COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 55B
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 MAI 2024
N° RG 23/02910 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2UV
+ 23/03541
AFFAIRE :
Société ROYAL JORDANIAN AIRLINES
C/
S.A.S. QUALITAIR & SEA DIMOTRANS GROUP
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 2015F00520
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Chantal DE CARFORT
Me Christophe DEBRAY
Me Stéphanie TERIITEHAU
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 février 2023 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 17 décembre 2020
Société ROYAL JORDANIAN AIRLINES
[Adresse 13]
[Localité 1] JORDANIE
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Fabrice PRADON du LLP Clyde & Co, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A.S. QUALITAIR & SEA DIMOTRANS GROUP
RCS Pontoise n° 901 144 428
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 6]
Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 14] - SUISSE
Représentées par Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Patrick MICHALEK & Me Michaël ZERROUKI de la SELARL VIEULOUP AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau de Paris
Société KAREEM LOGISTICS
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1] - JORDANIE
Société SALAM SHIPPING & FORWARDING AGENCY SL
[Adresse 9]
[Localité 1] - JORDANIE
Société AL MUNA TRANSPORT
[Adresse 11]
[Localité 1] JORDANIE
Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Xavier DE RYCK du cabinet ASA AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de Paris
S.A. GENERALI IARD
RCS Paris n° 552 062 663
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.S. PIERRE FABRE MEDICAMENT
RCS Castres n° 326 118 502
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentées par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Sylvie NEIGE du cabinet LAROQUE NEIGE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DES FAITS
En décembre 2013, la SAS Pierre Fabre Médicaments, ci-après dénommée la société PFM, ayant vendu plusieurs produits pharmaceutiques au ministère de la santé irakien, a confié à la Sas Qualitair & Sea International, ci-après dénommée la société Qualitair, commissionnaire de transport, l'organisation du transport de trois lots de produits depuis [12] jusqu'à [Localité 7] en Irak.
Deux lots (A et B) devaient être transportés à une température comprise entre + 2°C et + 8°C et le troisième (C) sous température dirigée de - 20 °C ; le lot A contenait notamment 468 boites de 10 ampoules de Navelbine 50mg, objets de la facture n°100587268 d'un montant de 408.030 dollars.
Pour le transport aérien entre [12] et [Localité 1] en Jordanie, la société Qualitair a missionné la société Royal Jordanian Airline, ci-après dénommée la société RJA, en sa qualité de transporteur aérien, qui a émis trois lettres de transport aérien n°512-45078902, n°512-45078913, n°512-45078924.
Pour l'organisation du transport terrestre d'[Localité 1] à [Localité 7], la société Qualitair s'est substituée la société Salam Shipping & Forwarding Agency, ci-après dénommée la société Salam Shipping. La société Kareem Logistics a été mandatée pour le dédouanement à l'arrivée à [Localité 1] et la société Al Muna Transport, ci-après dénommée la société Al Muna, pour le transport terrestre d'[Localité 1] à [Localité 7].
Les trois lots sont arrivés à [Localité 1] respectivement les 21, 22 et 29 décembre 2013.
La fermeture de la frontière entre la Jordanie et l'Irak ayant empêché l'acheminement par voie terrestre dès l'arrivée des marchandises à [Localité 1], les lots ont été entreposés jusqu'au 17 février 2014 dans les entrepôts de la société RJA.
Ils ont été pris en charge le 18 février 2014 par la société Al Muna et livrés au ministère irakien de la santé le 23 février 2014.
Par courriel du 24 février 2014, le destinataire irakien a fait part à la société PFM de dépassements de température lors de l'arrivée des médicaments.
Par lettre RAR en date du 25 février 2014, la société PFM a informé la société Qualitair du fait que les marchandises avaient voyagé à des températures supérieures à celles requises, qu'il s'agissait d'une mauvaise exécution du contrat de transport et que sa responsabilité était engagée.
Le 28 février 2014, la société Qualitair a notifié le sinistre aux sociétés RJA, Salam Shipping, Kareem Logistics, les tenant pour responsables des dommages subis par les produits.
Le 7 mars 2014, M. [R] [P], expert mandaté par la société Generali Iard, assureur de la société PFM, ci-après dénommée la société Generali, a déposé son rapport, aux termes duquel il a conclu que les dommages subis étaient liés à des excursions de températures survenues d'une part, lors du stockage prolongé des colis à [Localité 1] entre le 22 décembre 2013 et le 17 février 2014, et d'autre part, du fait d'un défaut de réfrigération des camions pendant l'acheminement routier de [Localité 1] à [Localité 7] entre le 18 et le 23 février 2014.
Les trois lots de produits ont été détruits par le ministère de la santé irakien et remplacés par la société PFM.
En application de la police d'assurance marchandises transportées, la société Generali a indemnisé la société PFM à hauteur de 434.816,50 USD, soit 249.298,50 USD en date du 8 août 2014 et 185.518 USD en date du 22 octobre 2014, la société PFM conservant à sa charge la franchise de 63.780,50 USD. Par deux actes de subrogation et cession de droits des 6 août et 20 octobre 2014, la société PFM a subrogé la société Generali dans tous ses droits et recours concernant le dommage.
Par actes du 21 janvier 2015, la société Generali et la société PFM ont fait assigner la société Qualitair et son assureur, la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, ci-après dénommée la société Helvetia, devant le tribunal de commerce de Nanterre, aux fins de voir constater les fautes commises par la société Qualitair, dire que sa responsabilité est engagée, et la condamner avec son assureur à l'indemnisation du préjudice.
Par actes d'huissier de justice du 16 février 2015, les sociétés Qualitair et Helvetia ont fait assigner en garantie les sociétés RJA, Salam Shipping, Kareem Logistics et Al Muna.
Par jugement du 21 février 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les N°2015F00520 et N°2015F01029 qui sont poursuivies sous le N°2015F00520 ;
- Dit la SA Generali Iard et la SAS PFM recevables en leur demande à l'encontre de la SAS Qualitair & Sea International et la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances ;
- Condamné la SAS Qualitair et la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, in solidum à régler à :
- La SA Generali Iard, la somme de 434.816,50 USD en principal, ou sa contre-valeur en euros au jour du prononcé du jugement majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;
- La SAS PFM, la somme de 50.000 € en principal majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil ;
- Dit la SDE RJA recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence territoriale, et s'est déclaré compétent ;
- Dit la SDE Salam Shipping, la SDE Kareem Logistics et la SDE Al Muna Transport recevables mais mal fondées en leur exception d'incompétence et s'est déclaré compétent ;
- Condamné in solidum la SDE RJA, la SDE Salam Shipping et la SDE Al Muna Transport à relever et garantir la SAS Qualitair et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances des condamnations mises à leur charge au titre du jugement ;
- Débouté la SDE Kareem Logistics, la SDE Salam Shipping et la SDE Al Muna Transport de leurs demandes de condamnation de la SDE RJA à les garantir et à les relever indemne de la condamnation mise à sa charge au titre du jugement ;
- Condamné la SAS Qualitair et la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances in solidum à payer à la SA Generali Iard et la SAS PFM la somme de 5.000 € à chacun, et à la SDE Kareem Logistics la somme de 3.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement ;
- Condamné in solidum la SAS Qualitair, la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, la SDE Salam Shipping, la SDE RJA et la SDE Al Muna Transport à supporter les dépens ;
Par déclaration du 4 mars 2019, la société RJA a interjeté appel du jugement..
Par déclaration du 17 avril 2019 les sociétés Helvetia et Qualitair ont interjeté appel du jugement.
Par déclaration d'appel du 29 mars 2019 les sociétés Salam Shipping, Kareem Logistics et Al Muna ont interjeté appel du jugement.
Par deux ordonnances du 18 février 2020, il a été prononcé la jonction des instances.
Par arrêt du 17 décembre 2020, la cour d'appel de Versailles a :
- Confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la jonction des affaires, déclaré Generali et Pierre Fabre Médicament recevables et en ses condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (sic);
- Dit que l'exception des sociétés Salam Shipping, Kareem Logistics, Almuna Transport est déclaré irrecevable ;
- Infirmé le jugement s'agissant du montant des condamnations, et de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la société Royal Jordanian Airlines ;
- Reçu l'exception d'incompétence soulevée par la société Royal Jordanian Airlines et renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur les demandes la concernant ;
Y ajoutant,
- Condamné in solidum les sociétés Qualitair et Helvetia au paiement de la contre-valeur en euros de 9.538 DTS aux sociétés Generali et Pierre Fabre Médicament ;
- Condamné in solidum les sociétés Salam Shipping et Almuna Transport à garantir les sociétés Qualitair et Helvetia des condamnations mises à leur charge à hauteur de la contre-valeur en euros de 4.181,66 DTS ;
- Dit que les dépens de l'instance seront supportés par les sociétés Qualitair, Helvetia, Salam Shipping et Almuna Transport ;
- Dit que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a engagés en appel.
