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16/05/2024 | FRANCE | N°22/03181

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 16 mai 2024, 22/03181


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 22/03181

N° Portalis DBV3-V-B7G-VPF6



AFFAIRE :



[Z] [K] épouse [U]





C/

S.A.S. DIRECTSKILLS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de POISSY

N° Section : E

N° RG : 20/00224





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL Isabelle GRELIN Société d'Avocat



Me Muriel KRAMER-ADLER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/03181

N° Portalis DBV3-V-B7G-VPF6

AFFAIRE :

[Z] [K] épouse [U]

C/

S.A.S. DIRECTSKILLS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de POISSY

N° Section : E

N° RG : 20/00224

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL Isabelle GRELIN Société d'Avocat

Me Muriel KRAMER-ADLER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [K] épouse [U]

née le 12 Août 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle GRELIN de la SELEURL Isabelle GRELIN Société d'Avocat, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0178

APPELANTE

****************

S.A.S. DIRECTSKILLS

N° SIRET : 431 822 311

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Muriel KRAMER-ADLER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0267, substituée par Me GRIMAULT Fabrice, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [K] épouse [U] a été engagée par la société Directskills suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 2020 en qualité de directrice des ressources humaines, position 3.3, coefficient 270, avec le statut de cadre.

Le contrat de travail comprenait une période d'essai d'une durée de quatre mois, non renouvelable.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.

Par lettre du 27 mai 2020, la société Directskills a informé la salariée de la rupture de sa période d'essai à la date du 15 juin 2020.

L'entreprise employait au moment de la rupture au moins onze salariés.

Contestant la rupture de sa période d'essai le 16 septembre 2020, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy afin d'obtenir la condamnation de la société Directskills au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 20 septembre 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que la rupture de la période d'essai ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [K] à verser à la S.A Directskills, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [K] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

Le 20 octobre 2022, Mme [K] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, Mme [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Directskills de sa demande de paiement d'une amende pour procédure abusive,

- infirmer le jugement pour le surplus et notamment en ce qu'il a dit que la rupture de la période d'essai ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamnée à verser à la société Directskills la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels,

- statuant à nouveau:

- fixer la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [K] à la somme de 8 854,16 euros,

- juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, à titre principal condamner la société Directskills à lui verser à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 8 854,16 euros,

- à titre subsidiaire, condamner la société Directskills à lui verser à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière la somme de 8 854,16 euros,

- en tout état de cause, condamner la société Directskills à lui verser à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 26 562,48 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de congés payés sur préavis la somme de

2 656,25 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de rappel de salaire au titre du travail pendant la période d'activité partielle la somme de 4 027,86 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de congés payés afférents la somme de 402,79 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable la somme de 13 281,25 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de congés payés sur rémunération variable la somme de 1 328,13 euros,

- condamner, la société Directskills à lui verser, à titre d'indemnité pour travail dissimulé, la somme de 53 124,96 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser au titre des tickets-restaurants la somme de

486,00 euros,

- condamner la société Directskills à lui verser à titre de rappel d'indemnité compensatrice de RTT la somme de 1 466,38 euros,

- débouter la société Directskills de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Poissy, soit le 16 septembre 2020,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- ordonner à la société Directskills de procéder à la rectification des documents de fin de contrat conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours suivants la notification de la décision,

- condamner la société Directskills à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Directskills aux dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 avril 2023, la société Directskills demande à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- débouté Mme [K] de l'intégralité de ses demandes et constaté que la rupture s'analyse en

une rupture de la période d'essai, intervenue avant son expiration et dans les délais légaux, par lettre remise en main propre et recommandée AR du 27 mai 2020 dans les termes particulièrement motivés, inhérents à la personne du salarié, permettant le contrôle du juge,

- jugé que Mme [K] a déclaré elle-même ses périodes de travail effectifs, ainsi 12 jours de

suspension de son contrat reportant d'autant le terme de sa période d'essai effective,

- jugé que la période d'essai n'était pas expirée au jour de sa rupture du fait des 12 jours de suspension du contrat durant l'activité partielle,

- débouté Mme [K] de toutes prétentions de dissimulation intentionnelle de travail imputable

à Directskills,

- jugé irrecevable et infondée Mme [K] en toutes ses demandes, fins et conclusions.

