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02/05/2024 | FRANCE | N°23/00787

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 02 mai 2024, 23/00787


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/00787 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVGS



AFFAIRE :



SARL MATH'YV



C/



S.N.C. VUC



SELARL GLAJ



SELARL JSA



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° RG : 20/01006



ExpÃ

©ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :



Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Stéphanie BRAUD, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/00787 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVGS

AFFAIRE :

SARL MATH'YV

C/

S.N.C. VUC

SELARL GLAJ

SELARL JSA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° RG : 20/01006

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Stéphanie BRAUD, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL MATH'YV

N° Siret : 481 817 807 (RCS Versailles)

[Adresse 7]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Ghislaine BENAYOUN SIMONET de la SELARL CBA-CABINET BENAYOUN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0135 - Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2231960

APPELANTE

****************

S.N.C. VUC

N° Siret : 483 727 475 (RCS Paris)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Samuel GUILLAUME de la SCP BLATTER SEYNAEVE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0441 - Représentant : Me Stéphanie BRAUD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 12

INTIMÉE

SELARL GLAJ

N° Siret : 818 152 530 (RCS Versailles)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de Maître [W] [G], ès qualités d'Administrateur judiciaire de la Société MATH'YV, société à Responsabilité Limitée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 481 817 807 et dont le siège social est situé Centre Commercial USINES CENTER [Adresse 7]

SELARL JSA

N° Siret : 419 488 655 (RCS Versailles)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Prise en la personne de Maître [T] [Z], ès qualités de Mandataire judiciaire de la Société MATH'YV

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

Représentant : Me Ghislaine BENAYOUN SIMONET de la SELARL CBA-CABINET BENAYOUN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0135 - Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2231960

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2024, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu, suivant acte sous seing privé du 18 février 2011, le contrat de bail commercial consenti, à compter du 1er mars 2011 jusqu'au 28 février 2021, par la SNC Vuc, propriétaire du centre commercial 'Usines Center' situé à [Localité 6] (78)à la société à responsabilité limitée Math'Yv (exploitant un fonds de commerce de vente de tissus d'ameublement et linge de maison sous l'enseigne Etoffes et maisons - Serge Lesage) portant sur le lot n° 9 moyennant un loyer de base annuel de 24.500 euros hors taxes, l'annexe 4 de ce contrat prévoyant diverses stipulations relatives à ce loyer,

Vu, à compter du 3ème trimestre 2019, l'échange de correspondances, resté sans suite, entre la preneuse, sollicitant notamment, le 30 septembre 2019, un allégement de son loyer et un étalement de sa dette en raison de difficultés et la réponse de la bailleresse du 14 octobre 2019,

Vu le commandement de payer la somme totale de 25.401,89 euros au titre de loyers et accessoires impayés, outre le montant de pénalités contractuelles et le coût de l'acte délivré à la preneuse le 11 décembre 2019 à la requête de la bailleresse,

Vu l'assignation en opposition audit commandement délivrée le 10 janvier 2020 par la société preneuse Math'Yv à l'encontre de la société Vuc, poursuivant en outre la condamnation à titre indemnitaire de cette dernière en réparation d'une faute commise à l'occasion de cette délivrance et les demandes en paiement reconventionnellement formées par la bailleresse, selon décompte actualisé de sa créance arrêté à la date du 04 octobre 2022,

Vu le jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles qui, rappelant que l'exécution provisoire de sa décision est de droit, a :

déclaré recevables les conclusions aux fins d'actualisation de la créance notifiées par la société Vuc le 07 octobre 2022,

rejeté la demande de nullité du commandement de payer délivré le 11 décembre 2019,

rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts,

condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 162.761,85 euros au titre des loyers et charges dus selon décompte arrêté au 04 octobre 2022 avec intérêts au taux Ester majorés de 150 points de base l'an à compter du 11 décembre 2019 pour la somme de 27.793,86 euros et à compter du présent jugement pour le surplus,

dit que les intérêts échus, dus pour une année au moins, seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

condamné la société Math'Yv à la société Vuv (sic) une indemnité forfaitaire contractuelle de 4.000 euros,

rejeté la demande de délais de paiement de la société Math'Yv,

condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés et aux entiers dépens de l'instance,

rejeté les autres demandes des parties.

Vu le jugement rendu le 21 février 2023 par le tribunal de commerce de Versailles ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Math'Yv Sarl, et la désignation de la Selarl Glaj, prise en la personne de maître [W] [G], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Math'Yv ainsi que de la Selarl Jsa, prise en la personne de maître [T] [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv,

Vu les dernières conclusions (n° 3) notifiées le 05mars 2024 par la société à responsabilité limitée Math'Yv (appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 03 février 2023)la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Glaj, prise en la personne de maître [W] [G], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Math'Yv et la Selarl Jsa, prise en la personnedemaître [T] [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv (intervenantes volontaires) par lesquelles elles demandent à la cour, visant le commandement de payer et le bail (sus-visés) et les articles 1104, 1219, 1220, 1231-1, 1231-5, 1244-1 et 1722 du code civil :

