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07/05/2024 | FRANCE | N°22/06595

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 07 mai 2024, 22/06595


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



chambre 1 - 2



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 07 MAI 2024



N° RG 22/06595 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPYM



AFFAIRE :



Etablissement Public PARIS HABITAT - OPH





C/



M. [C] [F]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2022 par le Tribunal de proximité d'Antony



N° RG : 11-22-0144



Expéditions exécutoir

es

Expéditions

Copies

délivrées le : 07/05/24

à :





Me Stéphanie TERIITEHAU





Me Stéphanie ARENA



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

chambre 1 - 2

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 07 MAI 2024

N° RG 22/06595 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPYM

AFFAIRE :

Etablissement Public PARIS HABITAT - OPH

C/

M. [C] [F]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2022 par le Tribunal de proximité d'Antony

N° RG : 11-22-0144

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 07/05/24

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Stéphanie ARENA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Etablissement Public [Localité 9] HABITAT - OPH

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 N° du dossier 20220392

Représentant : Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0483

APPELANTE

****************

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Maître Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 -

Représentant : Maître Joachim LEVY de la SELAS ASSELINEAU & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Assigné à étude

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Décembre 2023, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 21 janvier 1986, la société [Localité 9]-Habitat - OPH a donné à bail à M. [C] [F] un local à usage d'habitation sis [Adresse 1] à [Localité 6].

Par acte de commissaire de justice délivré le 7 mars 2022, la société [Localité 9]-Habitat - OPH a assigné MM. [V] et [O] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Antony aux fins de, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcer la résiliation judiciaire du bail d'habitation consenti à M. [C] [F] pour manquement à son obligation de jouissance paisible et inoccupation du logement,

- ordonner, en conséquence, et en tant que de besoin, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, et plus particulièrement de M. [O] [F], ce au besoin, avec l'assistance de la force publique et serrurier si besoin,

- prononcer la suppression du délai de deux mois prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamner M. [C] [F] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et charges révisables en fonction des augmentations à intervenir qui sera due jusqu'à complète libération des lieux et à compter de la résiliation du bail,

- condamner M. [C] [F] à lui payer la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire du 23 juin 2022, le tribunal de proximité de Antony a :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- débouté la société [Localité 9]-Habitat - OPH anciennement l'Office d'HLM de la ville de [Localité 9] de sa demande aux fins de résiliation judiciaire du bail du 21 janvier 1986 liant les parties et de toutes ses autres demandes,

- rappelé que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en conséquence, a débouté les parties de leurs demandes formées à ce titre,

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

- condamné la société [Localité 9]-Habitat-OPH a anciennement l'office public d'HLM de la ville de [Localité 9] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe en date du 31 octobre 2022, la société [Localité 9]-Habitat-OPH a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 19 juin 2023, la société [Localité 9]-Habitat-OPH, appelante, demande à la cour de :

- recevoir la société [Localité 9]-Habitat OPH en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société [Localité 9]-Habitat-OPH de sa demande aux fins de résiliation judiciaire du bail

du 21 janvier 1986 liant les parties ainsi que de toutes autres demandes, et notamment :

* ordonner, en conséquence, et en tant que de besoin, l'expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, et plus particulièrement de M. [O] [F] ce au besoin, avec l'assistance de la force publique et serrurier si besoin,

* prononcer la suppression du délai de deux mois prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

* condamner M. [C] [F] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et charges révisables en fonction des augmentations à intervenir qui sera due jusqu'à complète libération des lieux et à compter de la résiliation du bail,

- dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en conséquence débouté les parties de leurs demandes formées à ce titre,

- débouté la société [Localité 9]-Habitat- OPH de sa demande tendant à voir condamner M. [C] [F] à lui payer la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

- débouté la société [Localité 9]-Habitat-OPH de toutes ses autres demandes plus ample ou contraire au présent dispositif,

- condamné la société Paris-Habitat-OPH aux entiers dépens de l'instance,

- débouté M. [C] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation du bail d'habitation consenti à M. [C] [F] pour manquement à son obligation d'occuper son logement à titre de résidence principale et à son obligation de jouissance paisible,

- ordonner l'expulsion de M. [C] [F] ainsi que celle de tous occupants de son chef du logement sis [Adresse 1], à [Localité 6] avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,

- condamner M. [C] [F] à payer à la société [Localité 9]-Habitat-OPH une indemnité mensuelle d'occupation au moins égale au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi y compris les charges et taxes afférentes, à compter de la date de la résiliation et jusqu'à la libération complète et effective des lieux litigieux, en ce compris la remise des clés,

