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02/05/2024 | FRANCE | N°23/03518

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 02 mai 2024, 23/03518


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/03518 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V4HF



AFFAIRE :



S.A. CIC OUEST



C/



[M] [L]



[I] [F]



[Z] [S]



[V] [X]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES

N° RG : 19/00450



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :



Me Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES



Me Guillaume BAIS de la SCP GUILLAUME BAIS ET XAVIER TORRE, avocat au barreau de CHART...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/03518 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V4HF

AFFAIRE :

S.A. CIC OUEST

C/

[M] [L]

[I] [F]

[Z] [S]

[V] [X]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHARTRES

N° RG : 19/00450

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :

Me Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES

Me Guillaume BAIS de la SCP GUILLAUME BAIS ET XAVIER TORRE, avocat au barreau de CHARTRES

Me Patricia BUFFON de la SELARL JOLY & BUFFON, avocat au barreau de CHARTRES

Me Frédérique VANNIER de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. CIC OUEST

[Adresse 9]

[Localité 13]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040, substitué par Me Émilie GATTONE, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANTE

****************

Monsieur [M] [L]

né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentant : Me Guillaume BAIS de la SCP GUILLAUME BAIS ET XAVIER TORRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000032 - N° du dossier 2019124

Monsieur [I] [F]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 14]

Représentant : Me Patricia BUFFON de la SELARL JOLY & BUFFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000025 - N° du dossier 180031

Monsieur [Z] [S]

né le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 12]

Monsieur [V] [X]

né le [Date naissance 8] 1961 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentant : Me Frédérique VANNIER de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 - N° du dossier E0001UT3

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2024, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 05 avril 2007, la banque Crédit Industriel et Commercial Ouest (ci-après : CIC) a consenti à la société MBLG SAS (présidée par monsieur [L]) un prêt professionnel destiné à financer l'acquisition de titres d'une société Isorex au montant de 520.000 euros, remboursable , selon le tableau d'amortissement produit, par 9 échéances mensuelles ne portant que sur les intérêts à compter du 25 avril 2007 puis trimestrielles passée cette période de franchise, jusqu'au 25 décembre 2014, ceci au taux de 5,10 %, et au taux effectif global de 5,15447%.

Aux termes de l'article 5 de cet acte et de quatre engagements individuels (en ses pages 9 à 12) supportant leurs mentions manuscrites se sont portés cautions solidaires de l'emprunteuse en garantie de son remboursement monsieur [M] [L] (à hauteur de 120.000 euros)messieurs [I] [F], [V] [X] et [Z] [S] ( à hauteur, chacun, de 36.000 euros), ceci pour la durée de 108 mois.

Aux termes d'un avenant du 20 décembre 2012, la banque et la société MBLG sont convenues de modifier la périodicité de remboursement du prêt (devenue annuelle) sans modification de son terme ni novation et les cautions en ont été avisées en signant ce document.

Par jugements du 05 décembre 2013 puis du 1er février 2018, la société cautionnée a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis, à la suite d'un plan de continuation, de liquidation judiciaire.

Exposant avoir déclaré sa créance au passif de la débitrice principale à hauteur de la somme de 156.842,62 euros et se prévalant de son admission, la banque CIC, après vaines mises en demeure des cautions, le 08 février 2018, d'honorer leurs engagements respectifs qu'elle évaluait à 120.000 euros pour monsieur [L] et à 30.000 euros (sic) pour chacune des trois autres cautions précitées, les a assignés en paiement des dites sommes assorties des intérêts au taux contractuel majoré de 8,1%, selon exploits du 07 février 2019.

Par jugement contradictoire rendu le 08 mars 2023, le tribunal judiciaire de Chartres a :

déclaré irrecevables les demandes de la société CIC Ouest,

débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société CIC Ouest aux entiers dépens.

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 13 juillet 2023, la société anonyme Banque Crédit Industriel et Commercial - CIC Ouest, appelante de ce jugement suivant déclaration reçue au greffe le 30 mai 2023, demande à la cour :

de (la) déclarer recevable et fondée en son appel, y faisant droit,

d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau

de condamner monsieur [M] [L] à payer à la banque CIC Ouest la somme de 120.000 euros assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 8,1% à compter du 06 janvier 2014, date de la mise en demeure,

de condamner monsieur [I] [F] à payer à la banque CIC Ouest la somme principale de 36.000 euros assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 8,1% à compter du 06 janvier 2014, date de la mise en demeure,