Et en conséquence, Directskills sollicite de la Cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Poissy en ce qu'il a :

- débouté Mme [K] de l'intégralité de ses demandes de paiement de salaires, d'indemnité de congés payés y afférant, d'indemnité pour travail dissimulé,

- déclaré irrecevable Mme [K] ' qui disposait de 4 mois d'ancienneté 'à se prévaloir de l'article L.1235-3 du code du travail et solliciter des demandes de dommages-intérêts pour rupture

abusive de contrat,

- déclaré irrecevable Mme [K] à se prévaloir d'un quelconque préjudice subi pour un prétendu manquement par la société,

- débouté Mme [K] de ses demandes d'indemnités compensatrices de préavis, de congés payés y afférents, comme de sa demande d'indemnité sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [K] de ses demandes de remise d'attestation Pôle Emploi, de certificat de

travail, et de bulletin de salaires, rectifiés,

- condamné Mme [K] au paiement de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Directskills sollicite de la cour d'infirmer le jugement pour le surplus et en conséquence :

- déclarer Directskills recevable en son appel incident ;

Y faisant droit,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses moyens, demandes et prétentions en cause d'appel,

- débouter Mme [K] de sa demande de dire que la période d'essai ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [K] de fixer sa rémunération mensuelle brute moyenne à la somme de

8 854,16 euros

- débouter en toutes hypothèses Mme [K] de ses demandes de lui verser les sommes

suivantes et la juger infondée :

- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 8 854,16 euros, A titre subsidiaire,

- à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière la somme de 8 854,16 euros,

- à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 26 562,48 euros,

- à titre de congés payés sur préavis la somme de 2 656,25 euros,

- à titre de rappel de salaire au titre du travail pendant la période d'activité partielle la somme de 4 027,86 euros,

- à titre de congés payés afférents la somme de 402,79 euros,

- à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération variable la somme de 13 281,25 euros, - à titre de congés payés sur rémunération variable la somme de 1 328,13 euros,

- à titre d'indemnité pour travail dissimulé, la somme de 53 124,96 euros,

- au titre des tickets- restaurants la somme de 486,00 euros,

- à titre de rappel d'indemnité compensatrice de RTT la somme de 1 466,38 euros,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Poissy, soit le 16 septembre 2020,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- ordonner à Directskills de procéder à la rectification des documents de fin de contrat conformément « au jugement » à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours suivants la notification de la décision,

- 7 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens.

Et statuant à nouveau :

- fixer la moyenne des rémunérations de Mme [K] à 6 076,37 euros bruts mensuels,

- juger qu'en toutes hypothèses la rupture de la période d'essai est intervenue le 27 mai 2020 pour des motifs inhérents à la personne de la salariée, largement corroborés par les pièces versées aux débats,

- juger que le délai de prévenance exécuté partiellement ne peut avoir pour effet de remettre en cause les motifs de la rupture de la période d'essai,

- condamner Mme [K] au paiement d'une amende civile pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure pénale,

- condamner Mme [K] à lui régler la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'ajoutant aux 1 000 euros de condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes,

- condamner Mme [K] à supporter les entiers dépens,

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 27 février 2024.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 février 2024, Mme [K] demande à la cour de :

- écarter des débats les conclusions récapitulatives et en réplique d'intimée, de confirmation partielle et d'appel d'incident et la pièce n°65 de la société Directskills notifiés le 26 février 2024.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions de l'appelante

En application de l'article 802 du code de procédure civile, les conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture par lesquelles une partie demande le rejet des débats des conclusions ou productions de dernière heure de l'adversaire sont recevables.

En l'espèce, les conclusions signifiées le 29 février 2024 par Mme [K] après l'ordonnance de clôture intervenue le 27 février 2024, tendent à voir écarter les conclusions et pièces communiquées selon elle tardivement par la société Direcskills. Elles doivent, par conséquent, être déclarées recevables.

Sur la demande de voir écarter les conclusions et pièces de l'intimée

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, 'les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.'

En l'espèce, la société Directskills a signifié le 26 février 2024 des conclusions de 74 pages en réplique aux conclusions signifiées le 6 octobre 2023 par Mme [K], outre une pièce complémentaire numérotée 65, soit la veille de la clôture fixée le 27 février 2024 par calendrier communiqué aux parties le 17 octobre 2023.

Or, les conclusions de la société Directskills ont été etoffées de manière significative par rapport aux conclusions précédentes qui comprenaient 59 pages. En outre, la pièce numérotée 65 n'a pas pu être débattue contradictoirement. Il s'en déduit que les conclusions signifiées le 26 février 2024 et la pièce numérotée 65 n'ont pas été communiquées en temps utile par la société Directskills. Il convient donc d'écarter des débats les conclusions et la pièce n°65 de la société Directskills signifiées le 26 février 2024, en l'absence de communication en temps utile alors que la société intimée a bénéficié de plusieurs mois pour préparer sa réplique aux conclusions de l'appelante.

