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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01192

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch.protection sociale 4-7, 23 mai 2024, 23/01192


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88C



Ch.protection sociale 4-7



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01192 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2RU



AFFAIRE :



[W] [K]





C/



URSSAF IDF VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Avril 2023 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 19/01687





Copies exécutoires délivrées à :
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Me Dimitri PINCENT



la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT





Copies certifiées conformes délivrées à :



Remo GARDONIO



URSSAF IDF VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88C

Ch.protection sociale 4-7

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01192 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2RU

AFFAIRE :

[W] [K]

C/

URSSAF IDF VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Avril 2023 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 19/01687

Copies exécutoires délivrées à :

Me Dimitri PINCENT

la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT

Copies certifiées conformes délivrées à :

Remo GARDONIO

URSSAF IDF VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0322 substitué par Me Alexia VIAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0322

APPELANT

****************

URSSAF IDF VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV

Département recouvrement antériorité CIPAV - TSA 70210

[Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R132

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [K] (le cotisant) a été affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) du 1er avril 2016 au 30 juin 2017 en qualité de conseil.

Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 7 juillet 2018, la CIPAV a notifié au cotisant la mise en demeure établie le 2 juillet 2018 d'avoir à payer la somme de 20 600,08 euros correspondant à 18 954,22 euros de cotisations et à 1 646,58 euros de majoration de retard, au titre des années 2016 et 2017 ( régularisation 2015 et année 2017 pour le régime de base ; 2016 et 2017 pour la retraite complémentaire).

Par acte d'huissier de justice en date du 29 juillet 2019, la CIPAV a signifié, à l'étude d'huissier, la contrainte émise le 10 juillet 2019 à l'encontre du cotisant portant sur la somme de 10 283,13 euros au titre de l'année 2016 et sur la somme de 3 149,33 euros au titre de l'année 2017.

Le cotisant a formé opposition à la contrainte le 5 août 2019.

Par jugement contradictoire en date du 17 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- écarté les moyens de nullité de la contrainte en litige ;

- validé la contrainte signifiée le 29 juillet 2019 par la CIPAV, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'URSSAF Ile-de-France, au cotisant à hauteur de 10 608,96 euros correspondant à des cotisations pour 9 441,50 euros et à des majorations de retard pour 1 167,46 euros arrêtées au 29 juin 2018 ;

- rejeté l'ensemble des autres demandes, y compris celles au titre des frais de procédure ;

- condamné le cotisant aux dépens, incluant les frais d'exécution.

Par déclaration du 5 mai 2023, le cotisant a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 26 mars 2024.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le cotisant demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses disposition le jugement rendu le 17 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Nanterre ; et statuant à nouveau,

- d'annuler la contrainte datée du 10 juillet 2019 et signifiée le 29 juillet 2019 ;

- de condamner la CIPAV à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre des démarches précontentieuses et de la procédure abusive initiée par la CIPAV.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

- de recevoir le cotisant en son appel, mais l'y déclarer mal fondé ;

- de confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 avril 2023 en ce qu'il a écarté les moyens de nullité et condamné le cotisant aux dépens incluant les frais d'exécution ;

- de l'infirmer pour le surplus ;

- de valider la contrainte délivrée le 29 juillet 2019 pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 en son montant réduit s'élevant à 1 268,88 euros représentant les cotisations (1 164,25 euros) et les majorations de retard (104,63 euros) dues arrêtées à la date du 29 juin 2018 ;

- de débouter le cotisant de ses demandes indemnitaires ;

- de condamner le cotisant au paiement des frais de recouvrement, en application des article R. 133-6 du code de la sécurité sociale et de l'ancien article 8 du décret du 12 décembre 1996 modifié par l'arrêté du 26 février 2016.

Concernant les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le cotisant sollicite l'octroi d'une somme de 3 000 euros. L'URSSAF sollicite, quant à elle, le bénéfice d'une indemnité de 500 euros.

La cour, après avoir examiné attentivement les décomptes des parties, s'est aperçue d'une différence entre eux : pour l'année 2016, l'URSSAF ne tient pas compte de l'inscription du cotisant au 1er avril 2016 et retient une année entière de cotisations au lieu des 3/4 pour les cotisations de retraites de base et complémentaire, alors qu'elle n'a pris en compte qu'un semestre de cotisation en 2017 pour une radiation en 2017.

