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02/05/2024 | FRANCE | N°22/01298

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 02 mai 2024, 22/01298


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58G



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 22/01298



N° Portalis DBV3-V-B7G-VBHK





AFFAIRE :



S.A. AXA FRANCE IARD



C/



[O], [M], [U] [T]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Février 2022 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 20/01592



Expéditions exéc

utoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Anne-sophie DUVERGER de la SCP C R T D ET ASSOCIES





Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58G

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 22/01298

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBHK

AFFAIRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

[O], [M], [U] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Février 2022 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 20/01592

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-sophie DUVERGER de la SCP C R T D ET ASSOCIES

Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-sophie DUVERGER de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Postulant,/plaidant avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713, substituée par Me Ilona JOBERT

APPELANTE

****************

Monsieur [O], [M], [U] [T]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

Représentant : Me Sophie MOUTOT NOCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 février 2024, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE :

Le 13 mai 2016, M. [O] [T], alors qu'il circulait à vélo, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par M. [A] [E], assuré auprès de la société Axa France Iard.

M. [T], alors âgé de 62 ans, a fait l'objet d'un examen médical amiable effectué par les docteurs [C] et [J] dont les conclusions en date du 26 juin 2019 sont les suivantes :

- blessures subies : un traumatisme de l'épaule avec luxation acromio-claviculaire droite traitée par immobilisation et par infiltration

- pas d'hospitalisation imputable

- pas d'incapacité professionnelle imputable : patient retraité mais arrêt des activités d'aide bénévole au sein de l'entreprise familiale pendant trois semaines ;

- déficit fonctionnel temporaire :

Total : 13/05/2016

Partiel 50 % : 14/05/2016 au 04/06/2016

Partiel 25 % : 05/06/2016 au 05/10/2016

Partiel 10 % : 06/10/2016 au 24/02/2016

- déficit fonctionnel permanent : 5%

- aide humaine temporaire : 1h / jour du 14/05/2016 au 04/06/2016

- consolidation : 24 février 2017

- souffrances endurées : 2,5 /7

- préjudice esthétique : 1 /7

- préjudice d'agrément : "limitation des activités de vélo et gêne dans le jardinage avec nécessité d'aide pour la taille et élaguer les arbres - arrêt du dos crawlé".

Au vu de ce rapport, M [T], par actes en date du 26 décembre 2019, a assigné la société SA Axa France Iard et la CPAM des Yvelines devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Par jugement en date du 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [T] est entier,

- condamné la société Axa France à payer à M. [T] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :

* au titre des dépenses de santé restées à charge 161,42 euros,

* au titre des frais divers 1 652,81 euros,

* au titre de la tierce personne temporaire 70 460 euros,

* au titre du déficit fonctionnel temporaire 1 423,75 euros,

* au titre de la souffrance endurée 5 000 euros,

* au titre du préjudice esthétique temporaire 300 euros,

* au titre du déficit fonctionnel permanent .5 500 euros,

* au titre du préjudice esthétique 1 700 euros,

* au titre du préjudice d'agrément. 6 000 euros,

- déclaré le jugement déféré commun à la CPAM des Yvelines,

- condamné la société Axa France Iard aux dépens,

- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement déféré à concurrence de la moitié de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- rejeté pour le surplus.

Par acte du 3 mars 2022, la société Axa France Iard a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 7 octobre 2022,

-d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [T] au titre de la tierce personne avant consolidation la somme de 70 460 euros,

Statuant à nouveau,

- de fixer l'indemnisation de la tierce personne temporaire à hauteur de 308 euros,

- de débouter M. [T] de toute demande formée au titre d'un besoin en aide humaine spécifique au titre de l'aide à la taille des haies,

A titre subsidiaire,

- de fixer l'indemnisation du besoin d'assistance spécifique à hauteur de 41 439 euros,

- de condamner M. [T] à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d'appel avec recouvrement direct selon l'article 699 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement pour le surplus.

