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02/05/2024 | FRANCE | N°23/02681

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 02 mai 2024, 23/02681


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/02681 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2CG



AFFAIRE :



[O], [L], [T] [N]



C/



S.A. LE CREDIT LYONNAIS



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° RG : 22/03771



Expéditions exécutoires

Expédi

tions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :



Me Séverine CEPRIKA, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/02681 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2CG

AFFAIRE :

[O], [L], [T] [N]

C/

S.A. LE CREDIT LYONNAIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° RG : 22/03771

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :

Me Séverine CEPRIKA, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O], [L], [T] [N]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentant : Me Séverine CEPRIKA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 110 - Représentant : Me Maude HUPIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0625

APPELANT

****************

S.A. LE CREDIT LYONNAIS

N° Siret : 954 509 741 (RCS)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010 - Représentant : Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2024, Madame Sylvie NÉROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre du 21 mars 2017 acceptée le 05 avril 2017 et à la suite de la communication, par monsieur [O] [N], de divers documents relatifs à ses capacités financières, la société Le Crédit Lyonnais lui a consenti un prêt, au montant de 232.085,20 euros au taux contractuel de 2,45% et remboursable en 300 mensualités de 1.087,56 euros, destiné à l'acquisition d'un bien immobilier, à titre de résidence principale, situé [Adresse 4]).

Les conditions générales de ce prêt prévoyaient notamment, en leur article 5 intitulé 'exigibilité anticipée' :

'5.1. Notre établissement aura la faculté de rendre exigibles par anticipation toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants : non paiement à bonne date d'une échéance // utilisation des fonds prêtés à d'autres fins que le financement de l'opération décrite dans la présente offre // inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt résultant de manoeuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des emprunteurs portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt (...)'

Exposant avoir découvert que le bien a été acquis avec un co-acquéreur, ce qui n'était pas prévu au contrat, que les revenus de monsieur [N] n'étaient pas versés sur le compte domiciliaire du prêt, contrairement à ses engagements, qu'après investigations dans le courant de l'année 2020 il lui est apparu que les documents précités comportaient des irrégularités et anomalies et qu'en outre elle constatait des impayés à compter du mois de janvier 2020, la banque relate qu'elle a notifié à monsieur [N], suivant plis recommandés du 24 juin 2020 (non réclamé à l'adresse du bien financé mais dont l'accusé de réception est revenu signé à la précédente adresse), la déchéance du terme encourue faute de régularisation d'impayés à hauteur de 5.661,86 euros, que les impayés ont été pris en charge au titre de l'assurance emprunteur à compter du mois d'octobre 2020 jusqu'en juin 2021, sans toutefois recevoir d'explications sur la documentation fournie, que par pli recommandé (non réclamé) du 15 juillet 2021 visant sa précédente mise en demeure restée sans effet, elle a notifié à monsieur [N] la déchéance du terme en le mettant vainement en demeure de rembourser intégralement la créance par anticipation (soit la somme totale de 218.264,83 euros) et que c'est dans ce contexte qu'elle l'a assigné en paiement suivant acte du 04 juillet 2022.

Par jugement réputé contradictoire (monsieur [N] n'ayant pas constitué avocat) rendu le 02 février 2023 le tribunal judiciaire de Versailles, rappelant que l'exécution provisoire est de droit, a :

condamné monsieur [O] [N] à payer à la société anonyme Crédit Lyonnais les sommes de 204.085,21 euros outre intérêts au taux contractuel de 2,45% à compter du 15 juillet 2021 jusqu'à parfait paiement et 2.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2022 et jusqu'à parfait paiement,

rejeté la demande de capitalisation des intérêts formulée par la société anonyme Crédit Lyonnais,

condamné monsieur [N] aux dépens et à payer à la société anonyme Crédit Lyonnais la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 16 octobre 2023, monsieur [O] [N], appelant de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 20 avril 2023, demande à la cour, au visa des articles 1104, 1231-1 et suivants du code civil, L 212-1 et suivants du code de la consommation :

de déclarer monsieur [O] [N] bien fondé en son appel, en ses demandes, fins et conclusions et y faisant droit,

d'infirmer le jugement (entrepris),

de débouter le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

statuant à nouveau

de juger que la clause d'exigibilité immédiate du prêt dont se prévaut la banque est abusive et la déclarer abusive,

de juger qu'elle est non-écrite et non opposable,

de condamner le Crédit Lyonnais à payer à monsieur [O] [N] la somme de 15.000 euros au titre du préjudice financier (et) la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral,

de réduire le montant de l'indemnité de remboursement exigée par la banque,

en tout état de cause

de condamner le Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens.

