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16/05/2024 | FRANCE | N°23/06657

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 16 mai 2024, 23/06657


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 39H



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/06657 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDBX



AFFAIRE :



S.A.S. CABINET J SOTTO







C/

S.A.S. AGENCE SAINT SIMON









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Septembre 2023 par le Président du TC de VERSAILLES

N° RG : 2023R00158



Expéditions ex

écutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :



Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Antoine DE LA FERTE, avocat au barreau de VERSAILLES (283)







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/06657 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDBX

AFFAIRE :

S.A.S. CABINET J SOTTO

C/

S.A.S. AGENCE SAINT SIMON

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Septembre 2023 par le Président du TC de VERSAILLES

N° RG : 2023R00158

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Antoine DE LA FERTE, avocat au barreau de VERSAILLES (283)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. CABINET J SOTTO

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2372040

Ayant pour avocat plaidant Me Chargles GEORGET, du barreau de Tours

APPELANTE

****************

S.A.S. AGENCE SAINT SIMON

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Antoine DE LA FERTE de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Fabienne PAGES, Président de chambre faisant fonction de conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

En présence de Madame Caroline TABOUROT, conseiller en preaffectation

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Agence Saint Simon exerce une activité d'agence immobilière, gestionnaire locatif et syndic de copropriété en Ile de France.

Mme [J] [R], après avoir occupé le poste de gestionnaire de syndic de copropriété au sein de la S.A.S. Cabinet J Sotto pendant plus de 5 ans, a été embauchée par la société Agence Saint Simon le 12 juillet 2021 en tant que directrice salariée de copropriété.

Postérieurement au départ de Mme [R], la société Cabinet J Sotto a constaté que 17 de ses clients avaient résilié leurs contrats de syndic pour les confier à la société Agence Saint Simon.

Par courrier en date du 11 avril 2022, la société Cabinet J Sotto a mis en demeure Mme [R] de cesser ses agissements considérés comme déloyaux.

Par requête en date du 13 janvier 2023, la société Cabinet J Sotto a déposé une requête auprès du tribunal de commerce de Versailles afin d'obtenir la désignation d'un huissier qui aurait pour mission de vérifier si Mme [R] et la société Agence Saint Simon étaient en possession du fichier clients de la société Cabinet J Sotto.

En date du 14 février 2023, le tribunal de commerce de Versailles a rendu une ordonnance autorisant la mesure d'instruction.

Un constat d'huissier a été pratiqué le 18 avril 2023 dans les locaux de la société Agence Saint Simon.

Par acte d'huissier de justice délivré le 19 juin 2023, la société Agence Saint Simon a fait assigner en référé la société Cabinet J Sotto aux fins d'obtenir principalement la rétractation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles en date du 14 février 2023 et la restitution de tous les documents saisis.

Par ordonnance contradictoire rendue le 13 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

- rétracté l'ordonnance sur requête rendue en date du 14 février 2023 par le président du tribunal de commerce de Versailles,

- ordonné la restitution à la société Agence Saint Simon de tous les documents sur support papiers recueillis à l'occasion du constat d'huissier pratiqué sur le fondement de l'ordonnance, la destruction de tous les éléments numériques recueillis à l'occasion du constat d'huissier pratiqué sur le fondement de l'ordonnance et notamment les clés usb, disques durs externes ainsi que tout support ayant servi à la copie des fichiers informatiques ainsi que la destruction de toutes copies qu'elles soient sur support numérique, papier ou tout support,

- condamné la société Cabinet J Sotto à payer 3 000 euros à la société Agence Saint Simon au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cabinet J Sotto aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 40,66 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 26 septembre 2023, la société Cabinet J Sotto a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Cabinet J Sotto demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 514-3 et 514-6 du code de procédure civile, de :

'- infirmer en toutes dispositions l'ordonnance de référé rendue le 13 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Versailles, en ce qu'elle a :

- rétracté l'ordonnance sur requête rendue en date du 14 février 2023 par le président du tribunal de commerce de Versailles

- ordonné la restitution à la sas Agence Saint Simon de tous les documents sur support papiers recueillis à l'occasion du constat d'huissier pratiqué sur le fondement de cette ordonnance, la destruction de tous les éléments numériques recueillis à l'occasion du constat d'huissier pratiqué sur le fondement de cette ordonnance et notamment les clés USB, disques durs externes ainsi que tout support ayant servi à la copie des fichiers informatiques ainsi que la destruction de toutes copies qu'elles soient sur support numérique, papier ou tout support

- condamné la sas Cabinet J Sotto à payer 3 000 euros à la sas Agence Saint Simon au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la sas Cabinet J Sotto aux dépens

en conséquence et statuant à nouveau,

- juger que l'ordonnance rendue le 14 février 2023 par le tribunal de commerce de Versailles est définitive, a autorité de la force jugée et qu'elle est en conséquence immédiatement exécutoire