de condamner monsieur [V] [X] à payer à la banque CIC Ouest la somme principale de 36.000 euros assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 8,1% à compter du 06 janvier 2014, date de la mise en demeure,

de condamner monsieur [Z] [S] à payer à la banque CIC Ouest la somme principale de 36.000 euros assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 8,1% à compter du 06 janvier 2014, date de la mise en demeure,

de condamner solidairement messieurs [L], [F], [S] et [X] à payer à la banque CIC Ouest la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais non compris dans les dépens,

d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant les voies de recours et sans caution (sic),

d'ordonner la capitalisation des intérêts année par année,

de débouter (les intimés) de leurs diverses demandes, fins et conclusions,

de condamner (les intimés) en tous dépens qui seront recouvrés par maître Philippe Méry, avocat associé, conformément aux dispositions de l'article 699 'CPC'.

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 21 août 2023, M. [M] [L] demande à la cour, au visa des articles 1134 (ancien) du code civil, L 313-22 du code monétaire et financier :

à titre principal

de confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, en conséquence,

de prononcer l'irrecevabilité de l'action engagée par la banque CIC Ouest,

de débouter la banque CIC Ouest de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire

de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque CIC Ouest,

d'ordonner la déduction de l'intégralité des intérêts contractuels payés depuis l'origine du seul capital restant dû à ce jour, laquelle somme représentera alors l'encours restant dû,

de dire que monsieur [L] ne reste devoir que 23,01% de cet encours,

de dire et juger qu'aucun intérêt contractuel ne sera appliqué sur cette somme,

à titre infiniment subsidiaire

d'ordonner la suppression de la majoration de trois points des intérêts de retard,

en toute hypothèse

de condamner la banque CIC Ouest à verser à monsieur [M] [L] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du 'CPC' (sic) (ainsi qu') aux entiers dépens.

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 08 septembre 2023 monsieur [I] [F], visant les articles 122 et 771 du code de procédure civile en leurs versions applicables, 1134 et 1152 (anciens), 2220, 2241 et 2290 du code civil, L 622-25-1 et L 622-28 du code de commerce et L 313-22 du code monétaire et financier, prie la cour :

de déclarer monsieur [I] [F] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,

de déclarer la SA Banque CIC Ouest non fondée en son appel, ce faisant,

de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a : déclaré irrecevables les demandes de la société CIC Ouest // condamné la société CIC Ouest aux entiers dépens,

d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau

de déclarer la SA Banque CIC Ouest irrecevable et, à tout le moins, non fondée en ses prétentions,

de débouter la SA Banque CIC Ouest de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre principal

de déclarer la SA Banque CIC Ouest forclose en son action en paiement à l'encontre de monsieur [I] [F] dont l'obligation de règlement est éteinte,

de dire et juger que monsieur [I] [F] n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la SA Banque CIC Ouest au titre de son engagement de cautionnement de 36.000 euros,

à titre subsidiaire

de dire et juger que la SA Banque CIC Ouest a manqué à son obligation d'information annuelle à caution à l'égard de monsieur [I] [F],

de dire y avoir lieu à application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

d'ordonner la déduction de l'intégralité des intérêts contractuels payés depuis l'origine du seul capital restant dû à ce jour, laquelle somme représentera alors l'encours restant dû,

de dire que monsieur [I] [F] ne reste devoir que 6,93% de cet encours,

de dire et juger qu'aucun intérêt contractuel ne sera appliqué sur cette somme,

à titre infiniment subsidiaire

d'ordonner la suppression de la majoration des intérêts de retard,

de dire et juger que monsieur [I] [F] ne saurait être redevable d'une somme supérieure à 30.000 euros, intérêts et article 700 du 'CPC' compris,

en toute hypothèse

de condamner la SA Banque CIC Ouest à verser à monsieur [I] [F] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du 'CPC' de première instance et d'appel,

de condamner la SA Banque CIC Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 21 juillet 2023, monsieur [V] [X] et monsieur [Z] [S] demandent à la cour, au visa de l'article 1134 (ancien) du code civil :

de débouter la Banque CIC Ouest de toutes ses demandes, fins et conclusions, en conséquence,

de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement (entrepris),

de déclarer la Banque CIC Ouest irrecevable en son action,

à titre subsidiaire et au visa des articles 2293 et 1152 (ancien) du code civil, L 313-22 du code monétaire et financier :

de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

d'exonérer monsieur [X] et monsieur [S] de la majoration de 3 points en raison du caractère excessif de cette majoration,

de débouter la Banque CIC Ouest de sa demande en paiement de la somme de 36.000 euros à l'encontre de messieurs [X] et [S],

en tout état de cause

de condamner la Banque CIC Ouest à payer à monsieur [X] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner la Banque CIC Ouest à payer à monsieur [S] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Par conclusions de procédure notifiées le 25 mars 2024 qui succédaient à un courrier électronique de son conseil adressé par RPVA du 20 mars 2024, la banque CIC Ouest appelante demande à la cour, au visa des articles 370 et suivants et 778 du code de procédure civile, de constater que l'ordonnance de clôture du 06 février 2024 est non avenue, de renvoyer l'affaire à la mise en état et de réserver les dépens.

