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14/05/2024 | FRANCE | N°23/00444

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-2, 14 mai 2024, 23/00444


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 38A



Chambre commerciale 3-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MAI 2024



N° RG 23/00444 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VUML



AFFAIRE :



Société civile HEB PROMOTION



C/



S.A. CREDIT MUTUEL FACTORING









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 3



N° RG : 202

1F00812



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU



Me Margaret BENITAH







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38A

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MAI 2024

N° RG 23/00444 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VUML

AFFAIRE :

Société civile HEB PROMOTION

C/

S.A. CREDIT MUTUEL FACTORING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° RG : 2021F00812

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Margaret BENITAH

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société civile HEB PROMOTION

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005482

Représentant : Me Eric SEBBAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0040

APPELANTE

****************

S.A. CREDIT MUTUEL FACTORING

Ayant son siège

[Adresse 2]

Tour D2

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409

Représentant : Me Antoine ROUSSEAU, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 781

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président,

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,

Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Julie FRIDEY,

La société Crédit mutuel factoring a signé en 2019 avec la société Mannucci une convention de financement par cessions de créances professionnelles.

Les 16 septembre et 19 octobre 2020, cette dernière a cédé deux factures à la société Crédit mutuel factoring d'un montant de 152 691, 43 et de 49 734, 70 euros à régler par la société HEB promotion.

Par un jugement du 2 novembre 2020 le tribunal a prononcé le redressement judiciaire de la société [U]. La société Crédit mutuel factoring a déclaré une créance de 202 426 euros au titre des deux factures HEB promotion.

Par des lettres du 10 décembre 2020 et du 1er juillet 2021, la société Crédit mutuel factoring a mis en demeure la société HEB promotion de payer ces factures.

Par un acte du 13 octobre 2021, elle a assigné la société HEB promotion devant le tribunal de commerce de Versailles lequel par un jugement contradictoire du 6 janvier 2023, a :

- rejeté la demande d'irrecevabilité de la société HEB Promotion ;

- condamné la société HEB promotion à payer à la société Crédit mutuel factoring la somme de 49 734, 70 euros, assortie d'intérêts calculés au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement et ce jusqu'à parfait paiement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1342-2 du code civil ;

- condamné la société HEB promotion à payer à la société Crédit mutuel factoring la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- condamné la société HEB promotion aux entiers dépens.

Par déclaration du 19 janvier 2023, la société HEB promotion a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 février 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 49 734, 70 euros au profit de la société Crédit mutuel factoring ;

- condamner la société Crédit mutuel factoring à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, la société Crédit mutuel factoring demande à la cour de :

- débouter la société HEB promotion de son appel principal ;

- faisant droit à son appel incident, infirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société HEB promotion à la somme de 49 734, 70 euros ;

- condamner la société HEB promotion à lui payer la somme de 202 426, 13 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2020 ;

- à titre subsidiaire condamner la société HEB promotion à lui payer la somme de 82 883, 2 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2020 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société HEB promotion à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motif de la décision :

1- Sur l'approbation de la facture n° 2009269 d'un montant de 152 661,43 euros

La société HEB promotion fait valoir s'agissant de la facture n° 2009269 d'un montant de 152 661,43 euros qu'elle n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible dès lors qu'elle n'a pas reçu l'approbation du maître d'oeuvre. Répondant à la société Crédit mutuel factoring, elle souligne que celle-ci reconnaît que ce formalisme n'a pas été respecté tout en soutenant que la créance est due.

La société Crédit mutuel factoring réplique que l'absence de transmission du bon pour accord du maître d'oeuvre ne signifie pas que la situation de septembre correspondant à la facture n° 2009269 n'est pas due. Elle considère que la validation de travaux postérieurs de la situation d'octobre facturés le 19 octobre 2020 implique que les travaux antérieurs de la situation sont nécessairement validés.

réponse de la cour

Aux termes de l'article 1346-5, alinéa 3, du code civil, 'le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il peut également lui opposer les exceptions nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation lui soit devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.'

