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16/05/2024 | FRANCE | N°22/03005

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 16 mai 2024, 22/03005


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80J



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 22/03005

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOKC



AFFAIRE :



S.A. TOTALENERGIES ELECTRICITE ET GAZ DE FRANCE



C/



[B] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Août 2022 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : F 17102168




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS



la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80J

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/03005

N° Portalis DBV3-V-B7G-VOKC

AFFAIRE :

S.A. TOTALENERGIES ELECTRICITE ET GAZ DE FRANCE

C/

[B] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Août 2022 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : F 17102168

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS

la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. TOTALENERGIES ELECTRICITE ET GAZ DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant :

APPELANTE

****************

Madame [B] [D]

née le 14 Janvier 1984 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 78646-2023-002077 du 31/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE.

Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme [B] [D] a été engagée par la société Total énergie gaz à compter du 22 juin 2015 avec reprise d'ancienneté au 9 juillet 2012 en qualité d'ingénieur commercial syndic, agent de maîtrise niveau IV, échelon 2, coefficient 250.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers.

Par courrier du 28 septembre 2016, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 octobre 2016 puis décalé au 13 octobre 2016.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 28 septembre 2016 au 10 novembre 2016.

Par courrier du 19 octobre 2016, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour insuffisance professionnelle, avec dispense de préavis d'un mois.

Par requête reçue au greffe le 1er août 2017, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin notamment de contester son licenciement.

Par jugement de départage du 5 août 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [D] notifié le 19 octobre 2016 par la société Total énergies gaz aux droits de laquelle vient la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie), est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Total énergies électricité et gaz de France venant aux droits de la société Total énergie gaz immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 à payer à Mme [D] les sommes de :

* 24 823,89 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de prise en charge de coûts découlant du télétravail et immixtion dans la vie privée,

- rappelé que les sommes à caractère salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de la société Total énergie gaz aux droits de laquelle vient la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie) en bureau de conciliation, soit à compter du 9 août 2017, et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision,

- condamné la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie) venant aux droits de la société Total énergie gaz, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 à remettre à Mme [D] un bulletin de paie, le solde de tout compte et l'attestation d'aide au retour à l'emploi conformes à la présente décision,

- condamné la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie) venant aux droits de la société Total énergie gaz, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie) venant aux droits de la société Total énergie gaz, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 aux dépens de l'instance,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties,

- ordonné le remboursement par la société Total énergies électricité et gaz de France (anciennement Total Direct énergie) venant aux droits de la société Total énergie gaz, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [D], du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois, dans les conditions prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail et dit que le greffe en application de l'article R. 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de pôle emploi, une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit.

Par déclaration au greffe du 5 octobre 2022, la société Total énergies électricité et gaz de France a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Total énergies électricité et gaz de France, venant aux droits de la société Total énergie gaz, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

*a dit que le licenciement de Mme [D] notifié le 19 octobre 2016 par la société Total énergie gaz, aux droits de laquelle vient la société total énergies électricité et gaz France (anciennement Total Direct Energie), est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*l'a condamnée à payer à Mme [D] les sommes de :

* 24 823,89 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de prise en charge de coûts découlant du télétravail et immixtion dans la vie privée,

*a rappelé que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de la société Total énergie gaz aux droits de laquelle vient la société Total énergie électricité et gaz France (anciennement total direct énergie) en bureau de conciliation, soit à compter du 9 août 2017, et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision,

*l'a condamnée à remettre à Madame [B] [D] un bulletin de paie, le solde de tout compte et l'attestation d'aide au retour à l'emploi conformes à la présente décision,

*l'a condamnée à payer à Mme [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*l'a condamnée aux dépens de l'instance,

*a rejeté ses demandes,

*a ordonné le remboursement par la société la société Total énergies électricité et gaz France (anciennement Total Direct Energie) venant aux droits de la société Total Energie Gaz, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 442 395 448 aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [D] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois, dans les conditions prévues à l'article L.1235-2 du code du travail et dit que le greffe, en application de l'article R. 1235-2 du code du travail, adressera à la direction générale de pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel,

