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16/05/2024 | FRANCE | N°22/02595

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, 16 mai 2024, 22/02595


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59B



Chambre commerciale 3-1



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2024



N° RG 22/02595 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VEDU







AFFAIRE :



S.A.S. VINCI IMMOBILIER PROMOTION

...



C/



S.A.S. VILLES ET VILLAGES CREATIONS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Février 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Ch

ambre : 6

N° RG : 2021F0005



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Coralie LEMAITRE-PRUNAC



TC NANTERRE









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2024

N° RG 22/02595 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VEDU

AFFAIRE :

S.A.S. VINCI IMMOBILIER PROMOTION

...

C/

S.A.S. VILLES ET VILLAGES CREATIONS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Février 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2021F0005

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Coralie LEMAITRE-PRUNAC

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. VINCI IMMOBILIER PROMOTION

RCS Nanterre n° 339 788 309

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.N.C. VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL

RCS Nanterre n° 435 166 285

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Chloé VINCENT-HYTIER & Me Philippe NUGUE du cabinet ADALTYS, Plaidants, avocats au barreau de Lyon

APPELANTES

****************

S.A.S. VILLES ET VILLAGES CREATIONS

RCS Grenoble n° 438 719 940

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Coralie LEMAITRE-PRUNAC, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.666 et Me Mathieu WINCKEL, Plaidant, avocat au barreau de Grenoble

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DES FAITS

La SAS Villes et Villages Créations (ci-après la société VVC) est un promoteur immobilier. En 2014, cette société a identifié un terrain sur la commune de [Localité 5] (Haute-Savoie) pour une opération de promotion.

Le 23 décembre 2015, une promesse synallagmatique de vente de ce terrain a été signée entre la société VVC et l'indivision [W]-[R], propriétaire du terrain, sous condition notamment d'obtention de permis de construire.

La société VVC rapporte qu'en vue d'un dépôt de permis, elle a mené diverses études, entre autres en liaison avec les services d'urbanisme, la commune souhaitant intégrer dans le projet des objectifs du futur PLU.

Souhaitant par la suite se recentrer sur d'autres projets, la société VVC s'est rapprochée du groupe Vinci Immobilier.

Par courriel du 11 mai 2016, M. [S] [B], directeur territorial de la SNC Vinci Immobilier Promotion (ci-après la société Vinci Promotion), a confirmé à la société VVC son accord pour lui verser une somme de 70.000 € « dans le cas de substitution à notre profit correspondant à des honoraires de montage liés au travail de concertation effectué auprès de la commune et aux dépenses que vous avez pu engager (étude de marché, plan topo, étude de sol ...) », et précisant en post-scriptum que « l'architecte retenu par la société VVC sera reconduit par Vinci ».

Après négociation, les sociétés VVC et Vinci Promotion se sont mises d'accord pour porter cette somme à 120.000 €.

Par lettre du 22 juillet 2016, la société VVC a adressé à la société Vinci Promotion, agissant par M. [B], une facture d'honoraires en date du 30 juin 2016 à l'ordre de « Vinci Immobilier » d'un montant de 120.000 € TTC, pour 'montage de l'opération [Localité 5]-[W]' et dépenses de la société VVC pour le 'développement de l'opération, faisabilité, métrés, étude de marché, relevés géomètre, négociations, rendez-vous mairie, mise au point et signature de la promesse synallagmatique'.

La lettre d'accompagnement de la société VVC faisait référence à 'la substitution dans le bénéfice de la promesse synallagmatique de vente par la société VVC au profit de votre Société (Vinci Promotion)'. La facture a été retournée par la société Vinci Promotion avec la mention manuscrite de M. [B], ès qualités, 'Bon pour accord le 27/07/16, payable à la signature de l'acte authentique d'acquisition des terrains', et apposition de sa signature.

Le 27 juillet 2016, un acte notarié de substitution d'acquéreur à la promesse de vente du 23 décembre 2015 a été signé entre la société VVC, substituée, et la SNC Vinci Immobilier Résidentiel (ci-après Vinci Résidentiel), substituante, représentée par sa gérante la société Vinci Promotion.

Après obtention d'un permis de construire, la société Vinci Résidentiel a concrétisé l'achat du terrain fin 2018.

