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22/05/2024 | FRANCE | N°22/00731

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 22 mai 2024, 22/00731


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-4



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 MAI 2024



N° RG 22/00731

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBRY



AFFAIRE :



[F] [Y]



C/



Société COMPAGNIE IBM FRANCE











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : E

N° RG

: F18/03234



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Philippe CHATEAUNEUF



Me Oriane DONTOT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MAI 2024

N° RG 22/00731

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBRY

AFFAIRE :

[F] [Y]

C/

Société COMPAGNIE IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : E

N° RG : F18/03234

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [Y]

né le 18 mars 1976 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me François DE LASTELLE de la SELARL DE LASTELLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0070 - Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643

APPELANT

****************

Société COMPAGNIE IBM FRANCE

N° SIRET : 552 118 465

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Blandine ALLIX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 mars 2024, Monsieur Laurent BABY, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de:

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par lettre du 27 juillet 2012, la société Compagnie IBM France a fait une proposition d'embauche à

M. [Y] au poste de spécialiste des ventes et par contrat de travail à durée indéterminée, il a été engagé pour occuper cette fonction à compter du 19 novembre 2012.

Cette société applique la convention collective nationale des cadres et ingénieurs de la métallurgie.

M. [Y] percevait une rémunération fixe ainsi qu'une part variable sujette à une discussion entre les parties.

Par lettre du 17 avril 2019, M. [Y] a démissionné de ses fonctions.

Le 14 mars 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contestation du mode de calcul de son revenu brut total et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 4 février 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

. dit et jugé que les commissions de M. [F] [Y] ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

. dit et jugé que les rétentions Bonus de 2015, 2016, les Bluepoint / Comp tax impact, les ajustements de commissions versés au titre du véhicule de fonction, les congés non pris et monétisés pour être placés sur le PERCO ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

. débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

. débouter la S.A.S Compagnie IBM France de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,

. dit que chacune des parties supportera les éventuels dépens pour ce qui les concerne.

Par déclaration adressée au greffe le 7 mars 2022, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] demande à la cour de :

- déclarer Monsieur [Y] recevable et bien fondé en son appel et ses conclusions, et y faisant droit:

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre, formation de départage, Section E, le 4 février 2022 sous le numéro F18/03234 en ce qu'il a :

- dit et jugé que les commissions de M. [Y] ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

- dit et jugé que les rétentions Bonus de 2015, 2016, les Bluepoint/Comp tax impact, les ajustements de commissions versés au titre du véhicule de fonction, les congés non pris et monétisés pour être placés sur le PERCO ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

- débouter Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chacune des parties supportera les éventuels dépens pour ce qui les concerne,

Et statuant à nouveau

- Condamner la Société Compagnie IBM France à payer à M. [Y] la somme de 31 547,12 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des indemnités de congés payés non-réglée.

- Assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir.

- Condamner la Société Compagnie IBM France à remettre à M. [Y] le bulletin de salaire correspondant.

A titre subsidiaire,

- Désigner tel Expert avec la mission précitée.

- Juger que l'Expert sera mis en 'uvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au Secrétariat Greffe de ce Tribunal dans les six mois de sa saisine.

- Juger qu'il en sera référé en cas de difficultés.

- Fixer la provision à consigner au Greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'Expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir, ladite provision devant être mise à la charge de la Société IBM France.

- Condamner la Société Compagnie IBM France à payer à M. [Y] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la Société Compagnie IBM France aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Philippe Chateauneuf, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Compagnie IBM France demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nanterre du 4 février 2020 en ce qu'il a :

- juger que les commissions de M. [Y] ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

- juger que les retentions Bonus ou Crit. Skill bonus de 2015 et 2016, les Bluepoint/comp tax impact, les ajustements de commissions versés au titre du véhicule de fonction, les congés non pris et monétisés pour être placés sur le PERCO ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence, de

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [Y] à payer à IBM France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner M. [Y] aux dépens d'appel.