*a rappelé que la présente décision est exécutoire de droit,

statuant à nouveau,

- juger que l'insuffisance professionnelle de Mme [D] est caractérisée et justifiait la rupture de son contrat de travail,

en conséquence,

- débouter Mme [D] de ses demandes incidentes,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- la recevoir en sa demande additionnelle et condamner Mme [D] au versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [D] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 19 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [D] demande à la cour de :

infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre de 1ère instance en ce qu'il a retenu un montant minoré de son salaire de référence,

en conséquence,

- fixer son salaire de référence à la somme de 4 814,48 euros bruts mensuels (moyenne des trois derniers mois avant le licenciement, soit de juillet à septembre 2016) ;

confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre (R n°17/02168) du 5 août 2022 en ce qu'il a jugé son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais l'infirmer dans le quantum retenu à titre de dommages et intérêts afférents,

y faisant droit,

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France à lui verser la somme de 57 700 euros nets (12 mois) à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la cause,

confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que l'employeur n'avait pas pris en charge les coûts découlant du télétravail et avait porté atteinte à sa vie privée, mais l'infirmer dans son quantum,

y faisant droit,

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre d'indemnité d'occupation entre juin 2015 et octobre 2016.,

infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre de 1ère instance en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes

y faisant droit et statuant à nouveau,

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France à lui verser :

* 28 800 euros nets (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et traitement discriminatoire,

* 6 500 euros nets au titre de la perte de chance à l'intégralité de mobilité conventionnelle ;

confirmer la condamnation de la société Total Energies Électricité et Gaz France à régler les intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations,

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France à délivrer les bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, la cour s'en réservant le contentieux de la liquidation ;

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France à payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme), à son bénéfice, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société Total Energies Électricité et Gaz France au paiement de la somme de

4 000 euros à son profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution ;

- débouter la société Total Energies Électricité et Gaz France de l'ensemble de ses demandes.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

« Vous avez été convoquée à un entretien préalable à licenciement par courrier remis en main propre le 28 septembre 2016. Cet entretien était prévu le 5 octobre 2016.

Vous nous avez fait connaître le soir même votre arrêt de travail et vous nous avez demandé de reporter cette convocation.

Bien que nous n'ayons pas l'obligation d'accéder à votre requête, nous avons choisi, afin d'entendre vos explications, de décaler cet entretien. Nous vous avons en conséquence convoqué pour un nouvel entretien pour le 13 octobre 2016 à 10h00 en nos locaux de [Localité 5] et ce afin d'entendre vos explications en application des articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail.

Vous ne vous êtes pas présentée à ce nouvel entretien.

Comme nous comptions vous l'exposer lors de cet entretien, les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

Vous avez été recrutée le 22 juin 2015 en provenance de la société CPE, qui est également une filiale du groupe Total localisée dans l'est de la France.

Lors de cette mobilité géographique, vous avez bénéficié conformément à notre accord mobilité, de l'ensemble des mesures d'accompagnement destiné à vous installer en région parisienne, ce qui était une demande forte de votre part (prise en charge de votre déménagement, paiement d'une prime de mobilité de 5 000 euros et d'une indemnité dégressive de 600 euros par mois la première année, puis 450 puis 300 euros).

Suite à votre arrivée au sein de Total énergie Gaz, vous avez également bénéficié de l'ensemble des formations et accompagnements que nous faisons suivre aux nouveaux commerciaux afin d'être opérationnels le plus rapidement possible : formations anti-corruption, anti-fraude'

Formation aux outils comme Gerico, formation au marché du gaz et d'électricité puisque nous mettions en place la commercialisation de cette nouvelle énergie au sein de Total énergie gaz pour le mois d'octobre 2015.

Vous avez également reçu dès votre arrivée l'ensemble des équipements vous permettant de travailler sereinement, que cela soit votre ordinateur ou votre téléphone, votre véhicule, ou votre connexion internet.