- débouter la société Agence Saint Simon de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

- juger n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 14 février 2023 par le président du tribunal de commerce de Versailles et débouter la société Agence Saint Simon de toute demande à ce titre

- ordonner la communication à la société Cabinet J Sotto de tous les documents, sur tous supports, numérique et papier, recueillis à l'occasion du constat d'huissier pratiqué sur le fondement de l'ordonnance du 14 février 2023, qui contiennent les mots clés figurant sur la pièce n°26 communiquée par le Cabinet J Sotto correspondant à son fichier client à l'exception de toute autre,

- juger en conséquence que Maître [N], commissaire de justice ayant pratiqué le constat d'huissier sur le fondement de l'ordonnance du 14 février 2023, et qui est séquestre des documents constatés, ne remettra au Cabinet J Sotto que les documents ou parties de documents figurant sur la pièce n°26 communiquée par le Cabinet J Sotto correspondant à son fichier client à l'exclusion de toute autre,

en tout état de cause,

- condamner la société Agence Saint Simon à régler à la société Cabinet J Sotto la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Agence Saint Simon aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la selarl LX Paris-Versailles-Reims.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Agence Saint Simon demande à la cour, au visa des articles L. 151-1 et R. 153-1 du code de commerce, 9, 145, 146, 493 et 700 du code de procédure civile, de :

'- déclarer la sas Cabinet J Sotto « Citya Sotto » irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner la sas Cabinet J Sotto « Citya Sotto » à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rétractation

Concluant à l'infirmation de la décision attaquée, la société Cabinet J Sotto affirme que le premier juge a violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile en exigeant qu'elle apporte la preuve d'un 'détournement de fichier clients' ou d'un 'démarchage ciblé par utilisation de moyens déloyaux' alors qu'il ne lui appartenait que de justifier d'un motif légitime.

Elle soutient démontrer l'existence de ce motif légitime par la production de plusieurs éléments constituant un faisceau d'indices concordants et crédibles laissant penser que sa salariée Mme [R] avait, lors de son départ, emporté son fichier clients pour en faire profiter son nouvel employeur, comme en témoignent les nombreuses résiliations de contrat intervenus concomitamment, au profit de l'agence ayant embauché Mme [R].

Elle affirme que toutes les circonstances de fait exposées dans la requête justifiaient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, l'ordonnance du 14 février 2023 étant précisément motivée sur ce point.

Contestant que les copropriétés qui ont résilié leurs contrats auraient pu être mécontentes de ses prestations, la société Cabinet J Sotto indique que le commissaire de justice a bien constaté la présence sur l'ordinateur de Mme [R] de données de son fichier clients.

L'appelante réfute également toute violation du secret des affaires, faisant valoir que'elle n'a sollicité de constat que sur la présence de son fichier clients dans les fichiers de Mme [R] ou de l'agence Saint Simon.

Elle reproche au premier juge de n'avoir pas tenu compte des éléments constatés par le commissaire de justice à l'occasion de son constat du 18 avril 2023.

Elle sollicite la levée du séquestre des éléments saisis.

Au soutien de sa demande de confirmation de la décision attaquée en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête, la société Agence Saint Simon invoque la carence de la société Cabinet J Sotto dans la charge de la preuve qui lui incombe, affirmant que celle-ci ne justifiait pas d'éléments permettant de soupçonner l'existence d'actes de concurrence déloyale et s'est abstenue d'informer le juge des requêtes que les départs de multiples clients se plaçaient dans un contexte de mécontentement général de ses clients à la suite d'un changement de gestionnaire.

La société Agence Saint Simon affirme que la société Cabinet J Sotto ne disposait d'aucun motif légitime à solliciter des mesures de saisie, la circonstance que des clients suivent un ancien salarié ne pouvant être constitutive d'un acte de concurrence déloyale, dans un contexte dans lequel la loi prévoit une obligation légale de mise en concurrence de plusieurs projets de contrats de syndic, étant précisé que les nouveaux contrats conclus ont été soumis à l'approbation des assemblées générales de copropriétaires.

Elle précise que toute action de la société Cabinet J Sotto serait donc, sur le fondement de la concurrence déloyale, manifestement vouée à l'échec et réfute de même tout détournement du fichier de clientèle de l'appelante.

Enfin, la société Agence Saint Simon expose que la mesure ordonnée portait atteinte à son secret des affaires et a été utilisée aux fins d'obtenir des informations sur sa concurrente, constituant ainsi une mesure disproportionnée justifiant la rétractation de l'ordonnance, le commissaire de justice ayant manifestement saisi des données confidentielles et commerciales internes.