Par dernières écritures du 30 août 2022, M. [T] prie la cour de :

- juger M. "[X] [N]" (sic) recevable et bien fondée dans ses demandes,

- rappeler qu'il a déjà été jugé que le droit à indemnisation de M. [T] est intégral,

- confirmer le jugement entrepris en condamnant la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 352 euros au titre de son besoin en tierce personne pour les actes de la vie courante,

- confirmer le jugement entrepris en condamnant la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 30 888 euros au titre de son besoin en tierce personne pour la taille des haies et l'élagage des arbres pour la période du 13 mai 2016, jour de l'accident, au 13 mai 2022,

- réformer le jugement entrepris en condamnant la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 10.296 euros au titre de son besoin en tierce personne pour la taille des haies et l'élagage des arbres pour la période du 13 mai 2022 au 13 mai 2024 (sauf à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir),

- réformer le jugement entrepris en condamnant la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 75 037,25 euros au titre de son besoin en tierce personne pour la taille des haies et l'élagage des arbres à compter du 13 mai 2024 et pour l'avenir (sauf à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir),

- réformer le jugement entrepris en condamnant la société Axa France Iard à payer à M. [T] au titre de son déficit fonctionnel permanent :

- à titre principal, la somme de 19 086,76 euros,

- à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros,

- condamner la société Axa France Iard à payer à M. [T] les intérêts de droit, au double du taux légal, sur le montant total des indemnités qui seront allouées, créance de la CPAM et provision incluse, et ce pour la période allant du 26 novembre 2019 (soit 5 mois après la connaissance de la date de consolidation) jusqu'à la date à laquelle l'arrêt à intervenir sera devenu définitif,

- condamner la société Axa France Iard à payer à M. [T] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- prononcer les condamnations en deniers ou quittances.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que le droit à réparation intégrale de M [O] [T] n'est pas discuté par la SA Axa France Iard et que seuls les postes de préjudice critiqués fixés par le jugement (le besoin en tierce personne au titre de la taille et l'élagage des arbres, avant et après consolidation et pour l'avenir, ainsi que le déficit fonctionnel permanent) sont soumis par les parties à la présente juridiction.

La cour relève en outre que la CPAM n'a pas été appelée en cause d'appel, conformément à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que " (') les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (') L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt ".

Néanmoins, la CPAM des Yvelines, régulièrement assignée en première instance mais n'ayant pas constitué avocat, avait communiqué l'état définitif de ses débours qui s'élevaient à la somme de 864,75 euros, correspondant à des dépenses de santé déduites des sommes attribuées par le jugement en matière de dépenses de santé actuelles (avant consolidation). Le poste de préjudice patrimonial critiqué portant sur le besoin de tierce personne avant consolidation n'a pas entrainé de débours de la CPAM.

Le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 28 novembre 2017 utilisé en première instance servira de référence pour la présente décision.

Sur l'indemnisation du préjudice patrimonial d'assistance par une tierce personne

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 70 460 € dont 352 au titre de l'aide à la vie quotidienne, 30 888 € au titre de l'aide à la taille et l'élagage des arbres entre le 13 mai 2016 et le 13 mai 2022 et 39 220 € au titre de l'indemnisation à titre viager pour cette même aide.

Au soutien de sa demande de réformation du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre, la SA Axa France Iard soulève que la solution retenue par le tribunal a pour effet un enrichissement sans cause de la victime, en dépassant les besoins de M. [F] en contradiction avec le principe de la réparation intégrale du préjudice. Elle fait valoir que le premier juge n'a pas vérifié la réalité du besoin de M. [T] et critique la présentation de son jugement, qui a indemnisé les arrérages et le capital du besoin de tierce personne post consolidation dans l'examen du poste de préjudice patrimonial temporaire. Elle fait valoir également que M. [T] a bénéficié d'une aide familiale, tant pour l'aide ménagère que pour la taille des haies de sa maison, de sorte que le taux horaire appliqué devrait se rapprocher au plus proche de la convention du particulier employeur sur la base d'un smic horaire. De même, l'assureur fait valoir que M. [T] ne rapporte pas la preuve qu'il taillait ses haies avant l'accident et que les haies ont été taillées 3 fois par an après ledit accident. A titre subsidiaire, elle considère que la gêne au jardinage a déjà été indemnisée au titre du préjudice d'agrément, outre le fait que le coût de la taille est surévalué et qu'il convient d'arrêter l'indemnisation à l'âge de 80 ans, considérant que les besoins ultérieurs ne sont plus imputables à l'accident dont il a été victime. L'assureur demande l'application pour le calcul de l'euro de rente fixé par le BCRIV2021.

