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13/05/2024 | FRANCE | N°21/04622

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 13 mai 2024, 21/04622


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54C



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE



DU 13 MAI 2024



N° RG 21/04622 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUZQ



AFFAIRE :



S.A.S. A.C.L.L



C/



[E] [C]

et autres





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/12

397



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Christophe DEBRAY,



Me Olivier DEMANGE,



Me Sophie POULAIN,



Me Anne-laure DUMEAU



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE MAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54C

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 13 MAI 2024

N° RG 21/04622 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUZQ

AFFAIRE :

S.A.S. A.C.L.L

C/

[E] [C]

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/12397

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me Olivier DEMANGE,

Me Sophie POULAIN,

Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. A.C.L.L

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Guillaume CADIX de l'AARPI GALLICA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0667

APPELANTE

****************

Monsieur [E] [C]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentant : Me Olivier DEMANGE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 165 et Me Dorothée ORLOWSKA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1796

Madame [I] [F] [W] épouse [C]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentant : Me Olivier DEMANGE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 165 et Me Dorothée ORLOWSKA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1796

S.A.S. DGM & ASSOCIES

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentant : Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 et Me Hélène CHAUVEL de la SELARL SELARL CHAUVEL GICQUEL Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0003

S.C.C.V. VALLOIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Pauline CHAPUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0304

S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'APPLICATION THERMIQUE (SAT)

[Adresse 3]

[Localité 10]

Défaillante

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Vallois a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, la construction d'un ensemble immobilier à usage d'habitation au [Adresse 6], [Adresse 7] et [Adresse 8] à [Localité 9] (92).

La mission de maîtrise d''uvre de conception a été confiée à la société DGM et associés (ci-après « société DGM ») suivant contrat du 5 octobre 2010 et la maîtrise d''uvre d'exécution à la société ACLL suivant contrat du 12 juillet 2011.

La société d'Applications thermiques (ci-après « société SAT») s'est vu confier le lot plomberie.

Les travaux ont débuté en septembre 2012.

M. [E] [C] et Mme [I] [F] [W] épouse [C] ont, le 21 décembre 2012, signé avec la société Vallois un contrat de réservation portant sur un appartement situé dans le bâtiment A au troisième étage, d'une surface de 88,95 m² pour un montant de 740 000 euros.

Par un courrier du 13 janvier 2013, les époux [C] ont indiqué qu'ils souhaitaient finalement reporter leur réservation sur un autre appartement plus grand équipé d'un balcon et d'une terrasse situé au cinquième étage du bâtiment A.

C'est ainsi que par acte authentique du 28 mars 2013, les époux [C] ont acquis en l'état futur d'achèvement un appartement de 104 m² situé au cinquième étage du bâtiment A, qui en comporte six, pour un montant de 975 000 euros, soit 950 000 euros pour l'appartement et la cave et 25 000 euros pour le parking.

Ils ont constaté en juin 2014, suite à une visite du chantier, l'insuffisance de hauteur de certains faux plafonds.

Un procès-verbal de prise de possession a été établi le 3 octobre 2014.

Malgré quelques aménagements réalisés à l'initiative de la maîtrise d'ouvrage, les époux [C], estimant qu'ils n'avaient pas obtenu satisfaction sur ce point, ont sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé du 30 janvier 2015, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a ainsi désigné M. [L] [J], expert.

La société Vallois a demandé à ce que les opérations d'expertise soient rendues communes aux sociétés DGM, ACLL et SAT et il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 12 janvier 2016.

Les époux [C] ont par la suite sollicité une extension de mission portant sur un balustre séparant les balcons de l'appartement et il a été fait droit à leur demande par ordonnance du 25 mai 2016.

Par exploits des 18 et 22 août 2016, les époux [C] ont fait assigner les sociétés Vallois, DGM, ACLL et SAT en réparation de leurs préjudices devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 22 juillet 2018.

