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23/05/2024 | FRANCE | N°23/02084

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 23 mai 2024, 23/02084


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 38C



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/02084 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VYM6



AFFAIRE :



[M] [W] épouse [N]



C/



S.A. AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2023 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° RG : 20/06150



Expéditions exécutoires

Exp

éditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :



Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Pascal PIBAULT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de VAL D'OISE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38C

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/02084 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VYM6

AFFAIRE :

[M] [W] épouse [N]

C/

S.A. AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2023 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° RG : 20/06150

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :

Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Pascal PIBAULT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [M] [W] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541

APPELANTE

****************

S.A. AMERICAN EXPRESS CARTE FRANCE

N° Siret : 313 536 898 (RCS Nanterre)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pascal PIBAULT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100 - N° du dossier 200992

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 avril 2014, Mme [W] épouse [P] a constitué une Sarl dénommée My Little Big Store, ayant pour objet la commercialisation de produits de détail sur internet, dont elle était la gérante.

Le 2 octobre 2016, elle a sollicité de la société American Express Carte France le bénéfice d'une Carte Pro Air France ' KLM American Express Gold à son nom, liée à sa société.

Elle a également demandé une carte supplémentaire, au nom de son époux.

A compter du mois d'août 2019, les prélèvements sur le compte bancaire de la société My Little Big Store correspondant au montant des achats et/ou retraits effectués chaque mois au moyen de ces cartes ont été rejetés.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 octobre 2019, la société My Little Big Store a été placée en liquidation judiciaire.

La société American Express Carte France a déclaré sa créance le 22 novembre 2019 auprès du liquidateur.

Mise en demeure, en parallèle, de régler la somme de 20 560,31 euros due à la société American Express Carte France, Mme [W] épouse [P] n'a pas déféré.

Par acte du 10 décembre 2020, la société American Express Carte France l'a faite assigner en paiement devant le tribunal judiciaire de Versailles.

Par jugement contradictoire rendu le 2 février 2023, tribunal judiciaire de Versailles a :

condamné Mme [M] [W], épouse [P] à verser à la société American Express Carte France la somme de 21 485,38 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020,

ordonné la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation, sur les seuls intérêts dus depuis au moins une année entière,

condamné Mme [M] [W], épouse [P] aux entiers dépens de l'instance et dit que Maître Pascal Pibault pourra directement recouvrer ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

condamné Mme [M] [W], épouse [P] à verser à la société American Express Carte France une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le 29 mars 2023, Mme [W] épouse [N] (sic) a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 5 mars 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 avril 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [W] épouse [N], appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement

Statuant à nouveau,

juger que les conditions générales d'utilisation de la carte et la convention relative à la carte à débit différé American Express n'ont pas été portées à sa connaissance au moment de la demande de carte American Express et n'ont pas été acceptées par elle,

juger que les conditions générales d'utilisation de la carte et la convention relative à la carte à débit différé American Express ne lui sont donc pas opposables,

débouter la société American Express Carte France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

ordonner la mainlevée de l'hypothèque provisoire inscrite sur le bien sis [Adresse 1] aux frais de la société American Express Carte France,

condamner la société American Express Carte France à lui payer une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de cette procédure abusive,

condamner la société American Express Carte France à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,

condamner la société American Express Carte France aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 18 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société American Express Carte France, intimée, demande à la cour de :

débouter Mme [W], épouse [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

condamner Mme [W], épouse [P] à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [W] épouse [P] aux entiers dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de Maître Pascal Pibault en application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION 

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également, s'agissant des prétentions énoncées au dispositif saisissant la cour, que les demandes de 'juger' qui ne tendent qu'au rappel des moyens invoqués à l'appui des demandes sans conférer de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement de la société American Express Carte France

Pour la condamner comme il l'a fait, le tribunal a retenu que, comme le soutenait la société demanderesse, Mme [W], épouse [P] était solidaire de la société My Little Big Store pour le paiement du solde débiteur du compte-carte en cause. Il a ensuite constaté que la société American Express Carte France justifiait, par les relevés versés aux débats, du solde débiteur du compte- carte ouvert à son nom, pour la somme de 20 560,17 euros, et que les conditions générales d'utilisation de la carte prévoyaient l'application d'une indemnité fixe de 4,5% des sommes dues en cas de retard de paiement, soit en l'espèce une somme de 925,21 euros, d'où une condamnation au paiement de la somme de 21 485,38 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020, date de l'assignation.

A l'appui de sa demande d'infirmation du jugement, l'appelante soutient, en se fondant sur l'article 1119 du code civil, et diverses jurisprudences, que les conditions générales de la convention relative à la carte qui lui a été délivrée ne lui sont pas opposables, et ne peuvent être invoquées pour obtenir sa condamnation en qualité de débiteur solidaire, faute qu'elles aient été portées à sa connaissance et acceptées par elle. Le document intitulé 'demande de carte' qu'elle a signé le 2 octobre 2016, ès qualités de gérante de sa société, indique qu'elle certifie avoir pris connaissance de la convention relative à la carte American Express et l'avoir acceptée, mais cette convention n'était pas jointe à la demande de carte, de sorte que, dans ces conditions, elle n'a nullement été acceptée ni paraphée par ses soins.