Vous avez été recrutée sur le segment des Syndics d'abord en tant qu'ingénieur commercial, dans 1'équipe des Ventes Régionales Ouest, puis comme ingénieur d'affaires depuis le 1er janvier 2016 à la Direction Ventes indirectes. Ce poste a été créé afin de développer des ventes et des partenariats avec les sociétés du secteur des syndics immobiliers.

Comme indiqué dans la fiche de poste que vous avez signé, le segment des Syndics est prioritaire pour Total Energie Gaz, pour lequel nous attendons rapidement des résultats convaincants.

En effet, le marché des syndics, que vous connaissez bien (ayant déjà eu à travailler dessus chez

CPE), est un marché sur lequel Total Energie Gaz a depuis 3 ans des résultats très encourageants avec une performance commerciale en vente directe de 1 168K euros en 2014, 1 746 K euros en 2015 et 888K euros à mi 2016.

Nous rappelons que ces chiffres vous sont connus puisqu'ils résultent d'une analyse que nous vous avions demandé de réaliser lors de votre prise de fonctions.

Nous vous avions alors indiqué qu'il était nécessaire de mettre en 'uvre et d'accroître ces partenariats afin de doubler nos ventes sur ce secteur.

Comme pour l'ensemble des commerciaux de notre société, votre hiérarchie vous a donc fixé un objectif commercial à réaliser pour la fin de l'année 2015. Cet objectif a été fixé à 280K euros de marge, et ce pour tenir compte de votre arrivée en cours d'année et du temps de votre formation.

Néanmoins, il est apparu que vos résultats de 2015 étaient très faibles, puisque vous n'avez atteint que 15% de l'objectif (à savoir 280K euros de marge sur 2015), soit 41K euros Ce constat a été fait par votre hiérarchie dans votre EPA du 15 janvier 2016, et il vous a été alors rappelé qu'il était indispensable que la situation s'inverse très rapidement.

Prenant en considération votre échec sur 2015, nous vous avons intégré à une nouvelle équipe pour réorienter vos cibles sur 2016.

Un objectif de 800K euros de marge en 2016 a été alors été fixe' sur une année pleine, pour tenir compte des partenariats que vous deviez mettre en place.

Un tel objectif était parfaitement raisonnable. En effet, selon vos propres études de marché, qui confirment que les Syndics présentent un marché à fort potentiel pour Total Energie Gaz, une marge de base partenaire, située entre 150K euros et 200K euros est un objectif réalisable, (comme par exemple la CNDP, où vous indiquiez dans l'un de vos rapports une marge potentielle de 150K euros avec 1 euros de marge et un taux de transformation de 20%, pour le gaz et l'électricité, ce qui représente des hypothèse plutôt dans la tranche basse), et qu'il est tout à fait possible de réaliser 4 à 5 signatures de partenariats par an, en vue d'atteindre un objectif de 800K euros en année pleine.

Cet objectif de 800K euros par an, est le plus faible de l'ensemble des forces commerciales en ventes indirecte de Total Energie Gaz (les autres marchés étant déjà matures les objectifs à atteindre sont de l'ordre de 3 à 4 fois plus forts pour des ventes indirectes, de 3.7M euros à JMÉ). Par ailleurs il était en parfaite cohérence avec les objectifs des IA Grands Comptes (800K euros également), qui ont des clients bien plus complexes mais en vente directe.

Les objectifs qui vous ont été définis l'ont donc été de façon équilibrée, en adéquation avec les autres segments commerciaux. 'Ils sont donc réalisables.

Malheureusement la qualité de votre travail s'est dégradée par rapport à 2015, puisque lors de votre Revue Intermédiaire du 9 juin 2016, mais également lors du dernier entretien mensuel que vous avez eu avec votre hiérarchie, le 26 septembre 2016, et qui faisaient suite à de nombreux points réguliers, votre hiérarchie a fait le constat que vous n'aviez obtenu aucun résultat sur les

9 premiers mois de l'année 2016, ce qui compromettait nécessairement l'atteinte de l'objectif= fixé (à savoir 800K euros de marge).