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

La salariée fait valoir qu'elle a travaillé de manière continue pendant les périodes d'activité partielle empêchant toute prorogation de sa période d'essai. Elle indique également, qu'en tout état de cause, elle a travaillé après la fin de sa période d'essai même en comptant les jours d'activité partielle travaillés. Elle ajoute, enfin, que la rupture de la période d'essai est intervenue pour un motif économique, étranger à toute compétence professionnelle.

L'employeur expose que la durée de la période d'essai a été prolongée des jours de suspension de travail effectif, soit durant 12 jours, pendant lesquels la salariée s'est elle-même placée en activité partielle du fait de la crise sanitaire ou a pris des jours d'absence, que contrairement aux affirmations de la salariée, la période d'essai devait expirer le 18 juin 2020 à minuit. Il fait valoir que la rupture est intervenue le 27 mai 2020 avant le terme de la période d'essai et que postérieurement la salariée se trouvait en exécution du délai de prévenance. Il soutient que la rupture de la période d'essai est légitime et non abusive, et qu'elle est liée à des motifs inhérents à la personne de la salariée.

La période d'essai commence le jour même de la conclusion du contrat de travail et se termine le dernier jour à minuit.

La période d'essai ayant pour but de permettre l'appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d'absence du salarié, notamment en cas de prise de jours de congés payés.

En cas de rupture pendant la période d'essai, le contrat prend fin au terme du délai de prévenance s'il est exécuté et au plus tard à l'expiration de la période d'essai ; la poursuite de la relation de travail au-delà du terme de l'essai donne naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement.

En l'espèce, la salariée ayant été embauchée à compter du 3 février 2020, sa période d'essai de quatre mois devait prendre fin le 2 juin 2020. Elle prévoyait un délai de prévenance d'un mois au-delà de 3 mois de présence dans l'entreprise.

L'employeur fait valoir que la salariée a été placée en activité partielle totale sur les périodes suivantes où elle a été absente selon lui pendant 12 jours: 24, 25, 26, 27 et 31 mars, 8, 13, 15, 22 et 29 avril, 8, 21 mai 2020.

La salariée conteste la réalité de ce chômage partiel, faisant valoir qu'elle a travaillé de façon continue et produit les rapports d'activité qu'elle a renseignés aux dates des 24, 25, 26, 27 et 31 mars 2020, montrant qu'elle a effectué de nombreuses taches correspondant aux missions qui lui étaient confiées. Elle justifie avoir également dû reprendre la gestion de la paie, ce qui est confirmé par un courriel de son supérieur hiérarchique M. [P] du 2 avril 2020.

Il s'en déduit que la salariée, qui était nouvellement embauchée, et n'était pas décisionnaire de l'activité des salariés de la société pendant la période de pandémie liée à la covid-19 n'a pas été absente pendant les périodes déclarées comme étant du chômage partiel, puisqu'elle était en réalité en activité pendant les jours de chômage partiel déclarés. Ainsi, la période d'essai de la salariée n'a pas été prolongée des jours déclarés de chômage partiel.

La rupture de la période d'essai est intervenue le 27 mai 2020 soit, par conséquent, avant le terme de la période d'essai le 2 juin 2020.

Cependant, l'employeur a exigé de la salariée qu'elle travaille jusqu'au 15 juin 2020, soit au-delà du terme de la période d'essai, faisant état de façon injustifiée de 12 jours d'absence pour chômage partiel.

La poursuite de la relation de travail au-delà du terme de l'essai a donné naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne pouvait être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement.

Par conséquent, il convient de requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement. dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Il sera retenu le salaire de référence de la salariée, calculé sur sa rémunération mensuelle brute de base contractuelle, outre, le prorata de sa rémunération variable qui lui est due, comme démontré ci-après, soit un montant de 8 854,16 euros brut mensuel.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, la salariée justifiant de moins d'un an d'ancienneté a droit à une indemnité maximale d'un mois de salaire brut.

La salariée était âgée de 48 ans au moment de la rupture. Elle ne justifie pas de son activité professionnelle postérieure.

