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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01520

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 23 mai 2024, 23/01520


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53L



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01520 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VW7Y



AFFAIRE :



SAS JSP FINANCES



C/



[O] [U]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 20/1899



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies



délivrées le : 23.05.2024

à :



Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53L

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01520 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VW7Y

AFFAIRE :

SAS JSP FINANCES

C/

[O] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 20/1899

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.05.2024

à :

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS JSP FINANCES

Venant aux droits de la société RECRUTEMENT SERVICE INTERIMAIRE ' RSI, de la société RSI OUEST, et de la société RSI NORD, par voie de transmission universelle de patrimoine

N° Siret : 448 376 509 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christine LUSSAULT de la SELARL CL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0637 - Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2231979

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Emilie RONNEL de la SCP EVODROIT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 212 - N° du dossier R170378 - Représentant : Me Sebastien TO de la SCP EVODROIT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 209, substitué par Me Anne BAUDOUIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 22 mai 2017 entre, d'une part, la société Recrutement Service Intérimaire - RSI, la société RSI Ouest et la société RSI Nord, aux droits desquelles vient désormais la société JSP Finances, et d'autre part, la société AYM BTP, et en présence de M. [U], la société AYM BTP s'est reconnue débitrice de diverses sommes envers chacune de ces sociétés, pour un montant total définitivement arrêté à 2 073 282,60 euros TTC, et s'est engagée à régler les sommes dont elle s'est ainsi reconnue débitrice par paiements mensuels d'au moins 50 000 euros TTC, la première échéance devant intervenir au plus tard le dernier jour du mois de mai 2017, et ainsi de suite chaque mois jusqu'à apurement total de la dette, les parties convenant que le non règlement à bonne date d'une seule échéance entraînera l'exigibilité immédiate du solde des sommes dues aux 3 sociétés créancières.

Aux termes d'un acte sous seing privé joint au protocole, M. [U], son dirigeant, s'est constitué caution personnelle au titre des obligations de paiement souscrites par la société AYM BTP, au bénéfice des 3 sociétés créancières susvisées, jusqu'à concurrence des sommes dues à ces dernières, pour toute la durée du protocole.

Le 26 mars 2018, la société AYM BTP a été placée en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Pontoise.

Les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord ont déclaré leurs créances au passif de la procédure collective, qui ont été admises pour le montant déclaré.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, daté du 10 avril 2018, retourné avec la mention 'pli avisé et non réclamé', les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord ont mis M. [U] en demeure, en sa qualité de caution, de leur régler le solde de leurs créances.

Ayant avec succès contesté plusieurs mesures d'exécution forcée mises en oeuvre à son encontre au visa du protocole d'accord transactionnel entre-temps homologué, au motif, en substance, de l'absence de titre exécutoire valable à son égard, M. [U] a, par acte des 19 et 20 mai 2020, saisi le tribunal judiciaire de Pontoise pour obtenir l'annulation de son engagement de caution, et à titre subsidiaire, pour que soit constatée la déchéance du droit de poursuite des sociétés créancières. La société JSP Finances, venant aux droits des sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord, a sollicité pour sa part, à titre reconventionnel, la condamnation du demandeur à lui verser la somme de 1 907 399,97 euros correspondant au montant restant dû de la dette cautionnée.

Par jugement contradictoire rendu le 17 février 2023, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

débouté M. [U] de sa demande principale tendant à prononcer la nullité de l'engagement de caution en date du 22 mai 2017,

prononcé la déchéance du droit des sociétés RSI de se prévaloir de l'engagement pris par M. [U] aux termes du document intitulé 'protocole d'accord transactionnel' signé le 22 mai 2017,

débouté la société JSP Finances de sa demande reconventionnelle,

condamné la société JSP Finances à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société JSP Finances aux dépens de l'instance,

rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire de droit.

Le 3 mars 2023, la société JSP Finances a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 5 mars 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 avril suivant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société JSP Finances, venant aux droits de la société Recrutement Service Intérimaire - RSI, de la société RSI Ouest et de la société RSI Nord par voie de transmission universelle de patrimoine, appelante, demande à la cour de :

la recevoir en ses écritures,

Et y faisant droit,

la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

infirmer le jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit des sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord à se prévaloir de l'engagement pris par M. [U] aux termes du document intitulé 'protocole d'accord transactionnel' signé le 22 mai 2017 ; débouté la société JSP Finances de sa demande reconventionnelle ; condamné la société JSP Finances à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

le confirmer en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande principale tendant à prononcer la nullité de l'engagement de caution du 22 mai 2017,

débouter en conséquence M. [U] de son appel incident et de sa demande de voir prononcer la nullité de son engagement de caution pour défaut de respect du formalisme légal,

