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02/05/2024 | FRANCE | N°23/06719

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 02 mai 2024, 23/06719


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/06719 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDHI



AFFAIRE :



S.A.S. AVA





C/

[D] [G]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre



N° RG : 2023R00927



Expéditions exécutoires

Expé

ditions

Copies

délivrées le : 02/05/2024



à :



Me Laetitia NIAMBA de l'AARPI ANETIA AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE



Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/06719 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDHI

AFFAIRE :

S.A.S. AVA

C/

[D] [G]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° RG : 2023R00927

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02/05/2024

à :

Me Laetitia NIAMBA de l'AARPI ANETIA AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. AVA

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 853 602 431 - RCS de Paris

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Laetitia NIAMBA de l'AARPI ANETIA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 777

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle WIEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1999

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [G]

né le 26 Août 1976 à [Localité 7], de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [S] [N]

née le 16 Octobre 1975 à [Localité 6], de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 23398

Ayant pour avocat plaidant Me Marine CHEVALLIER de L'AARPI FOURCADE CHEVALLIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D654

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

EXPOSE DU LITIGE :

En juillet 2022, M. [G] et Mme [N] ont acquis une maison située au [Adresse 5] à [Localité 4] (Hauts-de-Seine) et ont entrepris de la rénover en se réservant l'exécution de certains travaux.

Ils ont accepté le devis en date du 5 juillet 2022, de la société Ava, d'un montant de 132.886,60 euros TTC couvrant la totalité des travaux de rénovation.

Le 18 juillet 2022, les travaux ont été autorisés par la mairie de [Localité 4].

La réception des travaux, qui a eu lieu le 14 décembre 2022, a fait l'objet de réserves.

M. [G] et Mme [N] ont fait établir un constat de commissaire de justice les 22 et 27 décembre 2022 décrivant ce qu'ils estimaient être des désordres puis ont mis en demeure la société Ava de réaliser les reprises et les prestations non exécutées qu'ils estimaient dues.

Par ordonnance du 7 avril 2023, le président du tribunal de commerce de Nanterre, saisi par une assignation de M. [G] et de Mme [N], a ordonné, au contradictoire de la société Ava, de ses assureurs et de M. [M], architecte, une mesure d'expertise confiée à M. [U].

Le 11 juillet 2023, M. [G] et Mme [N] ont obtenu du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de 105 000 euros à l'égard de la société Ava.

Par acte du 31 août 2023, M. [G] et Mme [N] ont fait assigner en référé la société Ava afin d'obtenir principalement la condamnation de la société Ava au paiement d'une provision à hauteur de la somme de 105.000 euros, à valoir sur l'indemnisation due au titre de la reprise des dommages, des préjudices et des frais exposés.

Par ordonnance contradictoire rendue le 20 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné la société Ava à régler à M. [G] et Mme [N] la somme de 105.000 euros à titre de provision à valoir sur leur indemnisation définitive,

- dit n'y avoir lieu à référé au titre des demandes reconventionnelles de la société Ava à l'encontre de M. [G] et Mme [N],

- condamné la société Ava à verser à M. [G] et Mme [N] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la société Ava aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 29 septembre 2023, la société Ava a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Ava demande à la cour, au visa des articles 873 alinéa 2 code de procédure civile, 1103, 1189, 1128, 1113, 1792 et suivants du code civil, de :

'- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Nanterre, audience des référés, du 20 septembre 2023 en ce qu'elle a :

- condamné la société Ava à régler à M. [G] et Mme [N] la somme de 105 000 euros de provision à valoir sur leur indemnisation définitive

- dit n'y avoir lieu à référé au titre des demandes reconventionnelles de la société Ava à l'encontre de M. [G] et Mme [N]

- condamné la société Ava à verser à M. [G] et Mme [N] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 et les dépens

statuant à nouveau

à titre principal

- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. et Mme [G]

- dire qu'il n'y pas lieu à paiement de la provision complémentaire de 35 000 euros

en conséquence,

- condamner solidairement les époux [G] à rembourser la somme de 100 000 euros à la société Ava.

- condamner solidairement les époux [G] à régler la somme de 32 906,65 euros TTC à la

société Ava.