Par dernières conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées le 27 juillet 2023, la société anonyme Le Crédit Lyonnais prie la cour :

au visa de l'article 564 du 'code des procédures civile' (sic) :

de déclarer irrecevable la demande indemnitaire de monsieur [O] [N] à l'encontre du Crédit Lyonnais,

au visa des articles 1134 (nouveaux articles 1101 et suivants du code civil) et 2288 et suivants du code civil :

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a d'office réduit l'indemnité d'exigibilité anticipée,

de confirmer le jugement entrepris, sauf à fixer le montant de ladite indemnité à la somme de 14.179,12 euros contractuellement prévue et à actualiser la créance de l'intimé,

en conséquence

de condamner monsieur [O] [N] à payer au Crédit Lyonnais la somme de 213.688,81 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,45% sur la somme de 199.509,71 euros à compter du 11 avril 2022 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 14.179,12 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement,

de condamner monsieur [O] [N] à (lui) payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation de l'exigibilité de la créance

Sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause de déchéance du terme

Se prévalant des dispositions de l'article L 212-1 alinéa 1 du code de la consommation selon lequel 'dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (...)' et de son article R 212-1aux termes duquel sont 'de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de (...) 8° reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur (...)', monsieur [N], se réclamant de recommandations de la Commission des clauses abusives ainsi que de jurisprudences tant nationales qu'européennes, soutient que la clause de déchéance du terme du contrat en cause doit être déclarée abusive et, partant, non écrite.

Il fait valoir, d'abord, que, telle que rédigée, elle autoriserait la banque à prononcer la déchéance du terme sur la base d'un prétendu manquement soumis à sa seule appréciation arbitraire et laissant croire aux emprunteurs profanes que cette décision n'est pas contestable ; qu'ensuite, elle ne laisse aux emprunteurs aucun moyen adéquat et efficace de remédier aux effets de la sanction de la déchéance du terme, ajoutant qu'en toute hypothèse le courrier invoqué par la banque n'était pas suffisamment clair pour valoir déchéance du terme ; qu'en outre, selon la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 1ère, 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16044) ,' la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement' et qu'en l'espèce le délai de huit jours accordé ne pouvait apparaître comme un préavis d'une durée raisonnable, reprochant de plus à la banque de n'avoir aucunement privilégié la moindre solution amiable mais d'avoir agi de façon purement discrétionnaire.

Il oppose, par ailleurs, à la banque la généralité des termes de la clause relative à la falsification des documents ou faux documents (faits dont il conteste au demeurant la matérialité) en ce que ne sont pas précisés les renseignements dont la fourniture est nécessaire à la banque pour apprécier l'opportunité d'émettre une offre de prêt ; arguant d'une faculté de résiliation discrétionnaire de la banque alors que le contrat n'autorise aucune faculté de résiliation équivalente donnée à l'emprunteur, il en déduit que cette clause ne peut être regardée que comme abusive.

Ceci étant exposé, il convient de rappeler, comme le fait l'appelant, que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), par arrêt du 26 janvier 2017 (Banco Primus SA, C-421/14), a dit pour droit que les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que :

'l'examen du caractère éventuellement abusif d'une clause d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur implique de déterminer si celle-ci crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Cet examen doit être effectué au regard des règles nationales qui, en l'absence d'accord des parties, trouvent à s'appliquer, des moyens dont le consommateur dispose, en vertu de la réglementation nationale, pour faire cesser l'utilisation de ce type de clauses, de la nature des biens ou des services qui font l'objet du contrat en cause ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci ; [...]

s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt '.