Par LRAR du 7 mars 2019, la société VVC a relancé la société 'Vinci Immobilier', à l'attention de M. [B], pour le paiement de la facture du 30 juin 2016.

Par courriel du 20 mai 2019, la société Vinci Promotion a sollicité auprès de la société VVC une réduction du montant de sa facture en raison de difficultés dans la mise en 'uvre du projet et a proposé que le montant de 120.000 € TTC soit ramené à 40.000 € TTC.

Par LRAR du 27 mai 2019, la société VVC a mis la société Vinci Promotion en demeure de lui régler la somme de 120.000 € majorée d'intérêts à compter du 1er janvier 2019 avec copie à la société Vinci Résidentiel.

Par courriel du 29 mai 2019, la société Vinci Promotion a refusé de payer, rappelant à la société VVC que toute cession à titre onéreux de droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble est frappée d'une nullité d'ordre public Iorsqu'elle est consentie par un professionnel de l'immobilier, et a proposé de nouveau de solder le litige par le règlement de la somme de 40.000 € TTC.

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier de justice du 3 décembre 2019, la société VVC a fait assigner la société Vinci Résidentiel.

Par assignation du 29 janvier 2021, la société VVC a également appelé en la cause la société Vinci Promotion aux fins de jugement commun.

La jonction de ces deux prodédures a été ordonnée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 19 mai 2021.

Par jugement du 9 février 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d`irrecevabilité formée par la SNC Vinci Immobilier Résidentiel ;

- Débouté la SNC Vinci Immobilier Promotion de sa demande en nullité de la facture d'honoraires de la SAS Villes et Villages Création fondée sur l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993;

- Débouté la SNC Vinci Immobilier Promotion de sa demande fondée sur la violation de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet ;

- Condamné la SNC Vinci Immobilier Promotion à payer à la SAS Villes et Villages Création la somme en principal de 120.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Débouté la SAS Villes et Villages Création de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SNC Vinci Immobilier Promotion pour résistance abusive au paiement ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SNC Vinci Immobilier Promotion aux entiers dépens.

Par déclaration du 12 avril 2022, la société Vinci Promotion et la société Vinci Résidentiel ont interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 février 2023, les sociétés Vinci Résidentiel et Vinci Promotion demandent à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par les sociétés Vinci Immobilier Résidentiel et Vinci Immobilier Promotion ;

Y faisant droit,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre du 9 février 2022 en ce qu'il a :

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'irrecevabilité formée par la SNC Vinci Immobilier Résidentiel ;

- Débouté la SNC Vinci Immobilier Promotion de sa demande en nullité de la facture d'honoraires de la SAS Villes et Villages Création fondée sur l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 ;

- Débouté la SNC Vinci Immobilier Promotion de sa demande fondée sur la violation de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet ;

- Condamné la SNC Vinci Immobilier Promotion à payer à la SAS Villes et Villages Création la somme en principal de 120.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SNC Vinci Immobilier Promotion aux entiers dépens ;

In limine litis,

- Juger qu'aucune demande finale n'est formée contre la société Vinci Immobilier Résidentiel ;

- Retenir la fin de non-recevoir soulevée par la société Vinci Immobilier Résidentiel ;

- Mettre hors de cause la société Vinci Immobilier Résidentiel ;

A titre principal,

- Juger que la société Villes et Villages Créations a agi en qualité d'entremise, en méconnaissance des dispositions de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 ;

- Juger que l'accord conclu le 27 juillet 2016 entre les sociétés Villes et Villages Créations et Vinci Immobilier Promotion est atteint d'une nullité d'ordre public et prononcer la nullité du dit accord ;

- Juger que ni la société Vinci Immobilier Résidentiel ni la société Vinci Immobilier Promotion ne sont redevables de sommes à l'endroit de la société Villes et Villages Créations ;

En conséquence,

- Débouter la société Villes et Villages Créations de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Juger que la société Villes et Villages Créations a agi en qualité d'entremise, en méconnaissance des dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;

En conséquence,

- Débouter la société Villes et Villages Créations de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

- Juger que la société Villes et Villages Créations ne rapporte pas la preuve des frais qu'elle aurait engagés qui justifieraient le versement d'une somme par la société Vinci Immobilier Résidentiel ou Vinci Immobilier Promotion ;

