des bailleurs n'était pas démontrée.

En cause d'appel, M [V] [W] fait valoir que la violation par le bailleur de son obligation d'exécution du contrat de bail de bonne foi justifie de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 3 694,53 euros à titre de dommages et intérêts représentant un mois de loyer résultant d'une part du refus de toute négociation de ce dernier en exigeant le paiement immédiat de l'intégralité des loyers échus pendant la période de crise sanitaire alors qu'il ne pouvait plus exercer son activité, étant privé de tout revenu et étant dans une situation de grande précarité économique et d'autre part des mensonges de la partie adverse devant le juge des référés, le tribunal et la cour ainsi que son refus de toute médiation.

Il ajoute que la crise sanitaire constitue un changement de circonstances imprévisible qui a rendu l'exécution du contrat excessivement onéreuse puisque le montant du loyer annuel (de 36 945,36 euros était supérieur à son chiffre d'affaires pour l'année 2020 (de 35 564 euros) justifiant une réduction à hauteur de la moitié du montant du loyer pour la période des 2 °, 3° et 4° trimestres 2020 impayés et réclamés de telle sorte qu'il demande de fixer sa dette après révision à la somme de 14.379,81 euros prenant en compte les sommes annexes dues et les paiements effectués.

Il convient en premier lieu de rappeler que par application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

Il en résulte que pendant toute la période de restriction résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire, M [V] [W] reste tenu du paiement de l'intégralité des loyers échus.

En deuxième lieu, le tribunal a rejeté la demande de réduction du loyer, expliquant que les dispositions sur l'imprévision n'étaient pas applicables au contrat de bail en cause.

Devant la cour, le preneur réitère cette demande à nouveau sur le fondement de l'article 1195 nouveau du code civil.

Or, l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 prévoit que les dispositions de cette ordonnance entrée en vigueur le 1er octobre 2016 ne sont pas applicables aux contrats conclus avant cette date restant soumis au régime ancien.

Le bail commercial en cause ayant été conclu avant la 1er octobre 2016, l'appelante ne peut revendiquer le bénéfice de l'article 1195 du code civil résultant de l'ordonnance susvisée et introduisant pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016 le régime de l'imprévision.

Sa demande de réduction du loyer à hauteur de la moitié en application de ces dispositions sera par conséquent rejetée et le jugement contesté confirmé sur ce point.

En troisième lieu, les parties s'accordent quant à l'exigence de bonne de foi dans l'exécution du bail commercial conclu et résultant des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil qui énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

La preuve de la mauvaise foi du bailleur quant à l'exécution du bail commercial en cause prétendue par le preneur doit être rapportée par ce dernier qui l'invoque. L'appréciation de la mauvaise foi ainsi alléguée s'apprécie souverainement par le juge.

Les difficultés économiques du preneur pendant la crise sanitaire ne sont pas contestées par les bailleurs. Si ces circonstances peuvent expliquer les difficultés de M [V] [W] pour faire face au paiement de son loyer pour autant, elles ne sont pas de nature à contredire la bonne foi présumée des bailleurs y compris suite à leur refus de médiation, d'annulation ou du report du paiement des loyers échus impayés qui leur étaient dus en totalité et exigibles comme préalablement expliqué. Tout comme la mise en demeure restée infructueuse et après avoir fait une proposition par courrier en date du 5 mai 2020 (pièce 9 des appelants) au preneur d'un règlement échelonné des loyers échus impayés, courrier resté sans réponse, contredisant l'affirmation du locataire selon laquelle les bailleurs auraient exigé le paiement immédiat de l'intégralité du solde locatif, ou en engageant une procédure de référé puis une procédure devant le tribunal judiciaire en vue du paiement de ce solde locatif, poursuivant ainsi légitimement leur droit puisqu'ils pouvaient exiger le paiement immédiat de la totalité du solde locatif.

Il en résulte que M [V] [W] qui ne justifie pas davantage des prétendus mensonges des bailleurs devant les différentes juridictions, échoue dès lors à démontrer la mauvaise foi des bailleurs. Sa demande en dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif sera par conséquent nécessairement rejetée.

Force est de constater que M [V] [W] ne conteste pas le défaut de paiement des loyers correspondant au 2°, 3° et 4° trimestre 2020 représentant la somme de 35 350,83 euros auquel il oppose seulement, la crise sanitaire, l'article 1195 du code civil non applicable aux faits de l'espèce et la mauvaise foi des bailleurs non démontrée comme préalablement expliqué, de telle sorte que le tribunal sera approuvé en ce qu'il fixe à la somme de 35 350,83 euros le montant du solde locatif à la charge du preneur.

