COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 MAI 2024
N° RG 22/06229 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VOWM
AFFAIRE :
[V] [P] épouse [Y]
C/
S.C.I. LA DEFENSE 77
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de PUTEAUX
N° RG : 11-21-000371
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 07/05/24
à :
Me Martine DUPUIS
Me Emilie GATTONE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [V] [P] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2269839 -
Représentant : Maître Jean-yves DEMAY de l'AARPI CHATAIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R137
APPELANTE
****************
S.C.I. LA DEFENSE 77
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Emilie GATTONE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693 -
Représentant : Maître Agnès PAGNIER, SELEURL Agnès PAGNIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0387 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2010, la SCI La défense 77 a consenti à Mme [V] [Y] née [P] un bail d'habitation portant sur un logement situé [Adresse 2]), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 2 000 euros, outre une provision sur charges de 500 euros et le versement d'un dépôt de garantie de 2 000 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 19 avril 2019, la SCI La défense 77 a fait délivrer à Mme [Y] née [P] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une dette locative en principal de 57 500 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 1er juillet 2019, la SCI La défense 77 a fait assigner Mme [Y] née [P] devant le juge des référés afin notamment de constater l'acquisition de la clause résolutoire.
Par ordonnance du 27 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de proximité de Puteaux a constaté l'existence de contestations sérieuses et dit n'y avoir lieu à référé.
Par acte d'huissier de justice en date du 27 avril 2021, la SCI La défense 77 a fait assigner Mme [Y] née [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux en vue de :
- prononcer la résiliation judiciaire du bail,
- ordonner l'expulsion de Mme [Y] née [P] et de celle de tous occupants de son chef, et ce avec le concours de la force publique si besoin est,
- dire que les meubles et objets mobiliers qui n'appartiennent pas à Mme [Y] née [P] donneront lieu à 1'application des articles 65 de la loi du 9 juillet 201 du décret du 31 juillet 1992,
- condamner Mme [Y] née [P] au paiement d'une somme de 117 500 euros correspondant au montant des loyers impayés sauf à parfaire,
- la condamner au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts,
- la condamner à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 8 septembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
- déclaré l'action de la SCI La défense 77 recevable,
- rejeté la demande de nullité du contrat de bail,
- débouté Mme [Y] née [P] de sa demande au titre de la fraude,
- prononcé la résiliation du bail conclu le 1er décembre 2010 entre la SCI La défense 77 et Mme [Y] née [P] relatif à l'appartement à usage d'habitation et la place de stationnement n°384 situés [Adresse 2]), aux torts exclusifs de la défenderesse et à compter du jugement,
- ordonné en conséquence à Mme [Y] née [P] de libérer l'appartement dans le mois de la signification du jugement,
- dit qu'à défaut pour Mme [Y] née [P] d'avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, la SCI La défense 77 pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
- dit y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place,
- condamné Mme [Y] née [P] à verser à la SCI La défense 77 la somme de 152 500 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 31 mai 2022, échéance de mai 2022 incluse,
- condamné Mme [Y] née [P] à verser à la SCI La défense 77 une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, et ce à compter de la présente décision jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la remise des clés,
- débouté la SCI La défense 77 de sa demande de dommages et intérêts,
- rejeté la demande de délais de paiement de Mme [Y] née [P],
- condamné Mme [Y] née [P] aux dépens,
- débouté la SCI La défense 77 de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration déposée au greffe le 12 octobre 2022, Mme [Y] née [P] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 9 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevable la demande de radiation formée par la SCI La défense 77,
- débouté la SCI La défense 77 de la totalité de ses demandes,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SCI La défense 77 à payer à Mme [Y] née [P] une indemnité de 1 500 euros,
- condamné la société civile immobilière La défense 77 aux dépens de l'incident.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 5 février 2024, Mme [Y] née [P], appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement prononcé par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Nanterre le 8 septembre 2022 en ce qu'il :
