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02/05/2024 | FRANCE | N°23/01252

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 02 mai 2024, 23/01252


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/01252

N° Portalis DBV3-V-B7H-V3H5



AFFAIRE :



S.A.S. SHURGARD FRANCE





C/

[H] [V]









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 01 Mars 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : B 21-19497





Expéditions délivrées


>le :





à :



Me Jean-charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS



Me Fabrice JEANMOUGIN, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/01252

N° Portalis DBV3-V-B7H-V3H5

AFFAIRE :

S.A.S. SHURGARD FRANCE

C/

[H] [V]

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 01 Mars 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : B 21-19497

Expéditions délivrées

le :

à :

Me Jean-charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS

Me Fabrice JEANMOUGIN, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale) du 1er mars 2023, cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 20 mai 2021.

S.A.S. SHURGARD FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

assistée de Me Jean-charles BEDDOUK, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0631

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [H] [V]

née le 08 Décembre 1987 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

assistée de Me Fabrice JEANMOUGIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0441 - Substitué par Me Nathalie WEILL, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE.

Mme [H] [V] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 juin 2015 par la société Shurgard France.

À compter du 2 décembre 2017, Mme [V] a été placée en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle.

Le 28 février 2018, Mme [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Shurgard France.

Le solde de tout compte établi par la société Shurgard France mentionne notamment une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant total de 3 573,84 euros brut.

Le 18 avril 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye pour notamment demander la requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Shurgard France en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de cette dernière à lui payer des indemnités de rupture et une indemnité compensatrice de congés payés.

Par jugement du 28 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a, notamment, requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [V] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Shurgard France à lui payer une somme de

5 120,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur appel de la société Shurgard France, la cour d'appel de céans (21ème chambre) a, par arrêt du 20 mai 2021, notamment infirmé le jugement sur la requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité compensatrice de congés payés et, statuant à nouveau, a dit que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et débouté Mme [V] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur pourvoi de Mme [V], la Cour de cassation (chambre sociale) a, par arrêt du 1er mars 2023, cassé et annulé mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles et a remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Le 12 mai 2023, la société Shurgard France a saisi la cour de céans du renvoi après cassation.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Shurgard France demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye du 28 janvier 2019 en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme de 5120,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et statuant à nouveau de :

- débouter Mme [V] de ses demandes ;

- condamner Mme [V] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [V] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens Mme [V] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sur la condamnation à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés, de l'infirmer sur le quantum de cette condamnation et, statuant à nouveau, de

- à titre principal, condamner la société Shurgard France à lui payer une somme de

6 755,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- à titre subsidiaire, condamner la société Shurgard France à lui payer une somme de

5 088,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamner la société Shurgard France à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 20 février 2024.

SUR CE :

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Aux termes de l'article L. 3141-24 du code du travail : 'I.-Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II.-Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l'établissement. (...)'.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat. S'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union européenne. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340).

Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article

L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que la salariée peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

En l'espèce, en premier lieu, s'agissant du nombre de jours de congés payés annuels acquis au moment de la rupture du contrat de travail, il ressort tout d'abord des bulletins de salaire que Mme [V] avait acquis au 30 novembre 2017, 15 jours au titre de l'année en cours au moment de la rupture et 29 jours de congés payés pour l'année précédente, soit un total de 44 jours, étant précisé que la société Shurgard France ne démontre pas que les bulletins de salaire sont entachés d'erreur.

Ensuite, Mme [V] est fondée à réclamer l'acquisition de congés payés pendant son arrêt de travail pour maladie non professionnelle ayant couru à compter du 2 décembre 2017, en application des dispositions de l'article L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail ainsi qu'il est dit ci-dessus, soit 7,34 jours de cette date jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Dès lors, il y a lieu de retenir que les droits de Mme [V] à congés payés au jour de la rupture s'élevaient à 51,34 jours.

En deuxième lieu, s'agissant du calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, la société Shurgard France, alors que la charge de la preuve de ce qu'elle s'est acquittée de ses obligations salariales à ce titre, ne produit aucun calcul démontrant que la règle du dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, qu'elle dit avoir appliquée, est la plus favorable et conduit à retenir une somme de 2490,81 au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de l'année n-1 et une somme de 1083,03 euros au titre de l'année en cours, soit une somme totale de 3573,84 euros brut. En outre, La société Shurgard France n'explique pas pourquoi l'application de la règle du maintien de salaire conduit à retenir selon elle un salaire journalier 76,92 euros brut.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir un calcul réalisé à partir de la méthode dite du maintien de salaire revendiquée par Mme [V] correspondant au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si la salariée avait continué à travailler et qui s'élève au vu des pièces versées à 131,62 euros par jour de congés payés.

Ainsi, la créance d'indemnité compensatrice de congés payés de Mme [V] s'élève à la somme de 6755,48 euros brut.

En troisième leu, sur les sommes effectivement payées lors de la rupture du contrat de travail, il ressort du bulletin de salaire du mois de mars 2018 et du solde de tout compte que la société Shurgard France a reconnu une créance d'indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 3573,84 euros brut mais a ensuite opéré une retenue d'une somme de 1906,31 euros brut, notamment pour 'déduction entrée sortie' sur laquelle elle ne fournit non plus aucune explication. D'autre part, la société Shurgard France justifie par la production d'un ordre de virement établi par la banque BNP Paribas qu'une somme de 2 531,14 euros net correspondant à 3227,35 euros brut a été effectivement payée à Mme [V] au titre du solde de tout compte, contrairement à ce que cette dernière prétend.

Il résulte de ce qui précède que Mme [V] est fondée à réclamer la condamnation de la société Shurgard France à lui payer une somme de 5088,45 brut à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés (= 6 755,48 euros brut - 3 573,84 euros brut + 1 906,31 euros brut). Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il a lieu de condamner la société Shurgard France à payer à Mme [V] une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Vu l'arrêt du 1er mars 2023 de la Cour de cassation (chambre sociale),

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de la cassation prononcée,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il condamne la société Shurgard France à payer à Mme [H] [V] une somme de 5 120,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la société Shurgard France à payer à Mme [H] [V] une somme de

5 088,45 brut à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

Ajoutant au jugement attaqué,

Condamne la société Shurgard France à payer à Mme [H] [V] somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel,

Déboute la société Shurgard France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel,

Condamne la société Shurgard France aux dépens de la présente procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 23/01252
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.01252 ?
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