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16/05/2024 | FRANCE | N°23/06640

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 16 mai 2024, 23/06640


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/06640 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDAV



AFFAIRE :



Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY



C/



S.A.S. COVALYS

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Septembre 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2023R00857



Expédi

tions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :



Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Julien LAMPE, avocat au barreau de PARIS (R211)



Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/06640 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDAV

AFFAIRE :

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY

C/

S.A.S. COVALYS

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Septembre 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2023R00857

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Julien LAMPE, avocat au barreau de PARIS (R211)

Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 487 42 4 6 08

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2372044

Ayant pour avocat plaidant Me Florian ENDRÖS, du barreau de Paris, substitué par Me Muriel MAZAUD

APPELANTE

****************

S.A.S. COVALYS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 827 53 8 3 80

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Julien LAMPE de l'AARPI FRECHE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier 39957, substitué par Me Marie Laure BERNASCONI

S.A.S. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - CLEVIA CENTRE EST prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 518 13 7 8 64

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 19723

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

Et en présence de Madame Caroline TABOUROT, conseiller en preaffectation

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Covalys, ayant pour activité la délégation de service public pour l'exploitation du centre de valorisation énergétique, a confié le 25 mai 2018 le contrat de conception-construction d'un réseau de chaleur en provenance du centre à un groupement composé de la S.A.S. Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est, ayant pour activité les travaux d'installation énergétique, assurée auprès de la S.A. Smabtp, de la S.A.S.U. Eiffage Route Nord Est, ayant pour activité les travaux de VRD, de la S.A. Sade, ayant pour activité l'exploitation de réseaux d'eau et de la S.A.S. EHTP, ayant pour activité les travaux de canalisations.

La société Covalys a confié la maîtrise d'oeuvre du projet à la société Ingevalor, assurée par la S.A. Axa France Iard, et la mission de contrôle technique à la s.a.s.u. Socotec Construction.

La société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est a signé un contrat de sous-traitance des travaux d'études et fournitures de tubes et manchons à la s.a.s.u. Brugg Tubes, assurée par la SDE Alliance Global Corporate & Speciality SE.

Les travaux ont été réceptionnés le 9 avril 2021.

Le 30 novembre 2022, la société Covalys a remarqué des dégagements de vapeur apparus sur la voirie en provenance du réseau.

Le 7 juillet 2023, la société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est s'est engagée à procéder aux réparations à compter du 31 juillet 2023.

Le 18 juillet 2023, la société Covalys a mis en demeure la société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est de passer commande pour les travaux de reprise.

Par requête du 4 août 2023, la société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est a saisi le président du tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la désignation d'un technicien pour procéder au constat des ouvrages et des équipements qui font/feront l'objet des travaux de reprise.

Par une ordonnance du 16 août 2023, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la requête de la société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est et a désigné M. [R] [Y] en qualité de constatant avec pour mission de se rendre sans délai sur les lieux de survenance des désordres dénoncés et de procéder aux constatations nécessaires.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 3 et 4 août 2023, la société Eiffage Energie Systèmes - Clevia Centre Est a fait assigner en référé les sociétés Covalys, Ingevalor, Axa France Iard, Brugg Tubes, Allianz Global Corporate & Speciality SE, Socotec Construction, Sade, Nord Est TP Canalisations, MMA Iard Assurances Mutuelles, MMA Iard, Eiffage Route Nord Est et EHTP aux fins d'obtenir principalement la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 13 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- pris acte l'intervention volontaire de la société Smabtp,

- débouté la société Axa France Iard de sa demande de mise hors de cause,

- débouté la société Eiffage Route Nord Est de sa demande de mise hors de cause,

- débouté la SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE de sa demande de communication de la police TRC,

- débouté la société Axa France Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Eiffage Route Nord Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- pris acte des protestations et réserves formulées par la société Covalys, la société Axa France Iard, la société Eiffage Route Nord Est, la société Sade - Compagnie Générale de Travaux d'Hydraulique, la société Brugg Tubes, la société SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE, la société Nord Est TP Canalisations, la société ASSM MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard,

- désigné M. [R] [Y], demeurant [Adresse 4] - téléphone portable [XXXXXXXX01], courriel : [Courriel 9] - en qualité d'expert avec pour mission de :

- convoquer les parties, sous trois semaines après sa saisine valablement consignée, les entendre en leurs dires et explications,

- se rendre sur les lieux,

- examiner les désordres affectant le réseau de transport de chaleur associé au centre de valorisation énergétique d'[Localité 10] (59), les décrire et en indiquer la nature, l'importance et la date d'apparition,

