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13/05/2024 | FRANCE | N°22/01408

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 13 mai 2024, 22/01408


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54D



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 13 MAI 2024



N° RG 22/01408 - N° Portalis

DBV3-V-B7G-VBQT



AFFAIRE :



S.A.S. SPIRIT IMMOBILIER



C/



Société SGB CONSTRUCTION

et autre





Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 17 Novembre 2021 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre : 3

N° RG : 806 F-D



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Chantal DE CARFORT



Me Marion CORDIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrê...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54D

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 13 MAI 2024

N° RG 22/01408 - N° Portalis

DBV3-V-B7G-VBQT

AFFAIRE :

S.A.S. SPIRIT IMMOBILIER

C/

Société SGB CONSTRUCTION

et autre

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 17 Novembre 2021 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Chambre : 3

N° RG : 806 F-D

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Marion CORDIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 17 novembre 2021 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 24 juin 2020.

S.A.S. SPIRIT IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 3]

assistée de Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et de Me Fabrice GUILLOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2613

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société SGB CONSTRUCTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

assistée de Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 et de Me Anne CARUS de la SELASU CARUS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0543

S.A.S.U. BUREAU DE PROGRAMMATION ET DE COORDINATION DES CONSTUCTIONS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillante

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Spirit immobilier a courant 2013 entrepris la construction d'un bâtiment de 26 logements collectifs et de 12 logements individuels à [Localité 5] (91).

Sont notamment intervenues à l'opération de construction :

- la société Bureau de programmation et de coordination des constructions (ci-après « société BPCC »), en qualité de maître d''uvre exécution,

- la société Amplitude BTP, entreprise principale,

- la société SGB construction, sous-traitante de la société BPCC agréée, chargée de l'installation du chantier, du gros 'uvre bâtiment, des infrastructures et des superstructures.

La société SGB construction a, le 26 juin 2013, conclu avec la société Amplitude BTP, deux contrats de sous-traitance sans délégation de paiement :

- un avec agrément du maître d'ouvrage, concernant les lots « installation de chantier » et « infrastructure du bâtiment » pour un montant total de 1 471 194 euros HT

- un second sans agrément concernant le lot « superstructure et gros-'uvre » d'un montant de 798 807 euros HT.

La société Amplitude BTP n'a contracté au bénéfice de la société SGB construction aucune caution bancaire.

Par lettre du 3 février 2014, la société Spirit immobilier a reçu une notification de cession Dailly pour le marché de la société Amplitude BTP pour un montant de 2 299 096,75 euros porté à la somme de 2 999 776,75 euros par notification du 5 mai 2015.

Le 2 décembre 2014, la société SGB construction a fait une demande de paiement à la société Spirit immobilier d'une somme de 316 161,80 euros, au titre de l'action directe prévue par la loi de 1975 sur la sous-traitance. Cette action directe a été refusée par le maître d'ouvrage au motif que les travaux correspondants étaient des travaux supplémentaires non prévus au marché initial.

Le 23 juin 2015, la société Spirit immobilier a adressé une première mise en demeure à la société Amplitude BTP d'avoir à fournir le justificatif de la caution bancaire souscrite au profit de la société SGB construction.

Faute d'avoir pu obtenir les engagements de caution, le maître d'ouvrage a, le 15 juillet 2015, résilié le marché la liant à la société Amplitude BTP.

Par jugement du tribunal de commerce d'Évry du 20 juillet 2015, la société Amplitude BTP a été placée en liquidation judiciaire et Me [Y] [V] a été désignée ès qualités de liquidateur judiciaire.

Le 5 août 2015, la société SGB construction a mis en demeure les sociétés Spirit immobilier, BPCC et Amplitude BTP de s'acquitter de la somme totale de 374 011,95 euros TTC correspondant, selon elle, à des factures impayées.