Par jugement contradictoire du 10 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré M. et Mme [C] irrecevables en leurs demandes à l'encontre de la société SAT,

- déclaré M. et Mme [C] recevables en leur demande relative au balustre,

- condamné in solidum les sociétés Vallois, DGM et la ACLL à leur payer la somme de 95 314,59 euros,

- fixé le partage de responsabilité de la façon suivante :

- la société Vallois : 1/3

- la société DGM : 1/3

- la société ACLL : 1/3

- dit que dans leurs recours entre eux, les intervenants responsables sont garantis des condamnations prononcées à leur encontre, tant en principal et intérêts qu'au titre des dépens et frais irrépétibles, à proportion du partage de responsabilité fixé par le tribunal,

- débouté la société ACLL de ses demandes à l'encontre de la société SAT,

- condamné la société Vallois à faire exécuter les travaux de suppression du balustre séparant le balcon et la terrasse de l'appartement des époux [C], selon les préconisations de l'expert judiciaire, dans un délai de 90 jours à compter de la signification du jugement,

- dit que passé ce délai et à compter du 91ème jour, une astreinte de 60 euros par jour de retard courra et ce pendant une durée de 60 jours, passé lequel délai il serait à nouveau fait droit,

- débouté les époux [C] de leur demande tendant à voir le tribunal se réserver compétence pour liquider l'astreinte,

- autorisé les époux [C], à défaut de réalisation des travaux à l'initiative de la société Vallois dans le délai imparti, à entreprendre les travaux de suppression du balustre aux frais avancés de la société Vallois,

- dit que la société DGM et associés et la société ACLL devront garantir, chacune pour un tiers, la société Vallois du coût des travaux entrepris pour la suppression du balustre,

- condamné in solidum les sociétés Vallois, DGM et ACLL à payer à M. et Mme [C] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les mêmes in solidum aux dépens, y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Orlowska,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Le tribunal a jugé que les demandes des époux [C] ne pouvaient prospérer à l'encontre de la société SAT, défaillante, à laquelle les conclusions en ouverture de rapport et les écritures ultérieures n'avaient pas été signifiées conformément aux dispositions de l'article 68 du code de procédure civile. En revanche, il a estimé que la société ACLL qui lui avait fait signifier leurs conclusions était recevable en ses demandes.

Il a retenu la responsabilité contractuelle du vendeur en l'état futur d'achèvement en ce qu'il avait commis une faute envers les époux [C] en leur cédant un bien dont les hauteurs sous plafond étaient multiples, non conformes aux usages et au prestige de la résidence.

Il a considéré que ces différentes hauteurs sous plafond affectaient la jouissance de l'ensemble de l'appartement et par conséquent avaient une incidence sur la valeur vénale de ce dernier. Le tribunal a ainsi condamné in solidum les sociétés Vallois, DGM et ACLL à indemniser les époux [C] de la moins-value en résultant.

Le tribunal a également retenu que la balustre séparant le balcon et la terrasse de l'appartement était une erreur d'interprétation des plans. Par conséquent, le tribunal a condamné la société Vallois à faire exécuter les travaux de suppression du balustre sous délais de trois mois et sous astreinte.

Par déclaration du 19 juillet 2021, la société ACLL a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 3 octobre 2022, la société ACLL demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, de le réformer en ce qu'il a retenu sa responsabilité, prononcé des condamnations à son encontre, tant au profit des époux [C] que des autres parties, plus subsidiairement, en ce qu'il lui a refusé ou limité sa demande de garantie par les autres parties,

- en tout état de cause, de rejeter l'ensemble des demandes formées, y compris sous la forme d'appel incident, à son encontre,

- à titre subsidiaire, de limiter le montant des indemnités mises à sa charge,

- très subsidiairement, de condamner in solidum les sociétés Vallois, DGM et SAT à la garantir,

- en tout état de cause, de condamner in solidum les époux [C], les sociétés Vallois, DGM et la SAT aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice à Me [E] [T], du recouvrement direct de l'article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 9 600 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 25 mars 2022, les époux [C] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause, rejeter l'ensemble des demandes formées à leur encontre,

- débouter de toutes de leurs demandes les sociétés Valois, DGM et ACLL dirigées à leur encontre,

- condamner tout succombant à leur payer, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Demange pour ceux dont il aurait fait l'avance.

