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16/05/2024 | FRANCE | N°22/03063

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 16 mai 2024, 22/03063


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 22/03063

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOSO



AFFAIRE :



S.A. GRIFFINE ENDUCTION



C/



[S] [C]





...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section : E

N° RG

: 21/00362



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL SOLUCIAL AVOCATS



Me Vincent LECOURT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/03063

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOSO

AFFAIRE :

S.A. GRIFFINE ENDUCTION

C/

[S] [C]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section : E

N° RG : 21/00362

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL SOLUCIAL AVOCATS

Me Vincent LECOURT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.E.L.A.R.L. [U], prise en la personne de Me [F] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire de la S.A GRIFFINE ENDUCTION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Caroline BARBE de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0244 - Substitué par Me Olivia BULCKE, avocat au barreau de LILLE

APPELANT

****************

Monsieur [S] [C]

né le 25 Mars 1964 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Vincent LECOURT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 218

AGS CGEA [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Non représentée

INTIMES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [S] [C] a été engagé par la société Griffine enduction à compter du 1er juillet 1988 en qualité de chimiste 1er degré, agent de maîtrise. En dernier lieu il occupait le poste de chef des ventes France, statut cadre.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

Après consultation du comité social et économique sur un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant huit salariés, la société Griffine enduction a, par lettre du 1er septembre 2020, convoqué M. [C] à un entretien préalable à licenciement pour motif économique, qui s'est tenu le 10 septembre 2020.

La relation contractuelle a pris fin le 1er octobre 2020 dans le cadre de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle le 24 septembre 2020.

Par requête reçue au greffe le 25 juin 2021, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de contester son licenciement et d'obtenir la condamnation de la société Griffine enduction au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 22 septembre 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la Sasu Griffine enduction à verser à M. [C] les sommes nettes suivantes :

* 62 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice économique lié à la violation des critères d'ordre de licenciement,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les condamnations prononcées emportent les intérêts au taux légal à compter du présent jugement en ce qu'elles concernent des créances indemnitaires,

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- débouté la Sasu Griffine enduction de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement selon les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [C] étant fixée à 6 282, 10 euros bruts,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la Sasu Griffine enduction.

Le 10 octobre 2022, la société Griffine enduction a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 13 mars 2023, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Griffine enduction et désigné en qualité d'administrateur judiciaire la SELARL FHB, mission conduite par Me [N] [D] et Me [J] [T], et en tant que mandataire judiciaire, la SELARL [U], mission conduite par Me [F] [G] [U].

Le 8 juin 2023, ce même tribunal a :

- prononcé la liquidation judiciaire de la société, a désigné la SELARL [U], mission conduite par Me [F] [G] [U], en qualité de mandataire liquidateur, et maintenu l'administrateur judiciaire, mission conduite par Me [N] [D] et Me [J] [T], avec les pouvoirs à la mise en oeuvre de la cession, le licenciement des salariés non repris et la signature des actes de cession ;

- arrêté le plan de cession au profit de la société Le Gato avec faculté de substitution.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 28 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, l'appelant demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [C] les sommes suivantes :

* 62 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice économique lié à la violation des critères d'ordre de licenciement,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*assorti ces sommes des intérêts au taux légal à compter du jugement,

*l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*mis les dépens à leur charge,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de ses autres fins et demandes,

statuant à nouveau,

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [C] aux entiers frais et dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Griffine enduction a violé les critères d'ordre de licenciement,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à l'indemnisation de ses préjudices économiques et moraux liés à la violation des critères d'ordre du licenciement, à l'indemnisation du manquement lié à la violation de l'obligation de reclassement et de formation et en ce qu'elle a fixé à 1 200 euros le montant de la somme allouée au titre de l'article 700 devant le conseil,

statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner la société Griffine enduction à lui verser :

* 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique lié à la violation des critères d'ordre de licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié à la violation des critères d'ordre de licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral du fait de la violation de l'obligation de reclassement,

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de l'obligation de formation,

- condamner la société Griffine enduction aux dépens et à lui verser la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2 400 euros devant la cour ;

- fixer sa créance au passif de la société Griffine enduction, compte tenu de sa liquidation judiciaire,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS dans la limite de ses garanties.

