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23/05/2024 | FRANCE | N°22/03342

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 23 mai 2024, 22/03342


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2024



N° RG 22/03342

N° Portalis DBV3-V-B7G-VP7A



AFFAIRE :



[G] [W] [V] [T] [W]





C/





S.A.S. BRUNE TRATTORIA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Sectio

n : C

N° RG : 21/00437



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL ALTALEXIS



Me Marie-hélène DUJARDIN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2024

N° RG 22/03342

N° Portalis DBV3-V-B7G-VP7A

AFFAIRE :

[G] [W] [V] [T] [W]

C/

S.A.S. BRUNE TRATTORIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : 21/00437

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL ALTALEXIS

Me Marie-hélène DUJARDIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [W] [V] [T] [W]

de nationalité Sri Lankaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean-Toussaint GIACOMO de la SELARL ALTALEXIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0921 substitué par Me HUMEZ Clara, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-786462023-000015 du 06/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

S.A.S. BRUNE TRATTORIA

N° SIRET : 800 93 0 5 47

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Marie-Hélène DUJARDIN, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2153

Représentant: Me PIERRE-DUMAINE Véronique, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me MENGUAL Marjorie avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [W] [T] a été engagé par la société Brune Trattoria suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2014 en qualité de pizzaïolo, niveau 1, échelon 2, avec le statut d'employé.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

M. [T] [W] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 21 septembre 2020 jusqu'au 8 octobre 2020.

Par lettre du 20 novembre 2020, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 2 décembre 2020.

Par lettre du 7 décembre 2020, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le 12 avril 2021 M. [T] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Brune Trattoria à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 5 octobre 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties cette juridiction a :

- confirmé le licenciement pour faute grave,

- débouté M. [T] [W] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Brune Trattoria de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [T] [W] aux éventuels dépens.

Le 3 novembre 2022, M. [T] [W] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, M. [T] [W] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, et statuant à nouveau:

- à titre principal, juger le licenciement nul et de nul effet en application des articles L. 1152-2 et L.1152-3 du code du travail,

- ordonner sa réintégration et cela sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- ordonner le paiement des salaires dus depuis le 7 décembre 2020 pour la somme de 78 182 euros (3 007 x 26) arrêtée au mois de janvier 2023 inclus et à parfaire jusqu'à la réintégration effective, outre la somme de 7 818,20 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société brune Trattoria à lui payer une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

- à titre subsidiaire, juger le licenciement notifié par lettre du 7 décembre 2020 dépourvu de toute faute grave et de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Brune Trattoria à lui payer les sommes suivantes :

* 6 014 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 601 euros à titre de congés payés afférents,

* 4 510 euros (3 007/4 x 6) à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 27 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- en tout état de cause, condamner la société Brune Trattoria à lui payer les sommes suivantes :

* 6 014 euros à titre de rappel de salaire depuis le 9 octobre 2020 jusqu'au 7 décembre 2020,

* 601,4 euros à titre de congés payés afférents,

* 3 007 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la délivrance de fiches de paye conformes à la décision à venir, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi rectifiés conformément au jugement à intervenir et cela sous astreinte de 150 euros par documents et par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

- assortir les condamnations de l'exécution provisoire et de l'intérêt au taux légal,

- condamner la société Brune Trattoria aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 avril 2023, la société Brune Trattoria demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [T] [W] de ses demandes et en conséquence, déclarer que M. [T] [W] a commis une faute grave dans l'exécution de son contrat de travail du fait de ses absences injustifiées, qu'il n'a subi aucun harcèlement moral et le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 5 mars 2024.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

Le salarié sollicite sa réintégration pour nullité du licenciement au motif qu'il a été licencié après avoir dénoncé une situation de harcèlement moral et fait part de ses craintes liées à la nomination de son harceleur, M. [P], comme chef de cuisine.

L'employeur s'y oppose. Il fait valoir que le salarié a seul pris la décision de ne pas reprendre son emploi sans en informer son employeur, ni justifier de ses absences. Il relève que M. [P] n'était pas salarié dans le restaurant dans lequel était employé le salarié, que ce dernier ment en prétendant avoir subi des faits de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, 'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'.

Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.

Il ne ressort pas de la lettre de licenciement invoquant une faute grave constituée d'absences injustifiées du salarié qu'il soit fait grief au salarié d'avoir dénoncé une situation de harcèlement moral.

Le salarié produit aux débats un message du 12 octobre 2020 dans lequel il conteste la désignation de M. [P], nouveau chef de cuisine, précisant qu'il ne pense pas pouvoir s'entendre avec lui et demandant à être nommé chef de cuisine à sa place, ou à défaut, à être licencié pour bénéficier du chômage. Il verse également aux débats des lettres des 7 et 24 novembre 2020 indiquant avoir été harcelé par M. [P], et avoir reçu la consigne de rester à la maison à défaut de vouloir travailler avec M. [P].

Le salarié ne présente pas de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral lors de son emploi en tant que salarié dans le restaurant.

Il en résulte qu'en réalité le salarié a fait part à son employeur d'une incompatibilité à travailler avec le nouveau chef de cuisine pressenti M. [P] alors qu'il n'a pas travaillé dans le restaurant avec ce dernier, étant absent du restaurant depuis le 21 septembre 2020.