* a déclaré l'action de la SCI La défense 77 recevable,
* a rejeté la demande de nullité du contrat de bail,
* l'a déboutée de sa demande au titre de la fraude,
* a prononcé la résiliation du bail conclu le 1er décembre 2010 entre elle et la SCI La défense 77 relatif à l'appartement à usage d'habitation et la place de stationnement n°384 situés [Adresse 2]), à ses torts exclusifs et à compter du jugement,
- lui a ordonné en conséquence de libérer l'appartement dans le mois de la signification du présent jugement,
- a dit qu'à défaut d'avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, la SCI La défense 77 pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
- l'a condamnée à verser à la SCI La défense 77 la somme de 152 500 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 31 mai 2022, échéance de mai 2022 incluse,
- l'a condamnée à verser à la SCI La défense 77 une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, et ce à compter de la présente décision jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la remise des clés,
- a rejeté sa demande de délais de paiement,
- l'a condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- juger que la SCI La défense 77 s'est rendue coupable d'une fraude à son préjudice,
- débouter la SCI La défense 77 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire,
- juger que la prétendue dette locative de 152 500 euros a fait l'objet d'un effacement selon les mesures ayant été définitivement adoptées par la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine, et qu'elle n'est ni due ni liquide ni exigible,
- juger que les mesures définitivement adoptées par la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine s'imposent à la cour,
- débouter la SCI La défense 77 de sa demande résiliation judiciaire du bail,
En tout état de cause,
- débouter la SCI La défense 77 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCI La défense 77 à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI La défense 77 au paiement des entiers dépens de l'instance.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 6 février 2024, la SCI La défense 77, intimée, demande à la cour de :
- la recevoir en ses conclusions,
- la dire également bien fondée en ses prétentions en y faisant droit,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- faire application de la règle de l'anatocisme,
- condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fraude
Mme [Y] née [P] poursuit l'infirmation du jugement déféré en faisant valoir que la SCI La défense 77 s'est rendue coupable d'une fraude à son préjudice et qu'il est constant que la fraude corrompt tout.
Elle fait grief au premier juge de ne pas avoir tiré les conclusions de droit qui s'imposaient de ses constats en retenant qu'elle ne produisait aucun élément de nature à confirmer ses allégations.
Elle affirme que contrairement à ce qui a été jugé, la SCI La défense 77 est assurément coauteur de la fraude au jugement de son divorce algérien avec M. [Y].
Elle soutient que:
- M. [Y] est le bénéficiaire économique de la SCI La défense 77,
- il existe une collusion frauduleuse entre la SCI La défense 77, son gérant de paille, M. [C] [X], et M. [Y],
- il n'existe en réalité ni bail ni dette de loyers,
- elle est fondée à occuper gratuitement l'appartement en exécution du jugement algérien que M. [Y] a acquis par le biais de la SCI La défense 77 et qu'il est tenu de mettre à sa disposition,
- le jugement algérien, qui a reçu l'exequatur, est un titre exécutoire qui s'impose erga omnes dans ses effets en ce compris à l'égard de la SCI La défense 77 en application de l'article 262 du code civil,
- l'action en résiliation du bail a été entreprise en fraude au jugement algérien dont la SCI La défense 77 connaît l'existence et ne peut donc prospérer en application du principe 'fraus omnia corrumpit',
- cette fraude lui est grandement préjudiciable en ce qu'il existe une très grande disparité de fortune entre elle et M. [Y], raison pour laquelle le juge algérien lui a ordonné de la loger gratuitement. Elle ajoute qu'elle ne perçoit que l'allocation adulte handicapée et qu'elle ne bénéficie pas des aides au logement, n'ayant jamais versé de loyers.
La SCI La défense 77 demande la confirmation du jugement déféré et fait valoir que Mme [Y] née [P] ne produit aucun moyen nouveau au soutien de ses prétentions en affirmant qu'elle est victime d'une fraude.
Elle indique que les contestations de Mme [Y] née [P] quant à l'acquisition du bien qu'elle occupe sont étrangères aux rapports locatifs entre les parties, le tribunal ayant souligné que le fait qu'un tiers, en l'espèce ''[R]' ait pu régler des échéances de l'emprunt immobilier contracté par elle, ne permettait pas de caractériser une fraude.
Elle ajoute que si Mme [Y] née [P] estime devoir être logée par son ex-mari dans le cadre de leur convention après divorce, cela ne serait lui être opposé en sa qualité de bailleresse comme l'a retenu le premier juge.