L'article 1353 du code civil prévoit :

'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

L'article L. 313-23, alinéa 1er, du code monétaire et financier dispose :

'Tout crédit qu'un établissement de crédit, qu'un FIA relevant du paragraphe 2 de la sous-section 3 ou de la sous-section 5 de la section II du chapitre IV du titre Ier du livre II, ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, de ce FIA, ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle.'

En l'espèce, la société [U] a conclu le 19 décembre 2019 avec la société Crédit mutuel factoring une convention de compte courant et une convention de cession de créances professionnelles stipulant notamment 'pour la clientèle privée, mobilisation sur facture ou situation visée par le maître d'oeuvre accompagnée soit du marché privé soit du bon de commande soit du devis accepté' (pièce 1 de l'intimée).

Il est constant que la société [U] a cédé à la société Crédit mutuel factoring deux créances détenues contre la société HEB, la première, le 16 septembre 2020, d'un montant 152 691,43 euros, selon une facture n° 2009262 du 16 septembre 2020, notifiée à la société HEB promotion par lettre du 16 septembre 2020, la seconde, le 19 octobre 2020, d'un montant de 49 734,70 euros selon facture n° 2010310 du 19 octobre 2020, notifiée à la société HEB promotion par lettre du 20 octobre 2020 et que la société Crédit mutuel factoring a mis en demeure par une lettre recommandée datée du 10 décembre 2020 la société HEB promotion de lui payer la somme totale de 202 426,13 euros au titre des factures précitées des 16 septembre et 19 octobre 2020.

Il n'est pas discuté que, contrairement à la facture du 19 octobre 2020, la facture n° 2009262 ne comporte pas la signature du maître d'oeuvre, ce que ne conteste pas au demeurant la société Crédit mutuel factoring, et il résulte d'un mail du 24 juillet 2020 relatif à d'autres factures que les factures litigieuses que M. [P], maître d'oeuvre, a alerté l'intimée de l'importance du formalisme en écrivant 'en règle générale, une facture ne peut partir en factor qu'à partir du moment où celle-ci est validée par mes soins (pièce 8 de l'appelante).

Ainsi, comme la justement retenu le tribunal, et en application de la convention de cession susvisée, sans l'approbation du maître d'oeuvre des factures, la facture n'est ni exigible, ni certaine, ni exigible.

Dans ces circonstances, c'est à juste titre que le tribunal a écarté la facture n° 2009262. En conséquence,seule la facture n° 2010310 du 19 octobre 2020 d'un montant de 49 734,70 euros peut être retenue, la société HEB promotion n'établissant pas plus qu'en première instance qu'elle serait fausse. La société Crédit mutuel factoring justifie du bordereau de cession de la facture n° 2010310 (pièce C1). Cette facture produite en pièce C2 comporte les mentions manuscrites 'bon pour accord le 19/10/ 2020" et 'paiement le 30/11/2020" ainsi que le cachet et la signature du maître d'oeuvre, l'atelier [P].

2- Sur les créances opposées par la société HEB promotion à la société Crédit mutuel factoring

Au visa de la l'article 1346-5, alinéa 2, du code civil, la société HEB promotion soutient que la créance que la société Créidt mutuel factoring détient à son encontre au titre des créances cédées à cette dernière par la société [U] doit être compensée par les sommes qu'elle a déclarées au passif de la société [U]. Elle expose qu'elle a contesté auprès de l'intimée le bien-fondé des factures cédées par la société [U] à la société Crédit mutuel factoring compte tenu des malfaçons, pénalités et frais qu'elle a dû supporter à la suite des travaux de gros oeuvre réalisés par la société [U].