En réponse, M. [T] fait valoir d'une part, qu'il est de jurisprudence constante que l'indemnité allouée au titre de l'assistance tierce personne ne peut être réduite en cas d'assistance bénévole, ni subordonnée à la production de justificatifs, et d'autre part, que cette indemnité doit être fixée en considération des besoins de la victime. Il retient que le taux horaire proposé par l'assureur serait inférieur aux tarifs pratiqués par les sociétés d'aide à la personne en région parisienne. Il fait valoir que son besoin d'assistance est parfaitement établi par le rapport des experts et correspond à une réalité attestée par ses voisins et ses enfants qui se sont relayés pour tailler la haie. Il relève que le coût annuel de ce besoin proposé par l'assureur repose sur un devis établi par une société située à [Localité 5], à laquelle il a été indiqué un besoin sur la commune de [Localité 6], située dans le département du Pas-de-Calais et que ce devis ne saurait être retenu comme base, du fait du décalage avec les tarifs en vigueur des professionnels proches de son domicile, et des coûts de déplacement depuis [Localité 5] vers [Localité 8] non chiffrés dans le devis produit. Enfin, dans son appel incident, il fait valoir que l'indemnisation à titre viager a été appréciée sur la base du barème de la Gazette du Palais, de sorte qu'il n'y a pas lieu à la limiter à l'âge de 80 ans l'indemnité, ni de la diviser par deux comme l'a décidé le tribunal.

Sur ce,

La Cour rappelle que les dépenses liées à l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne, visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives (Cass. 2ème civ 17 février 2005 n°03-15.739), mais quelles que soient les modalités choisies par la victime, les indemnités allouées à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un profit.

Sur l'aide dans les actes de la vie quotidienne

En l'espèce, le besoin de M. [T] a été fixé par l'expert à 1h par jour durant 22 jours, correspondant à la période d'immobilisation par bandage.

Le besoin et la réalité de l'assistance familiale n'étant pas contestée sur la période, il y a lieu de retenir un taux proche du SMIC horaire.

La SA Axa France Iard propose la somme de 14 euros de l'heure, plus proche que celle de 16 euros retenue par le tribunal et M. [T].

Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point et la somme de 22 x 14 euros soit 308 euros retenue au titre des actes de la vie quotidienne.

S'agissant du besoin en tierce personne pour la taille et l'élagage des arbres avant consolidation

Le rapport d'expertise a retenu la " nécessité d'aide pour la taille et élaguer les arbres " et, avant consolidation, une " gêne temporaire totale dans toutes les activités personnelles ". Il reprend les déclarations de M. [T] qui relève " un enraidissement douloureux au niveau de l'épaule droite avec gène pour les mouvements au-dessus de l'horizontale ".

Le besoin est par ailleurs attesté par les photos du jardin produites, sur lesquelles une haie de thuyas est visible ainsi qu'un arbre et des arbustes.

Ces éléments sont suffisants à établir un besoin d'assistance identifié, qu'il soit avant (assistance totale) ou après consolidation (aide à l'élagage et la taille), indépendamment du fait de savoir si M. [T] taillait lui-même et avec ses propres outils ses arbres avant l'accident, dès lors qu'il ne peut plus rester les bras en hauteur de manière prolongée comme le nécessite l'élagage des arbres et la taille des haies.