La SCI La défense 77 relève être par ailleurs tenue par ses propres obligations financières dont le remboursement d'un emprunt et qu'elle n'a pas à supporter cette situation qui perdure indéfiniment. Elle affirme que Mme [Y] née [P] fait preuve d'une mauvaise foi et multiple les procédures pour se maintenir dans les lieux sans bourse déliée, aggravant ainsi sa dette à son égard.
Sur ce,
Comme l'a justement rappelé le premier juge, il est constant que la fraude corrompt tout.
Il appartient cependant à Mme [Y] née [P] de démontrer que la SCI La défense 77 a agi en fraude de ses droits en intentant cette action en résiliation du bail.
En l'espèce, Mme [Y] née [P] produit le jugement de divorce prononcé le 2 décembre 2002 par le tribunal de Sidi M'hamed aux torts de M. [Y] par lequel ce dernier a été condamné à lui mettre à disposition un logement ou à verser pour elle le prix du loyer.
Contrairement à ce que soutient Mme [Y] née [P], l'opposabilité du jugement de divorce à compter de sa publication prévu par l'article 262 du code civil n'a pas pour effet de rendre ses dispositions concernant les ex-époux opposables aux tiers mais uniquement de permettre, à compter de cette date, la modification des relations d'ordre patrimonial des tiers avec les époux tenant à la dissolution du régime matrimonial.
La cour relève en outre que le bail litigieux a été conclu le 1er décembre 2010, soit postérieurement au jugement de divorce, et ne l'a été qu'entre la SCI La défense 77 et Mme [Y] née [P].
Ainsi, les dispositions du jugement de divorce algérien relatives à la mise à disposition d'un logement ou du règlement d'un loyer par M. [Y] au profit de son ex-épouse ne sont pas opposables au bailleur qui a contracté uniquement avec Mme [Y] née [P] en tant que locataire. Elles ne sont applicables qu'entre les ex-époux et il appartient à l'appelante d'exercer toutes démarches utiles pour faire exécuter cette décision à l'encontre de M. [Y].
Il ne saurait donc être reproché à la SCI La défense 77 d'avoir diligenté la procédure en résiliation du bail en fraude du jugement algérien dont les dispositions ne lui sont pas opposables.
Il ressort par ailleurs de l'extrait Kbis de la SCI La défense 77 à jour au 18 juin 2019 et de ses statuts qu'elle est immatriculée depuis le 23 août 2010 et qu'elle constituée de deux associés, M. [E] [C] [X], gérant et Mme [D] [C] [X].
Cette société a acquis le 22 octobre 2010, le bien objet du bail litigieux. S'il résulte de l'acte authentique de vente que 'les conditions des présentes ont été originairement arrêtées entre le vendeur et M. [Y] avec faculté de substitution dont il a usé en substituant la SCI La défense 77 dans tous ses droits', comme pour l'acquisition de deux autres biens immobiliers par l'intimée sur la commune de Puteaux, l'acquéreur de ces biens est in fine la SCI La défense 77 qui a en outre souscrit en son nom un emprunt immobilier pour financer l'acquisition du bien objet du présent litige, sans que l'appelante démontre qu'elle aurait été en fait financée par M. [Y].
Mme [Y] née [P] ne démontre pas que l'intimée ne disposerait d'aucune ressource propre, ce qui ne saurait résulter du seul fait qu'elle perçoit des sommes en espèces alors que M. [Y] exploite des restaurants.
L'extrait de compte de la SCI La défense 77 produit par Mme [Y] née [P] ne mentionne effectivement pas de versements correspondant au montant exact du loyer du bail litigieux. Il n'en résulte pas pour autant que le loyer n'aurait pas été réglé à la bailleresse par M. [Y] jusqu'en 2017 ni que le bail serait fictif de ce seul fait alors même que les motifs et les émetteurs de ces versements ne sont pas précisés. Mme [Y] née [P] produit en outre un message du gérant de la SCI La défense 77 expliquant la procédure actuelle comme suit: 'la banque est derrière et mes échéances ne sont pas honorées et [R] ne veut plus payer pour toi', ce qui signifie qu'il réglait des sommes pour son ex-épouse auprès de la SCI sans que cela permette de caractériser une fraude.