Elle expose que la difficulté porte sur la facture 49 734,70 euros. A cet égard, elle souligne qu'elle a déclaré une créance au passif de la société [U] qui a été admise à hauteur de 155 990,93 euros et que la société [U] ne l'a pas contestée. Elle en déduit que le tribunal ne pouvait retenir qu'elle a un solde positif de 407 915,19 euros au titre du chantier litigieux. En réponse à l'argument de l'intimée fondée sur l'article L. 313-27 du code monétaire et financier, l'appelante soutient qu'il appartenait à l'intimée de se manifester lors de la procédure de vérification de créances et ajoute que tant le juge-commissaire que le mandataire et la société [U] ont validé cette déclaration de créance.

Au visa de ce dernier texte, la société Crédit mutuel factoring soutient au contraire qu'elle peut contester le bien fondé de la créance déclarée par la société HEB promotion au passif de la société [U], même en l'absence de contestation de cette dernière. Elle ajoute que l'autorité de la chose jugée ne peut être lui opposée dès lors que des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Sur ce point, elle fait observer que postérieurement à la déclaration de créance du 28 décembre 2021 portant sur une réclamation de sous-traitants de la société [U] (les sociétés SMTP et Amiantech), la société SPTP a formulé par assignation du 1er avril 2022 une réclamation à hauteur de 86 300,25 euros alors que la déclaration de créance la concernant portait sur 100 300,25 euros et qu'un jugement du 31 mars 2023 a retenu une somme de 550 euros pour la réclamation de la société Amiantech alors que la déclaration de créance mentionnait une somme de

22 998 euros. La banque en déduit que la situation reconnue par l'admission de la créance de la société HEB promotion a été modifiée après la date de cette admission de sorte que l'autorité de la chose jugée ne peut pas lui être opposée.

S'agissant de la déclaration de créance à hauteur de 155 990,93 euros correspondant au décompte général définitif, elle estime que la société HEB promotion a amalgamé sa créance et les éléments d'un compte de chantier. A cet égard, elle fait valoir que cette dernière ne pouvait pas se prévaloir d'une créance contre la société [U] pour des travaux non effectués par celle-ci. Elle souligne en outre que la société HEB promotion ne justifie pas avoir payé à la société [U] les factures n° 2006148 du 11 juin 2020 de 74 250 euros, n° 2009262 du 16 septembre 2020 de 152 691,43 euros et n° 2010310 de 49 734,70 euros.

Elle expose également que la société HEB promotion ne justifie pas lui avoir payé les sommes de

47 606,04 et 112 908,12 euros les 15 et 29 septembre 2020.

Elle en déduit que la société HEB promotion ne peut déduire ses paiements des sommes dues au titre de la cession de créance litigieuse.

Elle fait en outre observer que la créance réelle de la société HEB promotion résultant des travaux payés au successeur de la société [U] à hauteur de 315 025 euros est inférieure à la créance déclarée au titre des travaux non effectués, des reprises de malfaçons et de la fin des travaux par 'RBM Sezanne'.

Répondant à la société HEB promotion, elle souligne que sa déclaration de créance relative à la réclamation de la société SMTP à hauteur de 100 300,25 euros excède la somme demandée par celle-ci à hauteur de 86 300,25 euros et qu'elle excède la créance de la société Amiantech admise à hauteur de 550 euros et en déduit que ces deux créances doivent être donc réduites.

Elle conteste la déduction faite par la société HEB promotion au titre de frais annexes d'avocat et d'assurance dommages ouvrages supplémentaires.

Elle considère que les pénalités de retard à hauteur de 90 052 euros venant en déduction de sa créance ne sont pas justifiées et soutient que, le cas échéant, elles peuvent être modérées en application de l'article 1231-5 du code civil.

Elle termine en soulignant qu'elle a interrogé la société [U] sur la validation de la facture 2010310 du 19 octobre 2020 et que cette dernière a affirmé que le cette facture a été validée.

réponse la cour

Il n'est pas discuté que l'appelante a déclaré une créance de 155 993 euros à titre chirographaire et que cette créance a été admise à hauteur de ce montant (voir, pièce 4 de l'appelante ; notification à créancier admis).