d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a : rejeté la demande de nullité du commandement de payer délivré le 11 décembre 2019 // rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts // écarté les moyens tirés de l'obligation de délivrance du bailleur et de la perte de la chose louée ainsi que ceux tirés de l'obligation du bailleur d'exécuter le contrat de bail de bonne foi // condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 162.761,85 euros au titre des loyers et charges dus selon décompte arrêté au 04 octobre 2022 avec intérêts au taux Ester majorés de 150 points de base l'an à compter du 11 décembre 2019 pour la somme de 27.793,86 euros et à compter du présent jugement pour le surplus //dit que les intérêts échus, dus pour une année au moins, seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil // condamné la société Math'Yv à la société Vuv (sic) une indemnité forfaitaire contractuelle de 4.000 euros // rejeté la demande de délais de paiement de la société Math'Yv // condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés et aux entiers dépens de l'instance // rejeté les autres demandes des parties,

statuant à nouveau

de recevoir l'intervention volontaire de la Selarl Glaj, société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 10.000 euros, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 818.152.530 ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de maître [W] [G], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Math'Yv,

de recevoir l'intervention volontaire de la Selarl Jsa, société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 1.100.000 euros, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 419.488.655 ayant son siège social [Adresse 1], prise en la personne de maître [T] [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv,

nommés en ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 21 février 2023 (RG n° 2023P00106),

vu la mauvaise gestion du centre commercial Usine Mode et Maison par la société Vuc, vu les manquements de la SNC Vuc à son obligation de commercialité, vu les manquements de la SNC Vuc à son obligation de bonne foi, en conséquence :

-de déclarer nul et de nul effet le commandement de payer signifié à la société Math'Yv à la requête de la SNC Vuc en date du 11 décembre 2019,

vu la faute commise par la société Vuc, dans les circonstances de l'espèce, en faisant délivrer à la société Math'Yv le commandement de payer en cause et en l'assortissant de la menace d'une résiliation de plein droit de son bail, vu le préjudice causé à la société Math'Yv qu'il convient de réparer, en conséquence :

de rejeter la demande en paiement formée par la SNC Vuc au titre de loyers et charges impayés arrêtés au 05 janvier 2024,

de dire et juger que la SNC Vuc a également manqué à son obligation de bonne foi pendant les trois périodes de fermeture administrative de l'établissement de la société Math'Yv, en conséquence :

de rejeter la demande en paiement formée par la SNC Vuc au titre des loyers impayés pendant les périodes de confinement et de fermeture administrative de l'établissement,

en tout état de cause

de débouter la SNC Vuc de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire égale à 10% du montant des sommes dues,

de débouter la SNC Vuc de sa demande de majoration des intérêts de retard,

de débouter la SNC Vuc de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant excessif n'apparaît pas justifié,

de condamner la SNC Vuc à payer à la société Math'Yv la somme de 10.000 euros euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions (n° 3) notifiées le 12 mars 2024 par la société en nom collectif VUC qui prie la cour, au visa de l'article 1134 ancien du code civil applicable à la cause (article 1103 du code civil), du bail commercial du 18 février 2011, du commandement de payer du 11 décembre 2019 et des articles 1343-1 (ancien article 1154 du code civil), 1219, 1226, 1725 et 1728 du code civil :

de confirmer le jugement en ce qu'il a : rejeté la demande de nullité du commandement de payer délivré le 11 décembre 2019 // rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts // condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 162 761,85 euros au titre des loyers et charges dus selon décompte arrêté au 4 octobre 2022 avec intérêts au taux Ester majorés de 150 points de base l'an à compter du 11 décembre 2019 pour la somme de 27.793,86 euros et à compter du présent jugement pour le surplus // dit que les intérêts échus, dus pour une année au moins, seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil // condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc une indemnité forfaitaire contractuelle de 4.000 euros // rejeté la demande de délais de paiement de la société Math'Yv // rejeté les autres demandes des parties,

de débouter la société Math'Yv de toutes ses demandes,

d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il : condamné la société Math'Yv à payer à la société Vuc la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés // condamné la société Math'Yv aux entiers dépens de l'instance,

statuant à nouveau

de condamner la Selarl Glaj, prise en la personne de maître [W] [G], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Math'Yv et la Selarl Jsa prise en la personnedemaître [T] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv, in solidum avec la société Math'Yv aux condamnations précitées à savoir au paiement à la société Vuc de la somme de 180.275,73 euros au titre des loyers et charges dus selon décompte actualisé arrêté au05 janvier 2024 avec intérêts au taux Ester majorés de 150 points de base l'an à compter du 1 décembre 2019 pour la somme de 27.793,86 euros et à compter du présent jugement pour le surplus // la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité forfaitaire,

de condamner les sociétés Math'Yv, la Selarl Glaj, prise en la personne de maître [W] [G], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Math'Yv et la Selarl Jsa prise en la personne de maître [T] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv à payer à la société Vuc, la somme de 15.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens, ceux d'appels étant distraits dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 mars 2024,

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la demande principale de la preneuse

Sur l'intervention volontaire des Selarl Glaj et Jsa

La société Math'Yv verse aux débats le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 21 février 2023, au cours de l'instance d'appel.

Doivent être déclarés recevables en leur intervention volontaire accessoire, comme requis par les appelantes et sans contestation adverse, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire désignés, organes de la procédure collective en cours.