Par une note en délibéré, la cour d'appel a alors invité les parties à justifier du calcul des cotisations 2016 et du fondement juridique de ce calcul alors que le versement du 10 juillet 2019 de 2 571 euros couvrait entièrement le paiement des cotisations 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut de régularisation des cotisations sur la base des revenus réels du cotisant

Le cotisant expose que la CIPAV a eu connaissance de ses déclarations de revenus mais n'a pas procédé à la régularisation des cotisations réclamées, y compris celles de retraite complémentaire alors qu'elle y est tenue ; qu'elle fait constamment obstruction à ce principe ; qu'à la date d'émission de la contrainte elle ne pouvait réclamer que des cotisations de retraite calculées sur la base de revenus réels et non à partir d'une base provisionnelle devenue périmée ;

que la contrainte doit être annulée.

En réponse, l'URSSAF estime que le défaut de régularisation des cotisations de retraite complémentaire sur l'année N n'entraîne pas la nullité de la contrainte mais simplement la validation de la contrainte dans son montant régularisé sur les revenus réels ; que pour le régime de l'assurance vieillesse de base, la régularisation s'effectue sur l'année N+1 depuis le 1er janvier 2016.

Sur ce,

Aux termes de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-15. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

Si la somme mentionnée dans la contrainte ne correspond plus à celle dont le débiteur reste redevable en raison d'une révision de l'assiette des cotisations, la contrainte n'en demeure pas moins valable à concurrence du chiffre réduit des cotisations. Les juges du fond ne peuvent donc pas, en pareil cas, annuler entièrement la contrainte (Soc., 18 octobre 1978, n° 77-10.906, P).

Il résulte des conclusions de l'URSSAF que cette dernière réclame un solde de cotisations au cotisant après régularisation des cotisations au regard des revenus réellement réalisés.

Il convient donc d'apprécier les sommes dues par le cotisant sans pour autant annuler la contrainte du seul fait de l'absence de régularisation des cotisations.

Le jugement qui a écarté le moyen de nullité de la contrainte sera confirmée de ce chef.

Sur la signature de la contrainte

Le cotisant expose que la contrainte comporte une signature scannée du directeur qui ne répond pas aux exigences de fiabilité et d'identification d'une véritable signature électronique au sens de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'il ne peut pas savoir qui a réellement cautionné la contrainte en y apposant la signature scannée du directeur et si cette personne non identifiée est investie d'une délégation de signature.

L'URSSAF soutient que la signature scannée est un procédé fiable et valide.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal de grande instance spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

L'article D. 253-4 du même code dispose que le directeur exerce les fonctions d'ordonnateur. A ce titre, conformément aux dispositions de l'article R. 122-3, il engage et liquide les dépenses, constate ou liquide les créances de l'organisme sous le contrôle du conseil d'administration. Il a seul qualité pour émettre les ordres de recettes et de dépenses. Il est seul chargé des poursuites à l'encontre des débiteurs de l'organisme.

La contrainte signifiée le 29 juillet 2019 au cotisant porte la signature scannée du directeur de la CIPAV, M. [H] [X].

L'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte (2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 19-11.744 ; 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.975).

La qualité de directeur de la CIPAV de M. [X] n'est pas discutée.

Au demeurant la qualité de directeur de M. [X] est confirmé par une décision du président de la CIPAV en date du 18 juin 2018, avec légalisation de la signature de ce dernier.

Il ne s'agit pas d'une signature électronique et les obligations de vérification de fiabilité visées par l'article 1316-4 du code civil ne sont pas applicables dans le cas présent.

La contrainte signifiée de manière matérialisée par un support papier n'est pas non plus un support électronique au sens de l'article 1316-3 du code civil.

La contrainte litigieuse mentionne bien l'organisme social dont elle émane. Son signataire est identifié de manière claire et certaine, avec mention de son nom et de sa fonction.

Le cotisant invoque l'absence de connaissance de celui qui a cautionné la contrainte en y apposant la signature du directeur.

Il doit alors rapporter la preuve de cette absence de volonté du directeur de procéder à la contrainte, ce qu'il ne fait pas, ou de l'existence d'un acte apocryphe qu'il revendique, ce dont il ne justifie pas non plus.

Il n'appartient pas à la CIPAV de faire attester par son directeur qu'il a bien eu l'intention de faire délivrer la contrainte et qu'il a donné son accord pour apposer sa signature scannée sur le document, la simple apposition de sa signature scannée sur la contrainte étant suffisante pour présumer de l'approbation de l'auteur de la signature.

Ce moyen de nullité doit donc être écarté et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les sommes dues

Le cotisant estime avoir payé l'intégralité de ses cotisations.