Ainsi, il a été constaté que sur les 9 mois d'activité pour l'année 2016, vous n'aviez pas réalisé la moindre signature, ni la moindre vente, et que vous n'aviez en conséquence pas rapporté le moindre euro de marge à l'entreprise.

De telles performances n'étaient pas acceptables pour un commercial, et ce d'autant plus sur un marché qui, comme indiqué ci-avant, est à fort potentiel.

Le décalage entre le travail fourni, le temps passé et l'absence totale de résultat est beaucoup trop éloigné de ce qu'un commercial doit pouvoir apporter à l'entreprise. Les commerciaux sont en effet recrutés pour apporter la marge qui permet à l'entreprise d'investir et de payer ses salariés.

Or, vos résultats ne permettent absolument pas cela.

S'il est concevable d'attendre quelques mois pour analyser les résultats d'un commercial, et ce afin que ses actions puissent se mettre en place et prospérer, il est en revanche pas envisageable qu'en 9 mois de temps aucun résultat n'ait été enregistré.

Nous avons également noté dans vos comptes rendus d'activité que votre implication s'était réduite depuis la rentrée des congés d'été, ce qui traduit une baisse de votre motivation empêchant d'améliorer vos résultats catastrophiques et plus, globalement la qualité de votre travail.

En effet, outre l'absence totale de réalisation de vos objectifs commerciaux, il a été constaté lors de la revue intermédiaire de juin 2016, et également lors des différents points avec votre hiérarchie, que les livrables attendus (benchmark concurrentiel, étude de marché syndic, refonte des offres syndics, réalisation book syndic') ou les opérations à mettre en place (formation équipes internes ou externes, challenge sur ventes partenariats, newsletter, présence aux salons, invitations business partenaires') n'avaient pas été réalisés non plus ou mis en place.

Enfin, votre hiérarchie nous a informé qu'elle devait très fréquemment vous relancer pour obtenir soit vos comptes rendus hebdomadaires, soit la réponse de votre RI. Ceci démontre que vous ne possédez pas les qualités d'autonomie et de gestion du temps que nous attendons d'un commercial chez Total énergie Gaz.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, à savoir l'absence totale de résultat (aucune signature avec des acteurs majeurs sur le segment syndic, aucune marge dégagée alors que 800 K euros étaient attendus en 2016, aucune signature de contrat ' 20 attendus à fin octobre), le manque de livrable, le décalage entre le temps passé et les résultats obtenus, ou la gestion du temps, votre maintien à ce poste et dans l'entreprise n'est plus possible et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle...»

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié, à exécuter de façon satisfaisante, par manque de compétence, un emploi correspondant à sa qualification. L'insuffisance de résultat peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle procède de l'insuffisance professionnelle du salarié. Afin de licencier le salarié pour insuffisance professionnelle, l'employeur doit invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables, qui lui sont imputables.

Pour infirmation du jugement entrepris, l'employeur, qui soutient que le licenciement pour insuffisance professionnelle de la salariée est bien-fondé, fait valoir que celle-ci a été recrutée en raison de son profil et de ses compétences initiales acquises auprès de sa filiale, pour occuper un poste commercial consistant en de la vente directe au sein de son secteur géographique, créé et dédié au développement du secteur des syndics de copropriété, et que ce poste ne requérait aucune formation spécifique. Toutefois, l'employeur, qui évoque lui-même dans ses écritures la particularité et les contraintes inhérentes au nouveau secteur des syndics auquel le poste créé était dédié, ne justifie pas d'une expérience acquise par la salariée dans ce domaine auprès de sa filiale ou concomitamment à son recrutement, notamment dans le cadre d'une étude de marché dont la réalité ne peut résulter d'un document informatique dépourvu de tout élément de fiabilité et de datation, et plus globalement il ne démontre pas avoir proposé à la salariée une formation adéquate dans un temps suffisant pour s'adapter à ses nouvelles fonctions relatives à une clientèle particulière soumise à des obligations professionnelles propres et aux règles de la copropriété impactant le processus de contractualisation.