Sur le premier de ces deux points, il est constant que les dispositions du code de la consommation précitées prévoient la faculté pour le consommateur de contester, aux conditions qu'elles déterminent, le caractère abusif d'une clause et que la jurisprudence apprécie factuellement le caractère abusif des clauses de déchéance du terme en regard des critères ainsi précisés.

Sur le second et s'agissant, d'abord, d'apprécier le caractère abusif de la clause de déchéance du terme motivée par la 'falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l'octroi du ou des crédits consentis', monsieur [N] ne peut être suivi en son argumentation tendant à voir déclarer cette clause abusive.

Est, en effet, dénué de pertinence l'argument selon lequel cette qualification devrait être retenue du fait qu'elle ne comportait pas une liste précise des renseignements revêtant un caractère substantiel pour permettre à la banque de juger de l'opportunité de l'octroi d'un crédit ni la définition de leur caractère essentiel dès lorsque les pièces arguées de falsification portent, en l'espèce, sur un extrait de son compte en les livres à la Caisse d'Epargne, des bulletins de paie, avis d'imposition et promesse de vente du bien immobilier pour l'acquisition duquel le prêt est sollicité et qu'il est acquis que la solvabilité de l'emprunteur est un élément déterminant du consentement de la banque, dans le cadre du financement, comme en l'espèce, d'une acquisition immobilière.

Se révèle, par ailleurs, quelque peu obscure l'affirmation lapidaire de l'appelant selon lequel le contrat 'n'autorise aucune faculté de résiliation équivalente à l'emprunteur'.

En toute hypothèse, la société Le Crédit Lyonnais, qui rappelle le caractère essentiel de l'obligation de bonne foi et de loyauté dans la formation du contrat, en l'espèce gravement méconnue par la fourniture de renseignements et justificatifs inexacts, se prévaut justement de l'absence de clauses interdisant ou restreignant le droit d'action juridique de l'emprunteur ainsi que l'existence de moyens'adéquats et efficaces' à sa disposition, telles la possibilité de s'expliquer sur ces documents qui lui était offerte avant déchéance du terme (ce à quoi il a été invité au cas particulier par lettre du 24 juin 2020 versée en pièce n° 10) ou l'exercice de la présente procédure, pour remédier aux effets de l'exigibilité anticipée du prêt.

S'agissant, ensuite, de l'appréciation du caractère abusif de la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler des échéances impayées, l'argumentation de monsieur [N] ne saurait davantage prospérer.

Il se réclame, en effet, de jurisprudences ayant retenu le caractère abusif de clauses de déchéance du terme en ce qu'elles créaient un déséquilibre significatif dans des espèces où était stipulé un délai de régularisation de l'impayé de huit jours ou la possibilité pour la banque d'exiger, sans mise en demeure préalable, la totalité des sommes dues au titre du prêt alors que ces décisions ne sont pas transposables au cas d'espèce.

La banque lui oppose à cet égard, le fait que les parties étaient convenues d'un délai de régularisation de 30 jours, qu'elle lui a adressé une lettre de mise en demeure à deux adresses différentes le 24 juin 2020 (dont l'une d'elles a été réceptionnée) et que la déchéance du terme n'a été prononcée que plusieurs mois après, soit le 24 juin 2020, selon un pli supportant la formule 'avisé non réclamé'.

Si l'appelant se prévaut du fait qu'à aucun moment la banque n'a privilégié la moindre solution amiable, ceci pour se prévaloir du caractère discrétionnaire de l'application de cette clause, en le plongeant dans une situation 'extrêmement délicate' et sans pouvoir se défendre, force est de considérer qu'en lui adressant une mise en demeure lui laissant une faculté de régulariser des impayés et en ne lui notifiant la déchéance du terme qu'un an après cette mise en demeure, la banque n'a pas usé d'un pouvoir laissé à sa seule discrétion, étant observé que monsieur [N], qui affirme lui-même que 'l'obligation principale de l'emprunteur vis-à-vis de l'établissement bancaire prêteur consiste à s'acquitter des échéances de remboursement du prêt' (p 8/18 de ses conclusions) ne justifie d'aucune diligence auprès de la banque pour parvenir au règlement amiable de ces impayés.