Aux termes de ses premières conclusions, remises le 28 décembre 2021, la société Vallois demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter la société ACLL de ses demandes,

- dire et juger que d'après le rapport de l'expert M. [J] du 22 juillet 2018, deux griefs ont été retenus : un grief relatif à la présence de soffites et faux plafond qui cause un désagrément aux époux [C] et pour lequel l'expert estime une indemnité pour préjudice subi à hauteur de 5 % du prix d'achat de l'appartement et un grief relatif à la présence d'un balustre en balcon dont il est sollicité la suppression,

- dire et juger que les deux griefs soulevés par les époux [C] constituent un simple désagrément et ne constituent en aucun cas une non-conformité,

- dire et juger qu'aucun de ces griefs n'est de nature à affecter directement ou indirectement la solidité du bien ou son bon fonctionnement,

- dire et juger que ces désordres et griefs ne causent aux époux [C] aucun préjudice significatif y compris de jouissance,

- dire et juger que les deux maîtres d''uvre DGM et ACLL ont été tenus pour responsables de ces deux griefs causant un désagrément aux époux [C],

- dire et juger qu'en conséquence et en aucun cas elle n'a failli à son obligation,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement qui pourrait être à l'origine de ces griefs,

- la mettre hors de cause au titre de ces deux griefs,

- dire et juger que les deux maîtres d''uvre, les sociétés DGM et ACLL sont seuls responsables pour moitié de la présence de ces griefs causant un désagrément aux époux [C],

- condamner les deux maîtres d''uvre les sociétés DGM et ACLL à faire face par moitié et in solidum à toute condamnation à quelque titre que ce soit pour ces deux griefs notamment au titre d'un prétendu préjudice justifiant une indemnité ou au titre des travaux à réaliser pour supprimer le balustre,

- débouter les époux [C] de toute autre demande y compris indemnitaire, allant au-delà des sommes retenues par l'expert au titre des griefs relatifs à la présence des soffites, faux plafonds et du balustre, soit 5 % du prix d'achat de l'appartement et au-delà de la préconisation des travaux de suppression du balustre,

- débouter les époux [C] de leur demande d'exécution des travaux de suppression du balustre sous astreinte comme étant non justifiée et/ou d'une éventuelle demande subsidiaire d'allocation d'une somme de 5 000 euros au titre d'un trouble de jouissance lié à la présence du balustre,

- débouter les deux maîtres d''uvre, les sociétés DGM et ACLL de leur appel en garantie à son encontre,

- à titre subsidiaire, condamner les deux maîtres d''uvre, les sociétés DGM et ACLL par moitié et in solidum à faire face à toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à quelque titre que ce soit à son encontre au titre des deux griefs retenus par l'expert M. [J] dans son rapport du 22 juillet 2018,

- condamner les deux maîtres d''uvre, les sociétés DGM et ACLL par moitié et in solidum à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, que ce soit au titre du préjudice de jouissance ou tout autre préjudice reconnu en faveur des [C], au titre des travaux éventuels et leurs conséquences ou encore au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou au titre des dépens comprenant les frais d'expertise de M. [J],

- en tout état de cause, débouter les époux [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens comprenant les frais d'expertise à son encontre,

- condamner in solidum les époux [C], les deux maîtres d''uvre, les sociétés DGM et ACLL ou tout succombant à lui régler la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner en tous les dépens comprenant les frais d'expertise et notamment au remboursement des frais d'expertise qu'elle a réglés pour un montant de 500 euros, dont distraction au profit de Me Anne Laure Dumeau et ce, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses premières conclusions, remises le 30 décembre 2021, la société DGM demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter les époux [C] de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter la société Vallois et la société ACLL de leur appel en garantie à son encontre,

