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16/05/2024 | FRANCE | N°23/06437

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 16 mai 2024, 23/06437


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/06437 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCQJ



AFFAIRE :



S.A.R.L. SECURICOM





C/

L'ASSOCIATION NATIONALE DE GESTION DU FONDS POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES HANDICAPEES









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Août 2023 par le Président du TJ de NANTER

RE

N° RG : 23/00632



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :



Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES







R...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/06437 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCQJ

AFFAIRE :

S.A.R.L. SECURICOM

C/

L'ASSOCIATION NATIONALE DE GESTION DU FONDS POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES HANDICAPEES

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Août 2023 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 23/00632

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :

Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. SECURICOM

Immatriculée au RCS d'EVRY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 392 01 3 3 63

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 486

Ayant pour avocat plaidant Me Priscillia MIORINI, du barreau de l'Essonne

APPELANTE

****************

L'ASSOCIATION NATIONALE DE GESTION DU FONDS POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES HANDICAPEES

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 349 958 876

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 23078151

Ayant pour avocat plaidant Me Grégory MOUY, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport, en présence de Madame Caroline TABOUROT, conseiller en preaffectation.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

En juin 2018, l'Association Nationale de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (l'AGEFIPH) a conclu avec la SARL Securicom un contrat de marché relatif à différentes prestations de sécurisation de ses locaux pour la période du 18 juin 2018 au 18 juin 2020, avec la possibilité d'une reconduction pour deux ans.

Par courriel du 8 juin 2020 et lettre recommandée du 2 juillet 2020, l'AGEFIPH a indiqué à la société Securicom qu'elle n'entendait pas reconduire le contrat de marché.

Le 7 décembre 2021, elle a indiqué vouloir résilier les contrats de location de matériel de sécurisation pris en exécution du marché.

Le 4 octobre 2022, la société Securicom a mis en demeure l'AGEFIPH de s'acquitter du paiement des prestations qu'elle estimait avoir effectuées.

Par acte de commissaire de justice délivré le 13 janvier 2023, la société Securicom a fait assigner en référé l'AGEFIPH aux fins, dans le dernier état de ses prétentions, d'obtenir principalement :

- sa condamnation au paiement de la somme de 370 564,26 euros à titre de provision à valoir sur le paiement de ses prestations, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2022,

- l'extension de la mission de l'expertise demandée par l'AGEFIPH,

- sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 18 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- débouté la société Securicom de l'ensemble de ses demandes,

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

- ordonné par provision, tous moyens des parties étant réservés, une expertise et commis pour y procéder : M. [U] [M], imprimerie nationale, [Adresse 4], tel : [XXXXXXXX01] email : [U].[M]@expert-de-justice.org, qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- se rendre sur les lieux et procéder à toutes constatations utiles au sein des installations de sécurisation des locaux de l'AGEFIPH,

- dire s'il existe des dysfonctionnements en précisant, le cas échéant, s'ils correspondent aux doléances émises par l'AGEFIPH,

- déterminer l'origine des dysfonctionnements éventuellement constatés en précisant s'ils peuvent être rapportés :

- à des défauts dans la conception ou l'exécution des travaux d'installation ou de maintenance,

- à une mauvaise utilisation de l'installation par les usages,

- à des vices inhérents au matériels,

- décrire les travaux de reprise nécessaires et procéder à l'évaluation de leur coût,

- déterminer la durée prévisible desdits travaux ainsi que les préjudices accessoires qu'ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance,

- évaluer les troubles de jouissance subis du fait des désordres constatés,

- dit que l'expert déposera son rapport en un exemplaire original sur support papier et numérique au format pdf au greffe du tribunal judiciaire de Nanterre, service du contrôle des expertises, extension du palais de justice, [Adresse 6] ([XXXXXXXX02]), dans le délai de 6 mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d'un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties).

- dit qu'en cas d'urgence reconnue par l'expert, la partie la plus diligente pourra nous en référer pour être autorisée à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert, lequel dans ce cas déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance des travaux,

- dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu'à l'issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle. Dans le but de limiter les frais d'expertise, nous invitons les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l'outil opalexe,

- dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction,

- dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelé qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives,

- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents,

- dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile,

- fixé à la somme de 3 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal, 179-191 avenue Joliot Curie, 92020 Nanterre, deuxième étage, bureau 243, dans le délai de 6 semaines à compter de l'ordonnance, sans autre avis et accompagné d'une copie de la décision ; faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

- dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération,

- débouté l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées du surplus de ses demandes,

- laissé à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés.