Saisi par la société SGB construction d'une demande de nullité des contrats de sous-traitance et d'indemnisation de son préjudice à l'encontre du maître d'ouvrage et de son maître d''uvre, le tribunal de commerce d'Évry a, par jugement du 18 décembre 2017 :

- dit que la société SGB construction avait été agréée sans délégation de paiement, par le maître d'ouvrage dans le cadre des deux contrats de sous-traitance signés avec la société Amplitude BTP,

- dit que les deux contrats de sous-traitance datés du 26 juin 2013, liant les sociétés Amplitude BTP et SGB construction, étaient nuls,

- dit que la société Spirit immobilier avait commis une faute qui relevait de sa responsabilité délictuelle,

- dit que les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés restaient acquises à la société SGB construction,

- dit qu'au titre des travaux impayés, la société SGB construction ne justifiait que de la somme de 206 451,21 euros TTC, sur les 374 011,95 euros TTC demandés,

- condamné la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction la somme de 150 000 euros HT à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'être payée de sa créance,

- débouté la société Spirit immobilier de sa demande d'être garantie pour sa condamnation par la société BPCC,

- débouté les sociétés Spirit immobilier et BPCC de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour action abusive,

- condamné la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction la somme de 5 000 euros HT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes contraires aux motifs,

- condamné la société Spirit immobilier aux dépens.

Le tribunal a retenu que deux contrats de sous-traitance avaient été signés le 26 juin 2013, que le sous-traitant avait été agréé sans délégation de paiement par le maître de l'ouvrage pour ces deux contrats relatifs aux travaux d'infrastructure d'une part et de superstructure et gros-'uvre d'autre part. Mais il a estimé, en application de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, que ces deux contrats étaient nuls en l'absence de caution bancaire.

Le tribunal a également retenu que le maître d'ouvrage s'était comporté de manière négligente en agréant un sous-traitant sachant qu'il ne bénéficiait ni du paiement direct, ni d'une caution bancaire et en se désintéressant de ce manquement jusqu'au moment où la société Amplitude BTP avait été sur le point d'être déclarée en cessation de paiement. Il a estimé qu'il avait ainsi fait perdre au sous-traitant toute chance d'être garanti du paiement des sommes qui lui étaient dues. Il a retenu que cette faute délictuelle était imputable au seul maître d'ouvrage et qu'aucun manquement à un devoir de conseil ne pouvait être retenu.

Il a jugé qu'en l'absence de demande du liquidateur de la société Amplitude BTP, les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés devaient rester acquises à la société SGB construction.

Évaluant à la somme de 206 451,21 euros TTC les travaux impayés, le tribunal a fixé à 150 000 euros l'indemnisation de la perte d'une chance d'être payée de sa créance.

La société Spirit immobilier a interjeté appel par acte du 17 juillet 2018.

Par arrêt du 24 juin 2020 rendu par défaut, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la société SGB construction avait été agréée par la société Spirit immobilier, en qualité de sous-traitante sans délégation de paiement, dans le cadre du contrat signé avec la société Amplitude BTP le 26 juin 2013 au titre des travaux d'infrastructure, en ce qu'il a déclaré ce contrat nul, en ce qu'il a écarté la responsabilité délictuelle de la société BPCC, rejeté les demandes d'indemnisation de celle-ci à son encontre et débouté la société Spirit immobilier de son recours en garantie contre la société BPCC, en ce qu'il a débouté la société SGB construction de sa demande d'expertise et en ce qu'il a débouté la société Spirit immobilier et la société SGB construction de leurs demandes de dommages et intérêts pour action abusive,

- infirmé le jugement en toutes ses autres dispositions,

- rejeté toutes demandes de la société SGB construction présentées au titre du contrat de sous-traitance du 26 juin 2013 conclu avec la société Amplitude BTP au titre des travaux de superstructure et gros-'uvre bâtiment,

- dit que la faute délictuelle de la société Spirit immobilier n'était pas établie et rejeté en conséquence toute demande indemnitaire présentée par la société SGB construction contre la société Spirit immobilier au titre des travaux d'infrastructure,

- condamné la société SGB construction aux dépens de première instance et d'appel,

- condamné la société SGB construction à payer à la société Spirit immobilier d'une part et à la société BPCC d'autre part, la somme de 2 500 euros, chacune, en indemnisation de leurs frais irrépétibles.