Cette reconnaissance constitue en effet une clause 'de style', qui ne peut décharger la société American Express Carte France de son obligation de communiquer à son co-contractant ses obligations, à titre personnel, d'autant plus qu'elle applique une clause de solidarité qui n'est pas usuelle en matière de carte bancaire au nom d'une société. Un document intitulé ' conditions générales d'utilisation de la carte' lui a été adressé, mais ultérieurement, et elle n'en a pas eu connaissance au moment de la signature de sa demande de carte, et n'a jamais accepté ces conditions, sinon ce document serait signé par ses soins ce qui n'est pas le cas. La 'convention relative à la carte à débit différé American Express' que produit son adversaire ne lui a pas non plus été communiquée au moment de la demande de carte, et, de même, n'est nullement paraphée par ses soins. Dès lors que les conditions générales d'utilisation de la carte et la convention relative à la carte à débit différé American Express n'ont pas été portées à sa connaissance, ni acceptées par ses soins, les stipulations relatives aux frais ne lui sont pas non plus opposables.

La société intimée objecte que, si les conditions générales d'un contrat n'entrent dans le champ contractuel que si elles ont été connues et acceptées par l'autre partie au plus tard au moment de la formation du contrat, il est constant et il résulte de diverses jurisprudences que la connaissance et l'acceptation des conditions générales peuvent être déduites de la signature par l'autre partie d'un document y faisant expressément référence, et il n'est pas nécessaire que les conditions générales soient signées ou paraphées dès lors que le co-contractant reconnaît en avoir pris connaissance et les avoir acceptées par une clause figurant sur le contrat à côté de laquelle il appose sa signature. Tel est précisément le cas en l'occurrence, puisqu'en signant le formulaire de demande de carte, Mme [W] épouse [P] a reconnu expressément avoir pris connaissance de la convention relative à la carte et l'avoir acceptée. Au surplus, dans les faits, le titulaire de la carte reste celui qui en fait la demande, soit en l'espèce Mme [W] épouse [P], personne physique, au nom de laquelle les relevés sont d'ailleurs également établis. Ainsi, indépendamment de la question de l'opposabilité des conditions générales, en signant le formulaire de demande de carte, cette dernière s'est engagée expressément à régler les débits dont elle serait redevable par prélèvement sur son compte bancaire, de même que les dépenses de son conjoint. Elle était donc parfaitement fondée à se retourner contre elle, y compris pour les frais qui lui sont imputés.

Aux termes de l'article 1119 du code civil, les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

Mme [W], épouse [P], ce qu'elle ne conteste pas, a signé, le 2 octobre 2016, un document intitulé 'demande de carte Pro Air France KLM - American Express Gold', en sa qualité de représentante de son entreprise, soit la société My Little Big Store. Elle a demandé la délivrance d'une carte au nom de '[M] [B]', et une carte supplémentaire au nom de '[X] [B]'.

Le document intitulé ' conditions générales d'utilisation de la carte' que l'appelante produit séparément, et l'intimée annexé à la demande de carte, n'est effectivement pas signé de l'appelante, et il n'est pas démontré qu'il a été porté à sa connaissance au moment de l'établissement de la demande, ni accepté par elle.

En revanche, le document 'demande de carte' comporte, à deux reprises, précédant la date et la signature du 'représentant de l'entreprise', soit Mme [W], épouse [P], la mention suivante :

' Je certifie avoir pris connaissance de la Convention relative à la Carte American Express et l'accepte. Je m'engage à m'y conformer (...).'

Et la Convention relative à la Carte à débit différé American Express', valable à compter du 1er mars 2015, produite aux débats, stipule :

en page 6, que concernant la Carte Pro AF KLM, le signataire personne physique de la demande de carte est responsable solidairement à titre personnel avec [l'entreprise] du paiement, à la date d'exigibilité, de tous les débits effectués sur le compte, y compris par tout titulaire de carte supplémentaire, ce qui signifie, est -il expressément précisé, que la société American Express Carte France peut exiger de la part de l'entreprise ou du signataire personne physique de la demande de carte le paiement de la totalité du solde dû sur la carte,

en page 2, que 4,5% ( avec un minimum de 12,50 euros) de toute partie impayée du montant exigible indiqué sur le relevé seront exigibles si la totalité du solde impayé figurant sur le relevé de compte n'est pas réglé dans un délai de 30 jours à compter de la date du relevé.

Mme [W], épouse [P], gérante de la société, ne peut être suivie lorsqu'elle affirme, sans faire valoir aucun moyen de droit ni de fait à l'appui, que la mention selon laquelle elle a certifié à deux reprises avoir pris connaissance de la convention susvisée, et l'accepter, ne constituerait qu'une clause de style, et ne peut pas non plus utilement prétendre que, nonobstant l'attestation contraire qu'elle a signée de sa main, à deux reprises, elle n'aurait pas eu connaissance des termes de cette convention ni ne les aurait acceptés.

Dès lors qu'elle certifié avoir pris connaissance de la convention, et l'accepter, et quand bien même elle ne l'a ni paraphée ni signée, les conditions posées par l'article 1119 du code civil susvisé sont réunies, et les termes de cette convention produisent effet à son égard.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée comme il l'a fait.

Sur les demandes de dommages et intérêts et de mainlevée de l'hypothèque provisoire

La solution donnée au présent litige conduit également la cour à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [W] épouse [P] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite par la société American Express Carte France en vertu d'une autorisation d'un juge de l'exécution, et de même qu'en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, que l'appelante sollicite au titre du préjudice moral résultant de la dite inscription.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, Mme [W] épouse [P] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle sera en outre condamnée à régler une somme de 3 000 euros à la partie adverse, au titre des frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'engager devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME, en toutes ses disposition, le jugement rendu le 2 février 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [W] épouse [P] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne Mme [W] épouse [P] à régler à la société American Express Carte France une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] épouse [P] aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Pascal Pibault dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/02084
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.02084 ?
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