MOTIFS

Sur l'inclusion des primes du salarié dans la détermination du montant de l'indemnité de congés payés

Le salarié tire argument d'une part de la différence entre ce qu'il qualifie de « proposition d'embauche » qui lui a été faite le 27 juillet 2012, à laquelle il attache une valeur contraignante, et son contrat de travail du 5 novembre 2012, et d'autre part de l'existence d'« individual quota plans » qui lui fixaient des objectifs individuels, pour soutenir qu'il a bénéficié de primes individuelles qui n'étaient pas liées à l'activité de l'entreprise dans son ensemble mais à son activité propre de telle sorte que ces primes doivent être prises en compte pour déterminer son indemnité de congés payés.

En réplique, l'employeur, qui analyse la lettre du 27 juillet 2012 en une « proposition d'embauche », estime que le salarié bénéficiait de primes déterminées par référence aux résultats de la société qui, dès lors, n'ont pas à être pris en compte au titre de l'indemnité de congés payés puisque la rémunération variable litigieuse n'était pas affectée par la prise de congés payés.

***

L'article L. 3141-24 du code du travail dispose que I.-Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II.-Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l'établissement.

III.-Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32.

La rémunération variable est incluse dans l'indemnité de congés payés si elle est perçue en contrepartie du travail du salarié, présente un caractère obligatoire et est affectée par la prise de congés payés.

Par ailleurs, les pourparlers contractuels se distinguent de l'offre de contracter et de la promesse unilatérale d'embauche.

L'offre d'embauche ou de contracter se caractérise par toute manifestation de volonté unilatérale par laquelle une personne fait connaître son intention de contracter à des conditions déterminées. Et la simple acceptation de cette offre forme en principe le contrat.

La promesse unilatérale d'embauche, quant à elle, est le contrat par lequel le promettant accorde au bénéficiaire le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont les éléments essentiels (comme l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction. ' cf. Soc., 21 sept. 2017, n° 16-20.103 et n° 16-20.104) sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

En l'espèce, le 27 juillet 2012, la société a adressé au salarié une lettre lui confirmant son « accord de principe » pour l'engager sous contrat de travail à durée indéterminée moyennant « un mode de rémunération basé sur un salaire mensuel contractuel de 8 928 euros brut payé en douze fois soit un salaire annuel de 107 143 euros bruts », la lettre ajoutant :

. « L'activité pour laquelle vous êtes embauché est actuellement éligible à un plan de motivation. A ce jour, le plan de motivation en vigueur prévoit un potentiel de gain lié à votre fonction (ou OTE - « on target earning »), soit une rémunération totale à objectifs atteints de 150 000 euros bruts, constituée de la somme d'un salaire fixe de 82 500 euros bruts et d'un salaire variable à objectifs atteints de 67 500 euros bruts ».

. « L'éligibilité au plan de motivation et ses modalités sont définies et révisables semestriellement et sont matérialisées par une lettre individuelle d'objectifs et de structure de rémunération ».

La date d'entrée en fonction du salarié n'est pas précisée dans cette lettre de telle sorte qu'elle n'est pas constitutive d'une promesse d'embauche.

Cette lettre, que les parties qualifient toutes deux de « proposition d'embauche » s'analyse en une offre d'embauche dès lors qu'elle caractérise la manifestation de volonté unilatérale de l'employeur par laquelle ce dernier a fait connaître à M. [Y] son intention de contracter à des conditions déterminées.

S'agissant d'une offre d'embauche, la simple acceptation de cette offre forme en principe le contrat.

Pour sa part, le contrat de travail à durée indéterminée signé par le salarié prévoit : « Article 4 ' Rémunération : Votre salaire contractuel est fixé forfaitairement à 8 928 euros (sur 12 mois). Par ailleurs, selon les règles en vigueur publiées dans l'intranet, vous pourrez être éligible à une prime variable annuelle tenant compte des résultats globaux de la Compagnie. Tous les éléments de la rémunération définis ci-dessus et les éléments relatifs à la base de calcul de votre temps de travail seront proratisés pour tenir compte des périodes incomplètes et des périodes d'absence, non assimilées à du temps de travail effectif en cours de période de référence ».

Il n'est pas établi que la lettre du 27 juillet 2012, que les parties ont appelée « proposition d'embauche » et que la cour a qualifiée d'offre d'embauche, a été acceptée par le salarié ce qui, seul, aurait permis la formation du contrat et donc lui aurait conféré force de loi entre les parties.