La cour a tout d'abord rappelé que les conclusions de la société SGB construction et son assignation en intervention forcée avaient été déclarées irrecevables car tardives.

Elle a estimé, contrairement au tribunal que l'agrément du sous-traitant n'avait été accordé qu'en ce qui concerne le contrat relatif aux travaux d'infrastructure, et non pour les travaux de superstructure et de gros-'uvre. Elle a par conséquent rejeté les demandes en paiement au titre de ce dernier contrat.

La cour a confirmé la nullité du seul contrat de sous-traitance relatif aux travaux d'infrastructure pour défaut de caution bancaire.

En l'absence de déclaration de créance, elle a jugé irrecevable toute demande en paiement à l'encontre de la société Amplitude BTP.

Toutefois, elle a retenu qu'aucune faute ne pouvait être établie à l'encontre du maître d'ouvrage qui avait, par le biais de son maître d''uvre ou par elle-même, tenté d'obtenir de l'entreprise principale la justification d'une caution pour le paiement des prestations du sous-traitant. Elle a ajouté que le maître d'ouvrage ne disposait d'aucun pouvoir de coercition pour faire respecter l'obligation d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement du sous-traitant. Elle a par conséquent rejeté toutes les demandes indemnitaires à l'encontre du maître d'ouvrage et du maître d''uvre.

La société SGB construction a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation a :

- constaté la déchéance du pourvoi en tant que dirigé contre la société Amplitude BTP,

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 24 juin 2020, mais seulement en ce qu'il dit que la faute délictuelle de la société Spirit immobilier contre la société SGB construction n'était pas établie et en ce qu'il a rejeté toute demande indemnitaire présentée par la société SGB construction contre la société Spirit immobilier au titre des travaux d'infrastructures,

- remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles,

- condamné la société Spirit immobilier aux dépens,

- condamné la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a retenu, en application de l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 et de l'article 1382, devenu 1240 du code civil qu'il incombait au maître d'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution, qu'il lui appartenait donc de veiller à l'efficacité des mesures mises en 'uvre pour satisfaire aux obligations à sa charge et qu'il avait commis une faute qui engageait sa responsabilité à l'égard du sous-traitant.

Elle a relevé que si l'entreprise principale n'a pas fourni la caution à la suite de la demande adressée dès septembre 2013, le maître d'ouvrage n'avait pris, pendant près de deux ans, aucune mesure pour contraindre l'entrepreneur principal à respecter ses obligations. Par conséquent, la cour a retenu que les juges de la cour d'appel avaient violé les textes susvisés en ce qu'ils n'avaient pas retenu la faute du maître d'ouvrage engageant sa responsabilité.

Par déclaration du 4 mars 2022, la société Spirit immobilier a saisi la cour d'appel de renvoi.

Aux termes de ses conclusions n°3, remises le 4 avril 2023, la société Spirit immobilier demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- dit qu'elle avait commis une faute qui relevait de sa responsabilité délictuelle,

- dit que les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés resteraient acquises à la société SGB construction,

- l'a condamnée à payer à la société SGB construction la somme de 150 000 euros HT à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'être payée de sa créance et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

- débouter la société SGB construction de ses demandes à son encontre,

- condamner la société SGB construction à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Chantal de Carfort, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions n°2, remises le 16 mars 2023, la société SGB construction forme appel incident et demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Spirit immobilier avait commis une faute qui relevait de sa responsabilité délictuelle, dit que les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés restaient acquises à son encontre, condamné la société Spirit immobilier à lui verser la somme de 5 000 euros HT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Spirit immobilier aux dépens,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a arrêté à la somme de 206 451,21 euros TTC le montant des impayés et condamné la société Spirit immobilier à verser la somme de 150 000 euros HT à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la société Spirit immobilier à lui verser la somme de 374 011,95 euros TTC, somme qui constitue le juste coût de l'ensemble des travaux exécutés et non réglés,

- de condamner la société Spirit immobilier à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel outre les entiers dépens.