Sur la validité de commandement de payer

Il convient de rappeler que pour rejeter la demande d'annulation de cet acte dont il était saisi, le tribunal, observant liminairement qu'il ne visait pas la clause résolutoire du bail de sorte qu'étaient sans objet les développements relatifs à la résiliation de plein droit, s'est fondé sur les dispositions des articles 1719, 1728 et 1134 du code civil et a successivement rejeté le moyen tiré du manquement à l'obligation de garantir l'état de commercialité du centre commercial, faute de stipulation en ce sens, le moyen tiré du manquement à l'obligation de promotion et de publicité, faute de caractérisation de la violation de l'article 17.1 des stipulations générales du contrat de bail et ce indépendamment de l'ineffectivité alléguée des opérations entreprises sur l'activité de la preneuse et enfin le moyen tiré du manquement à l'obligation générale de bonne foi en ce qu'elle ne crée pas d'obligation légale ni n'impose au bailleur, dans le cadre de pourparlers engagés avec son preneur, de consentir aux conditions posées par ce dernier.

Les manquements de la bailleresse à ses obligations contractuelles comme à son obligation générale de bonne foi sont à nouveau soumis à l'appréciation de la cour.

Sur l'obligation de commercialité

Se fondant sur les dispositions de l'article 1719 du code civil relatif à l'obligation de délivrance du bailleur dans lequel s'inscrit, selon elles, l'environnement commercial constituant un accessoire des locaux loués et duquel découle, au titre de son obligation d'en assurer la jouissance paisible, celle de parer à la dégradation de cet environnement à peine d'engager sa responsabilité et évoquant diverses jurisprudences à leur sens transposables, les appelantes se prévalent, d'abord, des stipulations du contrat de bail du 18 février 2011, à savoir :

l'article 2 de l'exposé intitulé 'le concept du centre' selon lequel 'le centre commercial a pour vocation la diffusion au public par les grandes marques de notoriété nationale et internationale'

le préambule du titre III 'stipulations générales' selon lequel 'le preneur certifie avoir une parfaite connaissance de l'organisation juridique du centre et accepter toutes les conséquences résultant des particularités d'un centre commercial et notamment l'importance et les caractéristiques de ses parties d'utilité commune, qui entraînent des prestations et charges plus importantes que celles d'un commerce traditionnel indépendant',

l'article 3.5 intitulé 'modalités spécifiques d'exploitation' selon lequel 'pour conserver au centre son attractivité commerciale et sa spécificité liées aux prix démarqués, le preneur s'engage à mettre en vente des produits de premier choix issus des collections et/ou saisons précédentes (') '

l'article9.2intitulé 'travaux d'aménagement exécutés par le preneur en cours de bail' selon lequel 'pour mettre en harmonie permanente les aménagements de son local visibles depuis le mail avec l'environnement intérieur du centre commercial, il est par ailleurs expressément convenu que l'entretien incombant au preneur en vertu de l'article 10 des présentes, ne peut se limiter au seul entretien courant. Il implique une rénovation périodique du local, dont l'initiative lui appartient mais dans des conditions telles que le local constitue en permanence un pôle d'attraction de la clientèle et qu'il soit conforme au dernier concept de l'enseigne du preneur dans d'autres centres commerciaux ou en pied d'immeuble',

l'article 12.3 intitulé 'enseigne' selon lequel 'à titre de condition essentielle du bail, le preneur s'engage à maintenir, pendant toute la durée de la présente location, l'enseigne mentionnée au titre IV 'stipulations particulières' du présent bail. Néanmoins le bailleur acceptera de lui substituer une autre enseigne si l'enseigne substituée est d'égale notoriété et regroupe des produits de gamme et qualité équivalentes : toute enseigne de solderie ou de discount étant exclue. Le bailleur devant être informé de la modification prévue au moins trois mois à l'avance et devant y avoir donné un accord express, lequel ne pourra être refusé si tous les critères susvisés du présent article sont réunis',

l'article 13 intitulé 'esthétique-enseigne' selon lequel 'toute installation d'enseignes (lumineuses ou non) de même que tout agencement en saillie sur façade des lieux loués sont subordonnés à l'agrément express et préalable du bailleur',

l'article18 intitulé 'non concurrence' selon lequel 'le preneur, en intégrant le centre commercial, a fait le choix de l'offre commerciale mise en place et a pris conscience du nécessaire équilibre qu'il y a lieu de maintenir entre les divers concepts qui y sont inclus et ce, afin que le Centre constitue en permanence un pôle d'attraction de la clientèle. En conséquence, le preneur s'oblige à déployer tous ses efforts pour développer et conserver la meilleure des exploitations dans le Centre commercial',

l'article 8 des stipulations particulières selon lequel 'dans les conditions de l'article9.1duTitre II du bail, le preneur s'engage à entreprendre en façade des travaux visant à mettre en harmonie l'enseigne avec l'environnement du Centre ('). Compte tenu de l'importance pour le bailleur de l'aspect qualitatif de tels façades et aménagement le preneur devra collaborer pour la définition desdits façades et aménagements'.