Par acte de commissaire de justice du 30 octobre 2023, le salarié a fait assigner en intervention forcée l'association AGS CGEA de [Localité 7], l'acte ayant été remis à une personne habilitée.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements

Il résulte de l'article L. 1233-5 du code du travail que :

'Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article...'

Ces critères d'ordre des licenciements doivent être appliqués par catégorie professionnelle. Appartiennent à une même catégorie professionnelle, les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune avec une permutabilité entre eux.

En l'absence d'accord collectif, l'employeur, qui doit prendre en compte les critères légaux, peut en privilégier certains, ou les pondérer, à condition de s'appuyer sur des éléments objectifs et vérifiables.

Lorsque le salarié conteste l'application des critères d'ordre des licenciements pour motif économique, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs et pertinents sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.

Si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.

L'inobservation de l'ordre des licenciements constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, sans application du barème Macron, et qui doit être intégralement réparé selon son étendue. Cette indemnisation ne se cumule pas avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'existence d'un préjudice résultant de l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont la note d'information présentée au comité social et économique et de la lettre recommandée adressée le 17 mars 2021 au conseil du salarié, que l'employeur a retenu l'ensemble des critères légaux, qu'il a pondérés de la manière suivante :

- moins de 30 ans : 6 points

- de 30 à 40 ans : 9 points

- de 41 à 50 ans : 12 points

- De 51 à 56 ans : 15 points

- Puis, un point supplémentaire par année révolue supplémentaire, dans la limite de 20 points Salarié handicapé (situation de handicap reconnue par la Maison départementale des personnes handicapées) : 3 points supplémentaires

Ancienneté dans l'entreprise :

- Moins de 2 ans : 3 points,

- De 2 à 3 ans : 6 points,

- De plus de 3 ans à 5 ans : 9 points

- Plus de 5 ans : 12 points

- Puis un bonus de 2 points supplémentaires au-delà de 25 ans révolus d'ancienneté

Charges de famille :

- Pas de charge : 3 points

- 1 enfant à charge : 6 points

- 2 enfants à charge : 9 points

- 3 enfants et + à charge : 12 points.

(On entend par enfants à charge les enfants fiscalement à charge).

Parent isolé : 3 points supplémentaires

Compétences professionnelles :

Compétences linguistiques : Anglais indispensable et majoration pour langue

supplémentaire

- Anglais professionnel : 6 points

- Maîtrise d'une langue supplémentaire à un niveau professionnel : 6 points par langue supplémentaire. »

Il est constant qu'en application de ces critères, le salarié a obtenu 38 points ainsi décomptés :

Caractéristique Catégorie Nombre de points

Âge 56 ans De 51 à 56 ans 15 points

Ancienneté 32 ans Plus de 5 ans 12 points

Plus de 25 ans révolus + 2 points bonus

Charges de famille 2 enfants à charge 2 enfants à charge 9 points

Compétences Pas de maîtrise Aucune

professionnelles d'une langue à un 0 point

niveau professionnel

TOTAL 38

Il n'est pas non plus contesté que pour la catégorie des cadres commerciaux automobile concernée, qui compte trois salariés, un poste a été supprimé et les points ont été attribués comme suit :

le salarié : 38 points,

M. [E] : 39 points,

M. [A] : 42 points.

Le salarié soutient que l'employeur a procédé à un calcul erroné en ne lui accordant pas le bénéfice de 12 points, aboutissant à choisir de le licencier au mépris des critères d'ordre de licenciement fixés en ce qu'aucun point ne lui a été attribué au titre de la maîtrise des langues étrangères alors qu'il pratiquait ces langues dans le cadre de ses fonctions depuis plusieurs années, qu'aucun test de niveau ou de capacité n'a jamais été réalisé, qu'il n'a pas été tenu compte de sa pratique de l'Espagnol, quand son niveau en anglais, comme en espagnol, permettait de lui attribuer des points puisque ce niveau en langue avait été classé 'L' selon la grille 'ILUO' mise en place par l'employeur, ce qui correspond à 'confirmé', en terme de compétence, soit : « sait appliquer en produisant de la qualité ».