Elle fait valoir que son précédent avocat, maître Méry, a été admis à démissionner à compter du 1er janvier 2024, selon délibération du conseil de l'ordre du barreau de Chartres du 11 décembre 2023, que l'instance a donc été interrompue au sens de l'article 370 précité, que maître Karm ne s'est constitué en ses lieu et place que le 19 mars 2024, de sorte que l'ordonnance de clôture rendue durant cette période d'interruption doit être, selon elle, déclarée non avenue en application de l'article 778 sus-visé.

Mais la banque, qui ne pourrait se prévaloir des dispositions de l'article 803 du code de procédure civile selon lequel 'la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation (de l'ordonnance de clôture)' ne saurait voir prospérer son moyen de procédure tel que fondé en droit et en fait.

Force est d'abord de considérer qu'en dépit de la reproduction in extenso de l'article 370 dans ses écritures, elle s'abstient de s'expliquer sur la cause d'interruption d'instance qu'elle invoque alors que cet article limite l'interruption à trois cas qui lui sont étrangers, à savoir : 'le décès d'une partie dans le cas où l'action est transmissible, la cessation de fonctions du représentant légal d'un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d'un majeur, le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice' .

Ensuite, elle laisse sans réplique le courrier du 25 mars 2024 de messieurs [X] et [S] qui, par leur conseil, observent que maîtres Méry et Karm sont tous deux associés de la même société civile professionnelle (ce que confirme notamment le courrier de maître Karm du 20 mars 2024 qui supporte, en pied de page, la mention 'SCP Méry-Renda-Karm-Génique') et qui font pertinemment valoir, en se réclamant de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 25 février 1998, pourvoi n° 96-10913, publié au bulletin) qu'il n'y a interruption de l'instance par cessation des fonctions de l'avocat, quand l'office est attribué à une SCP, qu'en cas de disparition de celle-ci , le seul changement d'un des membres de cette SCP n'affectant ni l'existence ni la personnalité de cette société.

Il peut, en effet, être rappelé qu'une SCP a pour objet l'exercice en commun d'une profession dans une structure dotée de la personnalité morale. Elle ne peut accomplir les actes de la profession que par l'intermédiaire de ses membres ayant qualité pour l'exercer. Les associés exercent au nom et pour le compte de la SCP qui perçoit les honoraires, paie les charges et dégage un résultat à répartir entre les associés. Chaque associé ne peut être membre que d'une SCP d'avocats et ne peut exercer sa profession ni à titre individuel ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral ; il doit consacrer à la SCP toute son activité professionnelle d'avocat.

Par suite, ce moyen doit être rejeté.

Sur les fins de non-recevoir opposée à l'action

Sur la contestation du pouvoir juridictionnel du tribunal pour connaître du moyen

La banque poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la contestation du pouvoir juridictionnel du tribunal pour connaître du litige qu'elle présentait sur le fondement de l'article 789 (6°) du code de procédure civile selon lequel le juge de la mise en état a compétence, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir, motif pris que cette disposition n'est applicable qu'aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 et que tel n'est pas le cas en l'espèce.

En cause d'appel, elle reprend cette même demande en la fondant, cette fois, sur l'article 771 du même code, en sa version applicable au litige, aux termes duquel 'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour : (1) statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge. (...)'.

Elle affirme, sans plus de débats ni réplique aux moyens adverses, que les intimés lui opposent une exception de procédure et que le tribunal n'est pas compétent pour en connaître.

Mais c'est à bon droit que les intimés, qui opposent à la banque un moyen tendant à la faire déclarer irrecevable en sa demande, soutiennent qu'il constitue une fin de non-recevoir, au sens de l'article 122 du code de procédure civile (en vigueur depuis le 1er janvier 1976), et se prévalent, en particulier, d' un avis de la Cour de cassation du 13 novembre 2016 (n° 06-00012) selon lequel 'les incidents mettant fin à l'instance visés par le deuxième alinéa de l'article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les article 384 et 385 du même code et n'incluent pas les fins de non-recevoir'.