Sur ce,

Selon l'article 145 du code de procédure civile : 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l'examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d'abord de s'assurer d'office que la requête ou l'ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer, le cas échéant, sur l'existence du motif légitime et le contenu de la mesure sollicitée.

Sur le non-recours à une procédure contradictoire

Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Les mesures d'instruction prévues à l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Le juge saisi d'une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d'office, sur sa motivation ou celle de l'ordonnance. Il est nécessaire que soient exposés de manière explicite les motifs justifiant le non-recours à une procédure contradictoire. Cette motivation doit s'opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.

L'ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.

Après avoir exposé les agissements reprochés à Mme [R] pour le compte de la société Agence Saint Simon, la société requérante Cabinet J Sotto justifie son choix procédural en indiquant : 'l'absence de tout contradictoire qui est l'essence même de l'ordonnance sur requête se justifie en cette matière par le risque de dépérissement des preuves, celles-ci avant pour support les fichiers informatiques de Mme [R] et/ou de l'Agence Saint Simon qui sont soupçonnés de concurrence déloyale. Que ces dernières auraient la tentation de supprimer le dit fichier si la mesure était débattue de manière contradictoire'.

L'ordonnance précise sur ce point : 'l'effet de surprise attaché au mode d'exécution des mesures d'investigation impose qu'il soit dérogé au principe de la contradiction dès lors que l'Agence Saint Simon qui ne pouvait ignorer que le gain de nouveau mandats de copropriété détenus précédemment par la société Citya Sotto ne pouvait provenir que par l'obtention d'informations commerciales de cette dernière auxquelles avait eu accès Mme [R] chez son ancien employeur, était avisée à l'avance de ces mesures (sic), elle pourrait en annuler les effets par le déplacement ou la destruction des éléments de preuve recherchés et plus particulièrement de tous documents transcrits sur des supports informatiques qui constituent des données intrinsèquement fragiles et aisément dissimulables.'

Dans ces conditions, il sera retenu que l'ordonnance est motivée par renvoi à la nature des faits allégués de concurrence déloyale et à l'attitude de Mme [R] et de la société Agence Saint Simon, ensemble, expressément dénoncés dans la requête, justifiant le recours à cette procédure non contradictoire, de sorte que la société requérante a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport à un contexte précis et suffisamment décrit.

Sur le motif légitime

Il résulte de l'article 145 que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer le bien-fondé de l'action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.

Outre son caractère légitime, la mesure d'instruction visant à améliorer la situation probatoire du requérant, son utilité pour la recherche ou la conservation des preuves doit également être établie, étant souligné que sont sans incidence sur l'appréciation des mérites de la requête, les résultats de l'exécution des mesures sollicitées. En conséquence le motif légitime ne peut résulter de la saisie litigieuse et les développements de la partie requérante qui tenteraient de le caractériser de la sorte seront écartés.

Il sera également rappelé qu'il appartient à la partie requérante de justifier de ce que sa requête était fondée, et non aux demandeurs à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas.

En l'espèce, il est constant que Mme [R] a démissionné le 9 juillet 2021 de son poste auprès de la société Cabinet J Sotto et travaille désormais pour le compte de la société Agence Saint Simon, concurrente de la société requérante Cabinet J Sotto.

Par ailleurs, la société Cabinet J Sotto justifie avoir reçu de nombreux courriers, dont plusieurs rédigés de façon strictement identiques, lui demandant d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées générales de copropriété un changement de syndic au profit de l'Agence Saint Simon : 6 courriers entre le 8 octobre 2021 et le 9 mai 2022, puis 8 courriers entre le 24 juin 2022 et le 22 décembre 2022 et 4 courriers entre le 21 février et le 5 juin 2023.

Elle justifie qu'entre le 3 décembre 2021et le 10 octobre 2022, lors d'assemblées générales, 10 autres copropriétés ont choisi de ne pas renouveler le contrat les unissant pour choisir comme syndic la société Agence Saint Simon. L'appelante produit également un tableau récapitulatif faisant état de 35 départs entre le 24 janvier 2022 et le 20 août 2023.

C'est à juste titre que l'appelante fait valoir que ce transfert important de clients entre la société Cabinet J Sotto et la société Agence Saint Simon sur une période de temps restreinte ne semble pas correspondre au fonctionnement normal du marché, sur lequel coexistent de nombreux autres syndics.

Ces éléments de preuve ainsi réunis par la société Cabinet J Sotto suffisent à caractériser un faisceau d'indices rendant plausibles les griefs de concurrence de déloyale et de détournement de clientèle, et sont de nature à constituer le motif légitime nécessaire pour justifier la mesure in futurum en application de l'article 145 précité.

Dans ces conditions, l'ordonnance querellée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la rétractation.

Sur les mesures ordonnées

Au sens de ce même article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile ; elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.