Par suite, il résulte de tout ce qui précède que monsieur [N] n'est pas fondé à se prévaloir du caractère abusif de la clause de déchéance du terme litigieuse et à demander à la cour de la déclarer non écrite.

Sur la contestation de la mise en oeuvre de la déchéance du terme

Monsieur [N] en conteste la validité en présentant des généralités sur la nécessité d'une mise en demeure préalable en cas d'impayés et soutient qu'elle a été prononcée à tort pour un motif fallacieux et mensonger lié à sa prétendue remise de faux documents.

Pour affirmer que la banque ne dispose d'aucune créance exigible, il fait valoir, plus précisément et seulement sur ce dernier point, qu'il est étonnant que la banque ait attendu plus de cinq ans pour prononcer la déchéance du terme d'un prêt 'parfaitement réglé' alors qu'elle disposait des informations critiquées 'depuis cette date', et que les éléments fournis par la banque ne sont pas suffisants et parfaitement critiquables.

Il peut être ajouté qu'à la faveur de développements consacrés à sa demande indemnitaire, monsieur [N] se prévaut de la mauvaise foi de la banque et, s'appuyant sur le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (ou CRBF) n° 97-02 du 21 février 1997, rappelle les différents devoirs et obligations de la banque dans le cadre d'une opération de crédit, à savoir l'obligation de s'informer ainsi que ses devoirs de coopération et de cohérence, en excipant, en l'espèce, de la nécessité pour le conseiller bancaire en charge de l'examen de son dossier de s'assurer de la conformité des éléments remis et de procéder à un contrôle des pièces, et en affirmant, quoi qu'il en soit, qu'aucun faux document n'a été remis et que la banque n'en rapporte pas la preuve

Ceci étant rappelé, il peut être relevé que monsieur [N], bien qu'évoquant un prêt 'parfaitement réglé', ne débat pas de la question des impayés ayant motivé le prononcé de la déchéance du terme.

Et, sur le second manquement qui a conduit la banque à exiger de manière anticipée le paiement de l'entièreté de sa créance, force est de considérer qu'il élude l'examen des éléments communiqués par la banque tendant à démontrer qu'il a produit des documents falsifiés aux fins d'obtenir l'offre de prêt en cause.

Il résulte pourtant des vérifications de la banque (pièces n° 4 à 9) auprès du département de lutte contre la fraude de la Caisse d'Epargne que les relevés produits pour attester de la domiciliation des salaires de monsieur [N] au moment de la souscription n'étaient pas conformes à leurs livres ; que, par ailleurs, sur interrogation du service de vérification des avis d'imposition en ligne, n'était pas identifiable l'avis d'imposition produit par monsieur [N] pour attester de son impôt sur le revenu avec des incohérences entre l'adresse de l'administré (à [Localité 9]) et son centre de finances publiques (à [Localité 8]).

En outre, alors que dans sa demande de prêt (pièce n° 3 de la banque, page 2/3), il spécifiait : 'part de propriété : [N] [O] 100%' , l'appelant ne fournit pas d'explication sur la personne de monsieur [Y] né le [Date naissance 1] 1983 (état hypothécaire en pièce n° 10) en qualité de co-acquéreur, pas plus que sur le fait qu'il est domicilié à [Localité 9] (adresse figurant toujours dans sa déclaration d'appel et ses dernières conclusions) alors que le prêt était destiné à l'acquisition d'un bien situé à [Localité 7] à titre de résidence principale.

Il s'évince de ce qui précède que monsieur [N] ne peut se prévaloir de la mauvaise foi de la banque dans la mise en oeuvre de la déchéance du terme et qu'eu égard à la gravité des manquements constatés dont elle justifie à suffisance, la banque était fondée à exiger le remboursement anticipé de sa créance.