Régulièrement assignée par acte d'huissier délivré à personne morale le 11 mai puis le 23 septembre 2022, la société Bureau de programmation et de coordination des constructions n'a pas constitué avocat. Les conclusions d'appelante lui ont été signifiées par les mêmes actes. Les conclusions d'intimée lui ont été signifiées le 30 novembre 2022 puis le 21 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été initialement appelée à l'audience du 20 mars 2023, puis renvoyée en raison de l'indisponibilité du président à l'audience du 4 mars 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il ressort de l'arrêt de la Cour de cassation que la cassation n'est que partielle et couvre uniquement le fait de ne pas avoir retenu la faute délictuelle du maître d'ouvrage et le rejet de toute demande indemnitaire au titre des travaux d'infrastructures. Le premier moyen portant sur le rejet des demandes au titre des travaux de superstructure et gros-'uvre du bâtiment a été rejeté par la Cour de cassation.

Il en résulte que la saisine ne concerne que les travaux d'infrastructure pour lesquels le contrat a été annulé.

Ainsi, la nullité du contrat de sous-traitance au titre des travaux d'infrastructure, l'absence de faute de la société BPCC, le rejet de toute demande, y compris en garantie, à son encontre sont définitifs, de même que le rejet de toute demande au titre du contrat de sous-traitance relatif aux travaux de superstructure et gros-'uvre.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens développés par la société SGB construction concernant la question de l'agrément du contrat de sous-traitance relatif aux travaux de superstructure et gros-'uvre.

De la même façon, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Spirit immobilier de réformation du jugement en ce qu'il a dit que les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés restaient acquises au sous-traitant, pour laquelle elle ne développe aucun moyen de contestation. Partant le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la faute délictuelle de la société Spirit immobilier

À l'appui de sa demande de réformation du jugement qui a retenu la faute du maître d'ouvrage, la société Spirit immobilier n'a développé aucun moyen.

La société SGB construction réclame la confirmation du jugement sur ce point et fait valoir que le maître d'ouvrage aurait dû s'assurer que l'entreprise générale avait souscrit une caution bancaire à son profit, en sa qualité de sous-traitant et la mettre en demeure efficacement d'exécuter ses obligations et vérifier l'obtention de cette caution et la communication au sous-traitant des coordonnées de la caution.

Elle précise, sans être contestée, que l'agrément du maître d'ouvrage a bien été obtenu pour le lot « infrastructure du bâtiment » et que la société Amplitude BTP n'a fourni aucune caution ni délégation de paiement.

Elle estime que le maître d'ouvrage a par conséquent commis une faute délictuelle en agréant un sous-traitant tout en sachant qu'il ne bénéficiait ni du paiement direct, ni d'une caution bancaire et ce alors que l'entreprise générale a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Elle ajoute que le fait de ne pas l'avoir agréée pour les travaux de superstructure est un abus de droit qui engage également sa responsabilité délictuelle.

Réponse de la cour

Il est admis et il résulte de la combinaison l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 et de l'article 1382, devenu 1240 du code civil qu'il incombe au maître d'ouvrage d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution et qu'il lui appartient de veiller à l'efficacité des mesures mises en 'uvre pour satisfaire aux obligations à sa charge.

Il est également admis qu'un maître d'ouvrage qui a connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier dès le début des travaux et qui ne met pas l'entrepreneur principal en demeure de faire agréer son sous-traitant et ses conditions de paiement, commet une faute à l'égard du sous-traitant.

En l'espèce, il est établi que, dans le cadre de la procédure d'agrément du contrat relatif aux travaux d'infrastructure, la société Amplitude BTP n'a pas fourni la caution suite à la demande effectuée par le maître d''uvre par courrier du 16 septembre 2013 et que le maître d'ouvrage n'a adressé des mises en demeure qu'à compter du 23 juin 2015, suivi du 29 juin et du 2 juillet 2015 avant de procéder à la résiliation du marché par courrier du 15 juillet 2015, soit cinq jours avant son placement en liquidation judiciaire. Ces mises en demeure tardives ne pouvaient avoir aucune effectivité.