Il ressort des pièces produites au débat que la taille trois fois par an correspond à la taille d'une haie vigoureuse, et cette périodicité dans le cas de M. [T] est contestée par l'assureur, qui considère que M. [T] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle était effectuée 3 fois par an et qui produit des extraits de sites internet spécialisés selon lesquels la taille d'une haie de thuyas doit être généralement faite deux fois par an.

En l'espèce cependant, les fils de M. [T] ont attesté avoir effectué ce travail pour leur père après son accident, ce qui est attesté par les voisins ainsi que le fait que M. [T] taillait régulièrement sa haie au moins 3 fois par an avant son accident.

M. [T] produit divers devis post accident datant de 2016 et 2018 d'une société située dans le Val-de-Marne, ainsi qu'une facture du 27 mai 2022, d'un montant de 1716 euros, payée à la société Au clair du jardin, située à [Localité 8], pour la taille de ses thuyas et l'élagage d'un arbre, démontrant à la fois les tarifs similaires d'une taille et leur évolution avec le temps.

Le devis produit par la SA Axa France Iard rédigé par une entreprise non spécialisée dans le jardinage, située à [Localité 5] pour une prestation sur une commune du Pas-de-Calais, est en décalage avec le besoin caractérisé de M. [T] qui ne réside pas dans le Pas-de-Calais.

Ces devis restent cependant imprécis sur le nombre d'heures nécessaires à cet élagage. L'expertise ne chiffre pas non plus ni n'objective le besoin horaire d'assistance nécessaire annuel.

La cour relève que l'expert a précisé que M. [T] avait une gêne temporaire totale dans toutes les activités personnelles avant consolidation, ce qui inclut nécessairement la taille et l'élagage des arbres durant cette période et caractérise un besoin de remplacement complet uniquement sur cette période.

Dès lors, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu la base de la facture produite par M. [T] pour chiffrer ce besoin.

En revanche, il devra être retenu que cette facture fait état d'un arbre élagué (prunus) qu'il convient de retirer (- 282 euros TTC) dès lors qu'il n'est pas établi par M. [T] ni par les attestations produites que l'arbre a été taillé au moment de la période de gêne totale avant consolidation, du 13 mai 2016 au 24 février 2017. La cour retient que durant cette période, M. [T] n'a pu faire les 3 tailles de sa haie et que son préjudice s'évalue à la somme calculée sur la période arrondie à un an :

3 tailles x 1 an x 1434 euros soit 4 302 euros.

En conséquence, la somme retenue au titre de ce poste du besoin d'assistance par tierce personne avant consolidation est : 308 euros + 4302 euros = 4 610 euros

S'agissant du besoin en tierce personne pour la taille et l'élagage des arbres après consolidation

Le tribunal a retenu 30 888 euros au titre des arrérages et 39 220 € au titre de l'indemnisation à titre viager pour cette aide en divisant par deux cette dernière somme obtenue en application du barème de la Gazette du Palais 2018, en considérant l'incertitude de l'âge auquel M. [T], personne décrite comme ayant une excellente condition physique, aurait cessé de tailler lui-même ses haies.

La Cour retient que l'expert n'a pas indiqué la nécessité que M. [T] soit remplacé intégralement pour cette activité, mais uniquement qu'il y avait une " nécessité d'aide " pour la taille et l'élagage des arbres. Si ce dernier mentionne qu'il peut plus rester les bras en hauteur, comme le nécessite l'élagage des arbres et la taille des haies, il n'en reste pas moins que la cour, à défaut de chiffrage horaire par l'expert et d'objectivation du besoin futur, retiendra pour chiffrer la demande, une aide correspondant à deux tailles par an et non trois, sur le fondement précédemment retenu de la facture payée en 2022 de 1716 euros.

Par ailleurs, la gêne n'étant pas la nécessité de remplacement sur cette activité, le montant retenu comme base annuelle sera réduit de moitié.