à titre subsidiaire :

- réduire à plus juste proportion la provision à valoir sur l'indemnité des époux [G] à hauteur de la somme de 20 000 euros

en toutes hypothèses :

- condamner solidairement les époux [G] à régler à la société Ava :

- la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance

- la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à titre de frais irrépétibles d'appel.

- aux entiers dépens de première instance et d'appel '

Au soutien de son appel, la société Ava expose que la demande de provision formée par M. [G] et Mme [N] se heurte à des contestations sérieuses tenant en premier lieu à ce qu'elle n'avait pas en charge la maîtrise d''uvre, le devis ayant été établi sur la base du cahier des charges de l'architecte, M. [M]. La société Ava expose que le juge de première instance a lui-même indiqué qu'il était impossible à ce stade de lui imputer la responsabilité des désordres plutôt qu'à l'architecte et que l'expert judiciaire nommé avait reçu pour mission notamment de déterminer la teneur des prestations réalisées par ce dernier ainsi que de fournir les éléments techniques et de fait de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsables des désordres ainsi que les parts d'imputabilité et les garanties applicables. La société Ava relève ainsi que dans sa note n° 3, l'expert judiciaire a relevé qu'il était démontré que M. [M] était passé au moins une vingtaine de fois sur le chantier et que dans sa note de synthèse du 30 janvier 2024, il indiquait que celui-ci était responsable à 20 %. La société Ava indique ainsi que M. [M], en tant qu'architecte, s'est comporté comme un maître d''uvre et que tant les échanges de SMS, que de courriels et que les écritures des époux [G] elles-mêmes témoignent de cette qualité de maître d''uvre. Ainsi, M. [M] a non seulement été l'intermédiaire des maîtres de l'ouvrage auprès d'elle, mais il a en outre pris seul les initiatives quant aux travaux à réaliser, qu'il a supervisés en surveillant les délais et en chiffrant les travaux supplémentaires. La société Ava expose encore qu'il existe une contestation sérieuse sur la liste des 93 réserves de M. [G] et Mme [N], dès lors que ces derniers, une fois le chantier terminé, ont fait le choix de ne pas la régler. La société Ava ajoute que les réserves ont bien été levées par elle et qu'elle n'a jamais été défaillante. Elle indique également que Mme [N] et M. [G] ont pris possession de la maison avant même la réception du 14 décembre 2022, en commandant auprès des trois ouvriers qui se trouvaient sur le chantier les 16 et 17 décembre 2022 des travaux supplémentaires, sans l'en avertir, ce qui justifie qu'elle ait facturé le paiement de nouvelles prestations pour un montant de 14.536 euros. Elle considère en outre que pour certaines réserves, les difficultés rencontrées ne s'expliquent que par le coût des matériaux choisis par les maîtres de l'ouvrage, qui ont par ailleurs évoqué des désordres apparents non constatés lors de la réception, ce dont il résulte que la réception a purgé lesdits désordres. La société Ava estime également que M. [G] et Mme [N] ne peuvent pas lui reprocher de ne pas être titulaire d'une assurance décennale alors qu'eux-mêmes n'ont pas souscrit d'assurance dommages ouvrage. Elle fait valoir enfin que la faute de M. [M], maître d''uvre, constitue une cause étrangère exonératoire de sa propre responsabilité recherchée au titre de l'article 1792 du code civil. Elle critique enfin l'expertise en ce que l'expert a validé une mise aux normes de la lucarne pour un montant de 48.714 euros alors que Mme [N] et M. [G] ne l'ont pas souhaitée. Elle relève à cet égard que le rapport final d'expertise, déposé le 14 mars 2024, est une reprise de l'intégralité de la note de synthèse que l'expert avait précédemment remise. À titre subsidiaire, la société Ava demande que le montant de la provision soit réduit à la somme de 20.000 euros, sans quoi M. [G] et Mme [N] obtiendraient la rénovation complète de leur maison gratuitement. Reconventionnellement, la société Ava demande le règlement de sa facture récapitulative de fin de travaux, incluant les travaux supplémentaires d'un montant de 18.370 euros et elle expose ainsi que Mme [N] et M. [G] restent ainsi devoir une somme totale de 32.906,65 euros TTC.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 15 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [G] et Mme [N] demandent à la cour, au visa des articles 566, 873 alinéa 2 du code de procédure civile, 1792 et suivants, 1231 et suivants du code civil, de :