Elles recensent, ensuite, les différents manquements de la SNC Vuc à son obligation de commercialité et évoquent successivement, en étayant leurs griefs par les pièces communiquées, les fermetures successives des boutiques du centre (chiffrant notamment à 37 le nombre de cellules vides sur les 140 existantes ou, au 05 février 2024, à 53 les enseignes subsistantes), le remplacement de deux restaurants par des 'fast food', la présence de magasins de 'hard discount' dans un centre commercial spécialisé dans l' 'outlet' de base (critiquant en particulier l'ouverture prochaine de l'enseigne 'Action' qu'elles qualifient de supermarché discount qui ne saurait profiter aux autres enseignes), l'insatisfaction de la clientèle (en contemplation d'extraits de copies d'écran visibles sur internet et recueillis jusqu'en février 2024), les difficultés financières qu'elle-même rencontre (détaillant ses chiffres d'affaires successifs de 2015 à 2022, passant notamment de 361.216 euros avec un résultat de 13.467 euros à cette première date à 198.617 euros avec un résultat négatif de 54.193 à la dernière et indiquant, de surcroît, que son placement en redressement judiciaire démontre bien le manque d'attractivité du centre, comme le fait que ses propres difficultés ne sont pas isolées) et enfin la concurrence du centre commercial Vélizy 2 situé à proximité et ouvert 7 jours sur 7, détournant ainsi la clientèle du dimanche que le centre commercial en cause était auparavant le seule à accueillir.

Elles en déduisent qu'à tort le tribunal n'a pas retenu la responsabilité de la bailleresse 'du fait de la limitation de sa responsabilité dans le cadre du contrat de bail' alors que les griefs sur l'état de désertification du Centre sont bien réels et qu'il est 'déplorable' que sa responsabilité soit écartée à la seule lecture d'un contrat de bail manifestement déséquilibré qui n'a pu faire l'objet d'aucune négociation.

En réplique, la bailleresse intimée, évoquant liminairement la spécificité d'un centre commercial dont la réussite est fondée sur un pari économique et l'acceptation, par le preneur, d'un risque quant à son développement et celui de son propre commerce, se prévaut de l'absence d'obligation légale de maintenir un environnement commercial favorable et se réclame d'une jurisprudence constante, illustrée par les diverses décisions qu'elle cite, pour se prévaloir d'une stricte application de l'article 1719 du code civil excluant, sauf stipulation expresse contraire, l'obligation de garantir la commercialité du centre à la charge de la bailleresse.

Elle oppose aux appelantes l'absence de clause en ce sens dans le contrat de bail et, bien au contraire, affirme-t-elle, elle peut se prévaloir de stipulations à son sens non équivoques devant recevoir application, tels :

l'article 20 des conditions générales du bail intitulé 'responsabilité et recours' selon lequel 'le preneur et ses assureurs renoncent à tout recours contre le bailleur, toute société de son Groupe, le mandataire du bailleur et les assureurs respectifs, et s'engage à obtenir les mêmes renonciations à recours de son propre assureur en cas de défaut d'exploitation des autres locaux du centre ou de certains d'entre eux ; le bailleur n'étant pas responsable de l'état de commercialité du centre',

l'article 17 de ces conditions générales intitulé 'animation et publicité du centre' selon lequel 'le bailleur ou son mandataire ne saurait assumer une quelconque responsabilité pour le cas où les opérations de promotion et de publicité mises en 'uvre seraient sans incidence directe sur l'activité exercée par chaque preneur dans le local qui lui est loué ou sur l'état de la commercialité du Centre'.

Elle se prévaut, en outre ,d'une 'excellente' gestion de ce Centre créé en 1986, d'une surface de 21.072 m², le plus proche de [Localité 4], bien desservi, regroupant de nombreuses enseignes réputées et parfaitement entretenu, par une société dont l'expertise est reconnue en matière de centres de magasins d'usine, et, répliquant aux griefs de ses adversaires en s'appuyant sur les pièces qu'elle produit, dénie la désertification invoquée comme la concurrence fautive du centre Westfield Vélizy 2, contestant, de plus, le manquement reproché à son obligation de promotion et de publicité dans l'intérêt des preneurs.

Ceci étant exposé, les appelantes sont fondées à se prévaloir des dispositions de l'article 1719 du code civil qui, hormis l'exigence de délivrance d'un logement décent propre aux baux d'habitation, a vocation à s'appliquer à tout bail et, par conséquent, au bail commercial.

S'agissant de déterminer si cette obligation légale de délivrance s'étend, comme le voudraient les appelantes, à une obligation, à la charge de la bailleresse, d'assurer la vitalité et l'attractivité du centre commercial dans lequel est exploité le commerce en cause, il est constant que la commercialité n'est pas un accessoire nécessaire de l'usage de la chose louée entrant dans le champ contractuel, sauf stipulation particulière du bailleur exprimant clairement et sans ambiguïté sa volonté de l'y inclure.

A cet égard, la SNC Vuc se réclame justement de la doctrine de la Cour de cassation faisant une stricte application de cet article 1719 en excluant, sauf stipulation expresse, la garantie de commercialité des obligations pesant sur la bailleresse ; elle s'appuie sur de nombreux arrêts rendus dans ce sens depuis 1993 et jusqu'à récemment, plus précisément : Cass civ 3ème, 15 décembre 2021, pourvois n° 20-14423, n° 20-16570, publié au bulletin.

En l'espèce, il ressort del'examen des différentes clauses invoquées par les appelantes et ci-avant reprises in extenso, qu'elles contiennent des obligations à la charge du preneur mais aucune d'entre elles ne permet de retenir que, par une stipulation particulière, la bailleresse se soit engagée à assurer la commercialité du centre commercial dont s'agit.

Et les articles 17 et 20 du contrat précités, évoqués par cette dernière, viennent conforter son appréciation.

Les différents manquements invoqués au soutien de ce grief ne sauraient par conséquent être retenus et le jugement doit être confirmé en son appréciation sur ce point, étant qui plus est observé que les appelantes ne s'expliquent pas sur la sanction recherchée, à savoir la nullité du commandement de payer.