Les sociétés PFM et Generali ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.
Par arrêt du 8 février 2023, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :
- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'exception des sociétés Salam Shipping, Kareem Logistics et Al Muna Transport, en ce qu'il infirme le jugement « s'agissant du montant des condamnations et de toutes les condamnations prononcées contre la société Royal Jordanian Airlines », en ce qu'il reçoit l'exception d'incompétence soulevée par la société Royal Jordanian Airlines et renvoie les parties à mieux se pourvoir sur les demandes la concernant, et en ce que, ajoutant au jugement, il condamne in solidum les sociétés Qualitair & Sea International et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances à payer aux sociétés PFM et Generali la contre-valeur en euros de 9.538 DTS, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
- Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
- Condamné la société Royal Jordanian Airlines aux dépens ;
- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes ;
- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
Par déclaration de saisine du 26 avril 2023, la société RJA a saisi la cour d'appel de Versailles.
Par déclaration de saisine du 30 mai 2023, la société Qualitair et son assureur, la société Helvetia, ont également saisi la cour de renvoi.
Par ordonnance d'incident du 25 janvier 2024, dans le cadre de l'instance introduite par la société Qualitair et son assureur, le conseiller de la mise en état a :
- Déclaré irrecevables les demandes présentées par les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et Qualitair & Sea Dimotrans Group ;
- Condamné les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances et Qualitair & Sea Dimotrans Group aux dépens de l'incident ;
- Débouté les sociétés PFM et Generali Iard de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance du 1er février 2024, joint les instances.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, les sociétés Generali et PFM demandent à la cour de :
Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société RJA,
- Les sociétés Generali Iard et Pierre Fabre s'en rapportent à la justice ;
- Débouter la société RJA de l'intégralité de ses demandes ;
Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel de Versailles,
- Juger l'irrecevabilité soulevée par les sociétés Qualitair, Helvetia, RJA, AL Muna Transport, Salam Shipping & Forwarding Agency et Kareem Logistics mal fondée ;
- Juger les demandes de la société Pierre Fabre et Generali recevables ;
- Débouter les sociétés Qualitair, Helvetia, RJA, AL Muna Transport, Salam Shipping & Forwarding Agency et Kareem Logistics en toutes leurs demandes ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la société Qualitair & Sea n'a pas commis de faute personnelle ;
Statuant à nouveau,
- Juger que la société Qualitair & Sea a commis une faute personnelle inexcusable ;
- Condamner Qualitair & Sea et Helvetia à régler à :
- La SA Generali Iard, la somme de 434.816,50 USD en principal, ou sa contre-valeur en euros au jour du prononcé du jugement majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil ;
- La SAS Pierre Fabre Médicament, la somme de 50.000 € en principal majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil ;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 21 février 2019 pour le surplus, et notamment en ce qu'il a :
- Condamné la SAS Qualitair & Sea International et la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, in solidum à régler à :
- La SA Generali Iard, la somme de 434.816,50 USD en principal, ou sa contre-valeur en euros au jour du prononcé du jugement majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil ;
- La SAS Pierre Fabre Médicament, la somme de 50.000 € en principal majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2015, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil ;
- Condamné la SAS Qualitair & Sea International et la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances in solidum à payer à la SA Generali Iard et la SAS PFM la somme de 5.000 € à chacun, et à la SDE Kareem Logistics la somme de 3.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum la SAS Qualitair & Sea International, la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, la SDE Salam Shipping & Forwarding Agency, la SDE RJA et la SDE Al Muna Transport à supporter les dépens ;
- Débouter la SAS Qualitair & Sea International, la SDE Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, la SDE Salam Shipping & Forwarding Agency, la SDC Kareem Logistics, la SDE RJA et la SDE Al Muna Transport de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner in solidum les sociétés Qualitair & Sea, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Salam Shipping & Forwarding Agency Sl, Kareem Logistics et Al Muna Transport à régler aux sociétés Generali Iard et Pierre Fabre la somme de 20.000 € au titre de la procédure d'appel ;
- Condamner in solidum les sociétés Qualitair & Sea, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Salam Shipping & Forwarding Agency Sl, Kareem Logistics et Al Muna Transport aux entiers dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de la SELARL Minault-Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitheau, avocate, sur son affirmation de droit.
Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, les sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances demandent à la cour de :
- Juger irrecevables les demandes des sociétés SAS Pierre Fabre Médicament et SA Generali Iard non atteintes par la cassation partielle comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 17 décembre 2020 ;
- Juger irrecevable la demande des sociétés SAS Pierre Fabre Médicament et SA Generali Iard de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 février 2019 en ce qu'il a retenu la faute inexcusable de la société RJA Airlines et Al Muna Transport ;
- Juger irrecevable la demande des sociétés SAS Pierre Fabre Médicament et SA Generali Iard de réformer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 février 2019 en ce qu'il a écarté la faute personnelle de la société Qualitair & Sea Dimotrans Group ;
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 21 février 2019 en ce qu'il a condamné les sociétés Qualitair & Sea International et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances à payer les sommes de 434.816,50 USD à la société SA Generali Iard et la somme de 50.000 € à société SAS Pierre Fabre Médicament ;
Statuant à nouveau,
- Juger que l'indemnité mise à la charge des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group, venant aux droits de la société Qualitair & Sea International, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances ne peut excéder la somme de 9.538 DTS ;
A titre subsidiaire, pour le cas où les demandes non atteintes par la cassation partielle seraient jugées recevables,
- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 21 février 2019 en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute inexcusable des sociétés RJA et Al Muna Transport privant la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, venant aux droits de la société Qualitair & Sea International, du bénéfice des limitations de responsabilité ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 21 février 2019 en ce qu'il a jugé que la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, venant aux droits de la société Qualitair & Sea International, n'avait pas commis de faute personnelle ;
Statuant à nouveau,
- Juger que l'indemnité mise à la charge des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances ne peut excéder la somme de 9.538 DTS ;
A titre subsidiaire, pour le cas où l'application de la Convention de Montréal de 1999 serait écartée,
- Juger que l'indemnité mise à la charge des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances ne peut excéder la somme de 4.181,66 DTS ;
A titre plus subsidiaire, si la cour devait écarter l'application de la Convention de Montréal et de la Convention CMR pour les dommages survenus pendant la phase d'entreposage des marchandises à [Localité 1],
- Juger que le contrat-type commission de transport issu du décret 2014-530 du 22 mai 2014 est applicable sur tous les points non traités par le contrat cadre liant la Société Qualitair & Sea Dimotrans Group et SAS Pierre Fabre Médicament ;
- Juger que l'indemnité mise à la charge des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group, venant aux droits de la société Qualitair & Sea International, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances ne peut excéder la somme de 10.040 € ;
En tout état de cause,
Sur la demande en garantie contre la société RJA Airlines,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence formée par la société RJA Airlines au profit du tribunal d'Amman ;
- Débouter la société RJA Airlines de son moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 10 de ses conditions générales ;
- Juger la demande des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances contre la société RJA Airlines recevable ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société RJA Airlines à relever et garantir les sociétés Qualitair & Sea International, aux droits de laquelle vient la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, de toutes les condamnations mises à leur charge, en principal, intérêts, frais et accessoires ;
Mais à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour devrait écarter la responsabilité de la société RJA Airlines,
- Juger que les sociétés Qualitair & Sea International, aux droits de laquelle vient la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances n'encourt aucune responsabilité du fait de la société RJA Airlines ;
Sur la demande en garantie contre les sociétés Salam Shipping et Al Muna Transport,
- Confirmer le jugement en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour connaître de l'appel en garantie formé par les sociétés Qualitair & Sea International, aux droits de laquelle vient la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances à l'encontre des sociétés Salam Shipping, Kareem Logistics et Al Muna Transport ;
- Confirmer l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 décembre 2020 en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Salam Shipping et Al Muna Transport à garantir les sociétés Qualitair & Sea International, aux droits de laquelle vient la société Qualitair & Sea Dimotrans Group, et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances des condamnations mises à leur charge au titre des avaries du fait du transport routier à hauteur de la contre-valeur en euros de 4181,66 DTS ;