Pareillement, il argue de la proratisation d'objectifs fixés pour 2015 deux mois après l'engagement de la salariée sur la base d'une réflexion partagée avec cette dernière notamment sur son travail d'analyse de marché, alors qu'aucun élément ne corrobore ces affirmations qui sont au surplus contredites par un échange de mails produit par la salariée duquel il ressort que par mail du 6 octobre 2016 dont l'objet est ' Objectif 2015" son supérieur direct lui indique : 'J'ai pu avancer sur ce sujet, je te prie de bien vouloir trouver les éléments Boost te concernant pour 2015", ce qui a généré un mail de la salariée aux termes duquel celle-ci le remercie ' pour la mise à disposition de ces objectifs' et lui demande des précisions sur la périodicité de la marge fixée que le directeur des ventes lui confirmera être égale à 280 K€ et correspondre à l'année 2015 quand la salariée lui demandait s'il s'agissait de réaliser cette marge sur une année civile. Si l'employeur invoque le caractère porteur du marché des syndics et la performance commerciale des forces de vente dans ce même secteur en septembre 2015 et les années suivantes, ces éléments sont insuffisants à établir le caractère réalisable des objectifs fixés pour les six derniers mois de l'année 2015 en tenant compte, en outre, du fait qu'ils n'ont été portés à la connaissance de la salariée qu'au dernier trimestre de celle-ci, alors que la comparaison avec les résultats obtenus par les forces de vente dans le secteur des syndics est imprécise notamment sur les moyens confiés pour y parvenir et sur la clientèle concernée, potentiellement déjà détenue en portefeuille, et l'employeur, qui se réfère également à un graphique sur la 'performance commerciale Syndics' pour les années 2016 et 2017 ne comportant aucune légende explicative notamment quant aux données analysées afin d'en déterminer la fiabilité et l'exhaustivité pour en évaluer la pertinence en l'état de situations devant être équivalentes, n'apporte pas non plus d'élément de nature à confirmer que la salariée, qui le conteste, disposait en la matière d'outils suffisamment fiables et exploitables s'agissant par exemple de bases de données et de fiches clients, étant insuffisante à cet égard la seule réference, très générale, au sein d'une fiche de poste dont l'établissement remonte au 23 février 2015, à des prospects pré-identifiés issus du fichier Gdf-Suez. De la même façon, l'employeur n'apporte aucun élément fiable et exhaustif en contrepoint de l'argumentation précise de la salariée au sujet de l'adaptation des process de vente et de gestion, de conditions générales et d'offre commerciales. De même, l'allégation d'un accompagnement de la salariée par sa hiérarchie en 2015 ne résulte d'aucun élément notamment d'aucun mail, et si l'employeur se prévaut de l'appui d'autres services, ce soutien ne ressort pas des éléments produits, notamment d'une facture du 19 juillet 2016 relative à la 'conception - réalisation' d'un flyer syndics de copropriété. Enfin, pour l'année 2015, l'employeur ne justifie d'aucune alerte concrète et précise au sujet du non-accomplissement par la salariée d'objectifs qu'il aurait considéré pouvoir être réalisés et devoir être atteints. D'ailleurs, au sein du compte-rendu de l'entretien individuel de performance 2015 de la salariée, le supérieur hiérarchique admettra : ' Au-delà de la performance commerciale (10% de réalisation) à relativiser avec son objectif difficilement atteignable du fait de l'organisation interne sur cette cible assimilée particulier...'.