'- confirmer, sauf à actualiser la provision octroyée dans son quantum, l'ordonnance rendue le 20 septembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé,

- juger que l'obligation de la société Ava de répondre des malfaçons et désordres affectant la maison de Mme [N] épouse [G] et M. [G] et d'indemniser Mme [N] épouse [G] et M. [G] de l'intégralité des préjudices subis et des frais exposés n'est pas sérieusement contestable,

par conséquent en actualisant la provision déjà octroyée à titre de condamnation,

- condamner la société Ava à Mme [N] épouse [G] et M. [G] une provision à hauteur de la somme globale et actualisée de 140 000,00 euros, (somme de 105 000 euros octroyée en première instance et intégrant, en raison de l'évolution du litige, une provision complémentaire de 35 000 euros) à valoir sur l'indemnisation qui sera due au titre de la reprise des dommages, des préjudices subis et des frais exposés ;

- juger par contre que la demande de provision de la société Ava se heurte à des contestations sérieuses et la renvoyer à mieux se pourvoir au fond,

par conséquent,

- débouter la société Ava de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Ava à régler à Mme [N] épouse [G] et M. [G] la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;'

M. [G] et Mme [N] détaillent ce qui leur apparaissent être les multiples non-conformités, malfaçons et dommages à ce qu'ils désignent être les existants ainsi que les graves incidents qui sont survenus à compter de la mi-décembre 2022. Ils indiquent que la société Ava n'a, à ce jour, toujours pas justifié de la garantie décennale qu'elle aurait souscrite et qu'au terme de trois réunions qui se sont tenues sur les lieux, l'expert judiciaire a fait état de désordres accablants. Ils exposent que leur nouvel architecte, M. [E] [L] [C], a également dénoncé la gravité des malfaçons dans une note technique qu'ils produisent en pièce n° 32 et qui corrobore la gravité des manquements constatés par l'expert judiciaire. S'agissant de leur situation juridique vis-à-vis de la société Ava, ils indiquent qu'ils sont liés par un contrat d'entreprise en exécution duquel cette dernière doit répondre d'une obligation de résultat ; intervenue en qualité de constructeur, la société Ava est tenue de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale des travaux qu'elle a réalisés. Ils indiquent que les opérations d'expertise ont mis en évidence l'existence de graves désordres structurels découverts après la réception des travaux, ainsi que de graves non-conformités électriques susceptibles de générer des échauffements et donc des incendies au sein de la maison, outre de nombreux défauts d'exécution de travaux, comme cela ressort du constat qu'ils ont adressé par commissaire de justice. Ils considèrent que l'argumentation de leur adversaire sur la qualité de maître d''uvre de M. [M] est inopérante dès lors que la responsabilité de la société Ava est recherchée en ce qu'elle est l'entreprise qui a réalisé les travaux ; ainsi les rôles respectifs de M. [M] et de la société Ava ne sauraient exonérer cette dernière de son obligation à leur égard. M. [G] et Mme [N] font valoir que la société Ava n'a jamais levé les réserves formulées dans le procès-verbal en date du 27 décembre 2022 et dans leur courrier du 10 janvier 2023 et ils exposent que le fait que les opérations d'expertise soient en cours n'empêchaient pas l'octroi d'une provision. Au demeurant, ils font valoir que le rapport final d'expertise vient en tout état de cause d'être déposé, rapport qu'ils produisent aux débats. Exposant avoir réglé la somme de 126.200 euros à la société Ava alors que le montant des travaux de reprise s'élève à 115.105 euros, auquel il convient d'ajouter la réparation de l'escalier pour la somme de 6.747 euros, ainsi que les frais et préjudices validés par l'expert pour un montant de 27.547 euros, le coût de l'expertise pour la somme de 8.332 euros et l'indemnisation de leur préjudice moral pour la somme de 10.000 euros, soit un montant total à parfaire d'un montant minimal de 165.000 euros, M. [G] et Mme [N] indiquent que c'est une somme minimale de 140.000 euros que la société Ava sera tenue de leur régler, de sorte que la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle leur a alloué une somme de 105.000 euros à titre de provision avec en sus, en cause d'appel, l'allocation d'une provision complémentaire de 35.000 euros. S'agissant de la demande reconventionnelle, Mme [N] et M. [G] indiquent que la société Ava avait déjà été déboutée de cette demande par l'ordonnance de référé du 7 avril 2023 (qui est l'ordonnance ayant ordonné la mesure d'expertise), dont elle n'a pas interjeté appel, de sorte que cette demande a été définitivement rejetée ; ils indiquent en outre que cette demande est basée sur des devis qui n'ont pas été acceptés et qui procèdent de travaux qui n'ont pas été commandés.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 873 du code de procédure civile dispose en son second alinéa que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder en référé une provision au créancier.