Selon la lettre de déclaration de créance adressée le 7 janvier 2021 au mandataire judiciaire de la société [U], la créance de la société HEB promotion résulterait de différentes malfaçons et travaux de reprise à réaliser après le départ de la société [U]. Elle explique qu'elle a dû suppléer à la carence de cette dernière et produit pour justifier de ces travaux en pièce 10 une facture de la société RBM Sezanne d'un montant de 315 025,20 euros TTC.

Cette facture comporte l'accord du maître d'oeuvre daté du 8 décembre 2020, son cachet ainsi qu'une mention manuscrite indiquant : 'ces travaux comprennent tous les travaux de reprise de la crèche (pavillons 3 et 4), reprise superficielle du trottoir (enrobé à froid ou ciment), le prix est forfaitaire. Prise en main du chantier le 7 décembre 2020. Urgent : évacuation de tous les gravats sur le chantier avec pour priorité, la crèche.'

Toutefois, la société Crédit mutuel factoring peut se prévaloir de l'intégralité des créances cédées à l'encontre de la société HEB promotion sous réserve de ce qui a été décidé ci-dessus. En effet, les bordereaux de créance consacrent deux créances de 152 691,43 euros et de 49 734,70 euros antérieures au jugement de redressement judiciaire du 2 novembre 2020 à la suite duquel la société Crédit mutuel factoring a déclaré une créance de 527 974,22 euros; dont les deux créances litigieuses à l'encontre de l'intimée (voir pièce A 2 de l'intimée). Par application de l'article L. 313-24, alinéa 1er, du code monétaire et financier, elle est donc devenue propriétaire des deux créances litigieuses, correspondant à des factures précises.

En outre, contrairement à ce que prétend la société HEB promotion, l'absence de contestation de sa créance déclarée dans la procédure collective de la société [U], créancier cédant, ne la dispense pas de justifier des créances qu'elle oppose au créancier cessionnaire dans ce litige.

En effet, l'article L 313-27 du code monétaire et financier dispose, qu'à compter de la date du bordereau de cession, le bénéficiaire du bordereau (la société [U]) ne peut pas modifier l'étendue des droits attachés par créances représentées par les bordereaux, sans l'accord du cessionnaire.

Si l'article 1346-5, alinéa 3, précité, permet au débiteur cédé d'opposer au cessionnaire toutes les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant toutes les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, notamment la compensation, qui s'opère lorsque les créances invoquées par le débiteur cédé, la société HEB promotion, sont certaines lors de la cession, peu importe qu'elles n'aient pas été liquides ou exigibles, il lui appartient toutefois d'établir que les créances qu'elle oppose au cessionnaire sont certaines.

Il y a donc lieu d'examiner les créances que la société HEB promotion peut opposer à la société Crédit mutuel factoring et qu'elle peut, le cas échéant, déduire de la créance cédée.

* sur les travaux de gros oeuvre à [Localité 5] effectués par le successeur de la société [U]

L'appelante fait valoir qu'elle a confié à la société Manuci un marché de 1 092 000 euros et que, contestant la qualité des prestations de cette dernière, elle a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire de la société [U] la somme de 155 993 euros. Elle expose que le 28 décembre 2021, le juge-commissaire a admis sa créance à hauteur de ce montant. Elle en déduit que la somme de 155 993 euros doit venir en compensation des sommes réclamées par la société Crédit mutuel factoring.

La société Crédit mutuel factoring répond que l'appelante a amalgamé dans sa déclaration de créance sa créance et les éléments de compte de chantier. Elle fait valoir qu'elle a déduit des sommes dues à la société [U], des travaux que cette dernière n'a pas réalisés. Elle en déduit que ces sommes ne sont pas une créance du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'entreprise de travaux mais qu'il s'agit d'une moins value sur les sommes qui sont dues à cette dernière.

réponse de la cour

La créance de l'appelante a été admise au passif de la société [U] à hauteur de 155 993 euros à titre chirographaire (pièce 4 de l'appelante).