Il est par conséquent avéré que le maître d'ouvrage n'a pris, pendant près de deux ans, aucune mesure pour contraindre l'entrepreneur principal à respecter ses obligations, ce qui constitue une faute délictuelle imputable à la société Spirit immobilier.

Partant le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du préjudice

À l'appui de sa demande d'indemnisation, la société SGB construction réclame une somme de 374 011,95 euros (52 350,73 euros au titre des deux marchés, 300 800,47 euros au titre des travaux supplémentaires et 20 860,75 euros au titre des dépenses d'intérêt commun) et fait valoir que l'indemnisation due au sous-traitant doit être déterminée en fonction des prestations réalisées, de leurs coûts directs, des frais s'y rattachant et du gain qu'il aurait été équitable d'en tirer, qu'elle doit être indemnisée pour la partie impayée de ses travaux et que le quantum réclamé correspond au juste coût des travaux exécutés.

Elle ajoute que les comptes-rendus de chantier produits démontrent l'avancement du marché en mars 2014 qui était quasiment achevé pour le lot superstructure ce qui implique l'achèvement du lot infrastructure et que l'intervention de Gaz de France le 16 avril 2014 pour mettre en place le réseau gaz et le démontage de la grue le 28 avril 2014 confirment cet achèvement.

Elle souligne enfin que les allégations d'abandon de chantier sont fantaisistes et contredites par le courrier adressé le 26 novembre 2014.

Pour s'opposer à cette indemnisation, la société Spirit immobilier soutient que l'intimée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de perte de chance, que la réalité des prestations, leur achèvement et leur coût réel ne sont pas démontrés, que la demande excède le marché « infrastructure » et que l'intimée ne peut réclamer le paiement d'une facture d'un contrat annulé.

Elle souligne que la somme réclamée concerne essentiellement des travaux supplémentaires non commandés par le maître d'ouvrage et des dépenses d'intérêts commun et qu'il ne peut y avoir de garantie bancaire à actionner pour des créances non prévues dans le marché sous-traité.

Elle rappelle que la garantie bancaire ne peut concerner que les marchés et avenants acceptés et qu'en l'espèce il n'est justifié d'aucun préjudice de perte de chance d'être réglée pour des prestations hors marché principal.

Elle ajoute que l'intimée pouvait solliciter le paiement de sa créance auprès de la banque cessionnaire dans le cadre du Dailly.

Réponse de la cour

Il est admis que l'application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 suppose que le sous-traitant ait été identifié par le maître de l'ouvrage, ce qui est nécessairement le cas en l'espèce puisqu'un des deux marchés de sous-traitance signé le 26 juin 2013 a fait l'objet d'un agrément et que les comptes-rendus de chantier n°16 et 17 en attestent.

En outre, il est également admis que le maître de l'ouvrage, qui omet d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie, sauf délégation de paiement, de la fourniture d'une caution, prive le sous-traitant du bénéfice d'une garantie lui assurant le complet paiement du solde de ses travaux.

En conséquence, le préjudice réparable est égal à la différence entre les sommes que le sous-traitant aurait dû recevoir si une délégation de paiement lui avait été consentie ou si un établissement financier avait cautionné son marché et celles effectivement reçues.

Ainsi, en présence d'un tel manquement, l'indemnisation doit correspondre au montant des travaux impayés puisque, si le cautionnement avait été fourni au sous-traitant, il aurait été intégralement payé du montant des travaux restés impayés. Les dommages-intérêts sont équivalents au juste coût des travaux exécutés, même s'il est d'un montant supérieur à celui qui aurait été dû en exécution de l'action directe.