Et statuant à nouveau

dire que les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord et désormais la société JSP Finances qui vient aux droits de ces dernières, n'ont pas la qualité de créanciers professionnels vis-à-vis de M. [U],

dire que M. [U] est irrecevable en sa demande visant à voir déclarer inopposable l'engagement de caution qu'il a souscrit le 22 mai 2017,

l'y dire en tout état de cause mal fondé et le débouter de sa demande à ce titre,

En conséquence,

condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 907 399,97 euros, correspondant au montant restant dû de la dette cautionnée, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en date du 10 avril 2018,

condamner M. [U] à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 1er septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [U], intimé, demande à la cour de :

déclarer irrecevable et infondé l'appel de la société JSP Finances,

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 17 février 2023 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit des sociétés RSI de se prévaloir de l'engagement pris par M. [U] aux termes du document intitulé 'protocole d'accord transactionnel' signé le 22 mai 2017 ; débouté la société JSP Finances de sa demande reconventionnelle ; condamné la société JSP Finances à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société JSP Finances aux dépens de l'instance ; rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire de droit,

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 17 février 2023 en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande principale tendant à prononcer la nullité de l'engagement de caution du 22 mai 2017,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence,

A titre principal,

prononcer la nullité de son engagement de caution du 22 mai 2017,

A titre subsidiaire,

déclarer sans effet son engagement de caution du 22 mai 2017,

constater et prononcer la déchéance du droit de poursuite des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord et de la société JSP Finances venant aux droits des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord,

Sur la demande reconventionnelle,

débouter les sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord et la société JSP Finances venant aux droits des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

lui accorder les plus larges délais de paiement,

lui accorder un moratoire de 24 mois afin de régler les condamnations mises à sa charge,

En toute hypothèse,

débouter les sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord et la société JSP Finances venant aux droits des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner solidairement la société JSP Finances venant aux droits des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ( procédure d'appel),

condamner solidairement la société JSP Finances venant aux droits des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord en tous les dépens, en ce compris les frais de constats d'huissier, avec bénéfice de distraction au profit de Maître Emilie Ronnel, avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION 

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également, s'agissant des prétentions énoncées au dispositif saisissant la cour, que les demandes de 'dire' ou de 'constater' qui ne tendent qu'au rappel des moyens invoqués à l'appui des demandes sans conférer de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande d'annulation de l'engagement de caution de M. [U] 

M. [U], appelant incident sur ce point, invoque à titre principal la nullité de son engagement de caution, au visa de l'article L.331-1 du code de la consommation. Contrairement à ce qui est soutenu par la partie appelante, les sociétés RSI sont bien des 'créanciers professionnels' au sens de ce texte, qui leur est donc applicable, fait-il valoir. En effet, dès lors que la dette cautionnée correspond à la mise à disposition de travailleurs intérimaires, soit le coeur de leur activité selon les sociétés RSI elles-mêmes, elle est incontestablement en lien direct avec leur activité. Par ailleurs ces dispositions s'appliquent à toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie. Les prescriptions de l'article L.331-1 du code de la consommation n'ont, en l'espèce, pas été respectées. En effet, la mention manuscrite apposée sur l'acte n'est pas exactement celle énoncée dans la loi, puisqu'il n'est pas précisé 'couvrant le paiement du principal', et en outre, sa signature n'est pas apposée conformément aux dispositions légales, puisqu'elle l'a été préalablement à la mention manuscrite obligatoire. Contrairement à ce qu'a pu retenir le tribunal judiciaire de Pontoise, ces éléments sont suffisants pour prononcer la nullité de son engagement de caution, en sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

La société JSP Finances objecte que les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord n'ont pas la qualité de 'créanciers professionnels' au sens du code de la consommation. Ces sociétés, qui ont pour activité de fournir à des clients du personnel intérimaire, peuvent d'autant moins, en l'espèce, être regardées comme des créanciers professionnels que l'engagement de caution de M. [U] n'avait que pour objet de garantir un échéancier de paiement de factures consenti à la société AYM BTP, qu'il n'y avait aucune contrepartie commerciale, qu'au surplus, la relation commerciale était terminée, puisque le protocole dans lequel figure cet engagement y mettait fin, et que l'engagement de M. [U] n'avait pas pour objet de favoriser, directement ou indirectement, l'activité des sociétés créancières, leur extension ou leur développement, au sens de la jurisprudence. Le tribunal, soutient-elle, a fait une appréciation extensive et erronée de la qualité de professionnel : en effet, toute personne qui devient créancier dans l'exercice de son activité professionnelle n'en devient pas pour autant un créancier professionnel au sens du code de la consommation, il faut nécessairement que la caution donnée ait pour objet de favoriser ou de permettre un courant d'affaires.