- Rejeter la demande de paiement outre intérêt au taux légal et capitalisation de la société Villes et Villages Création ;

- Rejeter toutes les demandes formulées par la société Villes et Villages Création ;

- Condamner la société Villes et Villages Créations à régler à la société Vinci Immobilier Résidentiel ainsi qu'à la société Vinci Immobilier Promotion la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 septembre 2022, la société VVC demande à la cour de :

A titre principal sur la nullité,

- Constater l'aveu de Vinci Résidentiel quant à sa qualité de tiers à l'accord litigieux ;

- Constater qu'il ressort des propres écritures de la société Vinci Promotion que la facture ne concerne pas la société substituée ;

- Confirmer le jugement déféré et débouter Vinci Immobilier Promotion de sa demande au titre de nullité des substitutions à titre onéreux en ce qu'elle est irrecevable à invoquer un moyen propre à la société Vinci Résidentiel avec qui Villes et Villages Créations n'a aucun rapport et qui n'est pas débitrice d'une quelconque somme à ce titre ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater que la société Vinci Immobilier Promotion s'est engagée le 27 juillet 2016 à payer à la société Villes et Villages Créations, la somme de 120.000 € TTC au titre de l'indemnisation du travail et des dépenses engagées sur un projet immobilier ;

- Constater une contrepartie rémunérant des « frais techniques » et une prestation distincte de la seule substitution ;

- Constater l'accord expresse (sic) et éclairé de la société Vinci Promotion sur la réalité du projet et l'objet de la facture ;

- Constater les motifs initiaux tirés de difficultés dans la mise en 'uvre du permis de construire et des protocoles avec des tiers et l'absence de lien avec la facture ;

- Confirmer le jugement déféré et débouter la société Vinci Immobilier Promotion de son appel s'agissant de sa demande au titre de nullité des substitutions à titre onéreux ou de celle prévue par la loi Hoguet ;

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Vinci Immobilier Promotion à payer à la société Villes et Villages Créations, la somme de 120.000 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2019, et avec capitalisation des intérêts ;

- Débouté la société Vinci Résidentiel de toutes ses demandes ;

- Réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit ne pas avoir lieu à statuer sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société Vinci Immobilier Promotion à payer à la société Villes et Villages Créations la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Sur la mise hors de cause de la société Vinci Résidentiel

Les sociétés Vinci Promotion et Vinci Résidentiel font valoir qu'aucune demande finale n'est formée contre la société Vinci Résidentiel et qu'il convient de mettre cette dernière hors de cause.

La société VVC sollicite la confirmation du jugement qui a indiqué n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'irrecevabilité de la société Vinci Résidentiel, la fin de non-recevoir étant sans objet puisqu'après 'avoir défendu contre ses demandes la société Vinci Résidentiel a déclaré dans ses conclusions au fond N°4 ne pas être la structure pour le compte de laquelle M. [S] [B] - agissant ès qualités de représentant des deux sociétés - aurait donné son accord', ce dont elle a pris acte, dirigeant dès lors ses demandes à l'encontre de la seule société Vinci Promotion.

*

La société VVC a initialement assigné, devant le tribunal de commerce de Nanterre, la société Vinci Résidentiel laquelle a opposé une fin de non-recevoir, faisant valoir que la demande de la société VVC était irrecevable puisque la facture litigieuse était adressée à la société Vinci Promotion et ne la concernait pas.

La société VVC a donc ultérieurement mis dans la cause la société Vinci Immobilier Promotion par voie d'intervention forcée devant le même tribunal.

Les premiers juges, ayant constaté l'accord des parties (page 8 du jugement entrepris) 'sur le fait que la facture de VVC, objet de la présente instance, vise VINCI PROMOTION et non VINCI RÉSIDENTIEL, ce qu'elles confirment à l'audience', en ont déduit que la fin de non-recevoir opposée par la société Vinci Immobilier Résidentiel à la société VVC devenait sans objet et qu'il n'y avait lieu à statuer sur cette exception d'irrecevabilité sans toutefois la mettre hors de cause.