- supprimer le délai de deux mois suivant délivrance du commandement de quitter les lieux,

- condamner M. [V] [F] à verser à la société [Localité 9]-Habitat-OPH la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de 1ère instance, ainsi qu'aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

- condamner M. [V] [F] à verser à la société [Localité 9]-Habitat-OPH la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais

irrépétibles d'appel,

- condamner M. [V] [F] aux entiers dépens d'appel.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 12 avril 2023, M. [C] [F], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance du tribunal de proximité d'Antony du 23 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société [Localité 9]-Habitat-OPH de l'ensemble de ses demandes,

Et y ajoutant,

- condamner la société [Localité 9]-Habitat-OPH à verser à M. [C] [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

En tout état de cause, condamner la société [Localité 9]-Habitat-OPH à verser à M. [C] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [O] [F] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 23 janvier 2023, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par dépôt à l'étude.

M. [O] [F], intimé, n'ayant pas été assigné à personne, la cour statuera par défaut en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 novembre 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande de résiliation du bail consenti à M. [C] [F]

Moyens des parties

L'établissement public fait reproche au premier juge de l'avoir débouté de sa demande de résiliation du bail consenti à M. [C] [F] au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de l'inoccupation des lieux par le locataire en titre, et que les troubles du voisinage occasionnés par le fils de ce dernier avaient disparu depuis l'incarcération de M. [O] [F].

A hauteur de cour, l'établissement public appelant souligne que :

- il résulte du procès-verbal de constat du 21 décembre 2021, que les lieux sont inoccupés à titre de résidence principale par le locataire en titre,

- les pièces justificatives produites par le locataire sont dénuées de valeur probante pour être postérieure à l'assignation devant le premier juge et, donc avoir été produites pour les besoins de la cause,

- le logement dispose de deux chambres sans literie de sorte que deux personnes ne peuvent y être hébergées en même temps,

- dans le cadre de la procédure pénale à l'encontre de son fils, M. [C] [F] a reconnu être domicilié au [Adresse 3] à [Localité 6],

- le locataire n'établit nullement qu'il occupe le logement à titre de résidence principale,

- locataire en titre a laissé son fils s'installer dans le logement, alors qu'il s'agit d'un individu dangereux qui a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir participé à l'enlèvement, la séquestration, la torture et l'homicide, en 2006, de M. [T] en raison de son appartenance à la communauté juive et qu'il a purgé dix ans de détention pour son appartenance au ' gang des barbares', qu'il a à nouveau été condamné à un an de prison ferme la veille de sa libération pour avoir asséné deux coups de poing à un surveillant de la prison de [Localité 7], puis à nouveau à trois ans de prison pour avoir agressé des locataires de la résidence,

- M. [C] [F] est responsable des agissements de son fils, occupant de son chef, qui trouble la quiétude de ses voisins, comme il en est justifié.

M. [C] [F], locataire en titre, rétorque que :

- son fils, M. [W] [F], a été incarcéré de nombreuses années entre 2006 et 2019 et a subi de violentes agressions, dont il a conservé des séquelles (troubles neurologiques et cognitifs),

- il a été un temps hébergé chez lui, dans l'appartement objet du litige, mais à la suite de la plainte des époux [R], pour violences, le 23 septembre 2021, il a été placé sous contrôle judiciaire avant d'être incarcéré à la maison d'arrêt de [Localité 8] à compter du 22 décembre 2021,

- le tribunal correctionnel de Nanterre l'a condamné, par jugement du 17 février 2022 confirmé en appel, à une peine d'interdiction de séjour de cinq ans à [Localité 6],

- pour statuer sur une demande de résiliation de bail, le juge doit apprécier au jour où il statue le trouble occasionné à la tranquillité et à la sécurité des autres occupants et le bail ne peut être résilié au motif que M. [F] a été condamné à 15 ans de réclusion en 2006, les faits reprochés au fils du locataire remontant à 2021,

- aucun trouble actuel n'est caractérisé, M. [W] [F] faisant l'objet d'une interdiction de séjour à [Localité 6] d'une durée de cinq ans, et M. [C] [F] s'étant engagé à ne plus héberger son fils,

- la charge de la preuve de l'inoccupation des lieux incombe au bailleur et non au locataire.

Réponse de la cour

En application de l'article 7 b de la loi du 6 juillet 1989, le locataire se doit d'user paisiblement les locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le bail.