Il ne ressort pas de ces éléments que le salarié ait été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à défaut de mention à ce titre dans la lettre de licenciement et à défaut d'avoir travaillé conjointement avec M. [P] au sein du restaurant et d'avoir subi des faits de harcèlement moral de la part de ce dernier.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] [W] de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande subséquente en réintégration sous astreinte ainsi qu'en paiement des salaires dus jusqu'à réintégration et congés payés afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« [...] Vous avez été embauché le l5 décembre 2014 par un contrat à durée indéterminée à temps complet et vous exercez actuellement le poste de pizzaïolo au sein de notre société.

Votre arrêt de travail pour maladie non professionnelle depuis le 21 septembre 2020 a pris fin le 8 octobre 2020 au soir et nous n'avons pas reçu à ce jour d'avis de prolongation d'arrêt maladie.

En repos les lundi et mardi suivants, vous deviez donc reprendre votre poste de travail dès le mercredi 14 octobre 2020 à 10h30. Or nous constatons que vous ne vous êtes pas présenté au travail, ni même n'avez justifié de votre absence, depuis cette date.

Nous ne pouvons que déplorer cet état de fait. Nous avons ainsi adressé une première lettre recommandée avec accusé de réception (AR) en date du 16 octobre 2020 vous mettant en demeure soit de nous fournir un justificatif de votre absence, soit de reprendre votre travail dès réception de cette lettre.

Sans réponse de votre part, nous vous avons adressé le 26 octobre 2020, un second courrier recommandé AR de mise en demeure de reprendre le poste de travail et de fournir tout justificatif suite au constat prolongé et injustifié de votre absence.

Ces deux premiers courriers étant restés sans réponse de votre part, nous vous avons adressé un troisième courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 novembre 2020 vous mettant toujours en demeure de fournir un justificatif de votre absence et de reprendre votre poste de travail ; en vain, car vous n'avez toujours pas justifié des raisons de votre absence qui s'est prolongée, pas plus repris votre poste à ce jour, sans aucune explication.

Nous avons pris soin de vous rappeler, dans ces courriers, vos obligations à l'égard de la société en matière d'absence, à savoir que « vous êtes tenu de nous en informer par tout moyen sans délai de votre absence, mais surtout de nous avertir dans les 48 heures en cas de prescription d'un arrêt de travail et/ou prolongation de l'arrêt, et de nous communiquer votre justificatif, afin que nous puissions remédier à votre absence » et nous vous avons précisé « qu'à défaut de justification de votre absence ou de reprise à votre poste, nous serons malheureusement contraints d'en tirer les conséquences qui s'imposent. »

Nous vous avons aussi indiqué que la période de couvre-feu le 18 octobre 2020 suivie du confinement le 29 octobre 2020 à 0h00 n'est pas un motif vous permettant de vous exonérer de votre obligation de nous justifier des raisons de votre silence persistant, bien au contraire. Les relations contractuelles demeurent inchangées vis-à-vis de vos devoirs et responsabilités envers votre employeur.

Ces courriers sont restés lettres mortes.

En premier lieu, nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui constitue une faute contractuelle et un acte d'insubordination délibéré troublant le bon fonctionnement de l'entreprise, étant précisé que nous avons continué à accueillir du public pour la vente à emporter, par dérogation à la réglementation liée au confinement d'automne.

Egalement, cette situation d'absence volontaire, injustifiée et prolongée, ainsi que votre indifférence à nos courriers démontrent, d'une part. votre désintérêt pour votre emploi et pour la société dont vous êtes salarié.

D'autre part, cette situation porte préjudice à notre activité en termes d'organisation. En effet, nous ne pouvons accepter des absences prolongées et injustifiées qui entrainent une répartition du planning de travail sur vos collègues, engendrant, par voie de conséquence, une surcharge de travail pour ces derniers et une désorganisation de la société dans son ensemble dans un contexte de « continuité » de notre activité durant ce confinement.

L'ensemble de ces faits constitue un acte de d'insubordination délibéré troublant le bon fonctionnement de l'entreprise et ne nous permet pas de vous maintenir dans votre emploi au sein de la société. Nous nous voyons donc dans l'obligation de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre société. Pour ces raisons, nous sommes donc malheureusement contraints d'envisager votre licenciement : cette situation d'absence prolongée et injustifiée constitue un acte d'insubordination délibéré troublant le bon fonctionnement de l'entreprise.

C'est pourquoi, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour absence volontaire, injustifiée et prolongée, qui caractérise une faute grave sans préavis, ni indemnité, les conséquences immédiates de votre comportement rendant en effet impossible la poursuite de votre activité au service de notre société. Vous cesserez donc définitivement de faire partie du personnel de notre société à la date d'envoi de la présente lettre. [...]»

Le salarié indique que les motifs invoqués à l'appui de son licenciement ne sont pas établis dans leur matérialité, que le licenciement a été notifié de mauvaise foi et que la sanction est manifestement disproportionnée, que son licenciement est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse.