Sur le respect à l'obligation de bonne foi

Il convient de rappeler que pour rejeter le moyen tendant à voir sanctionner par la nullité du commandement de payer le manquement à l'exigence de bonne foi contractuelle et rejeter conséquemment et sans plus de débats, l'exception d'inexécution soulevée par la demanderesse à l'action ainsi que sa demande indemnitaire, le tribunal a rappelé que l'exigence de bonne foi en matière contractuelle ne crée aucune obligation légale pour les parties de renégocier, n'imposant pas davantage au bailleur, dans le cadre de pourparlers engagés avec son preneur, de consentir aux conditions posées par ce dernier. A l'examen des échanges entre les parties en 2019, il a considéré qu'il ne pouvait être reproché à la société Vuc, à l'origine de propositions qu'il était loisible à la société Math'Yv de refuser, d'avoir manqué à son obligation générale de bonne foi.

Visant l'article 1104 du code civil et un arrêt inédit rendu le 07 juillet 1993 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 91-16208) suivant lequel et selon la lecture qu'elles en font, celle-ci considère qu'en cas de mauvaise foi du bailleur le commandement de payer ne pouvait produire aucun effet, les appelantes soutiennent qu'elles ont proposé la mise en place d'un loyer proportionnel au chiffre d'affaires généré à hauteur de 8% en raison du changement de circonstances économiques depuis 2011, que la contre-proposition d'un abattement de 20% sur un an était dérisoire et non acceptable du fait d'une dégradation économique pérenne et reproche au tribunal de ne pas en avoir tenu compte, éludant la prise en considération de la situation exceptionnelle et du déséquilibre significatif entre bailleur et preneur.

Elle tire incidemment argument de cette contre-proposition, même dérisoire, pour y voir l'aveu de la SNC Vuc de sa défaillance dans le respect de ses obligations et de sa responsabilité dans la faible commercialité du Centre.

L'intimée rétorque que la mauvaise foi est imputable à la société Math'Yv, qui ne paie plus son loyer depuis 2019, soit dès avant la crise sanitaire, qui s'est abstenue de prendre attache avec elle durant la période de confinement pour solliciter des mesures d'accompagnement, qu'elle avait elle-même consenti des aménagements de loyers lors de la prise à bail et qu'elle n'a pas daigné répondre à sa proposition d'abattement de 20% du loyer de base pour une année, ceci à compter du 1er juillet 2019, formulée le 14 octobre 2019.

Cela étant dit et étant relevé qu'est inopérante l'invocation, aux fins de transposition, de l'arrêt précité rendu en 2016 dès lors qu'il y est question de 'la nécessité de prendre en considération le double paiement du terme (...)', il convient de s'inspirer de manière davantage opérante de la doctrine de la Cour de cassation énonçant, au visa de l'article 1134 devenu 1104 du code civil que ' si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ni à s'affranchir des dispositions impératives du statut des baux commerciaux' (Cass com 10 juillet 2007, pourvoi n° 06-14768, publié au bulletin, Cass civ 3ème, 09 décembre 2009, pourvoi n° 04-19923,) ou encore, s'agissant d'un refus d'accorder une facilité de paiement, d'un arrêt selon lequel, sous même visa, 'l'exigence de bonne foi n'autorise pas le juge à porter atteinte aux modalités de paiement du prix fixé par les parties, lesquelles constituent la substance même des droits et obligations légalement convenues entre les parties' (Cass com, 19 juin 2019, pourvoi n° 17-19000, inédit).

Les prérogatives contractuelles dont l'usage de mauvaise foi peut être paralysé par le juge s'analysant en des clauses qui ne définissent pas les créances et les dettes que le contrat arrête initialement, la demande des appelantes ne saurait prospérer en ce qu'elle porte sur l'appréciation de la loyauté contractuelle de la bailleresse dans l'exercice de son droit au paiement du loyer convenu.

Et si, pour répondre à l'argumentation des parties, celles-ci ont engagé, courant 2019, un processus destiné à trouver une issue négociée à leur litige relatif au montant du loyer contractuel exigible, force est de considérer que la société Vuc ne s'y est pas dérobée, présentant une contreproposition à laquelle la preneuse n'a pas apporté de réponse en mettant un terme à ce processus..

Surabondamment, il peut être relevé, ici aussi, que la sanction ordinaire de la mauvaise foi est l'allocation de dommages-intérêts, qu'elle peut, certes, paralyser la mise en oeuvre de la clause résolutoire d'un contrat de bail commercial, mais que la résolution de plein droit du contrat n'est pas, ici, recherchée et que, plus généralement, les appelantes ne consacrent pas de développements juridique à la sanction précisément recherchée.

Par suite, ne peut être accueillie la demande d'annulation du commandement de payer litigieux et mérite confirmation le jugement qui en dispose ainsi.

Sur la demande indemnitaire de la preneuse

Poursuivant la condamnation de la société Vuc au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, l'appelante, invoquant l'article 1231-1 du code civil, évoque les manquements contractuels de la bailleresse qui lui ont causé un préjudice certain dès lors, expose-t-elle, que le développement de son activité n'a pas pu pleinement se réaliser, la clientèle du Centre n'étant pas celle qu'elle avait contractuellement promise et qui justifiait le paiement d'un loyer élevé.