Il est de principe que si le locataire n'use pas de la chose louée conformément à l'usage auquel elle a été destinée, le bailleur peut, suivant les circonstances, résilier le bail ou demander la résiliation judiciaire du bail. La résiliation judiciaire ne peut être prononcée que si le manquement est suffisamment grave pour la justifier.

Au cas d'espèce, le bailleur reproche, en premier lieu, à son locataire de ne pas occuper les lieux à titre de résidence principale.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article R. 822-23 du code de la construction et de l'habitation ' Est considéré comme résidence principale, pour l'application du premier alinéa du II de l'article L. 822-2, le logement effectivement occupé soit par le bénéficiaire de l'aide personnelle au logement, soit par son conjoint, soit par une des personnes à charge au sens de l'article R. 823-4, au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure'.

Lorsque les locaux sont prévus à usage d'habitation principale, le locataire doit donc justifier d'une occupation effective et personnelle, étant précisé que cette obligation d'occupation effective et personnelle n'oblige pas le locataire à occuper les lieux en permanence.

La charge de la preuve de l'inoccupation des lieux incombe au bailleur et non au locataire comme le soutient le bailleur appelant (Cass. 3ème civ. 28 septembre 2004, n°03-13.512).

Le bailleur dit rapporter la preuve de l'absence d'occupation des lieux par le constat de commissaire de justice établi le 21 décembre 2021 par Me [J], qui a constaté en pénétrant dans l'appartement que celui-ci n'était pas occupé.

Le procès-verbal de constat dont s'agit versé aux débats par le bailleur appelant indique que le commissaire de justice s'est rendu le 21 décembre 2021 à l'appartement litigieux et qu'il a constaté que ' les lieux sont vides d'occupants et manifestement inoccupés, ne servant que de lieux de stockage de vieux meubles et d'effets personnels... Les deux chambres servent de lieu de stockage et ne comprennent pas de literie, ni de vêtements de facture récente.. Il n'y a aucune trace d'utilisation récente de la cuisine, dont le frigo est débranché, et les placards vides d'aliments'.

Il ne peut être déduit de ce seul constat de commissaire de justice l'absence d'occupation effective des lieux par le locataire, l'absence de couchage et de trace d'utilisation de la cuisine constatée lors de la seule journée du 21 décembre 2021 ne pouvant constituer la preuve du non-respect par le locataire de son obligation d'user de la chose louée comme sa résidence principale durant huit mois de l'année. Il ne peut pas plus être déduit de l'encombrement du logement constaté ce jour-là une absence d'occupation effective des lieux au sens des dispositions légales.

Ce procès-verbal est certes corroboré par l'attestation sur l'honneur de M. [C] [F] datée du 23 octobre 2021 -pièce n°11 de l'appelant - établie dans le cadre de la procédure pénale à l'encontre de son fils, dans laquelle le locataire indique être domicilié au [Adresse 3] à [Localité 6], le fait que cette adresse soit celle de l'épouse de M. [C] [F] dont il a déclaré par ailleurs être séparé, n'étant pas en soi incompatible avec les déclarations du locataire en titre qui a pu réintégrer le domicile conjugal.

Toutefois, les documents produits par M. [C] [F] - une facture EDF datant du 20 septembre 2021 à son nom, d'un montant de 36,13 euros, une facture de gaz du 21 janvier 2022 également à son nom, faisant apparaître une consommation de 134 Kwh de gaz sur la période allant du 18 juillet 2021au 17 janvier 2022 - démontrent que le logement objet du litige était occupé.

Il résulte de ce qui précède que si M. [C] [F], locataire en titre, a mis un temps son logement à disposition de son fils, il n'est pas prouvé par le bailleur à qui cette preuve incombe que cette mise à disposition a duré plus de huit mois et, partant, que le locataire en titre n'occupait plus le logement à titre de résidence principale.

Le bailleur reproche, en deuxième lieu, à son locataire des troubles de jouissance imputable à un occupant son chef, en l'occurrence son fils.

Il résulte des articles 1728 et 1741 du Code civil que le preneur doit user raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail de la chose louée et que le manquement à cette obligation par le locataire est sanctionné par la résiliation du bail.

La responsabilité du locataire est engagée pour les troubles causés par les occupants de son chef et notamment par ses enfants mineurs ou majeurs, au visa de l'article 1735 du Code civil qui dispose que le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison.