Si l'employeur se prévaut d'une incapacité de la salariée à remplir ses objectifs en 2016 malgré un changement d'organisation qui selon lui devait contribuer à sa réussite, il ressort néanmoins des éléments soumis à l'appréciation de la cour que : le manager évoque un nouveau poste pour la salariée au sein du compte-rendu d'entretien individuel de performance du 15 janvier 2016, qu'il justifie de la manière suivante : ' le futur poste de [B], cela est du à une réorganisation suite au constat de la difficulté d'adresser le Marché Syndic avec un IC spécifique Ventes Régionales' ; la salariée a été dès lors chargée, au sein de la direction des ventes indirectes et des partenariats, d'animer les équipes commerciales sur le secteur des syndics en tant qu'ingénieur d'affaires ; le déficit de formation de la salariée en 2015 n'a pas été comblé en 2016, et l'employeur ne lui a pas non plus permis de se former à son nouveau poste d'ingénieur d'affaires ; quant aux nouveaux indicateurs de performance découlant du changement de poste, les objectifs chiffrés, notamment en termes de budgets individuels et collectifs, n'ont été précisément portés à la connaissance de la salariée que par mail collectif du 31 mai 2016 de son nouveau manager directeur des ventes indirectes et des partenariats commerciaux ; le 9 juin 2016, lors de la revue intermédiaire 2016, son nouveau supérieur hiérarchique a constaté que les principaux objectifs 'de ce début d'année' , notamment la marge commerciale à dégager sur le segment, n'étaient pas atteints ; s'il met en évidence l'absence de signature au cours du premier semestre 2016, ce qui lui avait été assigné en début d'année, de 2 à 3 acteurs majeurs et 2 à 3 acteurs régionaux, il relève des obstacles à la signature de partenariats compte tenu notamment de l'existence de problèmes de compliance s'agissant de la Chambre nationale des propriétaires, d'un fonctionnement par ' AO multisites' concernant Foncia faisant partie des trois 'acteurs majeurs' cités dans les objectifs ; de même, il explique que les démarches de la salariée auprès d'acteurs régionaux n'ont pas permis d'aboutir à des 'référencements pour TEG et donc du business pour le moment' ; il indique dès lors que les priorités pour le second semestre sont de 'miser sur la prospection terrain, la recommandation et l'enrichissement du portefeuille de leads/prospects de TEG afin de lancer des campagnes ciblées qui s'appuient sur les forces de vente existantes et des outils/offres adaptés' ; il précise ainsi qu' 'il reste à espérer des signatures modestes à l'occasion de la prospection directe et active qui doit être réalisée dès à présent par [B] sur la base des leads/données achetés à la CCI sur l'IDF'; le manager ajoute que la salariée doit aussi ' signer elle-même un certain nombre de clients, voire de partenariats si l'opportunité se présente' ; il lui est ainsi assigné 'de signer mini 20 contrats d'ici fin octobre 2016" pour engranger de la marge directe ; il lui est également demandé, pour réaliser une marge de '800 K€ sur l'année 2016" et compte d'une marge nulle, de ' fournir 5 à 10 prospects intéressés ( taille : entre 10 et 100 immeubles) par commercial VR d'ici septembre 2016", en outre, de lancer et piloter des campagnes de prospection à destination des forces de ventes directes et indirectes ; ce n'est d'ailleurs que par la suite, notamment au cours de l'été 2016, période de l'année à laquelle il est notoire que peu d'assemblées générales de copropriétaires peuvent se tenir, que les supports de communication ont été diffusés et qu'un ' projet mémo juridique à destination des forces de vente sur les règles applicables aux syndics de copropriété' a été établi par suite d'une demande de la salariée.

Par ailleurs, la baisse de motivation et d'implication alléguée par l'employeur ne repose sur aucun élément concret, quand les évaluations successives de la salariée et les échanges de mails réguliers qu'elle produit font état, notamment au cours de l'année 2016, de son implication et de sa motivation.

Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que sans avoir donné à la salariée le temps nécessaire au développement et à l'adaptation de ses compétences, l'employeur l'a successivement affectée à des postes d'ingénieur commercial puis d'affaires avec leurs propres compétences et objectifs, dédiés au même secteur des syndics, en lui assignant successivement des objectifs non réalisables, compte tenu notamment des spécificités de ce secteur, qu'elle n'a pas été mise en mesure d'atteindre faute d'avoir disposé des moyens nécessaires et en temps utile et compte tenu du caractère tardif de leur fixation comme de l'aspect excessivement hétérogène de leurs contenus, échouant à démontrer que ces décisions successives étaient imputables à la salariée et devaient contribuer à sa réussite.