Par déclaration reçue au greffe le 12 septembre 2023, la société Securicom a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a laissé à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés.

Dans ses dernières conclusions déposées le 11 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Securicom demande à la cour, au visa des articles 1217 et suivants, 1231 et suivants et 1101 et suivants du code civil, de :

'- débouter l'AGEFIPH de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de référés du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 18 août 2023 (RG n°23/00632) en ce qu'elle a :

- débouté la société Securicom de l'ensemble de ses demandes notamment :

- condamner par provision l'AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) à la somme de 392 383,14 euros dont intérêts de droit à compter du 4 octobre 2022, date de la mise en demeure visant l'article 1231-6 du code civil.

- juger que la société Securicom fait des protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise de l'AGEFIPH.

- élargir la mission de l'expert aux chefs suivants :

- surveiller et analyser le démontage des installations pour qu'il ne puisse pas y avoir de contestation ultérieure entre la société Securicom et AGEFIPH.

- assister les parties pour vérifier la reprise du matériel et dès qu'une difficulté surviendra, analyser celle-ci et donner son avis aux parties afin que la désinstallation se passe de la meilleure manière.

- donner son avis si nécessaire sur l'état du matériel (s'il a été endommagé ou mal manipulé).

- faire les comptes entre les parties et expliquer la raison des dysfonctionnements intervenus fin 2022 jusqu'à début 2023.

- condamner par provision l'AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) à la somme de 10 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige.

- ordonné une expertise dont la mission a été limitée à :

- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

- se rendre sur les lieux et procéder à toutes constatations utiles au sein des installations de sécurisation des locaux de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;

- dire s'il existe des dysfonctionnements en précisant, le cas échéant, s'ils correspondent aux doléances émises par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;

- déterminer l'origine des dysfonctionnements éventuellement constatés en précisant s'ils peuvent être rapportés :

- à des défauts dans la conception ou l'exécution des travaux d'installation ou de maintenance ;

- à une mauvaise utilisation de l'installation par les usagers ;

- à des vices inhérents au matériel ;

- décrire les travaux de reprise nécessaires et procéder à l'évaluation de leur coût ;

- déterminer la durée prévisible desdits travaux ainsi que les préjudices accessoires qu'ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;

- évaluer les troubles de jouissance subis du fait des désordres constatés.

- confirmer l'ordonnance pour le surplus,

statuant à nouveau,

- condamner par provision l'AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) à la somme de 392 383,14 euros dont intérêts de droit à compter du 4 octobre 2022, date de la mise en demeure visant l'article 1231-6 du code civil.

- prendre acte que la société Securicom formule les protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise de l'AGEFIPH.

- élargir la mission de l'expert aux chefs suivants :

- surveiller et analyser le démontage des installations pour qu'il ne puisse pas y avoir de contestation ultérieure entre la société Securicom et AGEFIPH.

- assister les parties pour vérifier la reprise du matériel et dès qu'une difficulté surviendra, analyser celle-ci et donner son avis aux parties afin que la désinstallation se passe de la meilleure manière.

- donner son avis si nécessaire sur l'état du matériel (s'il a été endommagé ou mal manipulé).

- faire les comptes entre les parties et expliquer la raison des dysfonctionnements intervenus fin 2022 jusqu'à début 2023.

- condamner par provision l'AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) à la somme de 10 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'association AGEFIPH aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par la selas Avocats Associes Miorini conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, L'Association Nationale de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées demande à la cour, au visa des articles 145, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1119, 1231-1, 1330 et 1363 du code civil, de :

'statuant sur l'appel interjeté par la société Securicom :

- confirmer l'ordonnance susvisée en ce qu'elle a :

- débouté la société Securicom de l'ensemble de ses demandes ;

- ordonné une expertise judiciaire avec la mission détaillée au dispositif de ladite ordonnance ;

statuant sur l'appel incident formé par l'AGEFIPH dans ses conclusions du 2 novembre 2023 :

- infirmer l'ordonnance susvisée en ce qu'elle a débouté l'AGEFIPH du surplus de ses demandes ;

en conséquence :

- condamner la société Securicom à verser à l'AGEFIPH, à titre de provision, la somme de 80 256 euros T.T.C ;

dans tous les cas :

- débouter la société Securicom de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner la société Securicom à verser à l'AGEFIPH une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société Securicom aux entiers dépens de la présente instance dont distraction

au profit de Maître Dan Zerhat, Avocat, en application de l'article 699 du même code.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Securicom relate que dans le cadre d'une relation commerciale suivie depuis plusieurs années avec l'AGEFIPH, elle met à disposition de cette dernière des prestations sécuritaires telles que la protection contre les risques d'agressions et de cambriolage, la protection contre les risques d'incendie, la mise à disposition de caméras de vidéo protection, le contrôle d'accès avec obstacles mécaniques, la télésurveillance et prestation d'intervention ; que dans le prolongement de ces relations contractuelles elle a remporté un marché en juin 2018, duquel a résulté différents engagements entre elles.