En l'espèce, il est établi que M. [O] [F], fils du locataire intimé, demeurant à l'adresse du bien litigieux, au [Adresse 1] à [Localité 6], a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 17 février 2022 à une peine de trois ans d'emprisonnement, dont une partie assortie du sursis probatoire, pour avoir agressé de manière gratuite, des résidents, les époux [R], en leur lançant des pierres de la taille de pavés.

Le locataire intimé fait valoir, pour échapper à la résiliation de son bail, qu'il s'agit d'un fait isolé, que son fils a interdiction de paraître à [Localité 6] pendant une durée de cinq ans, et qu'aucun trouble actuel n'est contesté, le juge devant se placer au jour où il statue pour apprécier la demande de résiliation du bail.

Cependant, les juges du fond apprécient souverainement la gravité des manquements contractuels qui leur sont dénoncés pour obtenir la résiliation du contrat, la cour ayant 'le pouvoir' d'apprécier la situation au jour où elle statue sans que ce pouvoir constitue pour autant une obligation (3e Civ., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-21.874, Bull. 2009, III, n° 245).

Au cas d'espèce, il apparaît à la cour que les faits reprochés à M. [O] [F] sont suffisamment graves, en considération du profil de l'intéressé, de son très lourd passé judiciaire, et du préjudice que ces faits ont causé au voisinage, pour justifier, même si aucun trouble actuel n'a effectivement été constaté, du fait de la peine infligée à M. [O] [F], le prononcé de la résiliation judiciaire du bail consenti à M. [C] [F], responsable des agissements de son fils, occupant de son chef.

D'autant plus que M. [F] s'est également montré menaçant à l'égard d'une dame [G] demeurant à proximité de la résidence - au [Adresse 5] en s'adressant à elle, le 20 septembre 2021, en des termes excédant de beaucoup les limites de la courtoisie : ' je vais te niquer ta mère et te niquer toi aussi'.

En effet, le comportement du locataire ou des occupants de son chef, préjudiciable à la tranquillité des autres, n' est pas obligatoirement circonscrit à l'intérieur des lieux loués, et peut se produire dans des lieux relativement éloignés.

Par suite, le jugement déféré sera infirmé et la résiliation du bail prononcée.

Subséquemment, l'expulsion de M. [C] [F] sera ordonnée et ce dernier sera condamné au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi.

S'agissant de la suppression du délai de deux mois suivant délivrance du commandement de quitter les lieux, qui est sollicité par le bailleur appelant, il convient de rappeler que l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction applicable au litige dispose :

'Si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d'expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.

Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de man'uvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte'.

Au cas d'espèce, la mauvaise foi de M. [C] [F], qui n'a pas pris possession des locaux par voie de fait, contrainte ou à l'aide de manoeuvres ou de menaces, n'est pas démontrée ni même alléguée.

Par suite le bailleur appelant sera débouté de sa demande.

II) Sur la demande de dommages et intérêts de M. [C] [F] pour procédure abusive

Le prononcé de la résiliation du bail emporte rejet de cette demande.

III) Sur les demandes accessoires

M. [C] [F], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut et mise à disposition au greffe de la chambre 1/2

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Prononce la résiliation du bail consenti à M. [C] [F] et portant sur les locaux sis [Adresse 1], à [Localité 6] ;

Ordonne, faute de départ volontaire, l'expulsion de M. [C] [F] du logement situé [Adresse 1], à [Localité 6] , ainsi que tout occupant de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier conformément aux dispositions des articles L. 412-1, R. 412-1 et suivants du code de procédure civile ;

Rappelle qu'il ne pourra être procédé à l' expulsion qu'après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2, R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixe, à compter de la date du présent arrêt, l'indemnité mensuelle d'occupation due par M. [C] [F] au montant du loyer contractuel actualisé, outre les charges et taxes qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, et condamne M. [C] [F] à payer à l'établissement Public [Localité 9] Habitat - OPH ladite indemnité mensuelle, et jusqu'à complète libération des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, un procès-verbal d'expulsion ou de reprise ou un état des lieux de sortie ;

Dit que l'indemnité d'occupation sera due au prorata temporis et payable à terme et au plus tard le 10 de chaque mois ;

Déboute M. [C] [F] de la totalité de ses demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] [F] à payer à l'établissement Public [Localité 9] Habitat - OPH une indemnité de 1 500 euros ;

Condamne M. [C] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, le Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le faisant fonction de greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/06595
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.06595 ?
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