Et, poursuivant sur la présente procédure d'appel, font justement valoir que le conseiller de la mise en état, qui ne dispose pas du pouvoir d'infirmer, ne peut connaître de fins de non-recevoir tranchées par le juge de la mise en état ou le tribunal.

Par suite, ce moyen ne peut prospérer.

Sur la contestation du délai d'exercice de l'action

Il convient de rappeler que pour déclarer la banque irrecevable en son action dès lors qu'elle a assigné les cautions les 16 janvier et 07 février 2019, soit postérieurement au 25 décembre 2016 qui constituait le terme du délai de forclusion applicable, le tribunal, explicitant les notions d'obligation de couverture et d'obligation de règlement de la caution, a considéré que les actes de cautionnement n'établissaient aucune distinction entre celles-ci et qu' 'en recherchant la commune intention des parties, selon l'article 1162 (ancien) du code civil, la généralité des termes employés amène à conclure que la date du 25 décembre 2016 constituait un terme unique, applicable tant à l'obligation de couverture qu'à l'obligation de règlement', approuvant de plus les défendeurs en leur qualification de contrat d'adhésion du contrat et rappelant qu'en ce cas, celui-ci s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

Il a, par ailleurs tiré argument de la durée du cautionnement (108 mois) et de celle du prêt non modifiée par son avenant (84 mois) pour statuer comme il l'a fait.

L'appelante conteste, à titre subsidiaire, cette appréciation en affirmant qu'à admettre que le délai de 108 mois soit un délai de 'forclusion', il n'en reste pas moins que ce délai a été interrompu par la demande en justice, comme le prévoit l'article 2241 du code civil, que, selon la jurisprudence, la déclaration de créance à la procédure collective (qu'elle a effectuée le 05 décembre 2013) constitue une demande en justice interruptive de prescription, que cette interruption s'est poursuivie jusqu'à la date de la liquidation judiciaire (le 1er février 2018) et qu'au moment de son assignation, le délai de 108 mois n'était pas expiré.

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'action, les intimés poursuivent, quant à eux, la reconnaissance d'un délai de forclusion contractuelle dérogeant au délai de prescription quinquennale en invoquant divers arguments, à savoir :

- que lorsque les parties décident de prolonger, comme en l'espèce, le délai de règlement de la caution au delà du terme du prêt garanti par ce cautionnement, elles ont alors entendu remplacer le délai de prescription par un délai de forclusion dans la limite duquel le créancier doit assigner en paiement la caution sous peine de se voir déclarer forclos en son action ; ils se réclament d'une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass com, 26 janvier 2016, pourvoi n° 14-23285, publié au bulletin) pour dire qu'au cas particulier, ils ont contractuellement 'décidé' de limiter le délai d'action du créancier et que, 'dans l'esprit des parties' ou 'à l'évidence', l'engagement de cautionnement s'arrêtait au 25 décembre 2016 alors que le prêt avait pour échéance le 25 décembre 2014, si bien que leur obligation de règlement s'est trouvée éteinte à cette date,

- qu'au surplus, la durée de l'engagement de caution, qui constitue un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement doit être exprimée en termes clairs et précis, sans ambiguïté, et qu'en l'espèce l'imprécision de la mention affecte la compréhension de la durée de l'engagement,

monsieur [F] se réclame, sur cet autre point, d'un arrêt de la Cour de cassation (Cass com 12 juin 2019, pourvoi n° 17-12519, 17-12520, inédit) pour dire qu'elle 'admet désormais très justement que dans la mesure où il n'est apporté aucune précision quant à l'étendue des effets de la durée mentionnée à l'acte de cautionnement, il y a alors ambiguïté dans le contrat qu'il appartient désormais aux juges du fond, seuls, d'interpréter (...)pour déterminer si le terme mentionné concerne uniquement l'obligation de couverture ou aussi l'obligation de règlement', il ajoute que lorsque la durée du cautionnement est supérieure à celle du contrat principal, il est plus généralement retenu, en l'absence de stipulation contractuelle claire, que la durée correspond à l'expiration de l'obligation de règlement, observant en l'espèce que la durée du cautionnement excédait de 24 mois celle de la durée du prêt et que dès lors que la mention manuscrite ne reprenait pas la durée du prêt, la caution (qui se bornait à reporter les termes d'une mention dactylographiée et en faveur de laquelle doit être interprété l'engagement) ne pouvait avoir à l'esprit qu'il convenait de distinguer les obligations de couverture et de règlement, son consentement ayant nécessairement été donné sans cette distinction, de sorte que la volonté des parties était d'enfermer l'obligation de paiement/règlement de la caution et celle du créancier contre celle-ci dans un délai spécifique, remplaçant le délai de prescription normalement applicable par un délai contractuel de forclusion, ce même intimé voit dans les lettres d'information annuelle de la caution adressée par la banque la preuve que cette dernière avait elle-même à l'esprit que sa réclamation à son égard était limitée à une durée de deux ans passé le terme du prêt,