Sur la créance de la banque

Alors que le tribunal, modérant la clause d'indemnité de résiliation de 7% réclamée (évaluée à 14.179, 12 euros) pour la ramener à la somme de 2.000 euros et rejetant la demande de capitalisation des intérêts par application de l'article L 313-52 (applicable) du code de la consommation, a condamné monsieur [N] à payer à la demanderesse, comme il a été dit, les sommes de 204.085,21 euros outre intérêts au taux contractuel de 2,45% à compter du 15 juillet 2021 jusqu'à parfait paiement et 2.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2022 et jusqu'à parfait paiement, la société Le Crédit Lyonnais, versant (en pièces n° 13 et 15) un décompte de sa créance au 11 avril 2022 puis au 26 juillet 2023, poursuit, sur appel incident, son actualisation en contestant la minoration de l'indemnité de résiliation opérée sans pour autant remettre en cause le rejet de sa demande d'anatocisme.

C'est ainsi qu'elle réclame la condamnation de monsieur [N] à lui verser une somme de 213.688,81 euros arrêtée au 26 juillet 2023 décomposée comme suit :

principal restant dû :204.082,00 euros

intérêts au 11 avril 2022 :3.701,84 euros

indemnité de 7% du capital restant dû : 14.179,12 euros

Sous-total : 221.963,48 euros

dont à déduire les versements de la compagnie d'assurance Caci Assurances imputés le 27 octobre 2022 (aux montants de 576,80 euros et de 8.040,18 euros) et les versements de monsieur [N] à compter de février 2023.

Et pour justifier de sa demande de fixation de l'indemnité d'exigibilité anticipée, dont il appartient au demandeur de démontrer le caractère manifestement excessif en regard du préjudice effectivement subi par le créancier, précise-t-elle, elle fait valoir qu'elle aurait dû percevoir, au titre des intérêts, la somme de 78.789,96 euros si le prêt avait été remboursé jusqu'à son terme, et que ne lui a été versée à ce titre (par l'assureur et l'emprunteur) jusqu'en janvier 2021, qu'une somme de 19.913 euros, soit une différence en sa défaveur de 58.783 euros.

De son côté et sur la créance ainsi présentée et actualisée, monsieur [N] se borne à solliciter la réduction de cette indemnité (dans le dispositif de ses conclusions) en poursuivant (dans le corps de ses écritures) la confirmation du jugement en son évaluation, exposant que cette indemnité est 'particulièrement excessive', que la banque peine à démontrer que son montant n'est pas exorbitant, que le caractère excessif doit être apprécié à la lumière de l'équilibre contractuel général, et que s'il est vrai que le prêt est impayé, le débiteur sera déjà sanctionné par le calcul d'intérêts de retard.

Ceci étant rappelé et la cour n'étant saisie que de la contestation de l'indemnité prévue au contrat en cas de défaillance de l'emprunteur - laquelle, par son évaluation conventionnelle et forfaitaire d'un préjudice futur éventuel et son caractère comminatoire, s'analyse en une clause pénale - il échet de rappeler qu'il résulte des dispositions de l'article 1152 (devenu 1231-5) du code civil que pour modérer le montant de la clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi.

Et, contrairement à ce qu'affirme monsieur [N], c'est au débiteur dont l'inexécution donne lieu à l'application de la clause pénale qu'il appartient d'en démontrer le caractère manifestement excessif.

Ce dont il s'abstient en invoquant, comme il le fait, des éléments impropres à caractériser l'excès manifeste d'une clause prévoyant une peine forfaitaire de 7% du capital restant dû, alors qu'elle est d'usage, à ce taux, dans les contrats de même nature, que l'intérêt procuré au créancier par l'exécution partielle, durant trois ans, du contrat litigieux qui était remboursable en vingt-cinq années n'est pas démontré ni même allégué et qu'il n'est pas davantage établi que cette indemnité, par nature dissuasive, excède de manière évidente le préjudice causé à la banque par cette rupture tenant, en particulier, à son coût de refinancement et aux divers frais qu'elle a été contrainte d'exposer.