- rejeter toute demande de condamnation solidaire ou in solidum,

- subsidiairement, réduire l'indemnité allouée aux époux [C] à de plus justes proportions,

- condamner sur un fondement quasi délictuel la société ACLL et sur un fondement contractuel la société Valois à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société SAT n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées le 6 octobre 2021, la société Vallois lui a fait signifier ses conclusions le 3 janvier 2022, la société DGM le 4 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2022 et l'affaire devait être appelée à l'audience du 20 mars 2023, mais en raison de l'indisponibilité du président a été renvoyée à celle du 4 mars 2024 et mise en délibéré au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il doit être rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «dire et juger» qui ne sont pas des prétentions juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile. 

Par ailleurs, l'irrecevabilité des demandes des époux [C] à l'encontre de la société SAT jugée en première instance, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel, elle est donc définitive.

Sur les régimes juridiques applicables

Les demandes des époux [C] se fondent sur les articles 1222 du code civil, soit l'exécution en nature des obligations, 1240, 1241 et suivants du même code, soit la responsabilité délictuelle -alors que c'est le régime de responsabilité contractuelle qui doit d'appliquer comme l'ont déjà relevé les premiers juges- et 1601 et suivants du code civil, soit les dispositions sur le contrat de vente d'immeuble à construire.

Comme l'ont relevé les premiers juges les demandes en garantie formées à l'encontre des maîtres d''uvre de conception et d'exécution par le maître de l'ouvrage-vendeur en l'état futur d'achèvement des époux [C] ressortent de la responsabilité contractuelle de droit commun, puisqu'ils ont contracté ensemble. Les contrats étant antérieurs au 1er octobre 2016, ce sont les dispositions issues des articles 1134 et 1147 anciens du code civil qui trouvent ici application.

Chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.

Enfin, les appels en garantie entre personnes n'ayant pas contracté ensemble ressortent de la responsabilité délictuelle.

Sur les dommages et les responsabilités

Deux problèmes sont dénoncés par les époux [C], la hauteur sous plafond et la présence d'un balustre.

La hauteur sous plafond

Avant la livraison du bien, les acquéreurs avaient alerté par courrier recommandé leur vendeur, la société Vallois, de certains désordres et notamment des difficultés de la hauteur sous les faux plafonds.

Celle-ci leur a répondu « Vous évoquez ensuite la hauteur standard de 2,50 m pour des logements neufs. Si celle-ci constitue effectivement un usage, nous attirons cependant votre attention sur le fait qu'elle ne résulte d'aucune réglementation applicable en l'espèce. Au contraire, tant la surface habitable qui s'applique dans le cadre du contrat de vente en l'état futur d'achèvement (article R. 112-1 du code de la construction et de l'habitation) que la loi dite « Carrez » qui s'appliquera lors de la revente de votre appartement, admettent la prise en compte des surfaces dont la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 m. ».

Par courrier du 3 juillet 2014, le vendeur a proposé des modifications, acceptées pour partie par les acquéreurs dans leur courrier du 12 juillet 2014, ils ont pris acte des ajustements opérés visant à remédier au problème, dans certaines pièces comme la salle d'eau et la salle de bains, mais ont refusé d'accepter le plan modifié, ils ont aussi demandé la suppression du balustre entre la terrasse et le balcon.