En toute hypothèse,
- Condamner les sociétés Generali Iard et Pierre Fabre Medicament à payer aux sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances la somme de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2024, la société RJA demande à la cour de:
- Infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire application de la convention de Montréal ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal territorialement compétent pour statuer sur les demandes dirigées contre la société RJA ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire application des conditions générales de RJA et des stipulations contractuelles figurant au verso des Lettres de Transport Aérien ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action contre la société RJA au titre des LTA n°512-45078902, 512-45078913 et 512-45078924 en l'absence de protestation dans le délai de 14 jours ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la preuve des dommages allégués est rapportée ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les limitations de responsabilité de la convention de Montréal ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum RJA et la SDE Salam Shipping&Forwarding Agency et la SDE Al Muna Transport à relever et garantir la SAS Qualitair & Sea International et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances des condamnations mises à leur charge au titre du jugement ;
Ce faisant,
A titre principal,
- Se déclarer territorialement incompétente pour statuer sur les actions dirigées contre la société RJA, et inviter les parties à mieux se pourvoir ;
- Débouter les sociétés Salam Shipping&Forwarding Agency, Al Muna Transport, Kareem Logistics, Qualitair & Sea Dimotrans Group International et Helvetia Compagnie Suisse de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre la société RJA ;
A titre subsidiaire,
- Déclarer irrecevable toute action contre la société RJA ;
- Débouter les sociétés Salam Shipping&Forwarding Agency, Al Muna Transport, Kareem Logistics, Qualitair & Sea Dimotrans Group International et Helvetia Compagnie Suisse de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre la société RJA ;
A titre encore plus subsidiaire,
- Déclarer que la responsabilité de la société RJA n'est pas établie ;
- Débouter les sociétés Salam Shipping&Forwarding Agency, Al Muna Transport, Kareem Logistics, Qualitair & Sea Dimotrans Group International et Helvetia Compagnie Suisse de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre la société RJA ;
A titre infiniment subsidiaire,
- Déclarer que la responsabilité de la société RJA est limitée à la contre-valeur de 9.538 DTS ou, à défaut, de 4.090,03 DTS ;
- Débouter les sociétés Salam Shipping&Forwarding Agency, Al Muna Transport, Kareem Logistics, Qualitair & Sea Dimotrans Group International et Helvetia Compagnie Suisse du surplus de leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre la société RJA ;
En tout état de cause,
- Débouter toutes parties de toutes demandes contraires au présent dispositif ;
- Condamner la ou les parties qui succombent à payer à la société RJA la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Martine Dupuis en application de l'article 699 du même code.
Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2024, les sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency SL, Kareem Logistics et Al Muna Transport, demandent à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- Se déclarer territorialement incompétent ;
- Renvoyer les sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia à mieux se pourvoir ;
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency et Kareem Logistics n'avaient pas commis aucune faute personnelle ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group (anciennement Qualitair & Sea International), Helvetia à payer à la société Kareem Logistics une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- Déclarer les sociétés Generali Iard, Pierre Fabre Médicament irrecevables à solliciter la condamnation des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia à leur payer les sommes de 434.816,50 USD en principal et 50.000 € du fait de la faute inexcusable de la société Al Muna Transport en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 17 décembre 2020 ;
- Débouter les sociétés Generali Iard, Pierre Fabre Médicament, Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia de l'intégralité de leurs fins, demandes et conclusions ;
- Déclarer les sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency, Kareem Logistics et Al Muna Transport hors de cause ;
Plus subsidiairement encore,
- Fixer l'indemnité susceptible d'être mise à la charge des sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency et Al Muna Transport à la contre-valeur de 4.090,03 DTS ou subsidiairement à la contre-valeur de 10.040 € ;
Très subsidiairement,
- Fixer l'indemnité susceptible d'être mise à la charge de la société Salam Shipping & Forwarding Agency du fait de la société Kareem Logistics à la contre-valeur de 10.040 € ;
En tout état de cause,
- Condamner la société RJA à garantir les sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency Sl, Kareem Logistics et Al Muna Transport et à les relever indemnes des condamnations qui pourraient être mises à leur charge en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et dépens, au profit des sociétés PFM et Generali Iard ou Qualitair & Sea Dimotrans Group et Helvetia ;
- Condamner in solidum les sociétés Generali Iard, Pierre Fabre Médicament, Qualitair & Sea Dimotrans Group, Helvetia et RJA à payer aux sociétés Salam Shipping & Forwarding Agency, Kareem Logistics et Al Muna Transport une somme de 12.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum les sociétés Generali Iard, Pierre Fabre Médicament, Qualitair & Sea Dimotrans Group, Helvetia et RJA aux frais et dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2024.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile
MOTIFS
Sur la portée de la cassation
La société PFM et son assureur soutiennent qu'au regard de la cassation, elles peuvent à nouveau invoquer tous les moyens susceptibles de conduire à la condamnation de la société Qualitair à leur payer la somme de 434.816,50 dollars. Elles soutiennent qu'il appartient à la cour de renvoi d'examiner tous les moyens relatifs aux chefs de dispositifs censurés, quel que soit le moyen qui a justifié la cassation, de sorte qu'elles sont recevables à se prévaloir de la faute inexcusable des transporteurs et de la faute personnelle du commissionnaire. Elles rappellent qu'en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, le recours en garantie exercé par les sociétés Qualitair et Helvetia contre les sociétés Salam Shipping et Al Muna peut être réexaminé par la cour de renvoi.
La société Qualitair et son assureur relèvent que la cassation de l'arrêt d'appel n'a pas porté sur le rejet de la faute inexcusable des société Al Muna et RJA. Elles considèrent en conséquence, que la demande de la société PFM visant à obtenir la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Qualitair sans le bénéficie des limitations en raison d'une faute inexcusable des transporteurs aérien et routier, est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 décembre 2020, qui a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre 21 février 2019 sur ce point. Elles ajoutent que la société PFM et son assureur n'ont pas sollicité la cassation de l'arrêt d'appel en ce qu'il a confirmé que la responsabilité personnelle de la société Qualitair n'était pas engagée, de sorte qu'il est irrévocablement acquis qu'elle n'a pas commis de faute personnelle. Elles contestent l'analyse de la portée de la cassation à laquelle se livrent la société PFM et son assureur, soulignant que le chef de dispositif par lequel les société Salam Shipping et Al Muna ont été condamnées à garantir la société Qualitair dans la limite de 4.181,66 DTS n'a pas été cassé et est désormais définitif. Elles affirment que la cassation intervenue à l'égard du régime juridique de responsabilité de la société RJA n'a pas de conséquence sur le transporteur routier, dès lors que le transport routier est une phase distincte du transport aérien, obéissant à un régime de responsabilité particulier.
La société RJA fait valoir que la Cour de cassation a censuré l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui a fait application de la convention de Montréal de 1999 pour déterminer le montant du plafond d'indemnisation applicable entre PFM et Qualitair, soit 9.358 DTS, mais qu'elle n'a pas censuré la cour d'appel qui a jugé qu'aucune faute personnelle n'avait été commise par le commissionnaire et ses substitués.
Les sociétés Kareem Logistics, Salam Shipping et Al Muna soutiennent que le jugement est définitif en ce qu'aucune faute inexcusable n'a été retenue à leur encontre et en ce que les sociétés Salam Shipping et Al Muna doivent garantir la société Qualitair à hauteur de 4.181,66 DTS. Elles soulèvent l'irrecevabilité de la demande des sociétés PFM et Generali tendant à voir condamner les sociétés Qualitair et Helvetia au paiement des sommes de 434.816,50 USD et 50.000 € sur le fondement de la faute inexcusable de la société Al Muna, dès lors que l'absence de faute inexcusable des sociétés Al Muna et Salam Shipping a été jugée définitivement.
*****
Aux termes de l'article 623 du code de procédure civile, la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.
Par ailleurs, l'article 624 du code précité dispose que : " La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire " et l'article 625 prévoit que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Enfin, l'article 638 du même code précise que devant la cour de renvoi, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Il ressort de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 février 2023 que le chef du dispositif par lequel les sociétés Qualitair et Helvetia ont été condamnées in solidum à payer aux sociétés PFM et son assureur la contre-valeur en euros de 9.538 DTS a été cassé, tandis que celui par lequel la condamnation des sociétés Salam Shipping et Al Muna à garantir les sociétés Qualitair et Helvetia a été limitée à la contre-valeur en euros de 4.181,66 DTS, impliquant l'application du plafond de responsabilité de la CMR et donc l'absence de faute inexcusable des sociétés jordaniennes, ne l'a pas été.