Selon le tableau reproduit dans le jugement dont appel, la créance déclarée comporte au titre des sommes à déduire du marché le paiement direct SMTP (210 000 euros), le paiement direct Voltaire (106 256,90 euros), le paiement [U] (507095,78 euros), des travaux non effectués (198 071,19 euros), des malfaçons et travaux de reprise (100 159 euros), une fin de travaux effectuée par la société RBM Sezanne (22 998 euros), SMTP (sous-traitant non payé par [U], 100 300,25 euros), Amiantech (sous-traitant non payé par [U], 22 998 euros), des frais annexes (22 138 euros et des pénalités (90 052 euros).

La société HEB promotion produit en pièce 10 une facture de la société RBM Sezanne d'un montant de 315 025,20 euros comportant la mention manuscrite suivante 'ces travaux comprennent tous les travaux de reprise de la crèche (...). Reprises superficiel du trottoir (...) Prise en main du chantier le 7 décembre 2020" ainsi que la mention 'bon pour accord le 3 décembre 2020" du maître d'oeuvre.

La cour relève, comme le tribunal, que les sommes de 198 071,19 euros au titre de travaux non effectués, de 100 159,20 euros au titre de malfaçons et travaux de reprise et de 22 769,61 euros au titre de 'fin de travaux par RBM Sezanne'ne sont pas justifiées, étant relevé que la facture RBM Sezanne susvisée ne correspond pas à la somme des montants sollicités au titre des travaux de reprise, des travaux non effectués et de la fin de travaux 'RBM Sezanne'.

C'est donc à juste titre que le tribunal n'a pas déduit ses sommes des montants réclamés par la société Crédit mutuel factoring.

* sur les travaux supplémentaires portant sur les terres sulfatées

L'appelante fait valoir qu'elle a payé à la société Mannucci le 31 octobre 2020, la somme de 74 250 euros au titre d'une intervention sur des terres sulfatées réalisée par un sous-traitant. Elle expose que la société [U] n'a pas payé le sous-traitant. Elle en déduit que la somme de 74 250 euros doit venir en compensation des sommes qui seraient dues à la société Crédit mutuel factoring en vertu de la cession de créance. Elle ajoute que le sous-traitant, la société SMTP l'a assigné en justice devant le tribunal judiciaire de Versailles.

La société Crédit mutuel factoring répond que dans sa déclaration de créance la société HEB promotion déduit la somme de 86 300,25 euros pour une éventuelle réclamation de la société SMTP et qu'il y a lieu de limiter les déductions opérées par la société HEB promotion à ces montants.

réponse de la cour

Est versée aux débats une assignation du 1er avril 2022 de la société SMTP à l'encontre de la société HEB promotion aux termes de laquelle la société SMTP demande la condamnation de la société HEB à lui payer les sommes de 24 425,25 euros au titre de travaux de terrassement et de 61 875 euros au titre de travaux de gestion de terres polluées et dans laquelle elle expose que le maître d'oeuvre a expressément accepté que ces sommes lui seraient directement payée par le maître de l'ouvrage (pièce 7 de l'intimée).

Sont également produites les conclusions devant le tribunal judiciaire de Versailles de la société HEB promotion en réponse à l'assignation précitée dont il résulte que cette dernière conteste la demande de paiement direct, faute pour le sous-traitant de justifier qu'il bénéficiait d'un tel paiement (pièce 13 de l'intimée).

Toutefois, il ne ressort pas des pièces versées par la société HEB promotion que cette dernière ait payé directement à la société SMTP une somme de 74 250 euros au titre d'un paiement direct pour des travaux de gestion de terres polluées. C'est donc à juste titre que le tribunal qui a considéré que la société HEB promotion ne rapportait pas la preuve d'un tel paiement à la société [U], a écarté cette somme et qu'il a retenu la somme 61 825 euros mentionnée dans l'assignation du sous-traitant, la société SMTP, dirigée contre la société HEB au titre des travaux de gestion des terres polluées, montant que la société Crédit mutuel factoring ne discute pas dans ses conclusions.