De même, le fait que M. [Y] occuperait un appartement appartenant à la SCI La défense 77 dans le même immeuble ne permet pas d'établir qu'il en serait le bénéficiaire économique.
Au vu de ces éléments, Mme [Y] née [P] ne rapporte donc pas la preuve d'une collusion frauduleuse entre la société bailleresse, son gérant et M. [Y] dont il n'est pas démontré qu'il en serait le gérant de fait et à l'origine de la procédure en résiliation du bail en fraude de ses obligations résultant du jugement de divorce.
Le moyen tiré de la fraude soulevé par Mme [Y] née [P] est en conséquence inopérant et sera écarté. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la validité du contrat de bail
Mme [Y] née [P] soutient que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'a jamais été conclu de bail portant sur le logement qu'elle occupe.
Elle fait valoir que le contrat communiqué par la SCI La défense 77 est un faux document et qu'elle a déposé plainte à ce titre.
Elle relève que le bail n'est ni paraphé, ni dûment régularisé. Elle soutient qu'en méconnaissance des articles 3, 3-2 et 3-3 de la loi du 6 juillet 1989, les conditions générales dont se prévaut la SCI La défense 77 ne sont ni signées ni paraphées et ne lui sont donc pas opposables; que ni la surface habitable ni la destination du bien ne sont mentionnées; que le bail ne comporte aucun diagnostic technique en annexe et qu'aucun état des lieux d'entrée n'a été réalisé.
Elle ajoute que la SCI La défense 77 n'a jamais perçu un loyer de sa part; qu'aucune quittance de loyers n'a été émise et que les termes de paiement du loyer ne sont pas indiqués.
Elle en conclut que si le bail prétendu n'était pas inexistant, il n'en serait pas moins nul au regard de ses nombreuses contraventions aux dispositions impératives de la loi du 6 juillet 1989.
La SCI La défense 77 indique verser aux débats un contrat de bail daté du 1er décembre 2010 signé par Mme [Y] née [P] et qui est parfaitement valable contrairement à ce qu'elle a soutenu en première instance. Il souligne lui avoir demandé copie de sa carte de séjour lors de la signature du bail et qu'il n'est pas contesté qu'il a été exécuté par la locataire qui a réglé les loyers jusqu'en avril 2017, soit durant 7 ans.
Sur ce,
Mme [Y] née [P] ne peut soutenir que le bail est inexistant dans la mesure où la SCI La défense 77 produit un contrat écrit et signé par elle. Si l'appelante contestait sa signature en première instance, ce que le juge des contentieux et de la protection n'a pas retenu, elle ne reprend pas ce moyen en cause d'appel pour soutenir que ce bail est un faux sans autre explication, ce qui ne saurait résulter du seul fait qu'il ne soit pas paraphé.
Les dispositions des articles 3, 3-2 et 3-3 de la loi du 6 juillet 1989 invoquées par Mme [Y] née [P] ne sont pas celles applicables au jour de la conclusion du contrat et il convient de reprendre les textes applicables à cette date.
L'article 3 de la loi du 6 juillet 1989, issu de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009, disposait que:
'Le contrat de location est établi par écrit. Il doit préciser :
-le nom ou la dénomination du bailleur et son domicile ou son siège social, ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire ;
-la date de prise d'effet et la durée ;
-la consistance et la destination de la chose louée ;
-la désignation des locaux et équipements d'usage privatif dont le locataire a la jouissance exclusive et, le cas échéant, l'énumération des parties, équipements et accessoires de l'immeuble qui font l'objet d'un usage commun ;
-le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle ;
-le montant du dépôt de garantie, si celui-ci est prévu.
Le contrat de location précise la surface habitable de la chose louée.
Un état des lieux, établi contradictoirement par les parties lors de la remise et de la restitution des clés ou, à défaut, par huissier de justice, à l'initiative de la partie la plus diligente et à frais partagés par moitié, est joint au contrat. Lorsque l'état des lieux doit être établi par huissier de justice, les parties en sont avisées par lui au moins sept jours à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A défaut d'état des lieux, la présomption établie par l'article 1731 du code civil ne peut être invoquée par celle des parties qui a fait obstacle à l'établissement de l'état des lieux.