Selon les relevés de l'expert judiciaire les hauteurs sous faux plafonds et soffites sont de :

- 2,13 m dans l'entrée et dans le placard et non 2,10 m, comme indiqué sur le plan

- 2,15 m dans le dégagement entre la chambre 2 et la chambre 3 comme indiqué sur le plan

- 2,18 m dans le dégagement de la chambre 1 et non 2,20 m comme indiqué sur le plan

- 2,40 m dans la salle de bain de la chambre 1, comme indiqué sur le plan

- 2,40 m dans la salle d'eau de la chambre 1, comme indiqué sur le plan

- 2,08 m dans la cuisine et non 2,07 comme indiqué sur le plan

- 2,15 m dans la salle de bain 1 au-dessus de la baignoire et non 2,40 m comme indiqué sur le

plan.

L'expert judiciaire précise à cet égard qu'« Une conception différente de l'aménagement des appartements aurait pu être prévue lors de la réalisation des plans de conception avant le dépôt du permis de construire afin de permettre un meilleur positionnement des conduits verticaux renfermant les gaines de ventilation ou d'extraction. Il aurait été de même lors de la réalisation des plans d'exécution. Les dévoiements du 5e étage ont été créés pour pallier l'absence des conduits verticaux au 6e étage. Les dévoiements effectués avec la création des soffites ou la création de faux plafonds dans l'appartement du 5e étage n'ont pas eu pour but de résoudre un problème technique, mais de remédier à un défaut technique lors de la conception des plans d'aménagement. Le déplacement de la gaine G13 sur la terrasse de l'appartement A61 du 6e étage, aurait pu éviter le dévoiement des gaines par le plafond de l'appartement A52 du 5e étage des époux [C]. La superposition des gaines techniques verticales disparaissent entre le 5e étage et le 6e étage au-dessus des 2 salles de bains. Il était inévitable de prévoir un dévoiement des conduits de ventilation et d'extraction. Les dévoiements non prévus à l'origine du projet ont engendré la création de faux plafonds dans l'entrée, les dégagements, cuisine et les salles de bains pour résoudre le manque de conduits verticaux.(...) La réalisation du 6e étage a été réalisée au détriment du 5e étage. Les étages courants ne subissent pas de désagrément des hauteurs de plafonds ou de faux plafonds aussi importants. Les époux [C] ont signé un plan, indiquant sommairement les dévoiements, sans donner des précisions sur les implantations et sans indication des hauteurs des faux plafonds et soffites. Seul le 5e étage a des hauteurs de faux plafonds anormalement bas. Aucun compte-rendu n'indique les modifications des hauteurs de faux plafonds. La diminution des hauteurs est en opposition avec les « volumes spacieux » tels que décrits dans la brochure de vente. 2,13 m dans l'entrée au lieu de 2,50 m soit 37 cm de différence par rapport au projet initial. 2,15 m au lieu de 2,40 m, au-dessus de la baignoire, soit 25 cm de différence par rapport au projet initial, (') ».

Ainsi l'expert met en lumière ce défaut affectant l'appartement des époux [C] qui aurait pu être évité grâce à un meilleur aménagement des volumes et répond aux arguments du vendeur qui se prévaut de la notice de vente qui précise « seront admises de plein droit, toutes modifications de structure et de l'agencement intérieur et extérieur (tels que le déplacement de gaines techniques, soffites ou faux plafond...) ayant pour but de résoudre un problème technique ou de compléter ou de parfaire, soit l'effet architectural, soit l'harmonie de l'immeuble, ce qui serait apporté en cours de travaux par le constructeur en accord avec l'architecte... »

Les comptes-rendus (CR) de chantier mentionnent les dévoiements et leur impact sur les faux plafonds de la façon ainsi :

- les faux plafonds, des dégagements, salle d'eau, salle de bain et cuisine ont été déposés au CR n° 63 du 24 juin 2014, n°64 du 1er juillet 2014 et n° 65 du 8 juillet 2014 pour le dévoiement des réseaux de VMC de l'appartement

- les dévoiements de réseaux sont en cours au CR n° 66 du 15 juillet 2014

- il est demandé d'achever au plus vite les dévoiements dans le logement lot A52 au CR n°67 du 22 juillet 2014

- les faux plafonds sont reposés à partir du 24 juillet 2014 après la réalisation des dévoiements des réseaux de ventilation ou d'extraction, compte-rendu n°68 du 29 juillet 2014 (début des livraisons logements prévues pour le 22 septembre 2014).