En réponse à la note en délibéré, le cotisant expose que le prorata temporis est un usage de l'URSSAF ex-CIPAV, ce dont atteste la proratisation effectivement opérée pour 2017 et relatée dans les conclusions de l'intimée. La note en délibéré produite le 2 mai atteste aussi du fait que la CIPAV aurait dû proratiser pour 2016, ce qu'elle fait a posteriori dans sa note, modifiant une fois encore les montants réclamés après cinq ans de procédure et après que l'audience de plaidoiries ait eu lieu ; qu'en tout état de cause, cela rend illisibles les demandes de l'URSSAF.

Il ajoute que tant le fondement juridique (pièce 34 et 35) que le mode de calcul (corps des conclusions), que les bases de calculs (pièces 29 et 30) et que la raison des ventilations sont justifiés à son dossier, déjà en possession de la cour.

De son coté, dans ses conclusions, l'URSSAF reconnaît que les cotisations 2015 et 2016 ont été soldées mais qu'il reste redevable de la somme de 1 164,25 euros au titre des cotisations 2017.

Par une note en délibéré, l'URSSAF procède à la proratisation des cotisations pour 2016 et estime que le cotisant Monsieur [K] reste ainsi devoir la somme de 254 euros au titre des cotisations 2017.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les cotisations des travailleurs indépendants non agricoles ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 sont dues annuellement. Leurs taux respectifs sont fixés par décret.

Elles sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu.

En l'espèce, les cotisations dues par le cotisant s'élève aux sommes suivantes :

Année

Régime de base

Régime complémentaire

Total

2016

T1 : 38 616 x 8,23% x 3/4 = 2 383,50

T2 : 54 298 x 1,87% x 3/4 = 761,25

3 641 x 3/4 = 2 730,75

5 875,50

2017

T1 : 20 156 x 8,23% /2 = 829,50

T2 : 20 156 x 1,87% /2 = 188,50

1 277/2 = 638,50

1 656,50

Total

7532 euros

Il résulte des décomptes de l'URSSAF que le cotisant a versé 2 571 euros en 2019 et 4 961,25 euros en 2016, soit 7 532,25 euros.

L'URSSAF réclame une somme supplémentaire de 254 euros.

Cette somme s'explique par le fait que, pour le régime de base de l'année 2016, l'URSSAF ne justifie aucun calcul de cotisation et réclame :

- RB T1 : 2 383,50

- RG T1 : 0,50

- RB T2 : 735,00

- RG T2 : 280,00

Soit 3 399 euros, alors que les calculs de la cour, correspondant à ceux du cotisant, s'élèvent à 2 383,50 + 761,25 = 3 144,75 euros.

Le cotisant produit un certain nombre de courriers de la CIPAV, répondant parfois aux siens, lui réclamant des cotisations provisionnelles pour 2016 d'un montant variable (sauf pour la somme de 2 383,50 euros au titre de la tranche 1).

Il en résulte que la somme de 735 euros est une somme provisionnelle de la tranche 2 ; que 0,50 euros et 280 euros sont des régularisations des tranches 1 et 2.

Néanmoins, l'URSSAF ne justifie pas cette réclamation au regard du calcul des cotisations.

La cotisation du régime de base n'est certes pas réclamée dans la contrainte litigieuse mais les versements effectués par le cotisant ont été affectés par priorité sur celle-ci.

Il convient d'en déduire que le cotisant est à jour de ses cotisations pour 2016 et 2017 et que la réclamation de l'URSSAF à ce titre sera rejetée.

Sur les majorations de retard

Le cotisant expose que la régularisation des cotisations a été faite avec retard, postérieurement à la signification de la contrainte, et que le montant des majorations de retard est erroné puisqu'il repose sur des cotisations provisionnelles considérées comme définitives.

Il ajoute que seul le taux de 0,4% peut s'appliquer aux cotisations CIPAV, l'application de taux différents entre le régime de retraite de base et le régime de retraite complémentaire contrevient aux dispositions de l'article 3 du décret du 21 mars 1979 qui régit le régime de la retraite complémentaire à l'exclusion de ses statuts qui n'ont que la valeur d'un arrêté ministériel.

L'URSSAF réplique que la cour d'appel est incompétente pour statuer sur les majorations de retard, la remise des majorations devant être sollicitée auprès du directeur de la CIPAV.

Elle ajoute, à toutes fins utiles, que les majorations de retard ont été calculées conformément aux règles en la matière.

Sur ce

Aux termes de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11. A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.

L'article 3.9 des statuts de la CIPAV prévoit une majoration de retard de 5 en cas de non paiement de la cotisation ou de la fraction de cotisation, augmentée de 1,5 par trimestre ou fraction de trimestre écoulé après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date limite d'exigibilité de la cotisation ou de la fraction de cotisation.