C'est à raison, en revanche, que le tribunal, qui, saisi d'une demande de nullité d'un cautionnement fondée sur le manquement au formalisme prescrit par l'article L.331-1 du code de la consommation, devait rechercher si un tel manquement était de nature à porter atteinte au sens et à la portée desdites mentions manuscrites, de sorte que sa validité s'en trouverait affectée, a débouté comme il l'a fait M. [U] de sa demande de nullité de son engagement de caution. M. [U], qui n'est au sens de la législation consumériste ni un consommateur, ni un non professionnel, avait parfaitement connaissance de son étendue et de sa portée : il était lors de la signature du protocole le représentant légal de la société garantie, et assisté d'un conseil, et donc tout à fait à même de l'apprécier. Il n'y a, soutient-elle, aucun doute quant au montant de la somme cautionnée, en dépit de l'omission de la mention 'couvrant le paiement du principal', et la position de sa signature, qui précède immédiatement au lieu de la suivre la mention manuscrite imposée par la loi, n'est pas de nature à invalider son engagement.

L'article L.331-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que :

Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.'

En vertu de l'article L.343-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, les formalités définies à l'article L. 331-1 sont prévues à peine de nullité.

Au sens de l'article L.331-1 susvisé, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

L'appelante explique elle-même dans ses écritures, et ceci ressort également des termes du protocole du 22 mai 2017, produit aux débats, que la dette de la société AYM BTP est constituée par des sommes que celle-ci reste devoir aux sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord au titre de la facturation de mises à disposition de travailleurs intérimaires, dans le cadre de relations commerciales soutenues qu'elles ont entretenues pendant de nombreux mois. Il est précisé par l'appelante que les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord sont des entreprises de travail temporaire.

Il en découle que les créances des sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord, et désormais de la société JSP Finances, sont bien nées dans l'exercice de leur profession ; il est parfaitement indifférent que, ultérieurement, et postérieurement à la naissance de la dette, les parties aient décidé de rompre leurs relations commerciales : ceci ne modifie en rien l'origine de la créance.

Les sociétés RSI, RSI Ouest et RSI Nord sont par conséquent des créanciers professionnels, conformément à la règle ci-dessus rappelée, et dès lors, le tribunal ne peut qu'être approuvé d'avoir retenu, comme il l'a fait, que l'article L.331-1 du code de la consommation (et non L.311-1 en suite manifestement d'une erreur matérielle) était applicable.

En vertu de ce texte, toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, de la mention susvisée.

L'engagement de M. [U] se présente sur une page distincte du protocole lui-même, qui comporte, comme première mention, la signature de M. [U], suivie de l'indication dactylographiée ' M. [O] [U]', puis de la mention manuscrite prévue par la loi ( sous réserve de l'absence de la précision 'couvrant le paiement du principal'), puis de la mention légale imprimée, à recopier par la caution.

L'engagement manuscrit de la caution ne précède donc pas sa signature.

Compte tenu du positionnement de la signature sur l'acte, par rapport à la mention manuscrite, rien ne permet à la cour de considérer qu'elle a été apposée par la caution après qu'elle a reproduit de sa main la mention prévue par la loi.

Dans ces conditions, et sans même qu'il soit nécessaire de répondre à l'argument tiré de l'absence, dans le texte manuscrit recopié par M. [U], de l'indication : 'couvrant le paiement du principal', l'engagement de ce dernier doit être annulé.

C'est à tort que le tribunal, considérant que ce point était d'une faible importance, a statué en sens contraire.

La nullité de l'engagement de M. [U] étant retenue, il n'y a plus lieu de rechercher s'il était, ou non, manifestement disproportionné, au sens de l'article L.332-1 du code de la consommation.

Le jugement est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté la société JSP Finances de sa demande reconventionnelle en paiement, les motifs du présent arrêt étant substitués à ceux des premiers juge.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société JSP Finances doit supporter les dépens de première instance et d'appel, qui n'incluent pas le coût d'un constat d'huissier, qui n'entre pas dans les dépens tels que définis par l'article 695 du code de procédure civile.

La condamnation prononcée par le tribunal sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est confirmée, et au titre de la procédure d'appel, la société JSP Finances sera condamnée à régler à M. [U] une somme que l'équité commande de fixer à 4 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de Pontoise, en ce qu'il a :

débouté M. [U] de sa demande principale tendant à prononcer la nullité de l'engagement de caution en date du 22 mai 2017,

prononcé la déchéance du droit des sociétés RSI de se prévaloir de l'engagement pris par M. [U] aux termes du document intitulé 'protocole d'accord transactionnel' signé le 22 mai 2017 ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'engagement de caution de M. [U] en date du 22 mai 2017 ;

Dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la déchéance du droit des sociétés Recrutement Service Intérimaire - RSI, RSI Ouest et RSI Nord à se prévaloir de l'engagement de caution de M. [U] en date du 22 mai 2017 ;

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute la société JSP Finances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société JSP Finances à régler à M. [U] une somme de 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;

Condamne la société JSP Finances aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Emilie Ronnel, avocat constitué, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/01520
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01520 ?
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