Elle soutient que l'AGEFIPH aurait souhaité résilier les conventions les liant, mais qu'elle n'a reçu pour ce faire aucune correspondance conforme aux dispositions contractuelles.

Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance querellée, tant sur l'étendue de la mission de l'expert judiciaire désigné, qu'en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes de condamnations à titre provisionnel.

Sur la demande d'élargissement de la mission confiée à l'expert, elle expose que la mission actuelle ne peut permettre une juste et totale appréciation des difficultés rencontrées par les parties ; que la situation étant extrêmement litigieuse, il est nécessaire que les opérations de démontage et de retrait du matériel installé soient supervisées par l'expert désigné, à défaut de quoi, il est très probable que des contestations ultérieures, de part ou d'autre, viennent à émerger.

Elle attire l'attention de la cour sur le fait que l'AGEFIPH s'est prévalue en première instance de dysfonctionnements du système afin de se soustraire à ses obligations contractuelles ; que les seuls dysfonctionnements pouvant être répertoriés actuellement ne sont dus qu'à des manipulations effectuées sur le système par l'AGEFIPH elle-même ou par des entreprises tierces à l'image de la société Cartaine Technologie ; que l'AGEFIPH a, de son propre chef, procédé à la résiliation des lignes ADSL/GSM, ce qui a mis le contrôle d'accès en sécurité provoquant le blocage des installations.

Elle ajoute que le matériel installé est aujourd'hui manipulé par un tiers et qu'il convient d'éviter toute difficulté ultérieure lors de la récupération du matériel.

Elle demande ainsi d'étendre la mission de l'expert à la surveillance et à l'analyse du démontage du matériel, ainsi qu'à la constatation de l'état du matériel lui-même.

Sur sa demande de condamnation à titre provisionnel de l'AGEFIPH à lui payer la somme de 392 383,14 euros selon décompte arrêté au 4ème trimestre 2022, elle la considère exempte de contestations sérieuses.

Ainsi, elle expose que la procédure de résiliation prévue dans les différents contrats souscrits n'a pas été respectée par l'intimée, laquelle en outre, continue d'utiliser le matériel comme en atteste le procès verbal de constat dressé par Maître [E] [R], de sorte que la résiliation n'est pas davantage matériellement intervenue.

Elle considère qu'au contraire, aux termes d'un courriel du 8 juin 2020, l'AGEFIPH lui a explicitement demandé de maintenir ses prestations jusqu'à la fixation d'une date de fin des prestations qui n'est jamais intervenue, et qu'elle ne peut arguer de dysfonctionnements dont elle est elle-même à l'origine.

S'agissant du fait que les factures dont elle réclame le paiement auraient prétendument fait l'objet d'un affacturage auprès de la BNP Paribas Factor, elle le conteste et soutient que l'intimée ne démontre pas qu'elles auraient été rétrocédées par le factor, comme le montre les anomalies figurant sur le compte AGEFIPH et l'examen des comptes produits aux débats.

Enfin, en réplique à l'appel incident de l'intimée qui demande le remboursement de loyers découlant de l'installation des systèmes de sécurité incendie privatifs, elle objecte qu'elle se fonde sur des rapports non contradictoires établis par la société Veritas, dont au demeurant elle fait une lecture biaisée dans la mesure où ils ne font qu'état d'un éventuel doublon entre le système d'alarme incendie privatif, installé en plus du système d'alarme incendie.

L'AGEFIPH sollicite quant à elle la confirmation de l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a débouté la société Securicom de l'ensemble de ses demandes et ordonné une expertise judiciaire mais son infirmation en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en paiement formée contre l'appelante.