La cour constate que la Cour de cassation n'a pas fait usage des dispositions de l'article 624 précité. Pourtant, les deux chefs du dispositif précités sont indissociablement liés, dès lors que l'examen de la responsabilité de la société Qualitair suppose que soit à nouveau abordée la question de la faute inexcusable du commissionnaire principal et de ses substitués.
Dans ces conditions, le moyen d'irrecevabilité soulevé par les sociétés Qualitair, Helvetia, RJA, AL Muna Transport, Salam Shipping et Kareem Logistics sera rejeté.
Sur les exceptions d'incompétence
Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société RJA
La société RJA fait valoir que la France et la Jordanie ayant ratifié la convention de Montréal de 1999, toute action en responsabilité à son encontre en exécution des 3 transports aériens de marchandises est exclusivement régie par cette convention. Elle explique qu'au regard de celle-ci, aucun critère de rattachement ne justifie la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, seule la juridiction jordanienne étant territorialement compétente. La société RJA relève que la société PFM n'établit pas l'existence d'un contrat de dépôt existant, distinct du contrat de transport, et qui serait de surcroît soumis au droit français. Elle précise que la mission d'entreposage invoquée par la société PFM n'est intervenue qu'en exécution du contrat de transport aérien ou du contrat de transport routier, de sorte que dans le premier cas, la convention de Montréal continue de produire ses effets et dans le second, en application de l'article 31 de la CMR, seules les juridictions jordanienne ou irakienne sont compétentes.
La société PFM et son assureur s'en rapportent sur l'exception d'incompétence soulevée par la société RJA.
La société Qualitair et son assureur concluent à la confirmation du jugement déféré sur ce point, en indiquant que si la convention de Montréal n'était pas applicable, les juridictions françaises seraient compétentes en application des dispositions des articles 14 du code civil et 333 du code de procédure civile.
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Il est constant que la France et la Jordanie ont ratifié la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Montréal le 28 mai 1999, dite convention de Montréal.
Son article 1 précise que : " La présente convention s'applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s'applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien".
Par ailleurs, l'article 33 de la convention précise, s'agissant de la compétence territoriale en cas de recours que : " 1. L'action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire d'un des États parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination ".
Enfin, il résulte de l'article 18 de la convention que le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de la marchandise par cela seul que le fait qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien, qui comprend la période pendant laquelle la marchandise se trouve sous la garde du transporteur.
La société RJA produit deux lettres de transport aérien (LTA) datées du 21 décembre 2013 dont il ressort que l'expéditeur est la société PFM et le destinataire, le ministère de la santé irakien. Il n'est pas contesté que la troisième LTA porte les mêmes mentions.
La société RJA communique également les trois reçus de livraison correspondant aux trois LTA, datés des 20, 21 et 28 décembre 2013.
La société PFM et son assureur réclament l'indemnisation du dommage ayant affecté les colis de produits pharmaceutiques à la suite de leur dépôt à l'aéroport d'[Localité 1] et à compter du 30 décembre 2013. Il apparait en conséquence que les trois transports aériens avaient pris fin à la date de survenance du dommage, de sorte que la société RJA doit être déclarée mal fondée à invoquer la convention de Montréal, qui s'applique exclusivement au contrat de transport aérien.
Concernant l'application de l'article 31 de la convention relative au transport international de marchandises par route, dite CMR, le texte dispose que : " Pour tous litiges auxquels donnent lieu les transports soumis à la présente Convention, le demandeur peut saisir, en dehors des juridictions des pays contractants désignées d'un commun accord par les parties, les juridictions du pays sur le territoire duquel :
a) Le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l'agence par l'intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu, ou
b) Le lieu de la prise en charge de la marchandise ou celui prévu pour la livraison est situé,
et ne peut saisir que ces juridictions ".
Cependant, la CMR n'exclut pas que la demande en garantie puisse être portée devant le tribunal saisi de celle originelle, ceci conformément à l'article 333 du code de procédure civile.
En effet, l'article 14 du code civil dispose que : " L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français ".
Par ailleurs, l'article 333 du code de procédure civile énonce que : " Le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu'il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence ".
Les dispositions de l'article 333 précité sont applicables à l'ordre international en l'absence de clause attributive de juridiction et de clause compromissoire.
Dès lors que la société RJA n'invoque ni une clause attributive de juridiction, ni une clause compromissoire, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Al Muna, Kareem Logistics et Salam Shipping
La société Al Muna expose que ses relations avec l'expéditeur, la société PFM, et le commissionnaire principal, la société Qualitair, sont régies par la convention CMR et notamment l'article 31 en application duquel le tribunal de commerce de Nanterre est incompétent. Les sociétés Kareem Logistics et Salam Shipping indiquent qu'il en va de même pour elles, dès lors qu'elles ont leur siège social et ont accompli toutes leurs prestations en Jordanie. La société Kareem Logistics rappelle qu'elle n'a contracté d'obligations qu'à l'égard de la société Salam Shipping et cette dernière, en tant que commissionnaire intermédiaire soutient que ses relations avec la société Qualitair sont nécessairement soumises à la convention CMR.
La société PFM et son assureur ne concluent pas sur l'exception d'incompétence.
La société Qualitair et son assureur concluent à la confirmation du jugement qui a écarté l'exception d'incompétence. Ils invoquent les dispositions des articles 14 du code civil et 333 du code de procédure civile et précisent que la CMR n'exclut pas que la demande en garantie soit portée devant le tribunal saisi de la demande principale, conformément aux dispositions de l'article 333 précité.
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La recevabilité de l'exception d'incompétence ne fait plus débat.
Les dispositions de l'article 31 de la CMR et celles des articles 14 du code civil et 333 du code de procédure civile ont été rappelées précédemment.
Pour les motifs énoncés supra et alors que les sociétés Al Muna, Kareem Logistics et Salam Shipping ne se prévalent d'aucune clause attributive de compétence, ni clause compromissoire, les premiers juges ont à juste titre rejeté l'exception d'incompétence.
Sur les responsabilités et l'indemnisation du dommage
La société PFM et son assureur font valoir qu'en application des dispositions des articles L.132-5 et L.132-6 du code de commerce, la responsabilité de la société Qualitair en sa qualité de commissionnaire de transport est engagée du fait des dommages constatés à la livraison et du fait de ses substitués. Elles soutiennent que la société RJA est bien le substitué de la société Qualitair et que s'agissant des prestations d'entreposage, la société RJA est intervenue à la demande de la société Kareem Logistics, elle-même mandatée par la société Salam Shipping, société substituée de la société Qualitair, et qu'en conséquence, le commissionnaire de transport répond nécessairement des faits de tous substitués directs et indirects. Elles exposent que les relevés de température établissent qu'elle a dépassé les 8°C à deux reprises le 30 décembre 2013 et le 18 janvier 2014, alors que la marchandise était entreposée dans les locaux de la société RJA qui connaissait les températures de conservation, détaillées sur les lettres de transport aérien. La société PFM et son assureur rappellent qu'il pèse sur l'entrepositaire une présomption de faute en cas d'avaries aux marchandises et que la société RJA ne rapporte pas la preuve de son absence de responsabilité. Elles expliquent que la convention de Montréal n'est pas applicable puisque le dommage est survenu pendant l'exécution du contrat de dépôt, conclu à l'issue du transport aérien et ayant fait l'objet d'une facturation distincte du contrat de transport. Elles estiment que la société RJA et par conséquent le commissionnaire de transport, ne peut pas davantage prétendre bénéficier des limitations de responsabilités de la CMR, qui ne s'applique qu'à une opération de transport par route international, qui n'avait pas encore commencé, et non pas à un entreposage. Elles soutiennent qu'en toute hypothèse, la société RJA qui connaissait les contraintes de température a commis une faute inexcusable et que la société Qualitair doit répondre de l'entier dommage.
La société PFM et son assureur se prévalent par ailleurs de la faute inexcusable de la société Al Muna, qui était informée des contraintes de température et a transporté les marchandises dans un camion insuffisamment chargé de carboglace. Elles dénient aux sociétés Al Muna et Salam Shipping la possibilité de se prévaloir des renonciations à recours qu'elles indiquent avoir été contraintes de signer au regard des dispositions de l'article 41 de la CMR. Elles indiquent que le rapport d'expertise amiable dressé unilatéralement est admis comme élément de preuve, à condition d'avoir été soumis à la discussion des parties, ce qui est le cas.