Aussi convient-il d'examiner successivement si la demande de provision formée par les consorts [G]-[N] et la demande reconventionnelle de la société Ava reposent pour chacune d'elles sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable.

Sur la demande de provision formée par les consorts [G]-[N] :

Il convient en premier lieu d'examiner les désordres et malfaçons qui résultent des travaux entrepris et d'apprécier en second lieu si la société Ava est susceptible de devoir indemniser M. [G] et Mme [N] de ceux-ci sans contestation sérieuse et dans quelle mesure.

Depuis le prononcé de l'ordonnance de première instance, l'expert judiciaire qui avait été commis a déposé, le 14 mars 2024, son rapport définitif, lequel est produit aux débats par M. [G] et Mme [N] qui s'y réfèrent dans leurs dernières conclusions, la société Ava en faisant également mention dans ses conclusions.

Le montant des sommes susceptibles de faire l'objet d'une demande de provision :

Aux termes du rapport final qu'il a remis, le 14 mars 2024, l'expert judiciaire indique que le montant total des « travaux réparatoires » s'élève à la somme de 115.105,02 euros TTC.

Il convient de relever l'importance des désordres qui doivent être repris au titre de ces travaux de réparation : l'expert relève ainsi à cet égard que les frais à engager vis-à-vis du BET Structures, ainsi que pour l'étaiement, la dépose de plafond, la reprise de la canalisation du chauffage du premier étage, le ponçage du parquet, les travaux de peinture, les travaux d'électricité et de toiture de la salle de bain, ceux du parquet et de la reprise de la plomberie en cuisine, ceux dits des reprises structures Multibat, la réfection de la terrasse, le remplacement des persiennes et la réfection complète de la lucarne s'élèvent à la somme de 115.105,02 euros.

En revanche, les frais de loyer exposés du mois de janvier à celui de novembre 2023 se heurtent à une contestation sérieuse dès lors que, comme le souligne la société Ava, M. [G] et Mme [N] ont pris possession de la maison dès avant la réception du 14 décembre 2022 ; du reste, Mme [N] indiquait à l'architecte cinq jours après cette date avoir mis la chaudière en route et précisait faire attention lorsqu'elle marchait dans la maison, ce qui est susceptible de caractériser le fait qu'elle pouvait déjà y habiter.

De même, les frais d'assistance du nouvel architecte qu'ont diligenté M. [G] et Mme [N] ainsi que les frais du constat d'huissier de justice et l'indemnisation du temps passé aux réunions d'expertise sont susceptibles d'être pris en compte au titre des frais irrépétibles, de sorte qu'il ne serait pas justifié de les rembourser deux fois, une en principal et l'autre au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les intimés ne précisent en outre pas à quoi correspondent les frais financiers supposément exposés pour la somme de 4.548,50 euros et les frais de consommation et d'abonnement EDF, GDF et eau pour la maison depuis le mois de janvier 2023 ne peuvent davantage faire l'objet d'une provision alors que, ainsi qu'il a été vu, la prise de possession de la maison est antérieure à cette date. La demande de provision pour la réparation de l'escalier, pour la somme de 6.747 euros n'est pas évoquée dans le rapport d'expertise et le montant ainsi demandé n'est pas présenté comme étant fondé sur un élément tangible. De même, la demande de provision au titre du préjudice moral, à hauteur de 10.000 euros, n'est aucunement étayée par un quelconque élément pouvant permettre de la fonder.