Elle se prévaut 'au surplus' du fait que de mauvaise foi et avec une légèreté blâmable, elle a assorti le commandement de payer en cause d'une menace de résiliation de plein droit à laquelle elle a renoncé et c'est ce comportement qui l'a contrainte, afin d'éviter l'expulsion, à saisir 'la présente juridiction'.

Toutefois, la faute contractuelle de la société Vuc ne saurait être retenue dès lors que la société Math'Yv ne peut se prévaloir d'une stipulation particulière du contrat lui garantissant, comme il a été dit, en contrepartie du paiement du loyer convenu la commercialité du centre commercial et, notamment, un achalandage précis procuré par l'emplacement de son fonds.

De même ne peut-elle prétendre à la délivrance fautive d'un commandement de payer alors qu'elle était débitrice du montant de divers loyers et qu'il ressortait du libre arbitre de la bailleresse de mettre en oeuvre la clause résolutoire ou de s'en abstenir.

Elle ne saurait, non plus, présenter l'initiative de son action comme un préjudice corrélatif alors que l'action en justice est regardée comme un droit et que les frais engagés ressortent d'autres dispositions.

Le jugement sera donc confirmé sur cet autre point.

Sur la contestation de la créance de loyers à compter du 3ème trimestre 2019, hors période de confinement

Les appelantes se prévalent derechef de l'absence de bonne foi de la bailleresse en demandant à la cour de juger que'n'est pas due' la somme, au titre des impayés, de 180.275,73 euros TTC arrêtée au 05 janvier 2024.

Elles invoquent les trois fermetures administratives ordonnées durant la crise sanitaire, exposent (en visant une pièce adverse n° 66 inexistante) que le 31 décembre 2021 a été accordé à la preneuse un abattement de 2.567,72 euros, à leur sens dérisoire en regard du montant du loyer et des 158 jours de fermeture du commerce en cause, et font valoir qu'au regard des circonstances exceptionnelles liées à cette crise sanitaire sans précédent qui a perturbé son activité, la société Vuc aurait dû proposer d'adapter les modalités d'exécution des obligations respectives des parties et, en particulier, l'obligation de paiement de la société Math'Yv en proposant une franchise ou une diminution de loyers significatives.

Elles opposent également à la bailleresse une exception d'inexécution en invoquant la 'position classique' de la jurisprudence et en citant un arrêt de la Cour de cassation rendu le 20 juin 1995 (pourvoi n° 93-16807) selon lequel 'si le bailleur n'exécute pas son obligation de délivrer la chose louée, le locataire n'est pas tenu de payer les loyers qui en sont la contrepartie', outre le fait que cette exception peut jouer quelle que soit la cause de l'inexécution, qu'il s'agisse de la faute du débiteur ou de la force majeure.

Ceci étant dit, force est de constater que ni dans le dispositif ni dans le corps de leurs écritures, les appelantes ne précisent, hors le fait que le somme réclamée n'est pas due, ce qu'elles estimeraient devoir ; en raison de la force obligatoire des contrats, la cour ne saurait imposer aux parties une quelconque franchise ou diminution de loyers.

S'agissant de l'argumentation relative à la mauvaise foi imputée à faute à la bailleresse , il résulte des éléments de la procédure que la société Math'Yv était redevable de loyers et de charges depuis le 3ème trimestre de l'année 2019, soit, comme le souligne l'intimée, bien avant la mesure de confinement ordonnée pour la première fois à compter du 17 mars 2020, et elle l'est encore postérieurement au 19 mai 2021 marquant la fin de la troisième mesure de confinement.

L'échange de correspondances entre les parties au contrat au cours de l'année 2019 sus-visé tend à démontrer que la bailleresse ne s'est pas montrée rétive à la négociation, proposant un aménagement de paiement du loyer afin de permettre à la preneuse de surmonter les difficultés qu'elle pouvait alors rencontrer. Par la suite, c'est la société Math'Yv qui a fait choix de la voie judiciaire pour résoudre leur différend.

C'est donc en vain que cette dernière invoque, durant ces périodes où la bailleresse pouvait, sans déloyauté, poursuivre l'exécution du contrat, 'des circonstances exceptionnelles liées à cette crise sanitaire sans précédent qui a perturbé son activité'.

S'agissant de l'exception d'inexécution invoquée, il y a d'abord lieu de considérer que la jurisprudence invoquée n'est nullement transposable, les faits de l'espèce ayant donné lieu au prononcé de l'arrêt du 20 juin 1995 invoqué portant sur un contrat de location avec option d'achat et sur le défaut de livraison d'un véhicule automobile de marque Jaguar.

Surtout, aucun élément de la présente procédure ne vient attester du défaut de délivrance de la chose louée par la bailleresse dont il est fait état et il ne peut donc être retenu que la société Vuc a contrevenu, durant les périodes ici considérées, à l'obligation posée par l'article 1719 du code civil dont elle est débitrice.

Ces divers motifs conduisent à rejeter la contestation de la créance afférente auxdites époques par les appelantes..

Sur la contestation de la créance de loyers durant la période de confinement

Les appelantes se prévalent sur ce point du manquement de la bailleresse à ses obligations essentielles de délivrance et de bonne foi durant les périodes successives de confinement et, affirmant que par le jeu de l'exception d'inexécution, elle n'était plus tenue de payer les loyers durant la période de fermeture, elle soutient, sur la base d'un loyer trimestriel de 11.333,71 euros TTC et une durée totale de 158 jours (56 + 28 + 74) qu'elle n'est pas redevable de la somme de 19.896,78 euros TTC.