La société PFM et son assureur soutiennent encore que la société Qualitair s'est engagée contractuellement à surveiller l'ensemble des conditions de maintien des températures jusqu'à la remise au destinataire final ; qu'elle était tenue d'un devoir de conseil et d'une obligation de résultat avec un impératif de suivi ; qu'elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en apportant la preuve de l'existence d'un cas de force majeure, ce qu'elle ne fait pas, alors que l'expert a relevé des dépassements de température sur la totalité des colis tant durant l'entreposage des marchandises que pendant le transport routier. Elles estiment que la société Qualitair a commis une faute inexcusable et rappellent que le contrat liant les parties prévoit expressément des limitations de réparation, de sorte que la société Qualitair ne peut pas invoquer le bénéfice des limitations de responsabilité pour fait personnel édictées par le contrat-type commission de transport. Elles soutiennent encore que :
- le commissionnaire de transport, recherché en sa qualité de garant de ses substitués ne peut pas opposer à son donneur d'ordre les limites d'indemnisation qu'il serait en droit d'opposer au titre de sa responsabilité personnelle ;
- si le substitué perd son droit à limitation, la perte de ce droit est étendue au commissionnaire ;
- les fautes personnelles inexcusables commises par la société Qualitair lui interdisent de prétendre à une limitation du montant de la réparation à l'égard de l'expéditeur.
La société Qualitair et son assureur estiment que la cour n'est saisie que de la question de la responsabilité de la société Qualitair du fait des dommages survenus pendant la phase d'entreposage des marchandises à [Localité 1] et que sa responsabilité ne peut être recherchée que du fait de ses substitués. Elles font valoir qu'il incombe au déposant de rapporter la preuve que les dégradations constatées sont survenues lorsque le bien était sous la garde du dépositaire. Elles ajoutent que la société Qualitair doit bénéficier de la défense et des limitations de responsabilités de son substitué, la société RJA, et que celle-ci est bien fondée à se prévaloir du plafond de responsabilité de la convention de Montréal, subsidiairement de celui de la convention de Genève et plus subsidiairement de celui du contrat-type. La société Qualitair et son assureur exercent un recours en garantie contre :
- la société RJA, à laquelle la société Qualitair a adressé des réserves dans le délai de 14 jours imparti par l'article 10 de ses conditions générales,
- la société Salam Shipping, qui, en tant que commissionnaire, est garant des pertes de la marchandise survenues au cours du transport qu'elle a organisé,
- la société Al Muna.
En réponse à l'argumentation adverse, elles soutiennent que :
- si les conventions internationales, Montréal ou CMR, ne sont pas applicables à la phase d'entreposage à [Localité 1], les limitations contractuelles de la société RJA, applicables dans ses rapports avec ses cocontractants pour ces opérations, les sociétés Salam Shipping et / ou Kareem Logistics, ne sont pas opposables par la société Qualitair, ce qui conduit à un retour à ses limitations personnelles, par application de l'article 13.1 du contrat-type ;
- dans l'hypothèse d'un dommage survenu en dehors d'une phase d'application d'une convention n'ayant pas été prévue ni réglée expressément par les parties, le contrat-type qui, lui, prévoit cette hypothèse s'applique, à titre supplétif, de plein droit ;
- les sociétés PFM et Générali ne formulent aucune demande contre la société RJA et la responsabilité de cette dernière est nécessairement limitée au montant de la condamnation de la société Qualitair qui est, elle, limitée par les dispositions du contrat-type de commission de transport.
Subsidiairement, la société Qualitair et son assureur contestent toute faute inexcusable des transporteurs. Ils précisent que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies, dès lors que le transport du lot A ne nécessitait pas de carboglace et qu'il a bien été assuré par un camion frigorifique. Ils dénient également toute faute personnelle de la société Qualitair, précisant que le commissionnaire doit en effet veiller à ce que la chaîne des températures soit respectée mais simplement en donnant les instructions nécessaires à ses substitués, ce que la société Qualitair a fait, mais qu'il n'a pas à aller au-delà.
La société RJA fait valoir qu'aucune réserve n'a été émise par le destinataire dans les 14 jours suivant la livraison, comme le prévoit l'article 10 des stipulations contractuelles, de sorte que l'action exercée à son encontre est irrecevable. Elle souligne qu'il n'est pas démontré qu'elle ait reçu pour instruction de conserver les colis, objets de la LTA 45078902, à une température comprise entre +2°C et +8°C, de sorte qu'aucune faute n'est caractérisée à son encontre. Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle bénéficie des limitations de responsabilité des conditions générales du contrat de transport aérien, de la convention de Montréal ou de la CMR, mais que cette responsabilité limitée suppose que 100 % du dommage relatif aux expéditions A et B soit intervenu alors que les marchandises étaient sous la garde du transporteur aérien, alors que cette preuve n'a jamais été rapportée, aucun relevé de température n'ayant été produit, alors que la société PFM fait valoir que les différentes expéditions étaient pourvues d'enregistreurs de température. Enfin, elle estime, s'agissant de la matérialité des dommages, que le rapport d'expertise n'est pas probant et contient trop d'approximations, de suppositions ou encore de contradictions pour permettre de caractériser une faute à son encontre.
Les sociétés Kareem Logistics, Salam Shipping et Al Muna contestent toute faute de la société Salam Shipping, soutenant qu'en sa qualité de commissionnaire intermédiaire chargé de l'organisation du transport des marchandises depuis [Localité 1] à destination de [Localité 7], elle avait répercuté à son substitué transporteur les instructions nécessaires au maintien de la chaîne du froid et s'était inquiétée de son maintien pendant la période d'entreposage à l'aéroport d'[Localité 1] dans les entrepôts de la société RJA. S'agissant de la société Kareem Logistics, elles font valoir qu'elle n'était chargée que du dédouanement des marchandises et que la société RJA ne peut être considérée comme son substitué, dès lors qu'à la suite de la fermeture de la frontière entre la Jordanie et l'Irak, la société RJA, qui dispose d'un monopole pour l'entreposage des marchandises à l'aéroport d'[Localité 1], a conservé les marchandises, sans mandat de la société Kareem Logistics. Elles en déduisent que la société Salam Shipping ne peut être responsable du fait de la société Kareem Logistics, laquelle n'est pas responsable de la société RJA. Concernant la société Al Muna, elles indiquent que sa prestation n'a pu débuter qu'à la suite de l'entreposage des marchandises par la société RJA. Elles soulignent que les 10 et 11 février 2014, la société PFM et son assureur ont émis des lettres de garantie les exonérant de toute responsabilité et de toute réclamation ou demande concernant les produits transportés par les lettres de transport aérien précitées. Elles rappellent que la société Al Muna a utilisé un camion réfrigéré pour le transport du lot A qui ne nécessitait pas l'usage de carboglace, puisqu'il devait être conservé entre +2°C et + 8°C. Elles ajoutent qu'il n'a pas été établi que les dépassements de température ayant dégradé les marchandises se sont produits durant ce transport. Elles relèvent que l'expertise [P] a été réalisée sur pièces de manière non contradictoire sans même que les parties ayant participé au transport aient été convoquées. Subsidiairement, s'agissant de la garantie à laquelle la société Salam Shipping pourrait être tenue, elles soutiennent que l'entreposage des marchandises dans les locaux de la société RJA ne peut se détacher du contrat de transport, de sorte que les limitations d'indemnité de l'article 23.3 de la convention CMR doivent s'appliquer. Plus subsidiairement, elles considèrent que les limitations d'indemnités prévues par le contrat type commissionnaire de transport doivent s'appliquer. Enfin, elles forment un recours en garantie contre la société RJA, considérant que les dépassements de températures se sont produits pendant l'entreposage des marchandises.
Sur la responsabilité de la société Qualitair et la garantie de son assureur
- Sur la responsabilité du commissionnaire de transport du fait de ses substitués
En application de l'article L.132-6 du code de commerce, le commissionnaire de transport est responsable de la faute commise par son substitué.
La responsabilité du commissionnaire du fait de ses préposés est une responsabilité de plein droit. Afin de mettre en jeu cette responsabilité, le commettant doit donc seulement prouver l'existence du dommage résultant d'une mauvaise exécution de l'opération de transport.