Dès lors, l'insuffisance professionnelle de la salariée n'est pas à l'origine de la non-atteinte des résultats imputée et la baisse de motivation et d'implication de celle-ci ne sont pas non plus caractérisées, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise et de son âge, 32 ans, au moment de la rupture, de la rémunération qui lui était versée, et de sa capacité à retrouver un emploi au vu des éléments de la cause, la cour fixe à 30 000 euros le montant de l'indemnité à lui allouer pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur sera condamné au paiement de cette somme et le jugement est dès lors infirmé sur le quantum.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et traitement discriminatoire

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié qui invoque une inégalité de traitement doit apporter des éléments de faits susceptibles de la caractériser.

Enfin, en vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Sans invoquer, même implicitement, un critère légal de discrimination, la salariée prétend à l'allocation de dommages-intérêts en raison d'une différence de traitement et de l'exécution déloyale du contrat de travail, d'une part, en ce que contrairement à ses collègues ingénieurs commerciaux, l'employeur ne lui a pas reconnu le statut de cadre, y compris lorsqu'elle est devenue ingénieur d'affaires avec des responsabilités étendues notamment en termes d'encadrement des équipes de vente, ce qui lui a causé un préjudice moral et de retraite, d'autre part, en raison de la modifications unilatérales de ses fonctions, ses objectifs et du périmètre géographique d'exercice, ce qui l'a déstabilisée, de troisième part, en raison d'une volonté de l'évincer de l'entreprise en réaction à des alertes sur ses conditions de travail, qui s'est manifestée par une demande de ne pas se présenter à une formation avant sa convocation à l'entretien préalable et concomitamment un recrutement pour exercer ses fonctions et une démarche visant à obtenir la signature d'une rupture conventionnelle, souffrant dès lors d'un préjudice moral distinct.

L'employeur réplique que la salariée ne présente pas d'élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination illicite à raison d'un critère défini par la loi et invoque l'absence de justification d'un préjudice quelconque, notamment en termes de perte de retraite au regard du niveau de sa rémunération, supérieure à celle de cadres recrutés, et de cotisations très proches pour les cadres et non-cadres. Il soutient que le passage de la salariée en 2016 au service des ventes indirectes avait pour objectif de favoriser sa performance commerciale et n'a pas constitué une modification du contrat de travail puisque dans les faits elle devait toujours réaliser une performance commerciale sur le segment des syndics mais avec l'appui des forces de vente directe.

Premièrement, il ressort des échanges de mails avec sa hiérarchie comme des comptes-rendus d'évaluations que la salariée s'est plainte de son absence de passage au statut de cadre dont elle estimait devoir bénéficier à l'aune de ses fonctions et responsabilités successives et avoir constitué un des éléments de négociation de sa mobilité professionnelle au cours de l'année 2015, et que l'employeur a répondu négativement à ses revendications sur ce point, y compris lorsque ses responsabilités ont été étendues en tant qu'ingénieur d'affaires, sans aucunement justifier objectivement la différence de traitement que l'examen du registre du personnel de la société fait ressortir en ce qu'il s'en évince l'existence d'une association systématique entre l'emploi d'ingénieur commercial ou compétitivité occupé par plusieurs salariés, et le statut de cadre.

Deuxièmement, il résulte des comptes-rendus d'entretiens successifs, des échanges de mails et de la description du poste d'ingénieur d'affaires au sein d'une fiche de poste approuvée 27 juillet 2016, que le changement de poste de la salariée et son nouveau rattachement aux ventes indirectes a entraîné, au-delà d'une évolution des indicateurs de performance et de ses objectifs, une montée en compétences et responsabilités avec une dimension plus stratégique et sur un périmètre n'étant plus régionalement limité, dans le cadre de fonctions de développement et d'animation d'un réseau de partenaires dans le segment des syndics par l'identification des opportunités de développement et l' accompagnement en termes de suivi, de liaison avec les partenaires et de support, d'équipes de forces de vente dont elle devait assurer l'animation et analyser les performances.