Or, l'accord constaté en audience par les premiers juges n'a pas rendu sans objet la fin de non-recevoir mais en a constitué et justifié le fondement puisque la société VVC a ainsi reconnu qu'elle ne disposait pas d'un intérêt à agir contre la société Vinci Immobilier Résidentiel.

Le jugement sera infirmé sur ce point. La cour fera droit à la fin de non-recevoir opposée par la société Vinci Résidentiel à la société VVC et dira irrecevables les demandes formées par celle-ci à l'encontre de celle-là qui sera mise hors de cause.

Sur l'exigibilité de la somme de 120.000 € réclamée par la société VVC

La société Vinci Promotion fait grief aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande en nullité de la facture d'honoraires litigieuse émise par la société VVC fondée sur l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 et de sa demande fondée sur la violation de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet et, en conséquence, de l'avoir condamnée à payer à la société VVC la somme en principal de 120.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019 avec capitalisation

Elle fait valoir que la société VVC demande en réalité le paiement d'une somme au titre de la cession d'une promesse de vente entre professionnels de l'immobilier. Or, la cession onéreuse d'une promesse de vente, entre professionnels, est prohibée en application de l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques : « Est frappée d'une nullité d'ordre public toute cession à titre onéreux des droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l'immobilier ». La cession est donc nulle et ne peut donner lieu à facturation litigieuse.

A titre subsidiaire, elle soutient que la société VVC a contrevenu aux dispositions de la loi Hoguet qui réglemente la profession d'agent immobilier et prévoit de façon exhaustive qui peut intervenir dans la négociation immobilière et sous quelles conditions. Elle fait valoir que cette loi ne prévoit pas l'intervention des apporteurs d'affaires alors que seuls les titulaires d'une carte professionnelle (décret n°2017-1481 du 17 octobre 2017) peuvent prendre part aux opérations de vente immobilière et d'entremise entre vendeurs et acquéreurs. La société Vinci Promotion considère que la société VVC a méconnu les règles de la loi Hoguet dans la mesure où elle ne justifie pas disposer d'une carte professionnelle l'autorisant à mener une telle activité d'entremise de sorte que sa demande de paiement de 120.000 € doit être rejetée.

En tout état de cause, elle soutient que la société VVC ne justifie pas les frais qu'elle a exposés pour lesquels elle a émis la facture litigieuse.

La société VVC fait valoir que seule la société Vinci Promotion a donné son 'bon pour accord' sur la facture litigieuse du 30 juin 2016 que la société VVC et la société Vinci Résidentiel n'ont passé aucun accord et sont des tiers l'un pour l'autre. Ainsi, le moyen développé par les appelantes à propos de la « nullité des substitutions à titre onéreux », pour refuser le paiement est devenu hors sujet puisque la société Vinci Promotion n'est pas la société substituée dans la promesse de vente et ne peut donc se prévaloir du caractère onéreux de la promesse dans laquelle s'est substituée la société Vinci Résidentiel. Dès lors la société Vinci Promotion doit être condamnée au règlement de la facture litigieuse dont il ressort des échanges qu'elle ne rémunère rien d'autre qu'une indemnisation du travail effectué en amont de l'opération immobilière.

A titre subsidiaire, la société VVC soutient que la loi du 29 janvier 1993 a seulement pour objectif de sanctionner une spéculation sur le transfert des droits résultant d'une cession de promesse et non l'indemnisation du travail technique déjà effectué sur un projet immobilier qui relève d'ailleurs d'une pratique courante et légitime compte tenu du temps nécessaire pour monter une opération de cette taille. Or le paiement réclamé ne rentre en aucun cas dans le champ de la loi de l'article 52 de la loi en ce qu'il ne rémunère pas la substitution ni une activité d'intermédiaire mais le travail préparatoire à une opération immobilière.

A titre infiniment subsidiaire, la société VVC conteste avoir agi en qualité d'intermédiaire immobilier et s'être livrée à une opération d'entremise de sorte que sa demande de commission serait irrecevable puisqu'elle n'est pas immatriculée en tant qu'agent. Elle fait valoir que l'activité de promotion immobilière ne rentre pas par principe dans le champ de la loi Hoguet, laquelle ne régit que les opérations limitativement énumérées par son article 1er. Aucune disposition du code civil ne prohibe un paiement en contrepartie du travail accompli et préfinancé par un opérateur dans ce contexte de sorte que la condamnation au paiement doit être confirmée.

