La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°23/06413

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 16 mai 2024, 23/06413


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 23/06413 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCPB



AFFAIRE :



[G] [D]-[E]



C/

[X] [Y]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Juillet 2023 par le Juge des contentieux de la protection de PUTEAUX

N° RG : 23-000065



Expéditions exécutoires

Expédition

s

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :



Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Patricia ROTKOPF, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILLE VING...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 23/06413 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCPB

AFFAIRE :

[G] [D]-[E]

C/

[X] [Y]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 26 Juillet 2023 par le Juge des contentieux de la protection de PUTEAUX

N° RG : 23-000065

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.05.2024

à :

Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Patricia ROTKOPF, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [D]-[E] :

né le 27 Novembre 1970 à [Localité 6] (MARTINIQUE)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Ayant pour avocat plaidant Me Raphaël ELFASSI, du barreau de Paris

APPELANT

****************

Madame [X] [Y]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Patricia ROTKOPF, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 427 - N° du dossier E0002Q40

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport et en présence de Madame Caroline TABOUROT, conseiller en preaffectation.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par actes sous seing privé en date du 29 juin 2015, Mme [X] [Y] a consenti à M. [G] [D]-[E] un bail d'habitation portant sur un appartement situé [Adresse 3] - ainsi qu'un bail pour un emplacement de parking n° [Adresse 1]- à la même adresse à [Localité 5] (Hauts-de-Seine), moyennant un loyer mensuel de 1 160 euros et une provision sur charges de 100 euros, outre 100 euros pour le loyer du parking.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte en date du 10 octobre 2022, Mme [Y] a fait délivrer à M. [D]-[E] un commandement de payer visant la clause résolutoire, afin d'obtenir le paiement de la somme de 19 495,99 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 6 octobre 2022.

Le commandement de payer est resté infructueux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 22 février 2023, Mme [Y] a fait assigner en référé M. [D]-[E] aux fins d'obtenir principalement la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des loyers, l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, le transport et la séquestration des meubles, la condamnation de M. [D]-[E] au paiement d'une somme provisionnelle de 22 234,49 euros correspondant aux loyers et charges impayés, arrêtés au 17 janvier 2023, la fixation et la condamnation de M. [D]-[E] au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant égal au loyer, et ce jusqu'à libération des lieux.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 26 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux statuant en référé a :

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond,

cependant, dès à présent, vu l'urgence et l'absence de contestation sérieuse,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 10 décembre 2022,

- dit qu'à compter du 11 décembre 2022, M. [D]-[E] s'est trouvé occupant sans droit ni titre des lieux loués situés : un appartement situé [Adresse 3] - ainsi qu'un emplacement de parking n° [Adresse 1]- à la même adresse à [Localité 5],

- ordonné l'expulsion des lieux loués de M. [D]-[E] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- autorisé, le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de M. [D]-[E] en garantie des indemnités mensuelles d'occupation et des réparations locatives, conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé l'indemnité d'occupation due mensuellement à compter du 11 décembre 2022 et jusqu'à la complète libération des lieux, au montant des loyers révisables et des charges qui auraient été dus si le bail avait continué, et condamné M. [D]-[E] à son paiement à Mme [Y],

- condamné M. [D]-[E] au paiement à titre provisionnel à Mme [Y] de la somme de 25 101,74 euros, correspondant aux loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au mois de juin 2023 et ce avec intérêts légaux à compter du commandement de payer sur la somme de 19 495,99 euros et sur le solde à compter de l'assignation,

- condamné M. [D]-[E] au paiement de la somme de 1 500 euros à Mme [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. [D]-[E] aux dépens en ce compris notamment le coût du commandement de payer,

- rappelé que l'ordonnance est assortie de droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 11 septembre 2023, M. [D]-[E] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [D]-[E] demande à la cour, au visa des articles 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, 14, 15, 16, 70 et 567 du code de procédure civile, 6, 24-V de la loi du 6 juillet 1989, 1219,1220, 1343-5, 1347 et 1719 du code civil, de :

'- déclarer recevable et bien fondé l'appel de M. [G] [D]-[E] ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 26 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux sur les chefs critiqués suivants :

« Constatons l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 10 décembre 2022.