Par suite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a minoré comme il l'a fait le montant de cette clause pénale et il sera fait droit à la demande en paiement de la banque, conforme aux termes de la convention et telle qu'actualisée, qui n'est pas autrement contestée.

Sur la demande de délais

Monsieur [N] dont la cour relève qu'il ne fournit aucune pièce venant étayer l'ensemble de ses prétentions, demande, dans le corps de ses écritures, à pouvoir bénéficier des plus larges délais de paiement de l'article 1343-5 du code civil 'en raison de ses revenus moyens', sans plus de débats.

Force est de considérer qu'outre l'insuffisance manifeste d'une demande ainsi présentée, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code civil, elle ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.

Par conséquent, il doit être jugé que la cour n'est pas saisie de cette demande.

Sur la demande indemnitaire présentée par monsieur [N]

Invoquant, comme il a été dit, la mauvaise foi de la banque dans la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme ainsi que son manquement à ses devoirs de contrôle de conformité des opérations, permanents et périodiques, monsieur [N] se prévaut du prononcé abusif de la déchéance du terme et des graves conséquences induites pour solliciter l'allocation des sommes de 15.000 et 5.000 euros venant réparer, respectivement, ses préjudices financier et moral.

Et pour faire échec à la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté en cause d'appel que la banque oppose à sa demande, il se prévaut des articles 564 du code de procédure civile qui l'autorise à opposer la compensation et 567 du même code qui lui permet de former une demande reconventionnelle en appel.

S'agissant de la recevabilité de cette demande, alors qu'il a pu être jugé, au visa de l'article 564 du code de procédure civile (notamment : Cass com 18 mai 2016, pourvoi n° 14-18864) que cet article suppose que la partie à laquelle on l'oppose ait été constituée en première instance, pour casser un arrêt de cour d'appel pour défaut de base légale, la deuxième chambre de cette même Cour de cassation énonce, au visa des articles 564 et 567 du code de procédure civile que, selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, que selon le second, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel et qu'il appartenait à la cour d'appel, qui s'était bornée à constater le défaut de constitution en première instance pour déclarer la demande recevable, de rechercher si cette demande présentée pour la première fois en appel était recevable au regard des textes susvisés (Cass civ 2ème, 20 mai 2021, pourvoi n° 20614339, publié au bulletin).

A considérer que la voie de l'appel est une voie d'achèvement et que cette récente exigence procède du respect de l'immutabilité du litige, du double degré de juridiction ou encore du nécessaire lien suffisant avec les prétentions originaires, il convient de juger, au cas présent, que monsieur [N] doit être déclaré recevable à formuler, à titre reconventionnel, une demande indemnitaire se rattachant par un lien suffisant au grief qui a motivé le prononcé par la banque de la déchéance du terme.

Mais, sur le fond, il résulte de ce qui précède que le manquement de la banque incriminé ne peut être retenu, de sorte que monsieur [N] doit être débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de condamner monsieur [N] à verser à la banque intimée la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [N] qui succombe sera débouté de sa demande de ce dernier chef et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Rejette la demande de monsieur [N] tendant à voir déclarer abusive, partant non écrite, la clause de déchéance du terme stipulée dans le contrat de prêt immobilier consenti par la société anonyme Le Crédit Lyonnais selon offre acceptée le 05 avril 2017 ;

CONFIRME le jugement entrepris hormis en son évaluation de la créance de la banque et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Déboute monsieur [N] de sa contestation relative à la mise en oeuvre de la déchéance du terme ;

Condamne monsieur [O] [N] à verser à la société anonyme Le Crédit Lyonnais la somme de 213.688,81 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,45% sur la somme de 199.509,71 euros à compter du 11 avril 2022 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 14.179,12 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement;

Déclare monsieur [O] [N] recevable mais mal fondé en ses demandes indemnitaires formées à titre reconventionnel et l'en déboute ;

Condamne monsieur [O] [N] à payer à la société anonyme Le Crédit Lyonnais la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/02681
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.02681 ?
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