Les marchandises vendues par la société PFM au ministère de la santé irakien étaient réparties en 3 lots : les lots A et B, qui devaient être conservés entre +2°C et + 8°C et le lot C qui imposait une température de - 20°C. Il résulte des éléments de la procédure qu'un seul lot présentait une valeur commerciale importante : le lot A.
A la suite de la livraison effectuée le 23 février 2014, la société PFM justifie avoir écrit à la société Qualitair dès le 25 février 2014 en indiquant que les enregistreurs de température, reçus le même jour, le 25 février 2014, montraient que les marchandises n'avaient pas voyagé aux températures requises. La société PFM a invoqué une mauvaise exécution du contrat de transport.
Le rapport d'expertise, dressé par M. [R] [P] le 7 mars 2014 sur demande de l'assureur de la société PFM, contient un courriel du 24 février 2014 de "[J] [H] [O]" d'Ismailiya Medical Group, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du destinataire de la marchandise, indiquant que le colis devant être conservé à - 20°C a été trouvé sans carboglace, à une température de 20-25°C et qu'il présentait d'une odeur " très très mauvaise" (traduction), démontrant ainsi la détérioration des produits du fait d'une température de conservation trop élevée.
Le destinataire indiquait transmettre les capteurs de température révélant tous un dépassement de la température.
Dès lors, si le document de réception de marchandises ne porte pas mention de réserve, le réceptionnaire a signalé les dommages dès le lendemain de la réception des produits.
L'expert a également précisé que tous les colis, hormis le lot C devant voyager à - 20°C, étaient munis d'enregistreurs de température, mais qu'il ne disposait que " des enregistreurs de l'envoi commercial dit Lot A ". Il explique que les relevés de température communiqués le 24 février 2014, " font apparaître des excursions de température sur la totalité des colis " du lot A. Il ressort des analyses de l'expert qu'en dehors de deux colis (46785534 et 46785671) la durée au cours de laquelle les colis ont été soumis à des dépassements a excédé la durée maximale de 12 jours pendant laquelle la marchandise du lot A est susceptible de supporter une température excédant 8°C. Dès lors que le lot B devait être transporté sous une contrainte de température identique à celle du lot A, les dépassements de température sont également établis le concernant.
Etant rappelé que trois bons de livraison ont été établis les 21, 22 et 29 décembre 2013 lors de l'arrivée des trois lots de marchandises à [Localité 1], que la société RJA y a stocké ces marchandises dans un entrepôt jusqu'au 17 février 2014 et que le transporteur Al Muna a pris en charge les colis le18 février 2014 pour les livrer le 23 février suivant, M. [P] a relevé, en se fondant sur les courbes de températures produites, que tous les enregistreurs de température, qui ne concernent que le lot A, présentent des remontées :
/ dans une période de 3 à 4 jours commençant le 28 décembre, période au cours de laquelle ils atteignent une température de 10 à 11°C,
/ dans une seconde période débutant le 10 janvier, culminant aux alentours du 20 janvier pour 5 colis et vers le 25 janvier pour 2 colis, l'expert notant que les températures atteintes sont plus réduites que lors de la 1ère excursion, puisque seuls deux colis passent au-dessus des 9°, mais qu'elle est plus longue, puisqu'elle s'étend sur près de 10 jours pour les colis les plus touchés.
L'expert a également indiqué que les enregistreurs de température révélaient une remontée de la température à compter du 17 février au soir ou le 18 au matin, "pour dépasser les 8°C et atteindre en 3 jours des températures se situant entre 9 et 10°C suivant les colis".
Les courbes de température permettent en effet d'observer cette élévation de température au-dessus des 8°C, à la période correspondant au transport routier.
La destruction de l'ensemble des produits est établie par la demande du ministère de la santé irakien du 23 avril 2015 visant la commande 40/2013/41 apparaissant aussi sur la facture de la société PFM et par le rapport de destruction du 31 mai 2015.
La cour observe que si l'expertise n'a été réalisée que sur documents, ni leur réalité, ni les informations qui y figurent, soumises au contradictoire et étayées par la réclamation de la société PFM et les justificatifs de la destruction des marchandises, ne sont utilement contestées, de sorte que sa valeur probante ne saurait en être remise en cause.
L'expert ne comprend certes pas la langue arabe, néanmoins les documents sur lesquels il s'appuie sont en majorité écrits en langues anglaise et française, et les parties ne font pas expressément état des inscriptions ou document en langue arabe pour soutenir que les observations de l'expert sont erronées, aucun des appelants ne les ayant au demeurant fait traduire.
S'agissant d'un transport pour lequel le maintien d'une température comprise entre +2°C et + 8°C pour les lots A et B et de - 20 °C pour le lot C était prévu par les indications figurant sur le document de transport ou les instructions écrites du donneur d'ordre, la non-conformité de la température à celle contractuellement prévue ayant conduit à la destruction de l'ensemble des marchandises caractérise le dommage
La responsabilité de la société Qualitair, en tant que commissionnaire de transport, du fait de ses substitués, est donc engagée en application de l'article L.132-6 précité.
- Sur la responsabilité du fait personnel du commissionnaire de transport
En application de l'article L.132-5 du code de commerce, le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a de stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure.
Le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries et perte de marchandises.
L'article 5.1.2 du cahier des charges entre les sociétés PFM et Qualitair, sur les conditions de conservation des marchandises (stockage et transfert), précise notamment que :
" Pour les livraisons sous température dirigée, des véhicules équipés de compartiments frigorifiques et ventilés garantiront, en fonction de la demande et sauf instruction spécifique, les intervalles suivants :
* A température ambiante contrôlée (+15°C/+25°C)
* En réfrigération (+2°C/+8°C), avec prévention de tout risque de congélation
* en congélation (
Le prestataire devra respecter la chaîne des températures et exigera de ses sous-traitants l'application de ces consignes durant toute la durée de la prestation de transport y compris au court des phases de rupture de charges.
L'ensemble des conditions de maintien des températures demandées par l'Expéditeur ou le Donneur d'ordre doit être sous surveillance jusqu'à remise au destinataire ".
Les lettres de transport aérien mentionnaient la nature des marchandises, soit des médicaments, ainsi que l'indication des températures qui devaient être respectées.
Les bons de livraison dressés par la société RJA lors de l'arrivée des marchandises à [Localité 1] révèlent que les consignes quant aux températures à respecter étaient connues.
La société Qualitair a interrogé le 6 janvier 2014 son interlocuteur à [Localité 1] sur la situation des marchandises et sur leur entreposage sous température dirigée et la société Salam Shipping répondait le même jour en précisant que deux colis étaient conservés au réfrigérateur et le 3ème au congélateur.
La société RJA a du reste facturé des frais d'entreposage des marchandises en entrepôts frigorifiques.
Les trois CMR n°99, 100 et 101 de la société Al Muna, pour le transport routier d'[Localité 1] à [Localité 7], portent bien indication de la température à respecter, soit +2°C à +8°C pour les deux premières, -20°C pour la 3ème.
Le 18 février 2014, en réponse à une interrogation de la société Qualitair sur le chargement de la marchandise, la société Al Muna indiquait que les marchandises avaient été chargées à l'aéroport dans deux camions, l'un à +2 à +8°, l'autre à -20°.
Il peut en être déduit que la société Qualitair avait bien donné les instructions à ses substitués quant aux spécificités des marchandises et au maintien de la chaîne du froid ; qu'elle s'est inquiétée à plusieurs reprises de son respect auprès d'eux.
Il ne peut être reproché au commissionnaire de n'avoir pas matériellement contrôlé le respect de ses instructions à ses substitués.
Les échanges montrent par ailleurs que la société Qualitair a veillé au suivi de la marchandise, au cours de son transport, intervenu dans un contexte particulier du fait notamment de la situation politique du pays de destination; elle a ainsi interrogé à plusieurs reprises ses substitués sur l'évolution de la situation sur place, provoquée par le blocage de la frontière jordano-irakienne, et recherché avec eux une solution afin d'acheminer en toute sécurité et dans le respect de la chaîne du froid les marchandises à leur point de destination.
Au vu de ce qui précède, les dommages subis par les marchandises ne trouvent pas leur origine dans le fait personnel du commissionnaire de transport, de sorte que sa responsabilité pour son fait personnel ne peut être engagée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
A fortiori, la faute inexcusable de la société Qualitair au titre de sa responsabilité personnelle ne sera pas retenue.