Disons qu'à compter du 11 décembre 2022, M. [G] [D] [E] s'est trouvé occupant sans droit ni titre des lieux loués situés : un appartement situé [Adresse 3], ainsi qu'un emplacement parking n°[Adresse 1] - à la même adresse à [Localité 5] ;

Ordonnons l'expulsion des lieux loués de M. [G] [D] [E] et de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants, R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Autorisons le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de M. [G] [D]-[E] en garantie des indemnités mensuelles d'occupation et des réparations locatives, conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixons l'indemnité d'occupation due mensuellement à compter du 11 décembre 2022 et jusqu'à la complète libération des lieux, au montant des loyers révisables et des charges qui auraient été dus si le bail avait continué et condamnons M. [G] [D]-[E] à son paiement à Mme [X] [Y] ;

Condamnons M. [G] [D]-[E] au paiement à titre provisionnel à Mme [X] [Y] de la somme de 25 101,74 euros, correspondant aux loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au mois de juin 2023 et ce avec intérêts légaux à compter du commandement de payer sur la somme de 19 495,99 euros et sur le solde à compter de l'assignation.

Condamnons M. [G] [D]-[E] au paiement de la somme de 1 500 euros à Mme [X] [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons M. [G] [D]-[E] aux dépens en ce compris notamment le coût du commandement de payer ;

rappelons que la présente ordonnance est assortie de droit de l'exécution provisoire. »

statuant à nouveau :

- juger que M. [G] [D]-[E] n'a pas bénéficié d'un droit au procès équitable ;

- juger que M. [G] [D]-[E] a manifesté sa bonne foi ;

- juger que Mme [X] [Y] a manqué à ses obligations légales et contractuelles de bailleur ;

en conséquence

- dire n'y avoir lieu à l'acquisition de la clause résolutoire ;

- condamner Mme [X] [Y] à réaliser les travaux réparatoires nécessaires ou à prendre toute mesure utile et efficace afin d'assurer une solution pérenne aux infiltrations subies dans le coin cuisine, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai d'une semaine après la signification de la décision à intervenir ;

- condamner Mme [X] [Y] à payer à titre de provision à valoir sur des dommages et intérêts à M. [G] [D]-[E] la somme de 300 euros par mois à compter de décembre 2021, jusqu'à parfaite réparation des désordres subis ;

- juger inéquitable la condamnation de M. [G] [D]-[E] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en conséquence prononcer son annulation ;

- juger que les sommes dues par chaque partie feront l'objet d'une compensation ;

- débouter Mme [X] [Y] de ses demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire

- suspendre les effets de l'acquisition de la clause résolutoire ;

- juger qu'il sera sursis à l'expulsion de M. [G] [D]-[E] ;

- juger que M. [G] [D]-[E] bénéficiera des plus larges délais qui ne sauraient être inférieurs à 18 mois afin de règlement total des sommes réclamées par Mme [Y] au titre des loyers et charges et ce à hauteur de 500 euros par mois en sus du loyer courant et le solde le 18ème mois ;

- juger que M. [G] [D]-[E] bénéficiera des plus larges délais afin de quitter les lieux qui ne sauraient être inférieurs à 18 mois.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 novembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Y] demande à la cour de :

'- débouter M. [G] [D]-[E], de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance rendue le 17 février 2023 par le tribunal de proximité de Puteaux dans l'ensemble de ses dispositions ;

et y ajoutant :

- actualiser la dette locative et condamner M. [G] [D]-[E] à payer la somme de 27 838, 24 euros, à titre de provision arrêtée au 19 novembre 2023 et incluant l'échéance d'octobre 2023 ;

- condamner M. [G] [D]-[E] à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [G] [D]-[E] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Patricia Rotkopf, avocat au barreau des Hauts de Seine.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le respect par l'ordonnance dont appel du principe de la contradiction :

M. [D]-[E] soulève tout d'abord la nullité de l'ordonnance attaquée au motif qu'il n'a pas eu le droit à un procès équitable, visant l'article 6§1 de la CEDH et les articles 14,15 et 16 du code de procédure civile.