- que le délai de forclusion n'a pas été interrompu, que de mauvaise foi la banque confond délai de prescription et délai de forclusion conventionnelle et que la déclaration de créance faite par un créancier au passif de la procédure collective du débiteur principal, même si elle s'apparente à une demande en justice, n'interrompt pas le délai contractuel de forclusion à l'égard de la caution ,

plus précisément, selon monsieur [F], les dispositions de l'article 2241 du code civil ne s'appliquent pas aux forclusions de nature contractuelle ; en outre, l'article L 622-25-1 du code de commerce relatif à l'effet interruptif de la déclaration de créance (qui n'emporte réclamation en paiement qu'à l'encontre de la société débitrice principale et ne peut valoir citation en justice contre la personne de la caution) ne s'applique qu'aux délais de prescription, si bien que les lettres de mise en demeure des cautions du 08 février 2018 ne peuvent avoir l'effet interruptif résultant de l'application des articles 2246 et 2220 du code civil ; de plus, l'ouverture de la procédure collective à l'égard du débiteur principal ne faisait pas obstacle à l'action contre la caution et il appartenait donc à la banque d'agir avant le 25 décembre 2016,

enfin, à admettre même ou 'au pire', comme développé par messieurs [X], [S] et [F], que le délai de forclusion ait été suspendu, il résulte de l'article L 622-28 du code de commerce qu'une fois le plan de continuation adopté (en l'espèce le 18 décembre 2014 et pour une durée de 10 ans), les cautions et garants peuvent être de nouveau poursuivis par les créanciers en sorte que la banque ne peut se prévaloir d'une suspension jusqu'au jugement de liquidation,

- qu'il y a lieu de statuer dans le même sens que le tribunal judiciaire de Chartres qui, par jugement rendu le 09 septembre 2020 (devenu définitif) dans une affaire opposant la Banque Populaire Val de France aux quatre cautions poursuivies dans la présente instance, a déclaré cette autre banque, agissant en recouvrement d'un prêt professionnel ayant fait l'objet d'un avenant prolongeant la durée de remboursement et en vertu d'un nouvel engagement des cautions, irrecevable en son action en paiement aux motifs qu'il n'existait pas de distinction entre obligations de couverture et de règlement, qu'il s'agissait d'un contrat d'adhésion et qu'il ne tenait qu'à la banque de les assigner dans le délai de leurs engagements dès l'adoption du plan en sollicitant un retrait du rôle ou un sursis à statuer,

Il convient de se prononcer sur ces différents moyens.

1- sur les obligations de couverture et de règlement des cautions intimées

Lorsqu'un terme est stipulé dans un acte de cautionnement, la garantie de la caution porte sur les dettes nées entre le débiteur principal et le créancier durant la période de couverture et la caution n'est donc plus tenue aux dettes nées postérieurement à la survenance de ce terme.

En principe, le fait que la caution soit appelée postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur son obligation de règlement.

Toutefois et par exception les parties peuvent convenir, par une stipulation expresse (comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation, notamment Cass com 1er juin 2023, pourvoi n° 21-23-850, publié au bulletin) de la restriction dans le temps du droit de poursuite.

Ce délai d'engagement des poursuites, constitutif d'un terme extinctif au-delà duquel les poursuites ne pourront plus intervenir, s'analyse en un délai de forclusion.

En l'espèce, la mention manuscrite de l'ensemble des cautions, à laquelle renvoyait l'article 7.1 des conditions particulières du prêt pour déterminer le montant et la durée leurs engagements, et qui précédait leurs signatures, était ainsi formulée :

' En me portant caution de MBLG dans la limite de la somme de (...) euros (exprimés, dans chaque acte, en lettres et en chiffres) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée du 108 mois, je m'engage à rembourser aux prêteurs les sommes dues sur mes revenus et mes biens si MBLG n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec MBLG, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement MBLG'.