*

Sur la nullité de l'accord du 27 juillet 2016

La société Vinci Promotion sollicite le débouté des demandes de la société VVC au motif que serait nul l'accord conclu le 27 juillet 2016 entre elles en application des dispositions de l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 et, subsidiairement, au titre de la violation de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet.

L'article 52 de la loi numéro 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique dispose : 'Est frappée d'une nullité d'ordre public toute cession à titre onéreux des droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l'immobilier'.

Le seul document portant la date du 27 juillet 2016 se présente sous forme d'un acte notarié produit par la société VVC (sa pièce n°3) et intitulé : 'Substitution dans le bénéfice d'une promesse synallagmatique de vente par la société Villes et Villages Créations au profit de la SNC Vinci Immobilier Résidentiel'.

Aux termes de cet acte notarié, la société VVC s'est faite substituer par la société Vinci Résidentiel comme acquéreur d'un bien détenu par les consorts [W] dans le cadre d'une promesse synallagmatique de vente du 23 décembre 2015, moyennant le prix de 5.899.000 €. Il y est précisé que cette substitution n'entraîne pas de modification des termes et conditions de la promesse initiale, ainsi le prix de vente du bien est identique (5.899.000 €), ni ne donne lieu au versement d'un prix en contrepartie de cette substitution 'conformément aux dispositions de l'article 52 de la loi numéro 93-122 du 29 janvier 1993".

La cour relève que la société Vinci Immobilier Résidentiel a été représentée à l'acte de substitution par sa gérante la société Vinci Promotion représentée, ès qualités, par M. [S] [B], directeur.

Cette substitution s'est ainsi opérée au seul profit de la société Vinci Résidentiel, société juridiquement distincte de la société Vinci Promotion, ce qui a conduit à sa mise hors de cause ainsi qu'il a été dit plus haut.

La société Vinci Promotion fait valoir que le caractère onéreux illicite de cette substitution se déduirait de la concomitance de date entre la facture litigieuse et l'acte de substitution portant, selon elle, la même date du 27 juillet 2016.

La société Vinci Promotion ne peut sans heurter le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, déclarer à l'acte notarié, en tant que gérante de la société Vinci Résidentiel, que la substitution s'est opérée sans contrepartie financière et soutenir l'inverse, cette fois pour son propre compte, dans la présente procédure afin d'échapper au paiement d'une facture au motif que l'acte de substitution revêtirait un caractère onéreux.

La cour observe, par ailleurs, que la validité de l'acte de substitution n'était pas subordonnée au paiement de la facture litigieuse et que le prix de vente du bien fixé à la promesse de vente du 23 décembre 2015 n'a pas été majoré à l'occasion de la substitution ce qui aurait pu conduire à suspecter une contrepartie onéreuse.

La concomitance prétendue de date entre la facture litigieuse et l'acte de substitution ne suffit pas à établir que cette dernière a été consentie à titre onéreux.

En effet, les parties ne sont pas identiques : l'acte de substitution a été passé entre la société VVC, substituée, et la société Vinci Immobilier Résidentiel, substituante ; la facture litigieuse (pièce 2 - VVC) a été adressée par la société VVC, certes, à la société' Vinci Immobilier' mais la société Vinci Immobilier Promotion s'est comportée depuis l'origine comme la seule débitrice de cette facture à l'égard de la société VVC puisqu'elle a proposé à cette dernière dès le 11 mai 2016 de lui verser une somme de 70.000 € à titre d'honoraires de montage (pièce 15 - VVC), puis ultérieurement a limité sa proposition à 40.000 € (son courriel du 20 mai 2019, pièce 5 - VVC).

L'émission de la facture litigieuse, datée du 30 juin 2016 et non du 27 juillet 2016, résulte de négociations antérieures (pièce 15 précitée - VVC) et n'a donc pas été produite pour la seule circonstance de l'acte de substitution qui n'est intervenu que le 27 juillet 2016.