Ainsi, l'ensemble des demandes formées au titre des frais énoncés dans le paragraphe précédent se heurtent à une contestation sérieuse, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de provision de ce chef, quand bien même ces frais sont énumérés dans le rapport d'expertise.

En revanche, le coût de la mesure d'expertise, d'un montant de 8.332,61 euros TTC a certes vocation à être pris en charge au titre des dépens dans le cadre d'une instance au fond mais il demeure que cette somme peut d'ores et déjà faire l'objet d'une provision, d'autant que la présente procédure ne sera pas nécessairement suivie d'une instance au fond. En l'état de la succombance au principal de la société Ava, ainsi qu'il va être vu plus loin, la provision sollicitée à ce titre par M. [G] et Mme [N] ne se heurte pas à une contestation sérieuse.

Ainsi, le montant total de la somme pouvant faire l'objet d'une demande provisionnelle s'élève à l'addition suivante : 115.105,02 euros et 8.332,61 euros, soit un total de 123 437,63 euros.

La question de la mise de cette somme à la charge exclusive de la société Ava :

Au regard de ces désordres et des travaux de réparation qui en résultent nécessairement, il convient d'examiner si la charge de ces derniers incombe exclusivement et sans contestation sérieuse à la société Ava.

A cet égard, l'expert judiciaire a consacré de longs développements sur le positionnement de M. [M], architecte, à l'égard de la société Ava, d'une part, et de M. [G] et Mme [N], d'autre part : l'expert judiciaire relève ainsi que M. [M] et la société Ava sont en lien contractuel, ayant signé, le 3 juin 2022, une convention aux termes de laquelle M. [M] assure une mission d'apporteur d'affaire à la société Ava ainsi qu'une mission d'assistance à l'égard de cette dernière dans ses relations avec les maîtres d'ouvrage dont il est l'interlocuteur privilégié. L'expert judiciaire relève à cet égard que « cette association originale de l'architecte [M] et de l'entreprise Ava ne pouvait pas fonctionner sérieusement et durablement, l'architecte devenu client de Ava ne pouvait lui faire les remarques pourtant indispensables sur les nombreux manquements techniques constatés dans la maison », le rapport d'expertise ajoutant que « leur association de fortune [est] incompatible avec la bonne exécution des travaux. »

L'expert judiciaire considère que les malfaçons sont dues pour 80 % d'entre elles à la société Ava et pour les 20 % restant à M. [M], qui a, selon l'expert judiciaire, manqué à son devoir de conseil en ayant sous-estimé le montant des travaux sans tenir compte de leur coût réel et des graves défauts de leur conception et de leur exécution.

Contrairement à ce qu'ils soutiennent désormais, M. [G] et Mme [N] ne peuvent écarter cette proposition d'imputation au motif que cette discussion ne relèverait que de la relation entre la société Ava et M. [M] dans le cadre de leur partenariat qui ne les concernerait pas : en effet, cette position des intimés est contradictoire avec celle qu'ils soutenaient devant l'expert, notamment dans leur dire n° 3 en date du 13 juin 2023 ; dans ce dire, M. [G] et Mme [N] insistaient sur la qualité de maître d'oeuvre de M. [M] et même sur l'existence d'un contrat, bien que non écrit, entre eux. Ainsi, le point n° 7 de ce dire indique : « Ces éléments confirment que Monsieur [M] a assumé une mission complète de maîtrise d''uvre dans le cadre des travaux de rénovation engagés par Madame et Monsieur [G]. » Dans le point n° 8, M. [G] et Mme [N] précisaient : 'Même en l'absence d'écrit, cela ne remet nullement en cause l'existence du contrat entre l'architecte, Monsieur [M], et le maître d'ouvrage, Madame et Monsieur [G]. » Dans leur dire n° 4, daté du 20 juin 2023, l'avocat de M. [G] et Mme [N] indiquaient encore : « ce sont donc bien Madame et Monsieur [G] qui ont assumé le coût des prestations de Monsieur [M]. Il est donc totalement faux et inexact de soutenir que mes clients n'auraient pas rémunéré Monsieur [M]. » Puis ils indiquaient, dans le point n° 3 de ce même dire qu'ils entendaient assigner en ordonnance commune la société d'assurance MAF en sa qualité d'assureur de M. [M] afin que la poursuite des opérations de l'expert se déroule au contradictoire de celle-ci. De fait, le rapport d'expertise mentionne effectivement qu'une ordonnance est intervenue le 28 juillet 2023 pour rendre les opérations d'expertise communes à la Mutuelle des Architectes Français, même si aucune des parties n'a produit ladite ordonnance.