Sur la demande en paiement au titre de la régularisation sur charges de 597,80 euros

Le tribunal a fixé le montant de la somme due au titre de la régularisation des charges 2017/2018 à la somme de 597,80 euros.

En cause d'appel, M [V] [W] conteste devoir cette somme à titre de régularisation de charges au motif qu'elle correspond à la facturation de travaux d'étanchéité de l'immeuble devant être qualifiés de grosses réparations, constituant des charges non récupérables qui doivent par conséquent restées à la charge du seul bailleur.

Le tribunal a à juste titre constaté qu'en date du 19 septembre 2018, les bailleurs ont demandé à M [V] [W] le paiement de la somme de 597,80 euros à titre de régularisation de charges correspondant à la somme de 3881,40 euros après déduction des sommes de 2 783,60 euros et 500 euros versées par le preneur et que ce solde resté impayé correspondant à une facture de travaux de nettoyage de la toiture résultant notamment d'infiltrations d'eau provenant de vitrages et consécutive à un défaut d'entretien du preneur.

Le preneur en cause d'appel, se contente d'affirmer que les charges susvisées sont non récupérables alors que le tribunal a à juste titre déduit des constatations susvisées et dès lors non utilement contredites par le locataire devant la cour qu'en application des dispositions du bail, les travaux en cause devaient être à la charge du preneur car consécutifs à un défaut d'entretien de ce dernier et ce peu important qu'ils soient relatifs au toit, de telle sorte que le tribunal qui a retenu que les charges susvisées devaient être qualifiées de charges récupérables sera approuvé.

Sur la demande en paiement au titre de la taxe foncière

Il convient de relever qu'en cause d'appel, le preneur ne conteste plus devoir le montant de la taxe foncière de 2020 représentant la somme de 1 038 euros restée impayée et à sa charge en application des dispositions du bail commercial qui prévoient que le preneur s'oblige à rembourser au bailleur l'intégralité de l'impôt foncier comme retenu par la décision contestée.

Sur la demande en paiement au titre du dépôt de garantie

Les parties s'accordent quant au versement par le preneur de la somme de 9 236,34 euros au titre du dépôt de garantie en application des dispositions contractuelles.

Les bailleurs ajoutent notamment que cette somme 'doit venir en déduction de l'arriéré locatif dû par M [V] [W]' (page 9 de leurs conclusions d'appel) .

Force est de constater par ailleurs, que le solde impayé sollicité par ces derniers de 36 986,63 euros ne déduit pas le dépôt de garantie.

Il convient par conséquent de déduire cette somme du montant du solde locatif à la charge du preneur qui sera dès lors fixé à la somme de 27 750,29 euros.

Sur la demande en paiement au titre de la clause pénale

Le tribunal a rejeté la demande en paiement au titre de la clause pénale au motif que faute de justifier de la mise en oeuvre de la clause résolutoire, elle ne pouvait recevoir application.

Les appelants demandent devant la cour la somme de 3 698,66 euros à titre de clause pénale par voie d'infirmation du jugement déféré. Ils expliquent que l'article 1152 du code civil ne conditionne pas l'octroi de dommages et intérêts en cas d'inexécution contractuelle à la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Aux termes de l'article 1152 al 1er ancien du code civil, applicable, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Force est de constater que ces dispositions comme relevé à juste titre par les appelants ne conditionnent pas l'application des dommages et intérêts forfaitairement convenus en cas de manquement contractuel à la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Par ailleurs, le bail commercial conclu entre les parties mentionne au paragraphe intitulé clause résolutoire en son dernier alinéa que 'en cas de non paiement de toute somme due à son échéance et dès le premier acte d'huissier, le preneur devra, de plein droit, payer en sus, outre les frais de recouvrement y compris la totalité du droit proportionnel du à l'huissier de justice, 10% du montant de la somme due pour couvrir le bailleur tant des dommages pouvant résulter du retard dans le paiement que des frais, diligences et honoraires exposés pour le recouvrement de cette somme.

Cette clause pénale est mentionnée au paragraphe intitulé 'clause résolutoire', mais ne précise pas expressément que cette majoration de 10 % à la charge du preneur en cas d'impayé n'est due qu'en cas de mise en oeuvre de la clause résolutoire.

À défaut, l'interprétation telle que soutenue par le preneur ne peut résulter de la seule place de la clause pénale en fin du paragraphe relatif à la clause résolutoire, étant précisé que ces deux clauses sont applicables en cas de défaut de paiement des loyers par le preneur.