Toutefois, au vu des éléments apportés par la société, l'employeur a appliqué le critère légal des compétences professionnelles de manière objective et pertinente en considérant la nécessaire maîtrise de la langue anglaise et d'une langue étrangère supplémentaire à un niveau professionnel pour répondre à l'importance croissante de l'anglais dans les échanges commerciaux au sein du secteur de l'automobile ainsi qu'à l'objectif de redressement de la société par le développement à l'international au regard de la prépondérance graduelle de l' 'export' dans la réalisation du chiffre d'affaires. L'employeur a ainsi pu considérer ne devoir attribuer aucun point au salarié pour ce critère de manière objective et pertinente dès lors que, au cours de l'année 2019, le directeur commercial a été en mesure de constater directement, objectivement et précisément que dans le cadre de réunions avec le client PSA rattaché à Stellantis, le salarié ne maîtrisait pas professionnellement l'anglais au cours de discussions dont l'objet était la perte d'un programme accordé à un concurrent ou l'utilisation de stocks pour d'autres programmes au point de devoir personnellement le suppléer dans la formulation de phrases, de sorte que l'employeur a pu en déduire que dans des situations caractéristiques en termes d'échanges et d'exercice des fonctions commerciales concernées, le niveau professionnel d'anglais du salarié était inférieur à celui qu'exigeait sa nouvelle stratégie commerciale de développement à l'international en matière de négociations et de présentation de produits, ce qui confirmait l'évaluation réalisée trois ans plus tôt selon une méthode objective, précise et fiable, collectivement appliquée, qui avait déjà mis en évidence, pour le salarié, un niveau n'atteignant pas une maîtrise professionnelle de l'anglais et de l'Espagnol, et si le salarié invoque en l'occurrence une formation insuffisante dans ce domaine malgré ses demandes et le fait que dans le cadre de sa recherche d'un nouvel emploi cette situation l'a désavantagé par rapport à d'autres candidats, il ne peut en être déduit une application déficiente des critères d'ordre des licenciements.

En se référant à la motivation du jugement attaqué, le salarié reproche également à l'employeur d'avoir dénaturé le critère de l'ancienneté en avantageant les salariés récemment engagés au détriment des plus anciens, dont lui-même, quand toutefois l'application de ce critère par l'employeur n'apparaît pas manifestement erronée et ne fait pas ressortir un détournement de pouvoir dès lors que sans encourir la critique d'une dénaturation, il a pu prioriser le critère de la maîtrise professionnelle de l'anglais et d'une langue étrangère supplémentaire par rapport à l'ancienneté, et appliquer une dégressivité dans l'attribution de points au-delà d'une certaine ancienneté qu'il a fixée à 5 puis 25 ans.

De même, le choix d'attribuer 3 points en présence d'aucune charge de famille et 9 points pour deux enfants à charge, est insuffisant à révéler une application non objective de ce critère, une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir.

En tout état de cause, l'examen des choix opérés par l'employeur critère par critère puis en les combinant ne fait apparaître aucune anomalie consistant en une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir. Il n'en résulte pas, notamment, que l'employeur a conçu ou mis en oeuvre les critères légaux afin d'aboutir à un résultat final en défaveur du salarié.

Il y a donc lieu, par voie d'infirmation du jugement, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts au titre d'une violation des critères d'ordre des licenciements.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail,

'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

Pour infirmation du jugement attaqué qui juge que l'employeur a respecté ses obligations en matière de reclassement et ainsi le déboute de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef, le salarié soutient que : l'employeur n'a pas mis en oeuvre ses engagements en matière de reclassement puisque contrairement à sa note d'information présentée au comité social et économique il ne lui a fait parvenir aucune offre individuelle et personnalisée concernant un poste qu'il était assuré de pouvoir occuper en cas d'acceptation de celui-ci ; l'employeur était tenu de lui proposer les seuls postes qu'il pouvait effectivement occuper après avoir procédé à l'analyse de ses compétences professionnelles en amont ; l'employeur n'a pas respecté ses obligations conventionnelles, notamment l'article 16 de l'accord du 15 janvier 1991, en matière de recherches de reclassement externe.