- se faire remettre par les parties tous documents techniques, financiers et pièces nécessaires à la compréhension du sinistre,

- déterminer sur la base de quels documents techniques le contrat a été réalisé,

- entendre tous sachants,

- rechercher la ou les causes des désordres examinés,

- donner son avis et évaluer le montant des travaux qui s'avéreront nécessaires pour y mettre un terme et réparer leurs conséquences,

- donner au tribunal les éléments techniques lui permettant de déterminer les responsabilités et imputabilités des désordres examinés,

- donner au tribunal les éléments techniques lui permettant de déterminer les pertes financières et autres préjudices éventuellement subis par les parties jusqu'au jour de sa note de synthèse,

- fournir plus généralement tous renseignements utiles qui permettront à la juridiction du fond qui sera ultérieurement saisie de statuer,

- autorisé l'expert à s'adjoindre le concours de tout sapiteur intervenant dans une spécialité différente de la sienne,

- dit que l'expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de sa première réunion d'expertise,

- dit que l'expert, s'il constate la conciliation des parties, en fera communication au tribunal,

- dit que l'expert, préalablement au dépôt de son rapport définitif, devra rédiger et adresser aux parties une note de synthèse, sous six mois à compter de sa saisine valablement consignée, en laissant à celles-ci un délai d'au moins un mois pour y répondre et établir leurs dires récapitulatifs auxquels l'expert répondra, le cas échéant, dans son rapport final,

- fixé à 5 000 euros la provision à consigner par la société Eiffage Energies Systèmes - Clevia Centre Est dans le mois du prononcé de l'ordonnance, au greffe de ce tribunal, faute de quoi la désignation de l'expert sera caduque,

- dit que l'expert pourra, s'il estime la provision insuffisante, présenter dans un délai de deux mois, à compter de la consignation, une estimation de ses frais et rémunération, permettant au tribunal d'ordonner éventuellement le versement d'une provision complémentaire,

- dit que si les parties ne viennent pas à composition, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal dans un délai de huit mois à compter de la consignation de la provision et, dans l'attente de ce dépôt, inscrit l'affaire au rôle des mesures d'instruction,

- dit que le contrôle de l'expertise sera effectué par le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction,

- dit n'y avoir lieu à ce stade à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens de l'ordonnance à la charge de la société Eiffage Energies Systèmes - Clevia Centre Est,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 264,62 euros, dont TVA 44,10 euros,

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 25 septembre 2023, la société Allianz Global Corporate & Speciality SE a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a débouté la SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE de sa demande de communication de la police TRC.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 février 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Allianz Global Corporate & Speciality SE demande à la cour, au visa des articles 31, 122 et 145 du Code de procédure civile, de :

'- déclarer la société Allianz Global Corporate & Speciality SE recevable et bien fondée en son appel ;

y faisant droit

sur la communication de la police TRC / TRME (Tous risques Chantier ' Montage ' Essais ' Marche Industrielle), de l'attestation d'assurance correspondante et des coordonnées du / des assureurs TRC / TRME

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre du 13 septembre 2023 en ce qu'elle a débouté la compagnie AGCS de sa demande de communication de la police TRC souscrite par la société Covalys ;

statuant à nouveau,

- enjoindre la société Covalys et / ou la société Eiffage Energie Systèmes ' Clevia Centre est à communiquer à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE sous astreinte :

- une copie de la police TRC / TRME (Tous risques Chantier ' Montage ' Essais ' Marche Industrielle) souscrite pour la réalisation des travaux et/ou de toute police de préfinancement souscrite (ou à défaut de la / des attestations d'assurance)

- ainsi que les coordonnées de l'assureur / des assureurs concernés,

- afin que les opérations d'expertise puissent être rendues communes et opposables à l'assureur concerné / aux assureurs concernés ;

en tout état de cause

- débouter la société Covalys de toutes ses demandes fins et conclusions en ce compris de sa demande d'irrecevabilité de l'appel formé par la société Allianz Global Corporate & Speciality SE irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ;

- débouter la société Eiffage Energie Systèmes Clevia Centre est de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires au présent dispositif

- débouter la société Eiffage Energie Systèmes Clevia Centre est de ses demandes de condamnations de la société Allianz Global Corporate & Speciality SE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Eiffage Energie Systèmes Clevia Centre est de ses demandes de condamnations de la société Allianz Global Corporate & Speciality SE aux dépens ;

- débouter la société Covalys de ses demandes de condamnations de la société Allianz Global Corporate & Speciality SE au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Covalys et la société Eiffage Energie Systèmes ' Clevia Centre est à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Covalys et la société Eiffage Energie Systèmes ' Clevia Centre est aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la selarl LX Paris-Versailles-Reims.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Covalys demande à la cour, au visa des articles 31, 122 et 145 du code de procédure civile, de :