Enfin, il est désormais admis que l'indemnisation accordée au sous-traitant étant déterminée par rapport aux sommes restant dues par l'entrepreneur principal au sous-traitant, il importe peu que les travaux aient été acceptés par le maître de l'ouvrage dès lors qu'ils avaient été confiés au sous-traitant pour l'exécution du marché principal.

Il est relevé en l'espèce que la possibilité de solliciter le paiement de sa créance auprès de la banque cessionnaire n'empêche pas l'indemnisation du préjudice causé par la faute du maître d'ouvrage et que ce dernier n'a pas eu à assumer les frais de la prise d'une caution, nécessairement retenus dans les devis.

Il en résulte que l'indemnisation est déterminée en fonction des prestations réalisées, de leurs justes coûts et des frais s'y rattachant.

Contrairement à ce que soutient la société Spirit immobilier, sa responsabilité n'est pas recherchée au titre de la nullité du contrat de sous-traitance mais au titre de la faute commise.

Au demeurant, le sous-traitant ne réclame pas le paiement de ses factures mais l'indemnisation de son préjudice qui résulte du juste coût des travaux effectués.

En l'espèce, il ressort en premier lieu des deux comptes-rendus de réunion n°16 et 17 que la société SGB est expressément mentionnée comme étant une société agréée et qu'ils démontrent suffisamment l'achèvement du lot infrastructure en mars 2014. La mise au point du réseau gaz et le démontage de la grue confirment ce point.

L'intimée produit à l'appui de sa demande le décompte général définitif d'un montant de 374 011,95 euros TTC dont les mentions ne sont pas contestées ainsi que les factures afférentes et la situation n°12 du 23 juin 2014 établissant un reste dû de 25 993,08 euros TTC au titre du lot infrastructure. Si le prix contractuel n'existe plus suite à l'annulation du contrat, les pièces produites permettent d'établir la réalité des prestations, leur coût réel et d'évaluer ce préjudice.

Elle justifie également d'un solde concernant les dépenses d'intérêt commun du chantier d'un montant de 20 860,75 euros qui ne saurait être prétendues comme indépendantes du marché d'infrastructure alors que ces frais se rattachent aux travaux confiés au sous-traitant pour l'exécution du marché principal.

Concernant les travaux supplémentaires, le tribunal avait justement rappelé que la réalisation des travaux et la justesse de leur prix n'ont pas été contestés et que leur réalité était acquise malgré l'annulation du marché. Les factures n°1411497 (terrassement) d'un montant de 96 000 euros et n°1411498 (dalles en béton armé sur sous-sol et terre-plein) d'un montant de 36 000 euros se rattachent aux travaux confiés au sous-traitant pour l'exécution du marché principal.

Il doit être souligné que si l'appelante évoque un abandon de chantier, celui-ci est formellement contesté et nullement démontré par les pièces produites.

La cour constate que s'il n'est produit aucun devis, aucune réception de travaux ni aucune validation par la maîtrise d''uvre, la réalité des travaux exécutés qui n'a jamais été contestée par le maître d'ouvrage est suffisamment démontrée et que l'intimée aurait pu être payée si une caution avait été exigée et payée.

Dans ses conditions, une somme de 178 853 euros sera allouée à l'intimée en réparation de son préjudice.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La société Spirit immobilier qui succombe en son appel, doit donc être condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Elle est elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en dernier ressort et dans les limites de la cassation partielle, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société Spirit immobilier a commis une faute qui relève de sa responsabilité délictuelle et en ce qu'il a dit que les sommes déjà perçues au titre du début d'exécution des contrats annulés restent acquises à la société SGB construction ;

L'infirme sur le quantum en ce qu'il a condamné la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction la somme de 150 000 euros HT à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'être payée de sa créance ;

Statuant de nouveau,

Condamne la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction la somme de 178 853 euros en indemnisation de son préjudice ;

Y ajoutant,

Condamne la société Spirit immobilier aux entiers dépens d'appel ;

Condamne la société Spirit immobilier à payer à la société SGB construction une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 22/01408
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;22.01408 ?
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