La société réplique que : elle a respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié, par courrier individualisé du 27 juillet 2020, une liste de quatre postes disponibles, avec, notamment, la précision de leur intitulé, la nature du contrat, la localisation, la rémunération, la classification et les aptitudes nécessaires, un coupon réponse, la fiche de poste de chacun des postes listés ; elle a respecté ses engagements figurant dans la note d'information puisqu'elle devait proposer les postes de reclassement internes disponibles aux salariés concernés dont elle estimait que les compétences professionnelles étaient cohérentes avec la fiche de poste, de manière individuelle et personnalisée, les compétences professionnelles exigées dans les fiches de poste, avec notamment la maigrie de l'anglais, de l'Allemand et/ou de l'Italien, ne correspondant pas aux compétences professionnelles du salarié ; il n'y avait aucun poste disponible susceptible d'être occupé par celui-ci sans formation dépassant la simple adaptation au poste ; elle n'a manqué à aucune obligation en matière de reclassement externe.

Il ressort des éléments produits par la société que : l'employeur a orienté ses recherches vers les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; les quatre emplois disponibles de même catégorie ou de catégorie inférieure, ont ainsi été proposés au salarié de manière suffisamment précise et détaillée au moyen d'un courrier qui lui a été remis en main propre le 28 juillet 2020, propositions de reclassement au sujet desquelles le salarié ne justifie pas de demandes d'explications ou de précisions de nature à lui permettre de se prononcer dans le délai, raisonnable, de quinze jours prévu par le courrier pour faire connaître à l'employeur son intérêt pour l'un des postes concernés ; ce courrier n'a pas été suivi d'une réponse positive du salarié dans le délai imparti ; il ne peut être valablement soutenu que ce même courrier s'adressant personnellement au salarié et lui proposant les seuls postes disponibles dans le périmètre pertinent au moyen de documents, peu important leur envoi à chaque salarié concerné par des recherches de reclassement, comportant des informations suffisamment précises et exhaustives de reclassement, caractérise la violation par l'employeur de son obligation de reclassement alors qu'une telle abstention lui aurait été reprochée nonobstant ses recherches de postes compatibles avec les aptitudes du salarié. En tout état de cause, le salarié ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Par ailleurs, l'obligation de reclassement préalable au licenciement économique ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe, sauf convention ou engagement contraire ; l'article 21 de la convention collective nationale des industries chimiques relatif à la rupture du contrat de travail dans le cadre des licenciements collectifs dispose en son sixième alinéa : « Les chambres syndicales patronales régionales s'efforceront d'assurer le reclassement du personnel intéressé » ; l'article 9 de l'accord de branche sur l'emploi du 15 janvier 1991 (non étendu) précise que le plan de sauvegarde de l'emploi « prévoit des mesures permettant notamment la « recherche des possibilités de reclassement interne ou, le cas échéant, externe » ; l'article 16 de ce même accord prévoit, sans préciser s'il s'agit de reclassement interne ou externe, que les « entreprises doivent rechercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé de préférence dans la localité ou les localités voisines, ainsi que les moyens de formation et de reconversion qui pourraient être utilisés par eux. Les chambres syndicales régionales apporteront à cette recherche leur concours actif ; L'Union des Industries Chimiques fera de même s'il apparaît que l'ampleur du problème dépasse le cadre régional. La Commission Nationale Paritaire de l'Emploi apportera son concours dans les conditions prévues à l'article 24 ci-après. / Les entreprises feront connaître au comité d'entreprise ou d'établissement ainsi qu'au personnel intéressé les possibilités de reclassement, de formation et de reconversion » ; l'article 24 de cet accord prévoit que la commission nationale paritaire de l'emploi sera tenue informée des licenciements collectifs pour raisons économiques intervenus dans la profession l'accord de branche sur l'emploi du 15 janvier 1991 qui n'a qu'une valeur d'incitation à rechercher des solutions de reclassement externe, en lien avec les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentées à la commission régionale interprofessionnelle de l'emploi, et la commission Nationale Paritaire de l'Emploi, n'impose pas à l'employeur d'obligation particulière de rechercher des reclassements externes ni de saisir la commission territoriale paritaire de l'emploi.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.