Il expose que par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2023, il avait sollicité un renvoi de l'audience du 14 juin 2023 en expliquant, pièces à l'appui, qu'il était accaparé par la procédure d'expulsion de l'occupant sans droit ni titre de la maison héritée de son père à [Localité 4] et que l'audience était prévue le 13 juin 2023, de sorte qu'il ne pouvait être présent ; qu'en refusant de faire droit à sa demande de renvoi dûment justifiée, le juge des référés a fait preuve d'une célérité inéquitable à son endroit.

Il ajoute que le premier juge a retenu des arguments du bailleur exposés à l'oral quant aux préjudices qu'il subissait sans qu'il n'ait pu y répondre ; que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, alors qu'il s'agissait d'une première demande de renvoi et qu'en fin de compte, au vu des délais liés à la trêve hivernale, l'octroi d'un renvoi n'aurait pas modifié de manière significative la situation de Mme [Y].

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance querellée.

Mme [Y], bailleresse intimée, sollicite la confirmation de cette ordonnance, notamment en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.

Elle fait valoir que selon une jurisprudence constante, le renvoi n'est pas de droit ; qu'il relève du pouvoir discrétionnaire du juge sans qu'une décision contraire puisse caractériser une atteinte au procès équitable.

Elle ajoute que le locataire s'est limité à adresser une demande au tribunal, sans l'informer ni son conseil.

Sur ce,

En vertu des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3, 14 et 16 du code de procédure civile, la faculté d'accorder ou de refuser le renvoi d'une affaire ne relève du pouvoir discrétionnaire du juge que si les parties ont été mises en mesure d'exercer leur droit à un débat oral et le juge, qui veille au bon déroulement de l'instance doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction et s'assurer que le défendeur a été en mesure d'être entendu.

Or au cas présent, il ressort de la pièce n° 5 versée aux débats par M. [D]-[E] que celui-ci a adressé le 10 mai 2023 une lettre recommandée avec accusé de réception à l'attention du juge des contentieux de la protection du tribunal de Nanterre, lui expliquant en détail sa situation et les raisons de sa demande de report de l'audience fixée au 14 juin 2023, compte tenu de la nécessité pour lui d'être présent lors d'une autre audience, déjà reportée au 13 juin 2023, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de Fort-de-France.

L'ordonnance critiquée fait état de ce qu'à l'audience du 14 juin 2023, Mme [Y] a pu faire valoir ses arguments, assistée de son conseil, puis mentionne le courrier de M. [D]-[E], pour dire que sa demande de renvoi sera rejetée aux motifs qu'il s'agit d'un bailleur privé qui se trouve du fait de la dette locative importante et croissante, dans une situation financière difficile, et que les délais d'audiencement du tribunal ne permettent pas de renvoyer l'affaire avant plusieurs mois.

Ainsi, alors que la demanderesse a fait valoir lors de cette audience des arguments auxquels le défendeur n'a pas été mis en mesure de répliquer, tandis que la demande de renvoi de ce dernier était accompagnée des justificatifs de ses dires, le premier juge, en retenant l'affaire, n'a pas fait respecter le principe de la contradiction en violation des droits de M. [D]-[E] d'être mis en mesure d'être entendu.

Toutefois, la violation par la décision querellée du principe de la contradiction ne peut qu'être sanctionnée par le prononcé de sa nullité, et non par son infirmation.

Cette nullité sera en conséquence prononcée.

Néanmoins, selon une jurisprudence constante, la cour d'appel qui annule une décision, pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, est tenue de statuer sur le fond de l'affaire en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de sorte qu'il revient en tout état de cause à la présente cour de statuer sur le fond du litige.

Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance querellée :

Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance attaquée, M. [D]-[E] invoque tout d'abord sa bonne foi, arguant de la procédure d'expulsion qu'il a initié dans le cadre de l'héritage reçu d'une maison située à [Localité 6] en Martinique, illégalement occupée, qu'il a dû gérer suite au décès de la conjointe de son défunt père.

L'appelant argue ensuite des manquements de la bailleresse à ses obligations contractuelles, eu égard aux dégâts des eaux récurrents dont il a été victime entre décembre 2021 et juin 2022, dont les conséquences perdurent.

Il précise qu'aucun travaux réparatoires n'ont été entrepris et qu'en outre, les canalisations de la cuisine ont dû être condamnées, tandis qu'une forte humidité se dégage des lieux, ainsi qu'en atteste Mme [M] [T], infirmière qui se rend régulièrement chez lui.

Il indique que le salon a été une nouvelle fois inondé en septembre 2023 et que la canalisation du lave-vaisselle a également dû être obstruée.

Il ajoute que ces infiltrations ont entraîné à 2 reprises des effondrements du plafond du hall et qu'il a subi des fuites d'eau dans la cave n° 302 ainsi qu'une prolifération de nuisibles.

Il reproche à Mme [Y] ne n'avoir donné aucune suite à ses réclamations, émises dans un mail du 21 mars 2022 ainsi qu'en réponse au commandement de payer adressée au commissaire de justice le 18 octobre 2022.

Pour ces raisons, il conclut au débouté des demandes de Mme [Y].

Il prétend que la bailleresse ne peut se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat du fait sa mauvaise foi.

Il sollicite par ailleurs la condamnation de Mme [Y] à procéder aux travaux nécessaires ou à prendre toute mesure utile afin d'assurer une solution pérenne aux infiltrations subies dans le coin cuisine, sous astreinte.

Il demande également la réparation du préjudice moral et du trouble de jouissance qu'il a subis du fait du caractère quasiment inhabitable de la cuisine, ainsi que du séjour.

Il invoque à cet égard un rapport de la MAIF attestant des dommages de peinture, au niveau du parquet, des portes du meuble sous-évier et du coffrage plâtre de la gaine technique.

Il rétorque aux moyens adverses qu'il ne s'agit pas de demandes nouvelles et soutient qu'en vertu de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.

Mme [Y] demande la confirmation intégrale de l'ordonnance dont appel, ainsi que l'actualisation de l'arriéré locatif et d'occupation.

Elle conteste toute bonne foi de la part du locataire, rappelant au demeurant que la bonne foi n'est pas de nature à paralyser l'action d'une clause résolutoire.

Elle considère que l'appelant se limite à faire état du décès de la conjointe survivante de son père et de l'existence d'une procédure d'expulsion qu'il a engagée contre le fils de cette dernière, éléments qui ne caractérisent en rien sa bonne foi, et qui démontrent, au contraire, qu'il n'a eu aucune raison valable de cesser de payer son loyer.

Elle soutient que l'étendue de sa mauvaise foi se révèle au regard de sa situation financière très confortable puisqu'il perçoit un salaire d'environ 4 500 euros net par mois.

La bailleresse intimée soutient ensuite que la non-réalisation de certains travaux par le bailleur ne dispense pas le locataire de régler son loyer.

Elle ajoute que l'impayé locatif remonte au mois de novembre 2020, soit bien avant la survenance de la maladie de la conjointe survivante de son père ou des sinistres allégués.

Elle soutient que M. [D]-[E] n'a au cours de leurs échanges jamais fait état de sinistres ou sollicité l'exécution de travaux de remise en état et que l'exception d'inexécution qu'il soulève aujourd'hui n'est qu'un argument fallacieux, excipé pour les besoins de la cause.

Elle précise que le sinistre invoqué par M. [D]-[E] s'est déclaré en juin 2022 dans les parties communes et relève de l'assurance de l'immeuble ; qu'elle n'en a pas été informée avant la présente procédure.