(...)
Le bailleur ne peut pas se prévaloir de la violation des dispositions du présent article.
Chaque partie peut exiger, à tout moment, de l'autre partie, l'établissement d'un contrat conforme aux dispositions du présent article. En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux, le nouveau bailleur est tenu de notifier au locataire son nom ou sa dénomination et son domicile ou son siège social, ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire.'
En application de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 applicable au jour de la conclusion du contrat, un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement et comprend :
a) A compter du 1er juillet 2007, le diagnostic de performance énergétique prévu à l'article L. 134-1 du code de la construction et de l'habitation ;
b) A compter du 12 août 2008, le constat de risque d'exposition au plomb prévu à l'article L. 1334-5 et L. 1334-7 du code de la santé publique.
Dans les zones mentionnées au I de l'article L. 125-5 du code de l'environnement et à compter de la date fixée par le décret prévu au VI du même article, le dossier de diagnostic technique est complété à chaque changement de locataire par l'état des risques naturels et technologiques.
Le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'a qu'une valeur informative.
A compter du 1er juillet 2007, le propriétaire bailleur tient le diagnostic de performance énergétique à la disposition de tout candidat locataire.
En l'espèce, le bail consenti à Mme [Y] née [P] ne mentionne pas sa destination, la surface habitable, ni la date du mois à laquelle le loyer doit être payé et le dossier de diagnostic technique devant être annexé au contrat de location n'est pas produit.
Toutefois, ni l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 ni aucun texte ne sanctionne par la nullité du bail le défaut des mentions obligatoires prévues par l'article 3, qui dispose que chacune des parties peut à tout moment exiger de l'autre partie l'établissement d'un contrat conforme aux dispositions de cet article, ce que Mme [Y] née [P] ne justifie pas avoir fait.
Il sera en outre relevé que la loi du 24 mars 2014, en modifiant cet article 3, n'a pas prévu la nullité du contrat en raison de l'absence de mention de la surface habitable mais la possibilité pour le locataire d'obtenir la diminution du loyer.
Il en va de même du non-respect des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui ne sont pas prévues à peine de nullité du contrat de bail.
L'absence d'état des lieux d'entrée n'est pas davantage sanctionné par la nullité du contrat mais entraîne une présomption de bon état du bien en application de l'article 1731 du code civil, étant ajouté que Mme [Y] née [P] pouvait le faire réaliser à son initiative.
De même, le fait que le loyer ne soit pas payé par le locataire lui-même n'entraîne pas la nullité du bail de même que l'absence d'émission des quittances de loyers et ce d'autant que Mme [Y] née [P] reconnaît ne jamais avoir réglé le loyer.
Enfin, les dispositions légales relevées ci-dessus n'imposent pas la signature ni le paraphe des conditions générales du bail qu'en tout état de cause la SCI La défense 77 n'oppose pas à Mme [Y] née [P] dans le cadre de la présente instance.
Par suite, la demande de nullité du bail, sollicitée par Mme [Y] née [P], ne pourra être accueillie. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la résiliation du bail
Mme [Y] née [P] s'oppose à la demande de résiliation du bail en faisant valoir que la cour doit apprécier, concrètement et souverainement, l'existence de l'inexécution suffisamment grave du bail qui justifierait sa résiliation en application des articles 1224 et 1226 du code civil.
Elle relève que le premier juge a retenu la dette locative pour prononcer la résiliation du bail. Or, elle soutient qu'elle bénéficie d'un plan de surendettement prévoyant l'effacement de la somme de 143 764 euros sur la dette totale de 152 500 euros qui n'est donc pas liquide ni exigible. La dette ayant fait l'objet d'un effacement, elle en déduit que son obligation de paiement n'existe pas et que la résiliation du bail ne peut être prononcée en l'absence de preuve d'une inexécution suffisamment grave du bail.
Elle ajoute qu'en application de la loi Elan, la cour est tenue par l'échéancier mis en place par la commission de surendettement; que l'adoption du plan conduit au maintien du bail de plein droit si le locataire règle son loyer et ses charges pendant les deux ans qui suivent la décision d'effacement en application de l'article 714-1 I du code de la consommation.