En tout état de cause, le salarié ne justifie pas de son préjudice.

Il y a donc lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation

Le salarié soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation légale de formation et d'adaptation à l'emploi renforcée eu égard à son âge et compte tenu des dispositions conventionnelles en la matière, l'article 20 de l'avenant n°3 à la convention collective appliquée aux ingénieurs et cadres qui dispose que ' Les plans de formation des entreprises prévoiront notamment des actions permettant aux ingénieurs et cadres : d'améliorer ou d'actualiser leurs connaissances utilisées dans leurs fonctions, de se préparer ou de s'adapter aux technologies nouvelles, de développer leur compréhension des phénomènes économiques et commerciaux pour une meilleure connaissance de l'entreprise, de sa gestion et de son environnement, national et international, de permettre une meilleure évolution de leur carrière, de favoriser leurs possibilités d'adaptation. ». Il fait valoir qu'en dépit de ses demandes il n'a pas obtenu de formations qualitativement et quantitativement suffisantes notamment relatives à langue anglaise, n'ayant bénéficié que de 157 jours de formation au cours de la relation contractuelle dont seulement 8 sur les 10 dernières années. Il en conclut qu'il n'a pu s'adapter aux transformations de son métier de plus en plus tourné vers l'usage de la langue anglaise.

La société réplique que de 1989 à 2014, le salarié a bénéficié de 43 formations et qu'en 2016 il a suivi une formation de 3 jours sur le thème « Méthodologie et outils associés à la Gestion de Projet dans le secteur de l'automobile ». Elle objecte que le salarié n'a pas demandé, dans le cadre du licenciement, à bénéficier de la mesure d'accompagnement consistant à financer la formation de son choix à hauteur de 5000 euros HT et qu'il ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Il résulte de l'article L. 6321-1 du code du travail que pendant toute la durée de la relation de travail l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ; l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur.

En l'espèce, nonobstant le suivi de formations par le salarié au cours de la relation de travail, force est de constater que celui-ci n'a pas été suffisamment formé par l'employeur afin de l'adapter aux contraintes linguistiques croissantes dans l'exercice de son emploi qui requérait un niveau avancé de maîtrise de la langue anglaise, condition professionnelle essentielle et déterminante de son maintien dans l'emploi lors de la procédure de licenciement et après la rupture de la relation contractuelle, de sorte que la société, qui ne justifie pas avoir offert au salarié de formation de nature à lui permettre de hisser ses compétences dans cette langue à un niveau de maîtrise suffisant, notamment par la mise en place d'un plan de développement des compétences, est tenue de réparer, nonobstant l'offre d'une mesure d'accompagnement, le préjudice ainsi subi résultant des conditions d'exécution du contrat de travail et du retentissement sur l'employabilité du salarié.

Il y a donc lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation. Le jugement est donc infirmé de ce chef.

Sur les intérêts légaux

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 13 mars 2023, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Griffine enduction, a arrêté le cours des intérêts légaux. Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur l'opposabilité de l'arrêt

L'arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7] dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail.

Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société, représentée par le mandataire liquidateur, et seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

En équité, la somme de 3 000 euros sera allouée au salarié au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette somme n'est pas garantie par l'AGS.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire :

Confirme le jugement entrepris sauf sur la violation des critères d'ordre des licenciements, la violation de l'obligation de formation, les intérêts légaux, les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Griffine enduction les créances de M. [S] [C] comme suit :

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation ;

* 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 13 mars 2023, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Griffine enduction, a arrêté le cours des intérêts légaux ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7] dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail ;

Dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Dit que la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garantie ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Griffine enduction, représentée par son mandataire liquidateur, et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/03063
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.03063 ?
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