Troisièmement, le mail du responsable des ressources humaines de la société envoyé le 27 septembre 2016 à la correspondante de la formation fait ressortir de manière très claire que c'est ce responsable qui a demandé à la salariée de ne pas suivre la formation 'management transverse', et ce, le jour précédent la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Cette succession de comportements caractérise une exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur à l'origine d'un préjudice subi par la salariée distinct du préjudice ci-dessus indemnisé au titre de la perte injustifié de l'emploi, tant matériel par perte de chance d'obtenir des droits à retraite plus élevés découlant de cotisation alors spécifiques pour les cadres, ce que l'employeur ne contredit pas utilement, que moral.

La cour fixe à la somme de 2 000 euros le montant des dommages-intérêts réparant l'entier préjudice ainsi subi.

L'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité d'occupation

Pour infirmation du jugement entrepris, la salariée fait valoir que le montant de l'indemnité d'occupation entre juin 2015 et octobre 2016 découlant de l'exécution entière de ses fonctions à son domicile, doit être élevé à une somme supérieure en raison de charges liées à la location d'un appartement dédié à cet usage en sus du domicile conjugal et à des dépenses d'énergie supplémentaires engendrées par l'usage des équipements informatiques.

L'employeur soutient pour sa part que la somme accordée par le premier juge ne se justifie pas au titre de frais ou d'un préjudice en raison de la carence probatoire de la salariée et de la mise à sa disposition du matériel informatique et téléphonique au cours de la relation de travail concernée.

Il résulte de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, et des articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail, que l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée du salarié et n'entre pas dans l'économie générale du contrat et que le salarié peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition.

Il incombe à l'employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité et, à défaut d'un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas de cette mise à disposition d'un local professionnel ni ne prouve avoir indemnisé la salariée du fait de cette occupation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il alloue à la salariée une somme de 800 euros à ce titre, la salariée ne justifiant pas d'un préjudice au-delà de ce montant.

Sur l'indemnité de mobilité

La salariée justifie d'une perte de chance de percevoir, fût-ce de manière temporaire, un reliquat d'indemnité dégressive de mobilité géographique de province vers la région parisienne versée mensuellement sur trois ans conformément à l'accord relatif à la mobilité des salariés du 18 juin 2014.

Il convient de lui allouer à ce titre des dommages-intérêts d'un montant de 3 000 euros, de condamner l'employeur au paiement de cette somme et ainsi d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur les intérêts légaux

Il conviendra de dire que les intérêts au taux légal courront sur les sommes allouées à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

En effet, le jugement vise des sommes à caractère salarial qu'il n'alloue pas et il omet de statuer sur la capitalisation des intérêts.

Sur la remise de documents rectifiés

Eu égard à la solution du litige, l'employeur sera condamné à remettre à la salariée un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi devenu France Travail, et un certificat de travail, conformes au présent arrêt.

Au vu des éléments de la cause, le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu à confirmation du jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens mais infirmé en ce qu'il statue sur l'indemnité de procédure.

L'employeur sera condamné aux dépens d'appel et il ne sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il dit que le licenciement de Madame [B] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il statue sur la discrimination, l'indemnité d'occupation, le remboursement des indemnités de chômage et les dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Total énergies électricité et gaz de France, venant aux droits de la société Total énergie gaz, à payer à Mme [B] [D] les sommes suivantes :

*30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

*3 000 euros au titre de dommages-intérêts pour perte de chance relative à l'indemnité de mobilité ;

Dit que les intérêts au taux légal courent sur ces sommes à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Total énergies électricité et gaz de France, venant aux droits de la société Total énergie gaz, à remettre à Mme [B] [D] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi devenu France Travail, et un certificat de travail, conformes au présent arrêt.

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la société Total énergies électricité et gaz de France, venant aux droits de la société Total énergie gaz, à payer à Mme [B] [D] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Total énergies électricité et gaz de France, venant aux droits de la société Total énergie gaz, aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/03005
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.03005 ?
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