La cour relève en outre que cette dernière ne discute pas non plus sérieusement la somme 24 425,25 euros réclamée par le sous-traitant à la société HEB promotion pour des travaux de terrassement et de voile contre terre. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'il y a lieu de retenir la somme globale de 86 300,25 euros (soit 61 875 et 24 425,25 euros) au titre des réclamations du sous-traitant à l'encontre de la société HEB promotion.

En conséquence, la somme de 86 300,25 euros et non la somme de 86 325,25 euros comme l'a retenu par erreur le tribunal, doit être déduite de la créance réclamée par la société Crédit mutuel factoring.

* Sur la déduction au titre de la réclamation de la société Amiantech

La société HEB promotion expose que la société [U] a été payée des sommes liées au désamiantage, sans procéder au paiement de la société Amiantech. Elle en déduit que le montant réclamé par la société Amiantech doit être se compenser avec la créance détenue par la société Crédit mutuel factoring à son encontre. Elle ajoute que la société Amiantech l'a assigné et que si un jugement a été rendu, cette dernière a interjeté appel.

La société Crédit mutuel factoring répond que la réclamation de la société Amiantech à l'encontre de la société HEB promotion à hauteur de 22 298 euros a été ramenée par un jugement à 550 euros. Elle estime qu'il y a lieu de limiter la déduction à ce montant.

réponse de la cour

La cour relève que la société HEB promotion allègue que la société [U] a été payée des sommes liées au désamiantage sans toutefois le démontrer.

Elle observe en outre que, selon le décompte de sa déclaration de créance reproduit par le jugement dont appel, la société HEB promotion sollicite la déduction de la somme de 22 998 euros au titre de la rubrique 'Amiantech sous-traitant non payé par [U]' de la créance réclamée par la société Crédit mutuel factoring alors qu'elle demande sa condamnation à lui payer la somme de 19 165 euros d'après jugement du tribunal de commerce de Versailles le 31 mars 2023 produit en pièce 9 par l'appelante.

Si le jugement a retenu que la société HEB promotion ne restait devoir à la société Amiantech que la somme de 550 euros au titre de ses prestations de désamiantage, cette décision n'est toutefois pas définitive, la société HEB promotion justifiant en pièce 14 de conclusions d'appel de la société Amiantech et en pièce 15 de ses conclusions d'intimée sollicitant la confirmation du jugement.

Dès lors, au regard de ces éléments, il convient de retenir, comme le tribunal, la somme de 19 165 euros qui doit être déduite de la créance de la société Crédit mutuel factoring.

* sur les frais

La société HEB promotion expose qu'il appartenait tant à la société Crédit mutuel factoring qu'au mandataire judiciaire de contester le principe de ces frais.

La société Crédit mutuel factoring fait valoir que l'appelante invoque des frais annexes d'un montant de 22 138 euros constitués par des frais d'avocat à hauteur de 6 500 euros et de frais d'assurance dommage ouvrage supplémentaire d'un montant de 5 000 euros. Elle souligne que l'appelante ne justifie pas du bien fondé de ses demandes et de leur imputabilité à la société [U].

réponse de la cour

La cour relève que dans sa déclaration de créance au passif de la société [U] reproduite par le jugement dont appel, la société HEB promotion mentionne la somme de 22 138 euros au titre de frais annexes. Elle relève également que les frais annexes mentionnés dans le procès-verbal de réception établi contradictoirement le 26 novembre 2020 avec la société [U], faisant état notamment de frais d'avocat et de frais supplémentaires dommage-ouvrage, ne sont pas chiffrés (pièce 12 de l'appelante).

Force est de constater que l'appelante ne justifie pas autrement de ces frais qui sont contestés tant dans leur principe que dans leur imputabilité à la société [U].