L'intimée rétorque que l'exception d'inexécution suppose, pour sa mise en oeuvre et selon les termes de l'article 1219 du code civil, que 'l'autre (partie) n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave' et que les locaux ont été laissés à la disposition de la société Math'Ys durant la période d'urgence sanitaire.

Elle soutient également, en se réclamant en particulier de multiples décisions des juges du fond, qu'un tel moyen n'a pas été retenu par la jurisprudence appelée à statuer dans le cadre de la crise sanitaire et que l'exonération du paiement des loyers dus par le locataire ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire.

Ceci étant exposé, il convient de considérer que l'article 11 de la loi d'habilitation du 23 mars 2020 n'autorisait le gouvernement, durant la crise sanitaire, qu'à 'prendre des mesures permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers' sans remettre en question le droit commun des baux et que l'article 4 des ordonnances du 25 mars 2020 n'a fait que paralyser les sanctions légales ou contractuelles susceptibles d'être normalement mises en oeuvre.

En outre, s'agissant du manquement à l'exigence de bonne foi, la demande des appelantes tend à remettre en cause l'exigibilité même du loyer durant cette période alors que, comme il a été dit précédemment, l'exigence de bonne foi n'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties'.

En toute hypothèse, le processus de négociation entrepris dont font état les appelantes dans leur présentation factuelle concernait une renégociation des loyers et, à l'instar du commandement critiqué, elle s'est inscrite dans une période précédent de plusieurs mois le début de la première période de confinement.

De plus, il y a lieu de relever que, durant la période en cause, les appelantes ne justifient d'aucune démarche tendant à obtenir le report ou l'étalement du paiement des loyers ou toute autre mesure d'adaptation aux circonstances à l'occasion de laquelle la bailleresse aurait eu un comportement contraire à la bonne foi, pas plus qu'elles n'invoquent la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée à leur encontre durant ces périodes.

S'agissant de l'exception d'inexécution par ailleurs invoquée, il résulte de la doctrine de la Cour de cassation appelée à se prononcer sur de multiples litiges comportant ce même moyen selon lequel l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les lieux conformément à la destination prévue au bail, même si elle est imposée par les pouvoirs publics, constitue un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le preneur invoque l'exception d'inexécution qu' 'ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l'impossibilité d'exploiter, qu'elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d'appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance' (Cass civ 3ème, 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20190, publié au bulletin) ou encore que 'l'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être (...) imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance' (Cass civ 3ème, 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20127, publié au bulletin).

La présentation lapidaire de ce moyen par les appelantes ne conduisant pas la cour à de plus amples débats, il convient de rejeter la demande tendant à voir la société Math'Yv exonérée de l'obligation de payer les loyers et les charges convenus durant ces 158 jours de restriction d'accueil du public considérée.

II - Sur la demande en paiement de la bailleresse formée à titre reconventionnel

Il y a lieu de rappeler que pour évaluer comme il l'a fait le montant de la créance locative de la SNC Vuc, le tribunal, statuant en considération d'un décompte arrêté au 04 octobre 2022, a retenu :

au titre des loyers et des charges locatives impayés à cette date :

la somme de 162.761,85 euros

au titre des intérêts de retard conventionnels prévus à l'article 7 des conditions générales (réclamés dans les termes de cette stipulation, soit à hauteur du taux d'intérêt mensuel de l'Eonia, remplacé depuis le 1er janvier 2022 par le taux Ester, majoré de 400 points de base l'an), après qualification de cette clause en une clause pénale et caractérisation de l'excès manifeste :

les intérêts au taux Ester majorés de 150 points à compter du 11 décembre 2019, date du commandement de payer, sur la somme de 27.793,86 euros et à compter du jugement pour le surplus, ceci avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 (ancien) du code civil,

au titre de l'indemnitaire forfaitaire stipulée à l'article 26.1 du contrat prévoyant, à défaut de paiement de toutes sommes par le preneur et à la suite de l'envoi d'une lettre de rappel par pli recommandé, une majoration de 10% (réclamée à ce taux), après qualification de cette clause en une clause pénale, assimilation de l'assignation et des conclusions à cette mise en demeure et constat que cette clause indemnisait le même préjudice que la clause d'intérêts de retard :

une indemnité forfaitaire de 4.000 euros,

au titre du remboursement des frais de recouvrement et de procédure prévus à l'article 26.2.2 du contrat :

aucune somme, la demande étant rejetée au motif que la société Vuc ne justifiait pas de leur engagement.

En cause d'appel, tandis que la SNC Vuc intimée poursuit la confirmation du jugement, tant en son évaluation des intérêts de retard qu'en celle retenue au titre de l'indemnité forfaitaire de 10%,et ne sollicite que l'actualisation de la condamnation prononcée au titre de la dette locative s'établissant, soutient-elle, à la somme de 180.275,73 euros suivant nouveau 'décompte' arrêté au 05 janvier 2024,les appelantes, qui se prévalent du prononcé, le 21 février 2023, du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire pour dire, notamment, que les intérêts sont définitivement arrêtés depuis cette date, poursuivent l'infirmation du jugement en sa condamnation au titre des intérêts de retard comme au titre de l'indemnité forfaitaire de 10% pour en réclamer le rejet pur et simple, évoquant en outre la désertification et la situation préoccupante du centre commercial menaçant la pérennité des petits commerces.