L'expert en conclut que « les dévoiements des gaines de ventilation ou d'extraction des gaines G3, G4, G5 et G13 réalisés au 5e étage, appartement A52 des époux [C] auraient pu être évités techniquement dès le début de la conception du projet. » et que « des solutions plus simples et moins contraignantes auraient également pu être solutionnées différemment afin d'éviter les désagréments que subissent les époux [C] », avant d'ajouter que « le prolongement des conduits verticaux renfermant les gaines aux étages courants, dans le plancher du 6e étage de l'appartement A61 ont été « oubliés » à la conception du projet ».

L'expert relève que si les plans de permis de construire représentent toutes les gaines et se superposent, les plans d'exécution en revanche ne représentent pas la totalité des conduits, notamment le conduit du 6e étage situé à droite de l'entrée du séjour.

Ainsi, comme l'ont retenu les premiers juges, les époux [C], profanes en la matière, n'ont pas, lors de leur acquisition été informés d'une hauteur des faux-plafonds particulièrement basse et de la différence de hauteurs des plafonds dans leur appartement.

Alors que le directeur des travaux de la société Vallois, conscient du problème, a dans un courriel du 7 février 2013 adressé aux sociétés DGM et ACLL alerté du problème concernant les gaines ayant notamment pour conséquence de réduire considérablement la hauteur sous plafond du logement concerné.

La société Vallois, dûment informée de ces difficultés de nature à modifier l'agencement intérieur de l'appartement et susceptibles d'avoir des répercussions sur la valeur de l'appartement, a cependant signé le 28 mars 2013 avec M. et Mme [C] l'acte d'acquisition sans que les plans ne soient explicites sur ces dévoiements.

Le vendeur en l'état futur d'achèvement ne peut se retrancher derrière des considérations techniques puisque celles-ci ont été exclues par l'expert judiciaire qui montre que d'autres solutions étaient possibles que ces passages de gaines au 5e étage venant amputer de façon importante la hauteur sous plafond du bien acquis par les époux [C].

Il est d'usage que les constructions neuves aient une hauteur sous plafond de 2,50 m alors que l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation impose pour leur commercialisation des surfaces dont la hauteur est supérieure à 1,80 m.

Il est manifeste que les différentes hauteurs critiquées par les époux [C] sont en deçà de l'usage et qu'ils n'ont pas eu l'information nécessaire sur ce point avant de contracter.

Ils ne pouvaient, lors de leur achat, se douter que l'appartement de standing qui leur était vendu comportait ces défauts et ils ont été mis devant le fait accompli lors de la livraison.

Le vendeur en l'état futur d'achèvement a commis une faute vis-à-vis des époux [C] en leur cédant un bien dont les hauteurs sous plafond étaient multiples, non conformes aux usages et au standing de la résidence.

Sa responsabilité contractuelle est engagée.

Les fautes respectives du maître d''uvre de conception et du maître d''uvre d'exécution, respectivement les sociétés DGM et ACLL, ont été clairement mises en lumière par l'expert judiciaire dans les extraits de son rapport cité ci-avant.

Ainsi, les sociétés Vallois, DGM et ACLL doivent être condamnées in solidum à indemniser les époux [C] du préjudice subi.

Le préjudice est de plusieurs ordres, les différentes hauteurs sous plafond engendrent un préjudice esthétique et de jouissance de l'ensemble de l'appartement et la valeur de celui-ci s'en trouve affectée.

La décote de 10 % dont se prévalent les acquéreurs est convenable même si l'expert a retenu une décote de 5 %, il n'a donné qu'un avis qui ne lie pas le juge.

Le préjudice subi par les époux [C] fixé au montant de 95 314,59 euros pour ce chef de préjudice est retenue.