Il lui sera alloué une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article 15 de la convention collective applicable, en vigueur, la salariée, cadre, a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois qu'il convient de fixer à la somme de 26 562,48 euros, outre 2 656,25 euros au titre des congés payés afférents.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] sur ces points et la société Directskills sera condamnée à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

26 562,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 656,25 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire au titre du travail pendant la période d'activité partielle

Au vu des développements qui précèdent et des éléments portés à l'appréciation de la cour, la salariée ayant justifié avoir travaillé pendant la période de chômage partiel déclarée, l'employeur doit être condamné à lui payer le rappel de salaire correspondant aux heures prétendument chômées ayant fait l'objet d'une déduction sur ses bulletins de paie :

en mars 2020 à hauteur de 1 546,96 euros,

en avril 2020 à hauteur de 1 349,21 euros,

en mai 2020 à hauteur de 1 131,69 euros,

soit un montant total de 4 027,86 euros, outre 402,79 euros au titre des congés payés afférents.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demande à ce titre et la société Directskills sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 4 027,86 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mars à mai 2020, outre 402,79 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la rémunération variable

La salariée sollicite la somme de 13 281,25 euros à titre de rémunération variable contractuellement convenue, outre 1 328,13 euros au titre des congés payés afférents. Elle indique qu'aucun objectif ne lui a été fixé de sorte que sa rémunération variable lui est due prorata temporis sur 7,5 mois de présence, incluant les 3 mois de préavis.

L'employeur fait valoir qu'il a été expressément convenu entre les parties que les objectifs seraient définis avant l'expiration de la période d'essai à l'issue d'un audit de la salariée dans le mois de son embauche mais que la salariée n'a pas réalisé cet audit, le budget et le plan d'action associé. Il ajoute avoir mis un terme à la période d'essai, considérant que les missions essentielles de la salariée n'étaient pas accomplies et qu'aucune somme n'est due, la salariée n'ayant pas satisfait un seuil minimum de résultats qualitatifs et quantitatifs. Par ailleurs, il soutient que la prime de motivation a un caractère aléatoire et discrétionnaire et n'est pas due, la salariés ayant failli à ses obligations essentielles.

La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait manqué à son obligation contractuelle d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a, sans méconnaître son office, décidé à bon droit que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice.

Lorsque l'employeur manque à son obligation contractuelle d'engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération, la rémunération variable contractuellement prévue doit être versée intégralement pour chaque exercice.

En cas de part variable de rémunération dépendant de la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, cette rémunération doit être payée intégralement.

Le contrat de travail de la salariée comprend comme rémunération une partie fixe arrêtée forfaitairement à la somme de 85 000 euros bruts annuels outre une partie variable d'un montant global de 21 250 euros bruts décomposée comme suit :

1) un complément de salaire de 11 340 euros bruts annuels constituant une prime variable dépendant de l'activité annuelle personnelle du salarié, évaluée en fonction de l'atteinte par lui du seuil minimum de résultats qualitatifs et quantitatifs définis chaque année dans son plan d'objectifs personnels, 'il est expressément convenu que ces objectifs seront définis pour la première année contradictoirement avant l'expiration de la période d'essai en considération de l'audit que le salarié s'engage à établir dans les six semaines de l'embauche et du plan d'action associé, qui lui revient de définir et de soumettre préalablement à la validation du directeur général',

2) une prime variable pouvant atteindre 4 860 euros bruts supplémentaires dès lors que le salarié aura dépassé le seuil minimum de ses objectifs personnels annuels définie en fonctions des mêmes objectifs que ceux définis au point 1),

3) un complément de salaire pouvant atteindre 4 050 euros bruts annuels, incluant toutes primes ou gratifications prévues par la convention collective Syntec, constituant une prime variable sur objectifs 'Entreprise' définis chaque année,

4) une prime de motivation annuelle à caractère aléatoire et discrétionnaire d'un montant de 1 000 euros bruts annuels, versée par moitié, au cours de la période située entre les mois de mai et d'octobre de chaque année.

Sur les rémunérations variables 1) et 2), il est prévu que les objectifs sont fixés par accord entre les parties, pour la première année avant l'expiration de la période d'essai, à partir d'un audit réalisé dans les six semaines de son embauche par la salariée et non pas dans le mois comme invoqué par l'employeur.

L'employeur indique que ce travail initial d'audit n'a pas été réalisé, que la salariée n'a pas fait apparaître d'objectif, de budget, de plan d'action de gestion des ressources humaines, ni de notion qualitative, ni aucune stratégie pouvant conduire les parties à s'accorder sur les résultats à satisfaire pour l'obtention de la prime sur objectifs quantitatifs et qualitatifs.