'à titre principal :

- déclarer l'appel formé par la société SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ;

à titre subsidiaire :

- confirmer l'ordonnance de référé du 13 septembre 2023 en ce qu'elle a débouté la société SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE de sa demande de production de la police d'assurance « tous risques chantier » ;

en tout état de cause :

- rejeter pour le surplus toute autre demande de la société SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE, ou de toute autre partie, formées à l'encontre de la société Covalys ;

- condamner la société SDE Allianz Global Corporate & Speciality SE au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. '

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 novembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Eiffage Energie Systèmes ' Clevia Centre Est demande à la cour de :

'- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la société Eiffage Energie Systèmes ;

- condamner la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality à verser à la société Eiffage Energie Systèmes une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality ou toute autre partie succombant aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître de Carfort, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. '

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de constater que l'appel interjeté par la société Allianz est limité à la seule question de la production de la police d'assurance, les autres dispositions de l'ordonnance querellée n'étant pas contestées.

Sur la demande de communication de pièces formée par la société Allianz

La société Allianz indique que la convention de groupement momentané d'entreprises conjointes (GMEC) conclue entre les sociétés Eiffage Energie Systèmes- Clevia Centre Est, Eiffage Route Nord Est, SADE et EHTP prévoit en son article 9 qu''une police d'assurance Tout Risque Chantier (TRC) est souscrite par le maître de l'ouvrage à ses frais'.

Elle expose que le Cahier des Clauses Administratives (CCA) du contrat de construction- conception conclu entre les sociétés Covalys d'une part, et le GMEC d'autre part confirme la souscription d'une police TRC/ TRME (tous risques chantier- montage- essais- marche industrielle) par la société Covalys.

Elle en déduit qu'il appartient donc à la société Covalys, en qualité de maître d'ouvrage ou à la société Eiffage Energie Systèmes- Clevia Centre Est en tant que mandataire du groupement de produire cette police et de communiquer les coordonnées et l'identité de l'assureur afin que celui-ci puisse participer aux opérations d'expertise, l'expert ayant indiqué y être favorable.

La société Allianz affirme que la société Eiffage Energie Systèmes- Clevia Centre Est a nécessairement reçu une copie de cette police d'assurance en sa qualité de mandataire du groupement et de partie au contrat de construction- conception, en application de l'article 23.4 du CCA.

Elle soutient avoir intérêt à solliciter la communication de cette police, en qualité de partie à la mesure d'instruction, et fait valoir que son motif légitime est caractérisé par la nécessité que les opérations d'expertise soient communes à l'assureur concerné.

La société Covalys conclut à l'irrecevabilité de la demande de la société Allianz au motif que celle-ci ne disposerait d'aucun intérêt à agir, dès lors qu'elle n'est pas partie à la police TRC et n'en bénéficie pas, seuls les intervenants sur le chantier étant bénéficiaires.

Elle soutient que la société Allianz ne peut se prévaloir d'aucune qualité à agir pour le compte de son assurée, la société Brugg tubes, à laquelle elle n'a versé aucune indemnisation.

L'intimée invoque ensuite l'absence de motif légitime de la société Allianz à solliciter la production forcée de la police TRC dès lors que :

- la police TRC ne garantit que les intervenants du chantier de construction,

- cette pièce n'apporterait aucun élément de nature à éclairer l'expert dans sa mission.

La société Eiffage Energie Systèmes- Clevia Centre Est indique qu'il ne saurait lui être enjoint de communiquer sous astreinte une police d'assurance qu'elle n'a pas souscrite.

Elle expose ensuite que la communication de cette pièce n'apparaît pas utile à l'examen des désordres soumis à l'expert.

Sur ce,

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Il résulte de la combinaison des articles 10 du code civil, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il peut être ordonné à des tiers, en référé, de produire tous documents qu'ils détiennent, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et si aucun empêchement légitime ne s'oppose à cette production par le tiers détenteur ( Civ. 2e, 26 mai 2011, n° 10-20.048).

En l'espèce, la société Allianz justifie que, par ordonnance de référé du 13 septembre 2023, rendue au contradictoire de nombreuses sociétés dont les sociétés Covalys, Eiffage et Allianz en qualité d'assureur de la société Brugg Tubes, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ordonné une expertise judiciaire aux fins d'examiner les désordres affectant le réseau de transport de chaleur associé au centre de valorisation énergétique d'Halluin, d'en déterminer les causes, de donner son avis sur les travaux nécessaires pour y mettre un terme et donner au tribunal 'les éléments techniques lui permettant de déterminer les responsabilités et imputabilités des désordres examinés'.