Le juge de la rétractation peut modifier la mission en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps.

Le secret des affaires ou même la protection de la vie privée, ne constituent pas un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'autre partie au regard de l'objectif poursuivi.

Aux termes de l'ordonnance du 14 février 2023, le commissaire de justice a été autorisé à :

'- prendre connaissance du fichier clients de la société Citya Sotto distant les noms des copropriétés en gestion au 31 décembre 2021 communiqué en pièce n°26 jointe à la présente ordonnance,

- accéder à tous documents ou informations détenus par Mme [R] et/ou l'Agence Saint Simon sur papier ou support de quelque nature que ce soit et notamment électronique ou informatique, tel qu'ordinateur, tablette, téléphone ou tout support de sauvegarde informatique de quelque nature que ce soit dont disque dur interne ou externe, disque gravé, clé USB, carte mémoire, sauvegarde 'cloud' afin de vérifier s'ils contiennent les noms des copropriétés qui sont gérées par Citya Sotto et qui sont répertoriés selon les mots clés suivants figurant dans la pièce 26 susvisée,

- procéder à l'extraction et prendre copie des données relatives aux mots clés présents dans lesdits supports détenus par Mme [R] et/ou la société Agence Saint Simon.'

autant de documents dont la recherche est légitime au regard des faits allégués de concurrence de déloyale et de détournement de clientèle au préjudice de l'appelante, et de l'implication de l'intimé.

Cette mesure est suffisamment circonscrite dans son objet et ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires de la société Agence Saint Simon puisque n'est autorisée que la saisie des documents contenant le nom des copropriétés gérées par la société Cabinet J Sotto au 31 décembre 2021, sans que l'appelante soit en mesure d'avoir accès à des informations relatives aux autres clients de l'intimée.

Sur la levée du séquestre

Le procès-verbal de constat du 18 avril 2023 est cependant équivoque sur le périmètre des éléments effectivement saisis puisqu'il mentionne : 'Il [l'expert informatique] trouve par ailleurs sur l'ordinateur en procédant toujours par recherche avec les mots clés conformément à l'ordonnance susvisée deux fichiers de suivi de copropriétés, qu'il copie et intègre dans le dossier temporaire créé par ses soins, à ma demande.

L'un indique en date de modification le 03/02/2023 à 10h 49, l'autre le l3/04/2023 à 15 h 57.

Dans ces fichiers se trouvent des copropriétés figurant dans le fichier des copropriétés de la requérante, ainsi que d'autres copropriétés de même que les montants d'honoraires relatifs à ces copropriétés.

Une partie de ces fichiers concerne les propositions non rentrées. Dans cette partie se trouvent

également des copropriétés figurant dans le fichier des copropriétés de la requérante, ainsi que

d'autres copropriétés.

Ces copropriétés figurant dans cette partie 'Propositions non rentrées' et figurant dans le fichier de la requérante sont déjà énumérées ci-dessus, soit dans les copropriétés déjà rentrées dans le fichier de l'Agence Saint Simon, soit dans le répertoire des mandats émis et en attente de réponse, à l`exception de deux copropriétés :

- [Adresse 3]

- l et l [Adresse 6].',

cette formulation semblant impliquer qu'ont été appréhendés des éléments concernant des copropriétés gérées par la société Agence Saint Simon sans lien avec le fichier clients de la société Cabinet J Sotto.

Il convient en conséquence de préciser que le commissaire de justice ne pourra transmettre à la société Cabinet J Sotto que les documents contenant 'les noms des copropriétés qui sont gérées par Citya Sotto', tels que repris aux pages 8 à 13 de la requête, conformément à sa mission. En conséquence sera ordonnée la restitution à la société Agence Saint Simon de tous les éléments prélevés en contradiction de cette mission.

Pour le surplus, le présent arrêt n'étant pas susceptible de recours suspensif, il y a lieu d'ordonner la levée du séquestre.

Sur les demandes accessoires

L'appelante étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera également infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles accordés en première instance.

Partie perdante, la société Agence Saint Simon ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel avec application au profit de l'avocat qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'accorder à l'appelante la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance querellée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 14 février 2023 ;

Précise que le commissaire de justice ne pourra transmettre à la société Cabinet J Sotto que les documents contenant les noms des copropriétés qui sont gérées par l'appelante tels que repris aux pages 8 à 13 de la requête ;

Ordonne la restitution à la société Agence Saint Simon ou à son conseil, de tous les éléments prélevés en contradiction de cette mission ;

Ordonne pour le surplus la mainlevée du séquestre ;

Condamne la société Agence Saint Simon à payer à la société Cabinet J Sotto la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que la société Agence Saint Simon supportera la charge des dépens de première instance et d'appel avec application au profit de l'avocat qui l'a demandé des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06657
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.06657 ?
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