N'ayant pas été acceptée par le salarié, cette lettre n'est pas un document contractuel mais seulement un document pré contractuel, rédigé à l'occasion des pourparlers.

Seul a une valeur contraignante le contrat de travail qui prévoit que le salarié n'est éligible qu'à une prime dépendant ' non pas de résultats individuels ' mais des résultats globaux de la société.

Le salarié expose toutefois que le contrat de travail n'a, de ce chef, jamais été appliqué puisqu'il a reçu et accepté des « quota letters » qui prévoient une part variable de rémunération dont le pourcentage dépend de son activité individuelle et l'excluent de la prime annuelle liée aux résultats de l'entreprise.

Le fait, pour le salarié, d'avoir effectivement accepté des « quota letters » n'est pas contesté par l'employeur qui le confirme.

Le salarié présente en pièces 12 à 15 lesdites « quota letters » pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Il en ressort notamment : « Les termes de la présente lettre d'objectifs (') sont applicables à la date de mise sur plan mentionnée sur cette lettre. Le droit à rémunération variable ainsi que le paiement des rémunérations variables pour une période donnée supposent votre acceptation de la présente lettre d'objectifs ainsi que de la structure de rémunération associée pour cette période. En acceptant la présente lettre d'objectifs et de structure de rémunération, vous acceptez les clauses suivantes :

1) Vous serez enregistré dans FMS comme éligible au plan de motivation et à la structure de rémunération associés à la présente lettre d'objectifs.

(')

5) Votre adhésion au présent plan de motivation vous exclut du bénéfice du GDP (PVA) ainsi que de la Prime Annuelle de Résultats (PAR)

(') ».

Il ressort des explications de l'employeur ' sur ce point non contesté par le salarié ' que si un collaborateur ne se voit proposer aucun plan de commissionnement (ou « quota letter ») ou s'il le refuse, alors il est éligible à la prime variable annuelle (PVA) devenue « GDP » (Growth Driven Profit plan).

Le salarié ayant accepté ses plans de commissionnement pour les années 2014 à 2017, il ne pouvait bénéficier de la PVA / GDP. Par conséquent, les primes qui lui ont été accordées au titre de ces années là ne pouvaient être fondées que sur les objectifs définis dans les « quota letters ».

Il reste à apprécier si les primes versées au salarié en vertu de ces « quota letters » tiennent compte d'un résultat issu d'un travail collectif de nature à ne pas affecter la prise de congés par le salarié ou si, au contraire, la prise de congés était susceptible d'en affecter le montant.

A cet égard, les plans de motivation découlant des « quota letters » sont produits par l'employeur sous ses pièces 19 à 22 respectivement pour les années 2014 à 2017.

Il en ressort que le salarié pouvait accepter divers types de plans de motivation. Le salarié a, durant la période litigieuse (juin 2015 ' septembre 2019), accepté deux types de plan en 2015, 2016 et 2017 :

. soit des « individual quota plans » en 2015,

. soit des « plans absolus » en 2016 et en 2017.

S'agissant des premiers, la cour observe que les plans de motivation produits par l'employeur comportent tous un article 2.3 (pour les plans de 2014 et 2015) ou un article 2.4 (pour les plans de 2016 et 2017) ainsi rédigé : « Challenges individuels : Les challenges individuels représentent généralement 15 % du variable pour les commerciaux relevant du quota sales plan ou du Team quota sales plan. Chaque commercial recevra des challenges individuels pour, a minima, le pourcentage correspondant à son plan. Ces challenges sont de type « gagné/perdu ». Les challenges individuels sont conçus pour être ambitieux tout en restant réalistes et concernent en général la conclusion de certaines transactions du trimestre en cours ou la réalisation d'un objectif financier pour le trimestre en cours ».

S'agissant des seconds, la cour relève que pour « les personnes positionnées sur ce type de plan (') leur partie variable sera liée au taux de commissionnement associé à leur territoire et Entité Produit (') de rattachement. La périodicité des plans Absolus est annuelle. Sauf pour STG, ces plans incluent des challenges et des accélérateurs ».