Il en résulte que l'interprétation du preneur ne peut être retenue par la cour et les bailleurs peuvent dès lors se prévaloir de la clause pénale prévue au bail malgré l'absence de mise en oeuvre de la clause résolutoire.

M [V] [W] sollicite par ailleurs la réduction à néant de la clause pénale en application de l'article 1231-5 du code civil.

L'article 1152 al2 ancien du code civil applicable et non pas l'article 1231-5 du même code comme mentionné par erreur par le preneur prévoit que 'néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute disposition contraire sera réputée non écrite.'

Pour justifier la réduction à néant du montant de la clause pénale litigieuse, le preneur fait valoir d'une part que le bail commercial s'exécute entre les parties depuis 27 ans et que le défaut de paiement est imputable à des circonstances exceptionnelles puisqu'à une crise sanitaire ayant réduit de façon drastique son activité professionnelle l'ayant mis dans l'impossibilité de faire face au paiement régulier de son loyer.

Force est de constater que la durée d'exécution du bail entre les parties, comme le motif du défaut de paiement du loyer sont impropres à eux seuls à démontrer le caractère manifestement excessif de la clause pénale comme prétendu par le preneur, condition de sa modération par le juge en application des dispositions susvisées, étant rappelé que les dispositions contractuelles prévoient une clause pénale de 10 % du solde impayé.

La disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixée et le préjudice effectivement subi à la date à laquelle le juge statue.

Le demandeur à la réduction de la clause pénale n'ayant pas justifié de sa situation financière actuelle il ne peut démontrer que la pénalité convenue forfaitairement à hauteur de 10 % du montant de l'impayé constitue une sanction manifestement disproportionnée.

Il s'en déduit que le preneur est tenu au paiement de la clause pénale de 10 % du solde impayé comme prévu par les dispositions contractuelles et devant être dès lors être fixée à la somme de 10 % de (27 750,29 ) = 2 775,03 euros à titre de clause pénale par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur la demande de condamnation au profit des appelants

Le tribunal a retenu que la demande de condamnation en paiement du solde locatif au nom de l'indivision ne pouvait aboutir puisqu'elle était dépourvue de la personnalité morale.

Or comme déjà énoncé il sera constaté que cette demande en paiement est effectuée devant la cour au nom de chacun des co indivisaires et pouvant à ce titre être bénéficiaires d'une condamnation en paiement au titre du bail commercial en cause en leur qualité de bailleurs.

Le tribunal ayant retenu le principe de la créance au titre du bail n'a procédé qu'à seule fixation mais n'a pas fait droit à la demande de condamnation des appelants à ce titre, il convient par conséquent d'infirmer la décision entreprise et de condamner M [V] [W] au paiement des différentes sommes impayées au titre du bail commercial comme préalablement retenu et de 27.750,29 + 2 775,29 = 30 525,32 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée en date du 27 janvier 2021 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de délais de paiement de M [V] [W]

Il sera relevé que M [V] [W] n'avait pas sollicité de délais de paiement devant le tribunal.

Le preneur demande des délais de paiement en cause d'appel de façon à être autorisé à se libérer de sa dette en 24 mois compte tenu de sa situation financière par versements de 1 000 euros devant prendre en compte le montant du dépôt de garantie de 9 236,34 euros versé et non restitué qui devra être déduit du solde impayé.

Les appelants s'opposent à cette demande.

Aux termes de l'article 1343 -5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Il convient de constater que M [V] [W] en demande de délais de paiement et au motif de sa situation financière fait valoir la chute de son chiffre d'affaires en 2020 suite à la crise sanitaire mais ne justifie pas de sa situation financière actuelle, comme déjà relevé, seule de nature à justifier de sa demande de délais de paiement.

Elle sera par conséquent rejetée.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des bailleurs à hauteur de la somme complémentaire de 3 000 euros en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Donne acte à M M [Z] et [L] [X] de l'intervention volontaire devant la cour venant aux droits de Mme [I] [S], leur mère décédée ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne M [V] [W] à payer à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et MM [Z] et [L] [X] de la somme de 30 525,32 euros au titre de l'arriéré locatif y compris la clause pénale et après déduction du montant du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2021 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de délais de M [V] [W] ;

Condamne M [V] [W] à payer à M [Y] [X], la société Marengo, la société Weil [S] Feist, M [C] [G], Mme [D] [G] née [S] et MM [Z] et [L] [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [V] [W] aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/03523
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.03523 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award