Cela étant, force est de considérer que la société Vuc, demanderesse reconventionnelle dans le cadre de l'instance en opposition à commandement initiée par la société Math'Yv alors in bonis, s'abstient de tenir compte de l'existence de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prononcée par jugement du 21 février 2023 par le tribunal de commerce de Versailles, au passif de laquelle elle ne justifie pas, au demeurant, avoir déclaré sa créance.

Ce qui a pour effet d'interrompre l'instance.

Par ailleurs, en application de l'article L 622-21 du code de commerce, il convient de rappeler que 'le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant :

(1°) à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...)'.

La présente instance ne peut donc tendre qu'à la constatation des créances et à la fixation de leur montant au passif de la société Math'Yv et non point prononcer une condamnation au paiement, comme il est demandé.

Et à admettre qu'elle soit en mesure de justifier de sa déclaration de créance, s'il est vrai qu'au besoin l'application de ce texte peut être relevée d'office, il n'en demeure pas moins que la société Vuc entend actualiser sa créance en se bornant à produire deux 'relevés de compte locataire' arrêtés au 05 février 2024 couvrant sur 44 pages des loyers, charges honoraires, acomptes sur charges, acomptes sur travaux, taxes, pénalités, ... comptabilisés depuis le 22 juillet 2011 jusqu'au 10 décembre 2023 puis du 03 avril 2023 jusqu'au jusqu'au 02 février 2024 (pièces n° 42 et 43) sans nulle ventilation de ses différents postes.

Elle laisse, de plus, sans réponse l'argumentation adverse tendant à voir juger qu'en raison des effets de l'ouverture de la procédure collective il doit être fait application de l'article L 622-28 du code de commerce auquel renvoie l'article L 631-14 du même code régissant la procédure de redressement judiciaire, selon lequel 'le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations (...)'.

Elle ne se prononce pas non plus sur le sort qu'il convient de réserver, du fait de cette procédure, aux intérêts de retard convenus analysés par les premiers juges en une clause pénale pas plus que sur la capitalisation des intérêts réclamée ou encore sur la seconde pénale stipulée à l'article 26.2.1 du contrat.

Il résulte, par conséquent, de ce qui précède qu'en application des dispositions du code de commerce précité et étant rappelé que la méconnaissance de ces exigences est sanctionnée par l'article 372 du code de procédure civile, de considérer que le défaut de justification de la production au passif de la société Math'Yv constitue pour la cour un empêchement à statuer sur la demande reconventionnelle de la société Vuc, et que la présente instance est interrompue sur ce point, l'interruption des instances en cours étant le corollaire du principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites.

En outre, si les conditions de la reprise d'instance venaient à être satisfaites, ce dont il appartiendra à la société Vuc de justifier devant le conseiller de la mise en état dans le délai de quatre mois du prononcé du présent arrêt, la société Vuc est invitée à présenter une demande de fixation de sa créance explicitée dans un décompte ventilant le principal, les éventuels intérêts et pénalités, ainsi que les frais et accessoires et de conclure à nouveau en prenant en considération la situation juridique de la société Math'Yv et de ses effets sur les différents chefs de créance revendiqués afin que, dans le respect du contradictoire, la société Math'Yv puisse y répliquer et que la présente cour soit en mesure de statuer utilement.

En revanche, le défaut de déclaration de créance faisant obstacle à la reprise d'instance, il sera procédé à la radiation de l'affaire au terme du délai de quatre mois imparti du fait de ce défaut de diligences de la société Vuc avec mention que, par application de l'article 392 du code de procédure civile, l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

Déclare recevables en leur intervention volontaire la Selarl Glaj, prise en la personne de maître [W] [G], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la Selarl Jsa, prise en la personne de maître [T] [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Math'Yv, nommés en ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Versailles rendu le 21 février 2023;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions portant condamnation de la société Math'Yv Sarl, sur demande reconventionnelle, au paiement des loyers et charges locatifs, outre intérêts et anatocisme, ainsi que de l'indemnité forfaitaire contractuellement fixée à 10% des sommes impayées et, statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Vu le jugement rendu le 21 février 2023 par le tribunal de commerce de Versailles ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Math'Yv Sarl,

Constate l'interruption de l'instance en ce qu'elle porte sur la demande en paiement reconventionnellement formée à l'encontre de la société à responsabilité limitée Math'Yv ;

Dit que la société en nom collectif Vuc devra justifier, à peine de radiation de l'affaire circonscrite par le présent arrêt à la fixation des impayés locatifs reconventionnellement réclamés, de ses diligences destinées à permettre la reprise d'instance, ceci dans le délai de quatre mois, et renvoie, pour ce faire, à l'audience du juge de la mise en état du 24 septembre 2024 ;

Invite la société Vuc, à défaut du prononcé de la radiation de l'affaire, à présenter une demande de fixation de sa créance explicitée poste par poste dans un décompte et de conclure à nouveau en prenant en considération la situation juridique de la société Math'Yv et de ses effets sur les différents chefs de créance revendiqués afin que, dans le respect du contradictoire, la société Math'Yv puisse y répliquer et que la présente cour soit en mesure de statuer utilement ;

Réserve les dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/00787
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.00787 ?
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