L'employeur fait valoir que le salarié ne s'est pas présenté à son poste de travail sans autorisation et sans justifier d'un motif valable d'absence, que ces absences injustifiées constituent une faute grave fondant le licenciement.

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, 'tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est motivé par une cause réelle et sérieuse'.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

En l'espèce, l'employeur verse aux débats :

- une demande de justification d'absence par lettre recommandée du 16 octobre 2020,

- une mise en demeure de reprendre son poste par lettre recommandée du 26 octobre 2020,

- une mise en demeure de reprendre son poste par lettre recommandée du 13 novembre 2020.

Le salarié fait valoir qu'il n'a pas reçu les deux premières lettres envoyées à son ancienne adresse. Cependant, l'adresse utilisée par l'employeur correspond à celle figurant au contrat de travail du salarié et il revenait à ce dernier d'informer son employeur de tout changement d'adresse et de faire suivre son courrier, la lettre du salarié communiquant sa nouvelle adresse étant datée du 7 novembre 2020.

Aucune mauvaise foi de l'employeur n'est établie, la dernière mise en demeure du 13 novembre 2020 ayant été adressée à la nouvelle adresse connue de l'employeur et la procédure de licenciement ayant été engagée peu après le 20 novembre 2020.

Le salarié qui se trouvait en absence injustifiée depuis la fin de son arrêt de travail le 8 octobre 2020, n'a pas repris le travail, après trois lettres recommandées, les deux premières ayant été présentées à son ancienne adresse connue de l'employeur, la troisième à sa nouvelle adresse connue de l'employeur depuis le 7 novembre 2020.

Ces absences injustifiées sur plus d'un mois rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et impliquaient son éviction immédiate, constituant ainsi une faute grave de licenciement.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [T] [W] était fondé sur une faute grave et l'a débouté de ses demandes en conséquence en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité légale de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement. Il indique qu'il n'a pas reçu de convocation à entretien préalable à licenciement et n'a pas pu se présenter à l'entretien.

L'employeur conclut au rejet de la demande. Il fait valoir que le salarié a fait l'objet d'une convocation à entretien préalable, que les durées prévues par le code du travail ont été respectées, que la lettre de convocation respecte les modalités prévues par le code du travail et que la procédure a été respectée.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir convoqué le salarié à l'entretien préalable à éventuel licenciement, à défaut de production de l'avis de présentation de la lettre recommandée.

Le salarié conteste avoir reçu cette lettre et ne s'est pas présenté à l'entretien.

Il s'en déduit que la procédure de licenciement n'a pas été respectée par l'employeur, à défaut de justificatif de présentation de la convocation à l'entretien préalable. Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes doit être infirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [W] de sa demande à ce titre et la société Brune Trattoria doit être condamnée à payer à M. [T] [W] la somme de 3 000 euros pour non-respect de la procédure de licenciement.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail sur le fondement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il indique qu'il a travaillé dans un contexte insécurisant, qu'il a subi des propos vexatoires de la part de M. [P], que l'employeur n'a pas réagi lorsqu'il a fait part de sa crainte de travailler de nouveau avec M. [P] à l'origine de harcèlement moral, qu'ainsi l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.

L'employeur fait valoir qu'il a respecté son obligation de sécurité. Il soutient que le salarié ne rapporte aucune preuve, que M. [P] n'était pas employé de la société avant les absences du salarié et qu'il exerçait ses fonctions dans un autre restaurant du groupe. Il ajoute que le salarié ne rapporte aucune preuve de tension dans les relations de travail au sein du restaurant.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, le salarié ne démontre pas avoir informé son employeur de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral avant un message du 12 octobre 2020 dans lequel il conteste la désignation de M. [P], nouveau chef de cuisine, précisant qu'il ne pense pas pouvoir s'entendre avec lui et demandant à être nommé chef de cuisine à sa place, ou à défaut, à être licencié pour bénéficier du chômage. Or, le dernier jour travaillé dans le restaurant par le salarié est le 21 septembre 2020, soit bien avant ce message.

Il ne présente, en outre, aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral lors de son emploi en tant que salarié dans le restaurant.

L'employeur ayant respecté son obligation de sécurité, le jugement du conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [W] de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur le rappel de salaire depuis le 9 octobre 2020 jusqu'au 7 décembre 2020

Le salarié étant en absence injustifiée sur la période considérée, aucun rappel de salaire ne lui est dû. Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [W] de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents du 9 octobre au 7 décembre 2020.

Sur la demande de documents de fin de contrat

M. [T] [W] sera débouté de sa demande de remise des fiches de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi sous astreinte, ces éléments n'ayant pas à être rectifiés au vu de la présente décision.

Sur les intérêts

En application de l'article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Brune Trattoria succombant partiellement à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler à M. [T] [W] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [G] [W] [V] [T] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- débouté M. [G] [W] [V] [T] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] [W] [V] [T] [W] aux éventuels dépens.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Brune Trattoria à payer à M. [G] [W] [V] [T] [W] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Brune Trattoria aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Brune Trattoria à payer à M. [G] [W] [V] [T] [W] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant

été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code

de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier,

auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/03342
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;22.03342 ?
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