Selon les pièces produites par le salarié, il n'a été soumis à un « challenge individuel » que pour le plan de février 2015 (pièce 13 du salarié), la cour relevant les mentions suivantes : « 6TH Challenges. Poids : 15.00 % du salaire variable ».

Par conséquent, même si les plans de motivation produits indiquent que « les objectifs individuels sont fixés en tenant compte des périodes de congés et du temps de travail. En conséquence, toutes les sommes versées en application du plan ne sont pas affectées par la prise de congés (') », il n'en demeure pas moins que le seul fait que le plan de 2015 ait intégré un « challenge individuel » sa prise de congés avait une incidence sur le montant de sa rémunération variable.

Pour les années 2016 et 2017, en l'absence de « challenge individuel », les primes du salarié n'étaient liées qu'à son « territoire et Entité Produit (') de rattachement. » et donc, à l'activité globale de sa « business unit » (la « BU Rational » qui comptait huit salariés ' pièce 11 de l'employeur) de sorte que sa prime n'était pas affectée par sa prise de congés.

Pour les années 2018 et 2019, le salarié ne présente aucune pièce montrant qu'il aurait accepté une « quota letter » dérogeant au contrat de travail dont il ressort qu'il était seulement éligible « à une prime variable annuelle tenant compte des résultats globaux de la Compagnie », laquelle n'est, par définition, pas affectée par sa prise de congés.

Enfin, il n'est pas discuté que les congés non pris et monétisés pour être placés sur le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne doivent pas entrer dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, le salarié ne consacrant pas de développement spécifique sur ce point.

De ces éléments, il résulte que seules les primes perçues au titre de l'année 2015 doivent être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés. Au titre de cette année 2015, le salarié a perçu des primes à hauteur de 82 376,73 euros.

Le salarié demande par ailleurs d'inclure dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés qu'il réclame les ajustements de commission liés à son véhicule de fonction.

A cet égard, le salarié a perçu à plusieurs reprises sur ses bulletins de paie (bulletins de paie d'octobre 2014, de décembre 2015 et décembre 2016 ' pièces 6 et 7 du salarié) des rappels dits « AJUST COM CAR » : 2 780,65 euros en octobre 2014, 4 681,32 euros en décembre 2015 et 5 317,96 euros en décembre 2016.

Il résulte des explications de l'employeur que ces « ajustements », qui sont portés en crédit sur les bulletins de paie du salarié, correspondent à un réajustement rendu nécessaire par le mode de calcul de la rémunération du salarié, qui ne prenait pas en compte mensuellement l'avantage en nature de son véhicule. Le salarié ne le discute pas. Les sommes perçues au titre de l'« AJUST COM CAR » constituent une prime et, selon les explications de l'employeur lui-même, ce réajustement consiste en un réajustement desdites primes.

Or, ainsi qu'il a été jugé, le salarié peut prétendre à une indemnité de congés payés relativement aux primes perçues au titre de l'année 2015. Dès lors, la somme de 4 681,32 euros perçue par le salarié en décembre 2015 doit être incluse dans l'assiette permettant de calculer l'indemnité de congés payés due au salarié.

L'assiette correspondant au versement de primes doit donc être évaluée à la somme de 87 058,05 euros bruts (82 376,73 + 4 681,32). Le salarié aurait donc dû bénéficier d'une somme de 8 705,80 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Il convient donc, par voie d'infirmation partielle, de condamner l'employeur au paiement de la somme ainsi arrêtée.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il rejette la demande d'expertise formée par le salarié, une telle expertise n'étant pas utile à la solution du litige.

Sur les intérêts

Statuant dans les limites de la demande, il conviendra d'assortir la condamnation de la société à payer au salarié un rappel d'indemnité de congés payés des intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'expertise,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Compagnie IBM France à payer à M. [Y] la somme de 8 705,80 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2015, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DONNE injonction à la société Compagnie IBM France de remettre à M. [Y] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Compagnie IBM France à payer à M. [Y] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Compagnie IBM France aux dépens de de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

'''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 22/00731
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;22.00731 ?
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