Sur l'indemnisation du préjudice de la société PFM et de son assureur la société Generali
Le commissionnaire est tenu de réparer intégralement le dommage éprouvé par son donneur d'ordre quand ce dommage est la conséquence d'une faute inexcusable d'un substitué. La gravité de la faute, commise par le commissionnaire intermédiaire, un transporteur ou bien un autre prestataire, prive le commissionnaire du droit d'invoquer la limitation de réparation. La preuve de cette faute inexcusable incombe au commettant.
La responsabilité de la société Qualitair étant retenue du fait de ses préposés, elle doit indemniser le préjudice subi par les sociétés PFM et Generali.
Ces dernières soutiennent que le commissionnaire de transport doit répondre de la faute inexcusable de ses préposés, tandis que la société Qualitair et son assureur considèrent qu'ils n'ont commis aucune faute inexcusable et qu'ils sont ainsi en droit de se prévaloir des plafonds de garantie.
- Sur la faute inexcusable de la société RJA
L'article L.133-8 du code de commerce dispose que : " Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite ".
En l'espèce, la société PFM et son assureur réclament l'indemnisation du dommage ayant affecté les colis de produits pharmaceutiques à la suite de leur livraison, au cours de leur dépôt à l'aéroport d'[Localité 1] dans les entrepôts de la société RJA. Il apparait ainsi que les trois transports aériens avaient pris fin à la date de survenance du dommage et que la convention de Montréal n'est par conséquent pas applicable.
La société PFM et son assureur soutiennent que la société Qualitair doit répondre de la faute inexcusable de la société RJA en tant que substituée de la société Kareem Logistics, elle-même substituée de la société Salam Shipping, elle-même substituée de la société Qualitair.
La cour constate que les mandats confiés aux sociétés Salam Shipping et Kareem Logistics ne sont pas produits. Néanmoins, il est constant que le dépôt est intervenu dans le cadre du contrat de transport en cause, le ministère de la santé irakien étant d'ailleurs mentionné sur les factures. Il a été rendu nécessaire par la rupture de charge induite par le changement de mode de transport. Si la société Kareem Logistics prétend qu'elle n'a pas mandaté la société RJA pour l'entreposage des colis, cette dernière bénéficiant pour ce type de prestation d'une situation de monopole sur l'aéroport d'[Localité 1], il n'en demeure pas moins que la société RJA a émis à l'adresse de la société Kareem Logistics, au titre du stockage des marchandises, trois factures, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été réglées par le commissionnaire en douane. L'examen des factures révèle que la société Kareem Logistics est manifestement intervenue en qualité de substituée de la société Salam Shipping, puisque le nom de cette dernière a été mentionné sur les trois factures. Dès lors qu'il est constant que la société Salam Shipping est intervenue à l'opération de transport en qualité de sous-commissionnaire de la société Qualitair pour la phase de transport terrestre, il doit être considéré que le dépôt est intervenu comme un accessoire indissociable du contrat de transport routier.
La société RJA soutient que l'information relative aux conditions de conservation des marchandises ne lui a pas été communiquée lors de leur stockage dans ses entrepôts. S'il est indéniable qu'aucun contrat de dépôt n'a été formalisé entre la société Kareem Logistics et la société RJA, cette dernière ne peut sérieusement contester qu'elle était informée de la nature des produits et de leurs conditions de conservation puisque ces indications lui avaient été transmises à l'occasion de l'exécution de la prestation de transport aérien. Au surplus, il doit être relevé que la société RJA a facturé à la société Kareem Logistics des frais de stockage des produits en milieu réfrigéré " cool & FZR " pour le lot C, ce qui signifie qu'elle avait connaissance des contraintes de température. En sa qualité de dépositaire, il lui appartenait de veiller à la bonne conservation des marchandises confiées, alors qu'il ressort du rapport d'expertise amiable, conforté par les courbes de température, du courriel du destinataire du 24 février 2014 faisant état de dépassements de températures et d'une odeur très forte émanant du colis C et des certificats de destruction des marchandises que les produits pharmaceutiques ont été dégradés pour partie durant leur dépôt dans les entrepôts de la société RJA. Le manquement de cette dernière est par conséquent établi. Toutefois, cette faute constitue tout au plus une négligence de la société RJA, insuffisante à caractériser la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, ce d'autant qu'au regard des courbes de températures et des conclusions de l'expert [P], les dépassements de température n'ont pas été permanents.
- Sur la faute inexcusable de la société Al Muna
Comme indiqué supra, la faute inexcusable prévue par l'article L.133-8 du code de commerce exige que soient démontrées l'existence d'une faute délibérée et volontaire, la conscience de la probabilité du dommage, l'acceptation téméraire de ce risque et l'absence de raison valable de cette acceptation.
S'agissant de la société Kareem Logistics, chargée du dédouanement des marchandises à [Localité 1], le jugement a retenu que celle-ci n'avait pas commis de faute. Aucune des parties ne soutient qu'elle aurait commis une faute inexcusable et ne forme un appel en garantie à son encontre.
La société Al Muna fait valoir que la société PFM et son assureur lui ont adressé les 10 et 11 février 2014, une lettre certifiant qu'ils ne la tiendraient pas responsable de toutes réclamations relatives aux produits transportés, "compte-tenu de la situation actuelle critique du passage de la frontière irakienne".
Cependant, la cour relève que la société Al Muna est mal fondée à se prévaloir de ces renonciations à recours au regard des dispositions de l'article 41 de la convention CMR qui dispose que " Sous réserve des dispositions de l'art. 40, est nulle et de nul effet toute stipulation qui, directement ou indirectement, dérogerait aux dispositions de la présente Convention'. Par ailleurs, il est exact que les renonciations à recours n'ont pas été formalisées au sein du contrat de transport. Néanmoins, et alors qu'une " stipulation " ne se réduit pas nécessairement à la stipulation contractuelle, les lettres de renonciation, quand bien même elles auraient été formalisées avant l'exécution du contrat de transport, ont pour effet de déroger, à l'égard de l'expéditeur et de l'assureur pour partie subrogé dans ses droits, aux dispositions d'ordre public de la CMR en matière de responsabilité du transporteur. La cour constate au surplus, à la lecture des lettres de renonciation à recours, que la cause de l'engagement de l'expéditeur et de son assureur est " la situation actuelle critique du passage de la frontière iraquienne ", alors que le non-respect des températures de conservation des médicaments durant le transport routier est sans lien avec le conflit en Irak, ce que l'expert confirme en page 17 de son rapport. Pour le même motif, les dispositions de l'article 17§2, déchargeant le transporteur de sa responsabilité en cas de circonstances que ce dernier ne pouvait éviter et auxquelles il ne pouvait obvier, ne sont pas applicables en l'espèce.
S'agissant de la société Al Muna, le jugement a retenu la faute inexcusable au vu du caractère particulièrement sensible des marchandises aux dépassements de températures et aux instructions de maintien de la chaîne du froid reçues de Salam Shipping.
Il ressort de l'échange de courriels entre la société Qualitair et la société Al Muna le 18 février 2014 que cette dernière a indiqué avoir chargé la marchandise dans deux camions à l'aéroport, l'un avec l'indication (- 20°C), l'autre avec l'indication (+2°C / +8°C). Par ailleurs, les lettres de voiture n°99, 100 et 101 de la société Al Muna correspondant au transport des marchandises d'[Localité 1] à [Localité 7] prévoyaient une température de +2° à +8°C pour les deux premières, de - 20°C pour la troisième.
Selon le courriel reçu le 24 février 2014, le réceptionnaire des marchandises à [Localité 7] a indiqué que les produits étaient arrivés dans des camions refroidis à bonne température : " ' goods arrived by cooled truck and the temperature was OK ", alors qu'en réalité le système de refroidissement avait dysfonctionné ; l'expert missionné par la société PFM a également conclu que la cause des dommages était, s'agissant de la hausse des températures pendant le transport routier, un défaut de réfrigération des camions pendant l'acheminement ; selon l'expert, "les groupes frigorifiques des camions n'ont manifestement pas fonctionné convenablement ou n'ont pas été mis en route".
Au vu des éléments qui précèdent, il n'est pas établi que la société Al Muna a commis, à l'occasion de ce transport routier, une faute délibérée, qu'elle avait conscience de la probabilité du dommage et l'a acceptée de manière téméraire, sans raison valable.
Par conséquent, les conditions d'application de l'article L.133-8 du code de commerce ne sont pas réunies et le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu la faute inexcusable d'Al Muna.