Pour affirmer que leur obligation de règlement avait pour terme le 24 décembre 2016, les intimés ne peuvent se prévaloir, aux fins de transposition, de la doctrine de la Cour cassation issue des deux arrêts qu'ils invoquent.

Force est d'abord de constater qu'ils ne reproduisent, dans leurs conclusions, que la motivation tronquée de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 26 janvier 2016 alors qu'elle retenait en cette espèce qui n'a de commun avec le présent litige qu'une prolongation du délai de l'engagement de la caution en regard de la durée du prêt, une limitation dans le temps du droit de poursuite en énonçant également: ' Attendu que selon l'arrêt attaqué (...) l'acte précisait 'que le délai supplémentaire était prévu pour permettre à la banque d'agir contre la caution au titre de son obligation de règlement' .

Une telle mention ne figure pas dans les actes de cautionnement litigieux.

Pas davantage peuvent-ils tirer argument de l'arrêt inédit rendu par la Cour de cassation le 12 juin 2019 pour prétendre que celle-ci considère 'désormais' qu'en l'absence de mention particulière ou précision quant à la durée du cautionnement, il y a ambiguïté dans le contrat, dont l'interprétation relève du juge du fond, et approuve l'interprétation en faveur de la caution en retenant que le terme manuscritement fixé concernait l'obligation de couverture mais aussi celle de règlement.

En cette espèce étrangère au présent litige, il peut être relevé que le pourvoi portait sur la dénaturation de l'acte de cautionnement. Il appartenait par conséquent à l'intimé qui se prévaut de cette décision de se reporter aux termes précis du cautionnement en cause, lequel stipulait en son point 10 : 'le présent cautionnement est valable pour la durée indiquée ci-dessus, à laquelle je serai délivré de tous engagements envers la banque'.

Cette mention ou une mention équivalente ne ressort pas, non plus, des actes de cautionnement litigieux.

Pour dire que les obligations de couverture et de règlement avaient un terme unique fixé au 25 décembre 2016, ne peut, pas davantage, être retenue, comme énoncé dans le jugement querellé dont messieurs [X] et [S] s'approprient la motivation, la qualification du contrat de cautionnement en un contrat d'adhésion et sa conséquence, à savoir que, dans le doute, il doit être interprété en faveur de celui qui s'engage.

Le cautionnement est, en effet, un acte unilatéral et la clause litigieuse ne s'analyse pas en une clause non négociable déterminée à l'avance par les parties créant, sans pouvoir être débattue, un déséquilibre significatif entre son rédacteur et celui qui s'engage.

En revanche et à s'en tenir aux enseignements de la Cour de cassation dans une espèce où, comme ici, l'engagement de caution excédait de plusieurs mois la durée du prêt garanti (Cass com 1er juin 2023, pourvoi n° 23-850, publié au bulletin et cité ci-dessus), celle-ci, cassant et annulant l'arrêt attaqué, énonce, au visa des articles 1134 et 2292 du code civil applicables : (point 4) 'Qu'en l'absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, le fait que la caution soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur l'obligation de la caution portant sur la créance née avant cette date.'

(point 5) 'Pour déclarer la banque irrecevable comme forclose, l'arrêt retient que lorsque le cautionnement garantit une dette déterminée, l'obligation de couverture et l'obligation de règlement sont confondues pour avoir dès l'origine une même étendue, définie par référence à la dette garantie, et pour s'éteindre en même temps. Il en déduit que la fixation d'une durée au cautionnement excédant le terme de l'obligation principale ne peut s'interpréter que comme exprimant la commune intention des parties de stipuler un délai limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier.'

(point 6) 'En se déterminant ainsi, sans relever l'existence dans le contrat de cautionnement d'une stipulation expresse restreignant dans le temps le droit de poursuite de la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'.

Incidemment, il peut être relevé que ces engagements mentionnent, expressis verbis, des sommes 'couvrant le paiement (...)' renvoyant à la notion de couverture.

Il s'en déduit que la limitation dans le temps de l'obligation de règlement de la caution doit ressortir d'une stipulation expresse manifestant sans ambiguïté la volonté des parties de restreindre temporairement le droit de poursuite de la cautionnée et qu'au cas particulier aucune stipulation claire et précise de l'acte ne permet de conclure que le délai supplémentaire de deux ans, en regard de la durée du prêt, constitue le terme de l'engagement de règlement.