Sur la demande en paiement formulée par la société Securicom, elle avance qu'elle se heurte à de nombreuses contestations dans la mesure où :

- elle a valablement résilié les contrats qui la liait tant à la société Securicom, selon un courriel du 8 juin 2020, confirmé par une lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2020, qu'à la société BNP Paribas Lease selon une lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2021, dont la société Securicom a accusé bonne réception dans sa lettre du 22 juin 2022 ;

- elle conteste devoir les factures émises postérieurement au terme desdits contrats, ce qu'elle n'a pas manqué de rappeler à de multiples reprises à la société Securicom, précisant que l'absence de restitution du matériel ne lui est pas imputable puisque la société BNP Paribas Lease ne lui a jamais adressé la notice contenant la description des modalités de retour du matériel ;

- une partie des factures litigieuses ont été cédées à la société BNP Paribas Factor, qui lui en a réclamé le paiement, et l'appelante ne démontre pas que ces factures lui auraient été rétrocédées par le factor ;

- la société Securicom a procédé à l'installation de matériels de sécurité incendie en violation des dispositions réglementaires en la matière et du CCTP du marché conclu en 2018, comme cela a notamment été mis en exergue par le Bureau Veritas à l'occasion de 2 contrôles de sécurité de l'immeuble abritant la délégation régionale de [Localité 9] ainsi que d'un contrôle du bâtiment abritant la délégation de Montepellier.

Elle s'oppose à la demande d'élargissement de la mission sollicitée par l'appelante arguant de l'absence de motif légitime à cet égard, les parties pouvant se charger elles-mêmes de la surveillance et de l'analyse du démontage des installations, de la vérification de la reprise du matériel, relevant que le matériel est mis à sa disposition depuis de nombreuses années et que le premier juge a exactement retenu que ces demandes étaient sans lien avec les dysfonctionnements dénoncés.

Elle formule un appel incident en demandant la condamnation de la société Securicom au titre du remboursement des sommes perçues en paiement des loyers du matériel de sécurité installé illicitement, soit 80 256 euros représentant le loyer mensuel de 88 euros versé pendant 48 mois pour chacune des 16 délégations régionales.

Elle fait observer que si les constatations du Bureau Veritas n'ont pas été réalisées contradictoirement, elles conservent leur valeur probante dans le cadre d'un débat contradictoire et ajoute que les rapports établis pour le site de [Localité 10] font bien état d'un non-respect par la société Securicom de l'arrêté du 25 juin 1980 tandis que les autres rapports mentionnent l'impossibilité de cumul d'un système de sécurité incendie général de l'immeuble et d'un système de sécurité incendie privatif.

Sur ce,

Sur l'expertise judiciaire :

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Il sera rappelé que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque au soutien de sa demande d'expertise puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais il doit toutefois justifier d'éléments rendant crédibles les griefs allégués, sachant par ailleurs que l'existence du motif légitime s'apprécie à la lumière des éléments de preuve produits mais aussi de l'utilité des mesures d'instruction sollicitées.

Le premier juge, dont la décision n'est pas critiquée sur ce point, a ordonné une mission d'expertise judiciaire confiée à M. [U] [M] afin de dire s'il existe des dysfonctionnements des installations de sécurité mises à la disposition de la société Securicom au sein des locaux de l'AGEFIPH, d'en déterminer l'origine et décrire les travaux de reprise nécessaires, et leur coût.

Il a considéré pour ce faire qu'il ressortait du dossier que les systèmes de sécurisation des accès à certains locaux de l'AGEFIPH étaient affectés d'importants dysfonctionnements dont aucune pièce du dossier ne permettait, contrairement à ce que soutenait la société Securicom, de considérer avec certitude qu'ils seraient consécutifs à une mauvaise utilisation du dispositif par les usagers.

Pour rejeter la demande d'élargissement de la mission formulée par la société Securicom, il a retenu que celle-ci ne justifiait pas d'un motif légitime, l'hypothétique démontage et reprise des installations, et les manipulations, étant sans lien avec les dysfonctionnements dénoncés. Il a également considéré qu'il n'y avait pas lieu de demander à l'expert désigné de faire le compte entre les parties, dès lors qu'il n'avait pas vocation à se prononcer sur le bien fondé des créances revendiquées par la société Securicom.

Or en effet, les parties ne font pas état dans leurs écritures respectives d'opérations de démontage et de retrait du matériel litigieux qui seraient envisagées, étant souligné que la société Securicom ne sollicite pas que la restitution du matériel soit judiciairement ordonnée.

L'appelante n'invoque par ailleurs que des craintes que des difficultés puissent surgir à l'occasion de ces opérations, soit un risque hypothétique qu'il ne peut être demandé à l'expert de prévenir, alors qu'en outre il existe d'autres moyens, comme le recours à un commissaire de justice, afin de constater ces opérations, si elles devaient se dérouler.