Le cotisant ne sollicite pas des remises de dette de majorations de retard mais la rectification du calcul des cotisations et du taux applicable.

Les juridictions de sécurité sociale sont donc bien compétentes pour apprécier le montant dû par le cotisant.

En l'espèce, l'URSSAF réclame les majorations de retard de 5% et de majorations complémentaires de 1,5% pour les retraites de base et complémentaires de l'année 2017, à hauteur de 104,63 euros.

Les statuts de la CIPAV ne sont pas contradictoires avec les textes réglementaires du code de la sécurité sociale d'autant que les majorations de retard n'ont été calculées que sur un seul trimestre.

Il apparaît que les cotisations de l'année 2017 ont été payées le 10 juillet 2019. Les majorations de retard sont bien dues et le cotisant sera condamné à les payer.

Sur l'octroi de dommages et intérêts

Le cotisant expose que la contrainte présentait un caractère abusif dès lors qu'il n'était redevable d'aucune cotisation au titre des années litigieuses et que la caisse a commis une faute en faisant obstruction en persistant à ne pas régulariser les cotisations de ses adhérents sur la base de leurs revenus réels et à occulter les décisions rendues par la Cour de cassation à son encontre.

Il ajoute qu'il a sollicité à plusieurs reprises la régularisation de ses cotisations, saisissant à quatre reprises la commission de recours amiable.

En réponse, l'URSSAF soutient que la régularisation de la cotisation du régime complémentaire fait l'objet d'une régularisation depuis qu'elle est inscrite dans les statuts de la CIPAV en 2020 ; qu'auparavant la CIPAV n'opérait pas de régularisation ; qu'en l'état du droit en 2019, c'était bien les revenus de l'année N-2 qui servaient d'assiettes au calcul des cotisations litigieuses.

Elle estime que le cotisant ne justifie pas d'une faute ni d'un préjudice.

Sur ce

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Dans un arrêt du 15 juin 2017 (n° 16-21.372, F-P+B), la 2ème chambre de la Cour de cassation a retenu que, 'selon les dispositions de l'article 3 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables au paiement des cotisations litigieuses, la cotisation au régime d'assurance vieillesse complémentaire des assurés relevant de la section professionnelle gérée par la CIPAV, est versée à celle-ci dans les mêmes formes et conditions que la cotisation du régime d'assurance vieillesse de base' ; 'Qu'il en résulte que les cotisations de retraite complémentaire calculées à titre provisionnel, doivent être régularisées par la caisse une fois le revenu professionnel définitivement connu'.

Si la CIPAV a pu invoquer une divergence d'interprétation des textes dans le contentieux à cette époque, la jurisprudence claire et sans équivoque sur l'application de la régularisation aux cotisations du régime de retraite complémentaire depuis 2017 aurait dû permettre l'application de cette règle aux cotisations du cotisant pour les années 2016 et 2017 et au moins antérieurement à l'envoi d'une mise en demeure le 2 juillet 2018 puis d'une contrainte signifiée le 29 juillet 2019, après paiement intégral, pourtant, de ses cotisations par le cotisant.

Cette réticence à faire application des règles de droit rappelées par la haute juridiction est constitutive d'une faute ayant entraîné un préjudice matérialisé par l'ensemble des courriers adressés à la CIPAV et par les multiples saisines de la commission de recours amiable par le cotisant avant qu'il ne soit contraint de faire opposition à la contrainte et de voir constater, cinq ans plus tard, qu'il a réglé l'ensemble des sommes dues à la CIPAV.

Il convient d'allouer au cotisant la somme de 2 000 euros à ce titre.

Sur les dépens et les demandes accessoires

L'URSSAF, qui succombe essentiellement à l'instance, est condamnée aux dépens éventuellement exposés tant devant le tribunal judiciaire de Nanterre qu'en cause d'appel et condamnée à payer au cotisant la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a écarté les moyens de nullité de la contrainte litigieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 104,63 les majorations de retard dues au titre de l'année 2017 dues par M. [W] [K] à l'URSSAF Ile-de-France ;

En conséquence, condamne M. [W] [K] à payer la somme de 104,63 euros à l'URSSAF Ile-de-France ;

Condamne l'URSSAF Ile-de-France à payer à M. [W] [K] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne l'URSSAF Ile-de-France aux dépens éventuellement exposés tant devant le tribunal judiciaire de Nanterre qu'en cause d'appel, y compris les frais de recouvrement ;

Déboute l'URSSAF Ile-de-France de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'URSSAF Ile-de-France à payer à M. [W] [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.

La Greffière P/La Présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch.protection sociale 4-7
Numéro d'arrêt : 23/01192
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01192 ?
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