- Sur l'indemnisation du dommage
La société PFM et son assureur soutiennent que le contrat-type commission de transport ne s'applique pas en présence d'un contrat liant les parties ; que le commissionnaire de transport, recherché en sa qualité de garant de ses substitués ne peut pas opposer à son donneur d'ordre les limites d'indemnisation qu'il serait en droit d'opposer au titre de sa responsabilité personnelle ; que le commissionnaire de transport, en qualité de garant de ses substitués, ne saurait être tenu à plus que ceux dont il répond mais il ne saurait pas davantage être tenu à moins que ceux-ci. La société PFM et son assureur estiment que, si le substitué perd son droit à limitation, la perte de ce droit est étendue au commissionnaire, qui ne peut pas invoquer les limitations de réparations applicables à sa responsabilité pour fait personnel de limitation. Ils ajoutent que les fautes personnelles inexcusables commises par la société Qualitair lui interdisent de se voir limiter le montant de la réparation.
La société Qualitair répond que si aucun des plafonds des deux conventions, CMR et Montréal, n'est applicable, elle doit bénéficier des limitations prévues par le contrat-type d'application automatique sur l'ensemble des points non traités par la convention des parties en l'absence de convention contraire des parties.
Si la responsabilité de la société Qualitair est engagée du fait de ses subordonnées, la société RJA, la société Salam Shipping et sa substituée, la société Al Muna, sa faute personnelle n'a pas été retenue, non plus que la faute inexcusable de ses substituées, de sorte que la société Qualitair est bien fondée à se prévaloir des limitations de sa responsabilité.
L'article 23.3 de la convention CMR limite l'indemnisation à 8,33 DTS par kilogramme de poids brut manquant, de sorte que par infirmation du jugement, la société Qualitair et son assureur, la société Helvetia, doivent être condamnés à payer à la société PFM et son assureur, la société Generali, la contre-valeur en euros de 4.181,66 DTS.
S'agissant des appels en garantie exercés par la société Qualitair et son assureur
La société Qualitair et son assureur exercent un recours en garantie contre les sociétés RJA, Salam Shipping et Al Muna. La cour constate que le commissionnaire principal et son assureur ne forment plus d'appel en garantie contre la société Kareem Logistics.
L'expertise amiable, confortée par les courbes de température, le courriel du destinataire du 24 février 2014 faisant état de dépassements de températures et d'une odeur très forte émanant du colis C et les certificats de destruction des marchandises établissent que les produits pharmaceutiques ont été dégradés durant l'exécution du contrat de transport terrestre, dont le contrat de dépôt a été l'accessoire. La responsabilité de la société Salam Shipping, sous-commissionnaire chargée du contrat de transport terrestre, est engagée du fait de son substitué, la société Al Muna, à l'égard du commissionnaire principal et de son assureur. Par ailleurs, la société Al Muna, en qualité de voiturier ayant exécuté le transport routier, l'est également. Au regard de la nature de la marchandise, le principe de précaution imposait sa destruction intégrale au ministère de la santé irakienne, nonobstant les conclusions de l'expert amiable, au demeurant non confortées sur ce point par un quelconque autre élément probant.
La société Salam Shipping se prévaut, comme la société Al Muna, des lettres des 10 et 11 février 2014, par lesquelles la société PFM et son assureur ont certifié qu'ils ne les tiendraient pas responsables de toutes réclamations relatives aux produits transportés, "compte-tenu de la situation actuelle critique du passage de la frontière irakienne". Toutefois, la cour relève que, pour les motifs précités, la société Salam Shipping est, elle aussi, mal fondée à se prévaloir de ces renonciations à recours, étant observé que contrairement à ce qu'elle prétend, elle figure bien sur les lettres de voiture CMR émises par la société Al Muna : " C/O Salam Shipping ".
Enfin, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a écarté toute faute inexcusable de la part de la société Salam Shipping qui, au regard du courriel qu'elle a adressé à la société Qualitair le 6 janvier 2014 et des mentions relatives aux températures portées aux lettres de voitures n°99, 100 et 101, a veillé à la bonne conservation des marchandises.
La société Qualitair et son assureur forment également un recours en garantie contre la société RJA, laquelle répond qu'aucun contrat d'entreposage spécifique n'a été conclu et qu'au regard de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 février 2023, les prestations de dépôt ont nécessairement été exécutées durant le contrat de transport terrestre, soumis à la CMR. En application de cette convention, elle soulève l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Nanterre.
Il ressort des éléments de la procédure que les dépassements de température ayant conduit à la destruction de la marchandise se sont pour partie produits au cours de la phase de stockage des colis dans les entrepôts de la société RJA, alors que le contrat de transport aérien était achevé puisque les bons de livraison avaient été signés les 21, 22 et 29 décembre 2013, déchargeant le transporteur aérien de la garde des marchandises. Pour les motifs précités, l'exception d'incompétence territoriale, fondée tant sur la convention de Montréal inapplicable, que sur la CMR, ne peut prospérer et la société RJA est mal fondée à se prévaloir des conditions générale des vente figurant au verso des lettres de transport aérien et donc d'une absence de réserve dans le délai contractuel. Comme indiqué supra, la société RJA est intervenue, en tant que dépositaire, dans le cadre de l'exécution du contrat de transport terrestre, en qualité de substituée de la société Kareem Logistics, elle-même, substituée de la société Salam Shipping. La faute de la société RJA a été caractérisée précédemment. Elle sera donc condamnée, in solidum avec les sociétés Salam Shipping et Al Muna, à garantir la société Qualitair et son assureur, de la condamnation prononcée à leur encontre. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur l'appel en garantie exercé par les sociétés Salam Shipping, Kareem Logistics et Al Muna
A titre liminaire, la cour relève que l'appel en garantie formé par la société Kareem Logistics est sans objet, dès lors qu'aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre de cette dernière.
Il ressort du rapport d'expertise amiable de M. [P] et des courbes de température que les dépassements de température ayant mené à la dégradation, puis à la destruction des marchandises, se sont produits tant pendant la phase de stockage des marchandises, que durant le transport routier. En conséquence, les sociétés Salam Shipping et Al Muna seront déboutées de l'appel en garantie formé contre la société RJA.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Selon l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Au regard de la décision, le jugement déféré sera infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
Les sociétés Qualitair, Helvetia, RJA, Salam Shipping et Al Muna, qui succombent, supporteront in solidum les dépens de première instance et, s'agissant des dépens d'appel, ceux afférents à la décision cassée, ainsi que ceux se rapportant à la présente décision.
La société Qualitair et la société Helvetia seront condamnées in solidum à payer à la société PFM et son assureur une somme de 8.000 €.
Les sociétés RJA, Salam Shipping et Al Muna seront condamnées in solidum à garantir la société Qualitair et la société Helvetia de ces condamnations.
La société Qualitair et son assureur ne formant de demande au titre des frais irrépétibles qu'à l'égard de la société PFM et de son assureur, elle ne peut prospérer.
La société RJA sera condamnée à payer à la société Kareem Logistics la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes formulées au titre des frais irrépétibles sont rejetées.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile est accordé à la Selarl Minault-Teriitehau, agissant par Maître Stéphanie Teriitehau.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans les limites de l'arrêt de renvoi par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les demandes des sociétés Pierre Fabre Médicament et Generali Iard relatives à la faute inexcusable des sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group, Royal Jordanian Airlines, Salam Shipping & Forwarding Agency SL et Al Muna Transport ;
Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnisation allouée à la société Pierre Fabre Médicament et à la société Generali Iard, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne in solidum la société Qualitair & Sea Dimotrans Group et la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances à payer à la société Pierre Fabre Médicament et à la société Generali Iard la contre-valeur en euros de 4.181,66 DTS ;
Condamne in solidum les sociétés Qualitair & Sea Dimotrans Group, Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Royal Jordanian Airlines, Salam Shipping & Forwarding Agency SL et Al Muna Transport aux dépens de première instance et, s'agissant des dépens d'appel, à ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à ceux se rapportant à la présente décision ;
Condamne in solidum la société Qualitair & Sea Dimotrans Group et la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances à payer à la société Pierre Fabre Médicament et la société Generali Iard une somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Royal Jordanian Airlines, Salam Shipping & Forwarding Agency SL et Al Muna Transport à garantir la société Qualitair & Sea Dimotrans Group et la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances de ces condamnations ;
Condamne la société Royal Jordanian Airlines à payer à la société Kareem Logistics la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à la Selarl Minault-Teriitehau, agissant par Maître Stéphanie Teriitehau.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,