La SCI La défense 77 soutient que c'est à bon droit que le premier juge a constaté que le défaut de paiement de loyers pendant plusieurs mois caractérisait un manquement contractuel suffisant pour justifier la résiliation du bail.
Elle fait valoir que la dette due par Mme [Y] née [P], qui se maintient dans les lieux, s'élève à 202 500 euros arrêtée au 1er février 2024 et que le juge des contentieux et de la protection d'Asnières-Sur-Seine, saisi par la commission de surendettement, a rejeté la demande de suspension des mesures d'expulsion.
Sur ce,
Aux termes de l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.
En application de l'article 1184 du code civil devenu 1227 du code civil, la résolution peut être demandée en justice.
Dans le cadre de la résiliation d'un bail, il appartient au juge de vérifier si les manquements invoqués par le bailleur sont établis et s'ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts du locataire.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les loyers et charges ne sont pas réglés depuis le mois de mai 2017; qu'au 31 mai 2022, la dette locative s'élevait à la somme de 152 500 euros et au 19 février 2024 à la somme de 202 500 euros, terme de janvier inclus.
Mme [Y] née [P] n'allègue ni ne justifie avoir effectué de versements à ce titre.
Elle a saisi la commission de surendettement du département des Hauts-de-Seine le 22 août 2023 laquelle a décidé de mesures de désendettement définitivement adoptées entrant en application le 29 février 2024 prévoyant que sa dette de logement auprès de la SCI La défense 77, d'un montant de 152 500 euros, sera remboursée en 84 mensualités de 104 euros avec un effacement partiel à hauteur de 143 764 euros à l'issue du plan.
Il apparaît ainsi que cet effacement n'interviendra qu'au terme du plan si ce dernier est respecté par Mme [Y] née [P] et qu'il n'est donc pas effectif à ce jour. En tout état de cause, l'effacement de cette dette, qui va priver la bailleresse du remboursement de sa créance, ne saurait enlever aux manquements de Mme [Y] née [P] à son obligation contractuelle de régler le loyer durant le bail leur caractère fautif.
Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 714-1 du code de la consommation prévoient les modalités selon lesquelles les décisions prises dans le cadre de la procédure de traitement du surendettement s'articulent avec une décision antérieurement rendue par le juge du bail, constatant l'acquisition de la clause résolutoire et accordant au locataire défaillant des délais de paiement en application de l'article 24 de la loi précitée du 6 juillet 1989. Elle ne sont donc pas applicables en l'espèce, aucun délai de paiement n'ayant été accordé à Mme [Y] née [P] par le juge des contentieux et de la protection.
Ainsi, le manquement de Mme [Y] née [P] dans le règlement du loyer durant plusieurs années est suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail aux torts exclusifs de la locataire.
Le jugement déféré mérite ainsi confirmation de ce chef et en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Mme [Y] née [P] et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle jusqu'à la libération effective des lieux.
De même, le fait que Mme [Y] bénéficie d'un plan de surendettement pour apurer la dette locative ne saurait entraîner l'infirmation du jugement déféré l'ayant condamnée au paiement de cette dette, ne s'agissant pas d'un rétablissement personnel. Il doit être rappelé que l'existence d'une procédure de surendettement n'interdit pas au créancier de saisir le juge pour voir fixer sa créance et établir un titre exécutoire mais empêche celui-ci, une fois le titre obtenu, de mettre en oeuvre une voie d'exécution pour le recouvrement de sa dette.
Le jugement déféré l'ayant condamnée au paiement de la somme de 152 500 euros au titre de la dette locative est en conséquence confirmé.
Il convient en outre d'accueillir la demande d'anatocisme présentée par la SCI La défense 77 dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [Y] née [P], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant par ailleurs confirmées.
En appel, elle sera condamnée à verser à la SCI La défense 77 la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;
Y ajoutant,
Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de 1343-2 du code civil;
Condamne Mme [V] [Y] née [P] à verser à la SCI La défense 77 la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [V] [Y] née [P] aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme COURSEAUX, Faisant fonction Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le faisant fonction de greffier, Le président,