Dans ces conditions, il y a lieu, comme l'a fait, le tribunal de retenir qu'une telle somme ne peut être déduite de la créance réclamée par l'intimée.

* sur les pénalités

La société HEB promotion soutient que les pénalités de retard correspondent au surcoût qu'elle a supporté en raison de la défaillance de l'entrepreneur principal, la société [U]. Elle expose que ce surcoût est révélé par le procès-verbal de réception avec réserve.

La société Crédit mutuel factoring expose que l'appelante déduit dans sa déclaration de créance des pénalités représentant un montant de 90 052 euros dont des retards de maçonnerie (38 320 euros), des retards de remise de note de calculs (12 773,33 euros), des retards 'justid BET déplacement poteaux sous-sol (25 546,67 euros) et des retards 'solidaires du charpentier' (13 412 euros). Elle soutient qu'il appartient à l'appelante de justifier chacun de ces postes, leur caractère contractuel et de la réalité du retard. Elle ajoute, au visa de l'article 1231-5 du code civil, que l'appelante doit justifier d'un préjudice à défaut de quoi l'application de pénalités de 90 052 euros serait manifestement excessive justifiant la réduction à zéro de ces pénalités.

réponse de la cour

Il ressort de la déclaration de créance de la société HEB promotion reproduite dans le jugement dont appel que cette dernière a déduit de la créance réclamée par la banque la somme de 90 052 euros au titre de pénalités.

Pour justifier de ces pénalités, l'appelante produit un procès-verbal de réception de travaux daté du 26 novembre 2020 établi en présence de représentants de la société HEB promotion, de la société [U], de l'architecte, M [P] (pièce 12).

S'il résulte de ce document contradictoire que des réserves ont été faites en raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de certaines prestations prévues par le marché et que l'annexe 2 du procès-verbal de réception mentionne des pénalités (voir rubrique C 'pénalités conformes au CCAP'), la cour observe que ces pénalités ne sont toutefois pas chiffrées.

Dans ces conditions, faute d'être autrement justifiées, c'est à juste titre que le tribunal a écarté la somme de 90 052 euros au titre de pénalités à déduire de la créance réclamée par la banque.

* Au total, au vu de ce qui précède, la société Crédit mutuel factoring justifie, au titre de cessions de créances des créances suivantes à l'encontre de la société HEB promotion : 49 734,70 euros (facture n° 20100310).

Ne peuvent opposer à la société Crédit mutuel factoring par l'appelante car non justifiés les frais suivants :

- les pénalités de 90 052 euros ;

- les frais 'annexes' de 22 138 euros ;

- les travaux non effectués et les travaux de reprise : 198 071 + 100 159 euros

- la créance fin de travaux RBM Sezanne : 22 769,61 euros

La société HEB promotion peut en revanche opposer à l'intimée les sommes suivantes :

- créance de la société Amiantech : 19 165 euros ;

- créance au titre du traitement des terres sulfatées : 86 300,25 euros

La cour relève que ne sont pas sérieusement discutés le montant total du marché (1 223 850 euros), les paiements directs à déduire : SMTP (210 00 euros), Voltaire 2000 (106 256,90 euros) ainsi que le paiement Maccuni (394 187,66 euros).

Il en résulte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu la somme de 407 915 euros (montant total du marché - les sommes susmentionnées à déduire) au titre du total à imputer sur les sommes réclamées par la banque.

En conséquence, la société HEB promotion n'est pas fondé à s'opposer à la demande en paiement de la société Crédit mutuel factoring titulaire d'une créance de 49 734,70 euros. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société HEB promotion à payer à la société Crédit mutuel factoring la somme de 49 734,70 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Par ces motifs

Par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Condamne la société HEB promotion aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société HEB promotion à payer à la société Crédit mtuel factoring la somme de 2 500 euros ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-2
Numéro d'arrêt : 23/00444
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;23.00444 ?
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