De la même manière, la société Securicom ne caractérise pas en quoi l'état actuel du matériel, outre les dysfonctionnements dénoncés, nécessiterait que les opérations expertales s'y intéressent, alors qu'à cet égard également, elle ne fait qu'invoquer une hypothétique difficulté ultérieure susceptible d'apparaître du fait de la manipulation dudit matériel par un tiers.

En outre, l'appelante ne demande que dans le dispositif de ses conclusions que l'expert désigné soit également chargé de faire les comptes entre les parties, sans autre indication sur la nature des comptes qu'il conviendrait d'effectuer, lesquels comptes nécessiteraient en tout état de cause que les dissensions existant entre les parties, en particulier quant à la qualification juridique de leurs relations, soient préalablement réglées.

Enfin, la société Securicom sollicite dans le dispositif de ses conclusions que l'expert soit chargé d' « expliquer la raison des dysfonctionnements intervenus fin 2022 jusqu'à début 2023 », mission d'ores et déjà incluse dans l'expertise initiale qui concerne la détermination des dysfonctionnements existants, sans limitation de temps.

Pour l'ensemble de ces raisons, il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a débouté la société Securicom sur ces demandes de chefs de mission à confier à l'expert judiciaire.

Sur les demandes de provisions :

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Sur la demande de la société Securicom :

A l'appui de sa demande de provision d'un montant de 392 383,14 euros fondée sur des factures émises pour une période postérieure à la résiliation du marché invoquée par l'AGEFIPH, la société Securicom se prévaut de l'absence de résiliation valablement intervenue des contrats de location de matériel, dont les stipulations prévoient des modalités de résiliation spécifiques, selon elle non respectées en l'espèce.

L'AGEFIPH fait valoir de son côté qu'elle n'a notamment pas signé le contrat de location de matériel établi le 16 janvier 2019, de sorte que les conditions générales dudit contrat ne lui sont pas opposables.

Sur les trois autres contrats communiqués par l'appelante, l'AGEFIPH réfute que leur article 6-2, impliquant de respecter un préavis de 9 mois pour leur dénoncation, lui soit applicable, soutenant que leurs relations contractuelles sont régies par les dispositions du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP du marché n°18S0009 DMG), dont l'article 4 dispose que la location était conclue pour une période ferme de 24 mois reconductible une fois pour la même durée « soit une durée maximale de 48 mois ».

Or la société Securicom ne répond pas sur ces arguments, qui soulèvent une question de droit sérieuse et nécessitent d'apprécier les règles applicables à la relation contractuelle des parties, de sorte que force est de constater que la cour, statuant en appel du juge des référés, juge de l'évidence, n'est pas mise en mesure de trancher ces points avec la certitude devant s'imposer en la matière.

Il sera par ailleurs relevé qu'il ne saurait être déduit du fait que les matériels n'ont pas été effectivement restitués à la société Securicom que les contrats auraient été renouvelés et se seraient évidemment poursuivis.

Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la demande de condamnation provisionnelle présentée par la société Securicom devait être rejetée, et l'ordonnance sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de l'AGEFIPH :

L'intimée verse quant à elle à l'appui de sa demande de provision au titre du remboursement des loyers versés pour les installations de systèmes de sécurité incendie privatifs 4 rapports du Bureau Veritas qui laissent tantôt apparaître qu'il existerait un doublon de systèmes de sécurité incendie (pièces intimée n° 55, 56 et 57), tantôt la nécessité de généraliser le système de la société Securicom à tout un bâtiment accueillant d'autres occupants que l'AGEFIPH (pièce intimée n° 61).

Une note sécurité de la société Audissem est également communiquée (pièce intimée n° 58), faisant également état d'une difficulté concernant le fait d'avoir plusieurs alarmes incendie dans un même bâtiment, dont l'appréciation technique est fermement contestée dans un courrier adressé par la société Securicom à l'AGEFIPH du 6 mars 2020 (pièce intimée n° 60).

Outre le fait que l'AGEFIPH sollicite le remboursement des loyers versés pour ses 16 délégations régionales alors que les problèmes relevés concernent tout au plus 4 sites, les éléments de preuve produits par l'intimée, issus de rapports établis non contradictoirement et non corroborés par d'autres éléments, sont insuffisants pour caractériser de manière certaine un manquement de la société Securicom à ses obligations contractuelles.

L'ordonnance querellée sera donc également confirmée en ce qu'elle a rejetée la demande de condamnation provisionnelle de l'AGEFIPH.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, il sera dit qu'elles conserveront par devers elles les dépens d'appel qu'elles ont exposés.

L'équité commande également de les débouter de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance du 18 août 2023 en toutes ses dispositions,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel par elle exposés,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06437
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.06437 ?
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