Quant au sinistre intervenu en septembre 2023, elle indique que le locataire ne l'en a pas davantage informée et qu'en outre, il ne verse aux débats aucun éléments pour en justifier.

Elle expose que faute de percevoir des loyers depuis plus de 3 ans maintenant, elle a été contrainte de fournir d'importants efforts d'épargne pour faire face à son crédit immobilier, mais également aux charges du logement, ce qui lui a occasionné des difficultés financières avec des découverts réguliers et des frais de retard, situation d'autant plus insupportable que M. [D]-[E] dispose de revenus confortables, et qu'en définitive, il n'existe aucune contestation sérieuse.

Sur les demandes de travaux formées par l'appelant, elle demande à titre principal à la cour de les déclarer irrecevables car formées pour la première fois en appel.

Si elles étaient jugées recevables, elle conclut à leur caractère mal fondé, répétant qu'elle n'a été déclarée responsable d'aucun des 2 sinistres, lesquels relèvent des assurances.

Sur ce,

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences :

L'article 24 I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction applicable, dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement ; l'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire a été adressé à M. [D]-[E] le 10 octobre 2022 et l'appelant n'allègue, ni ne démontre, la mauvaise foi de la bailleresse à l'occasion de sa délivrance, étant rappelé que l'éventuelle bonne foi du locataire est quant à elle indifférente au jeu de la clause résolutoire.

A titre surabondant il sera relevé qu'il résulte des pièces n° 16 (lettre du 23 août 2022 de l'expert intervenant suite aux dégâts des eaux déclaré par M. [D]-[E]) et 17 (rapport de l'assureur Maif en date du 15 juillet 2022) de l'appelant, que ce sinistre a été géré dans le cadre des assurances respectives des parties ; que si des difficultés demeurent quant aux travaux de remise en état restant à effectuer, elles relèvent d'une prise en charge par les assureurs, tandis que comme le fait valoir Mme [Y], l'appelant ne l'a jamais interpellée clairement pour lui demander d'intervenir dans ce cadre.

Par ailleurs, comme le fait valoir à juste titre l'intimée, M. [D]-[E] ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier des désordres dont il se plaint au niveau de sa cave et de son salon.

Aucune exception d'inexécution ne justifie donc le défaut de paiement de ses loyers par M. [D]-[E], étant en outre rappelé qu'en matière de bail d'habitation, le preneur est tenu de payer le loyer aux termes convenus sans pouvoir se prévaloir de l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien par le bailleur, sauf en cas d'impossibilité totale d'utiliser les locaux, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

Dans ces conditions, et faute par M. [D]-[E] d'avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai imparti, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 10 décembre 2022, de dire qu'à compter du 11 décembre 2022, M. [D]-[E] s'est retrouvé occupant sans droit ni titre des lieux loués, d'ordonner son expulsion et la séquestration du mobilier dans les termes indiqués au dispositif du présent arrêt, de fixer l'indemnité d'occupation due mensuellement à compter du 11 décembre 2022 et jusqu'à la complète libération des lieux, au montant des loyers révisables et des charges qui auraient été dues si le bail s'était poursuivi et de condamner M. [D]-[E] à son paiement au profit de Mme [Y].

Par ailleurs, il ressort du décompte locatif arrêté au 19 novembre 2023 versé aux débats par la bailleresse, non contesté et non contestable, qu'à cette date, M. [D]-[E] était redevable de la somme de 27 838,24 euros, terme d'octobre 2023 inclus, de sorte que l'appelant sera condamné à payer cette somme à Mme [Y] à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif et d'occupation, et ce avec intérêts légaux à compter du commandement de payer sur la somme de 19 495,99 euros, sur la différence avec la somme de 25 101,74 euros à compter de l'assignation introductive d'instance et à compter du présent arrêt pour le solde.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [D]-[E] :

L'article 564 du code de procédure civile dispose que 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

L'article 567 du même code prévoit quant à lui que 'les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel'.