La salariée fait valoir qu'elle a remis un audit à son supérieur hiérarchique avec un plan de communication internet et une stratégie des ressources humaines. Elle produit un document intitulé 'audit et stratégie RH 2020" comprenant une analyse des forces, opportunités et menaces, le soutien à la production, la marque employeur et un plan de communication interne et le pilotage budgétaire. Elle verse également aux débats des courriels du 11 mars 2020 à son supérieur hiérarchique M. [P] relatif au budget de la masse salariale hors charges et provisions et du 12 mars 2020 relatif à la stratégie des ressources humaines et la communication interne, ainsi qu'une réponse de M. [P] du 11 mars 2020 'Excellent tableau. Clair. J'ai compris. Il y a quelques arbitrages à réaliser [...]'.

Il s'en déduit que la salariée a rempli ce travail initial d'audit, son supérieur ayant qualifié la partie relative au budget de la masse salariale, d'excellente.

Par conséquent, il convient de constater que l'employeur a manqué à son obligation contractuelle d'engager une concertation avec la salariée en vue de fixer les objectifs dont dépendait la part variable de la rémunération. Il s'en déduit que la rémunération variable contractuellement prévue doit être versée intégralement prorata temporis.

Sur la rémunération variable 3), le contrat de travail prévoit qu'elle est fixée unilatéralement par l'employeur chaque année.

L'employeur n'ayant pas fixé d'objectif pour l'exercice, il y a lieu de dire que la rémunération variable est due pour le montant total contractuel prorata temporis.

Sur la prime 4), le contrat de travail indique expressément qu'elle est aléatoire et discrétionnaire. Par conséquent, aucune prime n'est due à ce titre, l'employeur considérant que la salariée n'avait pas rempli ses obligations essentielles.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Directskills doit être condamnée à payer à Mme [K] la somme totale de 12 656,25 euros au titre de sa rémunération variable, outre

1 265,62 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes à ce titre.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, la salariée ne démontre pas le caractère intentionnel du travail dissimulé, le seul fait que les bulletins de paie mentionnent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli étant insuffisant à établir cet élément intentionnel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur les tickets restaurant

La salariée sollicite la somme de 486 euros au titre des tickets restaurant dont elle aurait dû bénéficier pendant les jours de prétendue activité partielle où elle a travaillé en continu, entre le 1er et le 15 juin 2020 puis au titre des trois mois de préavis.

L'employeur conclut au rejet de la demande, faisant valoir que la salariée a elle-même établi les éléments communiqués au cabinet de paie afin d'établissement des bulletins de paie.

En l'espèce, il convient de condamner la société Directskills à payer à Mme [K] la somme de 486 euros au titre des tickets restaurant dont elle aurait dû bénéficier pendant les jours d'activité partielle déclarés où elle a travaillé ainsi que pendant les trois mois de préavis, l'employeur ne démontrant pas s'être acquitté des sommes dues. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de RTT

La salariée sollicite la somme de 1 466,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de RTT, au titre du solde dû entre le 2 février et le 15 juin 2020 ainsi qu'au titre des trois mois de préavis.

L'employeur conclut au débouté de la demande.

En l'espèce, il convient de condamner la société Directskills à payer à Mme [K] la somme de 1 466,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de RTT dont elle aurait dû bénéficier pendant les jours d'activité partielle déclarés où elle a travaillé ainsi que pendant les trois mois de préavis, l'employeur ne démontrant pas s'être acquitté des sommes dues. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La présente procédure étant largement fondée, elle n'est a fortiori pas abusive. La société Directskills sera donc déboutée de sa demande d'amende civile sur ce fondement, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur cette prétention.

Sur les documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie) par la société Directskills à Mme [K] conformes à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Directskills succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à Mme [K] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Directskills.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevables les conclusions signifiées le 29 février 2024 par Mme [Z] [K],

Ecarte des débats les conclusions et la pièce n°65 de la société Directskills signifiées le 26 février 2024,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [Z] [K] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [Z] [K] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Directskills à payer à Mme [Z] [K] les sommes suivantes :

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

26 562,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 656,25 euros au titre des congés payés afférents.

4 027,86 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mars à mai 2020,

402,79 euros au titre des congés payés afférents,

12 656,25 euros au titre de sa rémunération variable,

1 265,62 euros au titre des congés payés afférents,

486 euros au titre des tickets restaurant ,

1 466,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de RTT,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie) par la société Directskills à Mme [Z] [K] conformes à la présente décision,

Déboute Mme [Z] [K] de sa demande d'astreinte,

Déboute la société Directskills de sa demande d'amende civile pour procédure abusive,

Condamne la société Directskills aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Directskills à payer à Mme [Z] [K] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Directskills,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/03181
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.03181 ?
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