Par suite, est inopérante l'argumentation des intimés relative au délai de forclusion qui limitait le délai d'action du créancier à leur encontre à la date du 25 décembre 2016 et son droit d'action doit être apprécié en regard des règles de la prescription.

2 - sur le droit d'agir de la banque à l'encontre des cautions

La banque n'est pas contestée en ses affirmations relatives à la procédure collective dont a fait l'objet la débitrice principale, à savoir que cette dernière a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chartres rendu le 05 décembre 2013, qu'elle a alors déclaré sa créance au passif de la Sarl MBLG, que la débitrice principale a obtenu de cette juridiction un jugement rendu le 18 décembre 2014 arrêtant un plan de continuation pour une durée de 10 ans et que, finalement, par jugement rendu le 1er février 2018, le tribunal de commerce de Chartres a prononcé la liquidation de la Sarl MBLG, la créance ayant été admise au passif à hauteur de la somme de 149.373,92 euros.

Sur l'effet de la procédure collective à l'égard de la caution et comme énoncé par la Cour de cassation (notamment : Cass com 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-13386, publié au bulletin), 'Il résulte (des articles 2241 et 2246 du code civil) que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

Si, en vertu de l'article L. 631-20 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021), la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure'.

La prescription applicable en l'espèce étant la prescription quinquennale prévue à l'article L 110-4 du code de commerce, il s'évince de ce qui précède qu'au cas particulier ne peut être déclarée prescrite l'action contre les cautions introduite par assignations délivrées le 07 février 2019 dès lors qu'en suite de l'ouverture de la procédure collective et de la déclaration de créance de la banque admise au passif de la société MBLG, cette dernière a été mise en liquidation par jugement du 1er février 2018.

Par voie de conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il déclare la société CIC Ouest irrecevable à agir.

Sur la contestation des sommes réclamées

Sur l'obligation de couverture des cautions

Il résulte des engagements de caution en cause qu'ils se sont engagés, comme il a été dit, dans la limite de la somme de 120.000 euros (pour monsieur [L]) et de 36.000 euros (pour les trois autres intimés) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, de sorte que le prêt était garanti à hauteur d'une somme totale de 228.000 euros et c'est à ce montant que s'élève le total des demandes de condamnation formulées par la banque qui demande que ces condamnations soient assorties des intérêts au taux contractuel de 5,1% majoré de 3 points à compter de sa mise en demeure du 6 janvier 2014.

Pourtant, elle se prévaut, dans le corps de ses écritures, d'une admission au passif de la débitrice principale pour une somme de 149.373,92 euros dont il convient de déduire, précise-t-elle, deux dividendes pour un montant total de 5.974,96 euros de sorte que sa créance s'élève à la somme de 143.398,96 euros, étant observé que cette somme figure dans le décompte joint à sa lettre de mise en demeure du 08 février 2018 adressée aux cautions qui précisait alors que les intérêts étaient dus à compter du 02 février 2018.

En l'absence de décompte produit par la banque permettant d'éclairer tant la cour que ses adversaires sur les demandes telles que formulées et à retenir que l'admission au passif du débiteur principal, sans qu'il soit ici fait état de l'existence d'un recours prévu aux articles L 624-3-1 et R 624-10 du code de commerce, a autorité de chose jugée à l'égard des cautions solidaires, il y a lieu de considérer qu'à juste titre, les cautions demandent à titre subsidiaire à la cour de limiter leur engagement au pourcentage de l'encours à déterminer, soit 23,01% pour monsieur [L] et 6,93 % pour chacun des autres intimés.

Sur la contestation de la créance telle que réclamée à l'encontre des cautions

La dette de la société MBLG étant ramenée à la somme de 143.398,96 euros, compte tenu de ce qui précède, les intimés poursuivent la déchéance du droit aux intérêts de la banque et contestent la majoration de trois points du taux d'intérêt contractuel pour solliciter la déduction de la créance invoquée à leur encontre de l'intégralité des intérêts contractuels depuis l'origine du seul capital restant dû au jour où la cour statue, tandis que, pour sa part, la banque CIC Ouest conteste avoir failli à son obligation d'information annuelle de la caution et fait valoir qu'il n'est pas démontré que la majoration des intérêts de 3%, s'analysant en une clause pénale, serait manifestement excessive comme requis par les dispositions de l'article 1152 (ancien et applicable) du code civil.