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. [G] et Mme [N], il ne peut être considéré que le financement des travaux réparatoires recensés par l'expert judiciaire relèverait sans contestation sérieuse de la société Ava uniquement alors qu'il ressort de l'imputation proposée par le rapport d'expertise que 20 % de ceux-ci relèvent de l'architecte.

Dès lors, il convient de retenir que sur la somme de 123 437,63 euros, mentionnée comme étant susceptible de fonder une demande de provision de M. [G] et Mme [N], seule 80 % de celle-ci peut être mise à la charge, sans contestation sérieuse, de la société Ava. Ainsi, la provision allouée sera de 80 % de la somme de 123 437,63 euros, soit la somme de 98.750,10 euros.

Il est rappelé à la société Ava, qui forme une demande de remboursement, que l'arrêt infirmatif est en soi un titre suffisant à cet égard, s'agissant de la différence entre le montant alloué à ses adversaires en première instance et celui nouvellement fixé en cause d'appel.

Sur la demande reconventionnelle formée par la société Ava :

Alors que la société Ava sollicite une somme de 32.906,65 euros TTC au titre de la facture principale restant à régler (14.536,65 euros) et des travaux supplémentaires (18.370 euros), M. [G] et Mme [N] exposent en premier lieu que cette demande serait irrecevable au motif que la société Ava n'a pas contesté l'ordonnance de référé du 7 avril 2023, qui l'avait déjà déboutée de cette demande.

De fait, c'est bien exactement la même somme, de 32.906,65 euros qui était demandée par la société Ava au juge des référés qui avait été saisi de la demande d'expertise ; dans son ordonnance du 7 avril 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre avait indiqué dire n'y avoir lieu à référé sur cette demande reconventionnelle de la société Ava.

La société Ava, qui n'apporte aucune critique à cette fin de non-recevoir soulevée par ses adversaires, n'invoque a fortiori aucune circonstance nouvelle qui justifierait de revenir sur l'autorité de la chose jugée au provisoire par cette précédente ordonnance de référé dont elle n'avait pas interjeté appel.

Aussi convient-il de déclarer irrecevable cette demande reconventionnelle de la société Ava.

Surabondamment, la société Ava aurait été sans intérêt à critiquer cette fin de non-recevoir : en effet, la facture de fins de travaux se heurte à une contestation d'autant plus sérieuse que l'expertise judiciaire a énuméré les nombreuses malfaçons qui affectent les travaux réalisés et la facture pour les travaux supplémentaires ne procède d'aucun devis préalable ni d'aucune demande formalisée par M. [G] et Mme [N]. Dès lors, la demande de provision à ce titre se heurte à une contestation sérieuse en chacun de ses volets.

Sur les mesures accessoires :

En dépit de l'infirmation partielle de l'ordonnance de première instance, s'agissant du montant alloué au titre de la provision, la société Ava est bien la partie succombante, le montant de la provision allouée n'étant que corrigé à la baisse. Aussi convient-il de condamner la société Ava aux dépens d'appel.

De même, en considération de cette succombance partielle, il convient de condamner la société Ava au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais qui ne correspondra pas à la somme demandée à ce titre par M. [G] et Mme [N].

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance entreprise, mais seulement en ce qu'elle a fixé à la somme de 105.000 euros le montant de la provision due par la société Ava à M. [G] et Mme [N] ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Ava à verser à M. [G] et Mme [N] la somme totale de 98.750,10 euros à titre de provision ;

Rejette la demande de provision formée par la société Ava :

Condamne la société Ava aux dépens d'appel ;

Condamne la société Ava à verser à M. [G] et Mme [N] la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06719
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.06719 ?
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