Ayant contribué toutes les trois à la production du dommage, les sociétés Vallois, DGM, ACLL sont condamnées in solidum à payer cette somme aux époux [C].

En raison des fautes imputables à chacune des parties défenderesses, fautes de conception et techniques des maîtres d''uvre et choix économique du vendeur, le partage de responsabilité définitif a été justement fixé par les premiers juges à un tiers chacun.

L'appel en garantie de la société ACLL doit être fondé sur la responsabilité délictuelle, ce qui implique qu'elle rapporte la preuve de la faute de la société SAT. Cette société, chargée du lot plomberie, a attiré l'attention de la société ACLL, ce que cette dernière reconnaît, sur la modification des hauteurs de plafond par la création de soffites dans l'appartement du 5e étage. Sa faute, qui n'est pas prouvée, ne peut être retenue. Le jugement est confirmé également sur ce point.

La présence du balustre

M. et Mme [C] sollicitent la suppression du balustre qui empêche la communication entre deux espaces situés sur un même plan, la terrasse et le balcon de la chambre.

L'expert judiciaire confirme ce problème de circulation et indique que le balustre situé entre le balcon et la terrasse est inutile et peut être retiré. Il en impute la responsabilité à l'absence de concertation entre les deux maîtres d''uvre, de conception et d'exécution, la maîtrise d'ouvrage, l'entreprise de gros 'uvre et le bureau d'étude.

En effet, il s'agit d'une erreur d'interprétation des plans alors que la représentation des balustres sur le plan du permis de construire est matérialisée sur la périphérie du balcon-terrasse en L et que le « rendu final » du balcon-terrasse ne correspond pas au permis de construire.

Profanes en la matière, les époux [C] ne pouvaient à la signature de l'acte de vente réaliser que cette séparation inutile entre le balcon et la terrasse empêcherait une libre circulation et une sortie de la chambre par la terrasse. Comme il a été vu ci-avant, lors de la visite de chantier, ils ont bien sollicité la suppression de ce balustre avant la livraison de leur bien, ce qui leur a été refusé par le vendeur.

Ce défaut de conception aurait pu être corrigé en cours d'exécution des travaux.

Les premiers juges, sur le fondement de l'article 1222 du code civil, ont ainsi justement condamné la société Vallois à faire exécuter les travaux de suppression du balustre séparant le balcon et la terrasse de l'appartement des époux [C], selon les préconisations de l'expert judiciaire dans un délai de 90 jours à compter de la signification du jugement puis passé ce délai, sous astreinte, et à défaut de réalisation des travaux à l'initiative de la société Vallois dans le délai imparti, les époux [C] ont été autorisés à entreprendre les travaux de suppression du balustre aux frais avancés de la société Vallois.

Les sociétés DGM et ACLL, pour leur faute de conception et d'exécution, peuvent être appelées en garantie par la société Vallois, chacune pour un tiers, du coût des travaux entrepris.

Le jugement est confirmé également sur ce point.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

Les sociétés Vallois, DGM et ACLL, qui succombent, ont été à juste titre condamnées aux dépens de première instance. Elles sont également in solidum condamnées aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, à raison d'un tiers chacune dans leurs rapports finaux. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions et les circonstances de l'espèce justifient de condamner les sociétés Vallois, DGM et ACLL, chacune, à payer aux époux [C] une indemnité de 3 000 euros, soit 9 000 euros au total, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement déféré en totalité ;

Ajoutant au jugement déféré,

Condamne in solidum la société Vallois, la société DGM et associés et la société ACLL à payer les entiers dépens d'appel, à raison d'un tiers chacune dans leurs rapports finaux, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Vallois, la société DGM et associés et la société ACLL à payer à M. [E] [C] et Mme [I] [F] [W] épouse [C] une indemnité de 3 000 euros, chacune, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 21/04622
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;21.04622 ?
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