S'agissant de la déchéance du droit aux intérêts sanctionnant le défaut d'information annuelle de la caution, les cautions intimées fondent leur demande sur les articles 2293 du code civil et L 313-22 du code monétaire et financier ainsi que sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass com, 11 octobre 2011, pourvoi n° 10-25862) selon laquelle lorsqu'une personne caution est condamnée à exécuter son engagement, l'établissement de crédit est tenu de respecter certaines obligations et, notamment, celle relative à l'information annuelle des cautions jusqu'à l'extinction de la dette garantie.

Si la société CIC Ouest entend justifier du respect de cette obligation pour les années 2008 à 2012 incluse en produisant en pièces n° 20 à 23 des lettres d'information concernant chacune des quatre cautions intimées, il ne peut être retenu qu'elle s'est conformée aux prescriptions de l'article L 313-22 précité - à savoir 'faire connaître' à la caution avant le 31 mars de chaque année le montant ventilé de la créance garantie au 31 décembre de l'année précédente - dès lorsqu'elle se borne à produire, comme le fait valoir monsieur [F], de simples copies non signées et dont elle ne rapporte pas la preuve de leur envoi.

Du fait de son déficit probatoire elle encourt la déchéance du droit aux intérêts conventionnels prévue au deuxième alinéa de ce texte, ceci pour l'ensemble des cofidéjusseurs, de sorte que de la créance garantie de 143.398,96 euros doivent être déduits, au terme de la première année soit depuis l'échéance trimestrielle de juin 2008, l'ensemble des intérêts comptabilisés et la banque ne peut prétendre, sur la somme résiduelle ainsi déterminée, qu'aux intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 alinéa 3 (applicable) du code civil, soit les intérêts au légal ayant couru à compter des mises en demeure adressées aux cautions le 08 février 2018.

S'agissant de la majoration de 3% de l'intérêt conventionnel ressortant, faute de précisions sur ce point de la banque et à défaut de production d'un décompte précis de sa créance, de l'article 6 des conditions générales du prêt, elle s'analyse effectivement en une clause pénale dès lors qu'il s'agit d'une indemnité forfaitaire, déterminée par avance et qu'elle revêt un caractère comminatoire.

Cet article stipule :'Si l'emprunteur ne respectait pas l'un quelconque des termes de remboursement ou l'un quelconque des termes en intérêts, frais et accessoires, le taux d'intérêt sera majoré de trois points, ceci à compter de l'échéance restée en souffrance et jusqu'à la reprise du cours normal des échéances contractuelles'

Si les cautions ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 2293 et de l'application de ce texte par de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-19211, publié au bulletin) , à savoir que le défaut d'information annuelle de la caution, prévue par ce texte, est sanctionné par la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités, dès lors que ce texte ne vise que le cautionnement indéfini, il n'en reste pas moins, eu égard à ce qui précède, que la banque a été déchue de son droit à intérêts, support nécessaire de la clause pénale telle que convenue, et qu'elle n'établit pas qu'à l'échéance du juin 2008, l'emprunteur n'avait pas respecté l'une quelconque de ses obligations.

Il s'en déduit que la banque sera déboutée de sa demande à ce titre et qu'elle ne peut prétendre, au titre de sa garantie, qu'au paiement d'une créance fixée selon les modalités de calcul déterminées ci-dessus qui sera précisée au dispositif.

Sur les autres demandes

L'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties au litige.

La succombance partielle de celles-ci conduit la cour à décider que chacune conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de l'appelante tendant à voir déclarer non avenue l'ordonnance de clôture rendue et à voir renvoyer l'affaire à la mise en état ;

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau ;

Rejette les fins de non-recevoir réciproquement opposées par les parties à l'action ;

Déclare la société anonyme Crédit Industriel et Commercial Ouest recevable à agir à l'encontre des cautions ;

Condamne solidairement, dans la limite de leurs engagements de caution respectifs, messieurs [M] [L], [I] [F], [Z] [S] et [V] [X] à verser à la société Crédit Industriel et Commercial Ouest, suivant décompte précis qu'il lui est enjoint d'établir sur la base d'une créance garantie de 143.398,96 euros dont seront déduits, depuis l'échéance trimestrielle de juin 2008, l'ensemble des intérêts comptabilisés assortis ou non d'une majoration de trois points, la somme résiduelle ainsi déterminée outre intérêts au taux légal à compter des mises en demeure du 08 février 2018 ;

Dit que, sur cet encours résiduel, monsieur [M] [L] sera tenu au paiement à hauteur de 23,01 %, messieurs [I] [F], [Z] [S] et [I] [X], chacun, à hauteur de 6,93% ;

Déboute les parties de leurs demandes réciproques fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/03518
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.03518 ?
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