Lorsqu'une partie n'a pas comparu en première instance, la recevabilité des demandes qu'elle forme pour la première fois en appel doit être justifiée au regard des dispositions des article 564 et 567 du code de procédure civile (Civ 2è, 20 mai 2021, 20.14.339).

En l'espèce, il est constant que M. [D]-[E] n'a pas comparu devant le premier juge et n'a donc formé aucune demande.

Il convient cependant de dire que ses demandes en appel doivent être qualifiées de reconventionnelles. Dès lors qu'elles se rattachent aux prétentions originaires de la bailleresse par un lien suffisant puisqu'elles concernent l'exécution du même contrat de bail, il y a lieu de les déclarer recevables.

Toutefois, il a été ci-dessus examiné que l'appelant ne justifiait pas que les sinistres dont il se plaint seraient de la responsabilité de Mme [Y], de sorte qu'il ne saurait lui être fait d'injonction de faire à ce titre de même qu'elle ne saurait être condamnée au paiement de dommages et intérêts les concernant.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de M. [D]-[E].

Sur les demandes de sursis à expulsion et de délais de paiement formées par l'appelant :

Dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à sa demande d'infirmation de l'ordonnance entreprise, M. [D]-[E] sollicite la suspension de l'acquisition de la clause résolutoire, le sursis à l'expulsion et des délais de paiement.

A l'appui de ces demandes, il argue en substance de sa bonne foi et des conséquences excessives qu'engendreraient pour lui une expulsion.

Il précise être expert-rémunération à la Société Générale, percevoir un revenu annuel brut de 69 360 euros et avoir repris le paiement des loyers courants, en réglant un surplus en vu de résorber la créance réclamée.

Mme [Y] s'oppose à ces demandes, arguant de la situation confortable de l'appelant et du montant de la dette.

Sur ce,

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

L'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable, dispose que le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

En l'espèce, la dette locative et d'occupation de M. [D]-[E] a augmenté depuis l'introduction de la présente action. Par ailleurs, autrement que par des considérations sur son histoire personnelle, il ne justifie pas pourquoi il n'a pas été économiquement en mesure de payer le loyer et les charges dus à leurs termes.

Dans ces conditions, sa demande de délais de paiement et de suspension corrélative des effets de l'acquisition de la clause résolutoire seront rejetées.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, M. [D]-[E] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à Mme [Y] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelant sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Annule l'ordonnance du 26 juillet 2023,

Statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 10 décembre 2022,

Dit qu'à compter du 11 décembre 2022, M. [D]-[E] s'est trouvé occupant sans droit ni titre des lieux loués situés : un appartement situé [Adresse 3] - ainsi qu'un emplacement de parking n° [Adresse 1]- à la même adresse à [Localité 5],

Ordonne l'expulsion des lieux loués de M. [D]-[E] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Autorise, le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de M. [D]-[E] en garantie des indemnités mensuelles d'occupation et des réparations locatives, conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Fixe l'indemnité d'occupation due mensuellement à compter du 11 décembre 2022 et jusqu'à la complète libération des lieux, au montant des loyers révisables et des charges qui auraient été dus si le bail avait continué, et condamné M. [D]-[E] à son paiement à Mme [Y],

Condamne M. [D]-[E] au paiement à titre provisionnel à Mme [Y] de la somme de 27 838,24 euros, correspondant aux loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au mois d'octobre 2023 et ce avec intérêts légaux à compter du commandement de payer sur la somme de 19 495,99 euros, sur la différence avec la somme de 25 101,74 euros à compter de l'assignation introduite d'instance et à compter du présent arrêt pour le solde,

Déclare recevables les demandes reconventionnelles de M. [D]-[E],

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de M. [D]-[E],

Rejette les demandes de M. [D]-[E] de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

Dit que M. [D]-[E] supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [D]-[E] à verser à Mme [Y] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06413
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.06413 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award