Le cahier des clauses administratives du contrat conclu le 25 mai 2018 entre la société Covalys, maître de l'ouvrage et les sociétés Eiffage Energie Systèmes Clevia, mandataire du groupement conjoint, Eiffage Route Nord Est, SADE CGTH et EHTP, relatif à la conception et la construction d'un réseau de transport de chaleur récupérée au CVE d'[Localité 10] prévoit :

- en son article 23.1 : 'le maître de l'ouvrage souscrira à ses frais pour le compte commun de tous les intervenants au titre du contrat (les parties, leurs sous-traitants et leurs consultants, le délégant) auprès de compagnies notoirement solvables, et maintiendra à ses frais une police Tous Risques Chantier- Montage- Essais- Marche industrielle dont les caractéristiques principales sont décrites à l'annexe 5 (Assurances)'

- en son article 23.4 : 'chaque partie s'engage à communiquer à l'autre les attestations indiquant clairement le principe et l'étendue des garanties relatives aux polices d'assurance souscrites en application du présent article 23.'

La convention de groupement momentané d'entreprises conjointes conclue entre les sociétés Eiffage Energie Systèmes Clevia, Eiffage Route Nord Est, SADE CGTH et EHTP mentionne l'existence de cette assurance souscrite par le maître de l'ouvrage.

La société Allianz démontre que la société Brugg Tubes, dont il n'est pas discuté qu'elle est son assurée, est intervenue comme sous-traitante dans le chantier susmentionné.

L'expert, interrogé par le conseil de la société Allianz, indique dans son courrier du 30 octobre 2023 'sur l'appel en cause de l'assureur TRC, bien qu'il ne s'agisse pas d'une question technique, je vous confirme conformément à l'article 245 du CPC y être par principe favorable même si vous n'êtes pas en mesure de donner son nom.'

La société Covalys justifie que la réception du chantier est intervenue le 22 juin 2021 et indique avoir dénoncé l'apparition de désordres pour la première fois le 30 novembre 2022.

Si l'intimée expose à juste titre que la garantie TRC- TRME n'a pas en principe vocation à s'appliquer postérieurement à la réception du chantier, il ne peut être exclu en l'état de la procédure, et alors que les causes des désordres ne sont pas établies, que cette assurance puisse être mobilisée et l'intervention forcée de cet assureur à l'expertise en cours n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec dès lors qu'il est de l'intérêt commun que l'ensemble des parties concernées par le contrat de construction puissent être présentes lors de la mesure d'instruction.

En conséquence, il convient de dire que la société Allianz, en qualité d'assureur de la société Brugg Tubes, sous-traitante du chantier, dispose d'un motif légitime à solliciter la communication de la police d'assurance TRC souscrite par la société Covalys, préalable indispensable à cette intervention forcée. En raison de la résistance de l'intimée, cette condamnation sera assortie d'une astreinte courant jusqu'à la remise de la police ou la reconnaissance écrite de la société Covalys indiquant qu'elle n'a pas souscrit cette assurance.

L'ordonnance attaquée sera infirmée du chef querellé.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée à l'encontre de la société Eiffage, celle-ci n'étant pas partie au contrat d'assurance et n'ayant vocation à transmettre la police d'assurance qu'en seconde intention, en cas d'impossibilité avérée de l'obtenir par d'autres moyens.

Sur les demandes accessoires

Le recours de la société Allianz ne portant que sur une petite partie de l'ordonnance attaquée, celle-ci sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Covalys ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel avec application au profit de l'avocat qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Allianz la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. La société Covalys sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de débouter la société Eiffage de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans la limite de l'appel par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance querellée mais uniquement en ce qu'elle a débouté la société Allianz Global Corporate & Speciality SE de sa demande de communication de la police TRC,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne à la société Covalys de communiquer à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE :

- une copie de la police TRC / TRME (Tous risques Chantier ' Montage ' Essais ' Marche Industrielle) souscrite pour la réalisation des travaux,

- les coordonnées de l'assureur / des assureurs concernés,

dans un délai de 1 mois , sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai,

Dit que l'astreinte courra pendant une durée de trois mois et prendra fin le cas échéant à la date de la communication par la société Covalys de la police d'assurance ou d'une attestation écrite indiquant qu'elle n'a pas souscrit d'assurance ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Covalys à verser à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Covalys aux dépens d'appel avec application au profit de l'avocat qui l'a demandé des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06640
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.06640 ?
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