Il se déduit ce qui précède que la société Vinci Promotion succombe à rapporter la preuve du caractère onéreux de l'acte de substitution de sorte que la demande de paiement de la facture litigieuse ne peut être écartée pour ce motif.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

A titre subsidiaire, la société Vinci Immobilier Promotion soutient que la société VVC a méconnu les dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, ce qui conduirait à rejeter sa demande de paiement de la facture litigieuse.

La société Vinci Immobilier Promotion n'explique pas en quoi la violation de cette loi, à la supposer avérée, à l'occasion d'une opération de substitution conclue entre la société VVC et la société Vinci Résidentiel, à laquelle elle n'est pas partie, invaliderait la demande de paiement de la facture litigieuse du 30 juin 2016 dont elle s'est reconnue, dans le principe, seule débitrice.

Il n'est pas démontré que la société société VVC, comme l'exige l'article 1er de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, se livre ou prête son concours, même à titre accessoire, aux opérations visées par ce texte dont notamment 'L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis'.

Il n'est par ailleurs pas justifié que le montant réclamé par cette dernière représente la contrepartie financière d'une opération d'intermédiation alors qu'il sera établi plus avant que celui-ci correspond à des coût techniques relatifs au montage de l'opération immobilière envisagée

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Vinci Immobilier Promotion de sa demande subsidiaire.

Sur la demande de paiement de la facture litigieuse

C'est par une exacte analyse et de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont condamné la société Vinci Promotion à payer à la société VVC la somme en principal de 120.000 € TTC avec application de l'intérêt légal à compter du 7 mars 2019, date de la mise en demeure, et capitalisation.

En effet, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Vinci Promotion a, dans un courriel du 11 mai 2016 (pièce 15 - VVC), confirmé son accord à la société VVC pour lui verser une somme de 70.000 € correspondant à des honoraires de montage lié au travail de concertation effectuée auprès de la commune et aux dépenses engagées (exemple étude de marché, plans topographiques, étude de sol, etc.)

La facture litigieuse du 30 juin 2016 est libellée ainsi :

'Honoraires de montage de l'ensemble de l'opération [Localité 5]-[W] comprenant :

Dépenses Villes et Villages Création pour développement de l'opération :

- faisabilité développée avec AER

- métrés, étude de marché, relevé géomètre, négociation, rendez-vous mairie, mise au point et - signature de la promesse synallagmatique...'

Cette facture a été revêtue de la mention manuscrite : 'Bon pour accord le 27/07/16 payable à la signature de l'acte authentique d'acquisition des terrains' précédant la signature du représentant de la société Vinci Promotion (M. [S] [B]) qui n'est pas contestée.

Le courriel du 20 mai 2019 de la société Vinci Promotion à la société VVC (pièce 5 - VVC) confirme que l'acquisition des terrains a été réalisée. Il ne remet en cause ni l'acceptation, ni les prestations fournies par la société VVC mais sollicite un geste ('Je te demande sans détour de faire aussi un effort important en mesurant le temps que vous avez pu passer sur ce dossier') proposant un montant de 40.000 €.

La société Vinci Immobilier Promotion ne justifie pas que la société VVC aurait accepté cette contre-proposition.

La société VVC produit aux débats une étude préalable du 4 décembre 2015, une étude de faisabilité du 4 décembre 2016, une lettre détaillée du 14 janvier 2016 de la commune de [Localité 5] à propos de l'étude de faisabilité, une nouvelle étude de faisabilité du 24 février 2016, prestations dont il n'est pas contesté qu'elle les a fait réaliser dans le cadre de l'opération immobilière envisagée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens mais infirmé en celles relatives à l'indemnité de procédure.

La société Vinci Promotion sera condamnée aux dépens d'appel.

La société Vinci Promotion sera condamnée à verser une indemnité de procédure de 6.000 € à la société VVC.

En revanche, il n'apparait pas inéquitable de laisser à la société Vinci Résidentiel la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 février 2022, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la SNC Vinci Immobilier Résidentiel et sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action dirigée par la SAS Villes et Villages Créations contre la SNC Vinci Immobilier Résidentiel,

Met la SNC Immobilier Résidentiel hors de cause,

Condamne la SAS Vinci Immobilier Promotion aux dépens d'appel,

Condamne la SAS Vinci Immobilier Promotion à payer à la SAS Villes et Villages Créations, la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-1
Numéro d'arrêt : 22/02595
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.02595 ?
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