Le coût annuel de la tierce personne étant déterminé à 2 tailles d'un montant de 1716 euros soit 3 432 euros annuel, il convient d'allouer à M. [T] les arrérages échus en capital correspondant aux dépenses déjà engagées entre la consolidation et la date de la présente décision, et les arrérages à échoir après la décision sous forme de rente ou en capitalisant le coût annuel.

Il y a lieu d'indemniser à titre viager en capital dès lors qu'il n'est pas possible de prédire jusqu'à quel âge M. [T] aurait pu élaguer lui-même ses arbres. L'indemnisation ne saurait être limitée en l'espèce à l'âge de 80 ans, car le barème retenu tient déjà compte dans son mode de calcul de l'espérance de vie des hommes et des femmes pour la France entière. Il convient à ce titre de relever que la table de mortalité retenue par le barème de la Gazette du Palais 2018 (tables 2010-2012), correspond à la table retenue par le BCRIV, utilisé par l'assureur. De la même manière, le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit justifie de conserver en l'espèce les sommes retenues en application du barème en minorant cette somme dès lors qu'elles viennent indemniser une gêne et non une incapacité totale à effectuer ce type d'activité.

Ainsi, du 24 février 2017 au 2 mai 2024 (date de la présente décision), que la cour arrondit à 7 ans, les arrérages alloués seront les suivants :

(3 432 euros x 7 ans)/ 2 = (24 024 euros /2) = 12 012 euros

En outre, en mai 2024, M. [T] a 70 ans. Le point d'euro de rente viagère pour un homme de 70 ans est de 13,917. Ainsi le calcul est le suivant, incluant de la même manière une réduction de moitié dès lors qu'il s'agit d'une gêne mentionnée par l'expert et non d'une assistance complète :

(3 432 euros x 13,917)/2 = 47 763,14 euros/2 = 23 881,57 euros.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé, et la somme retenue au titre de ce poste de préjudice pour l'élagage et la taille des arbres est la suivante :

12 012 euros + 23 881,57 euros = 35 893,57euros

Sur le déficit fonctionnel permanent

Le tribunal a alloué la somme de 5 500 € à M. [T] au titre de ce préjudice.

Au soutien de sa demande de réformation et d'indemnisation à hauteur de 19 086,86 euros, M. [T] demande à ce que la cour rejette l'évaluation forfaitaire calculer sur la base de la valeur d'un point, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, des juridictions de premier degré, et de la Cour de cassation belge, en appliquant le calcul sur une base journalière, afin de tenir compte de l'ensemble des composantes de son préjudice, dont les douleurs associées à l'atteinte séquellaire et les troubles dans les conditions d'existence.

En réponse, la SA Axa France Iard soutient que le calcul effectué par le tribunal à hauteur de 1100 euros du point est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

S'il est vrai que le taux du déficit fonctionnel est évalué par l'expert et que ce dernier ne peut pas toujours prendre en compte les douleurs permanentes si le médecin n'a pas d'élément pour évaluer les troubles dans les conditions d'existence, il s'avère que le rapport concernant le préjudice de M. [T] a été rendu plus de deux ans après la consolidation avec des éléments précis, concernant les souffrances endurées associées à l'atteinte séquellaire et relève : la limitation des activités de vélo, alors que M. [T] justifiait de sa pratique régulière et soutenue en club, la gêne pour le jardinage (indépendamment du besoin de tierce personne pour l'élagage et la taille des haies), et reprend les éléments rapportés par le Dr [L] du 26 avril 2019, c'est-à-dire plus de deux ans après la consolidation, contenant des éléments de douleurs et gêne permanentes.

En l'espèce, l'expert a chiffré le déficit fonctionnel permanent à 5%.

Pour contester la valeur du point retenue par le tribunal, et demander sa majoration, M. [T] n'apporte pas d'élément complémentaire à la cour permettant de considérer que certaines douleurs endurées, associées à l'atteinte séquellaire et les troubles dans les conditions d'existence, n'auraient pas été indemnisées par la somme allouée au titre des différents postes du préjudice indemnisé.

La cour considère que le calcul du déficit fonctionnel permanent sur la base de la valeur du point en lien avec l'âge de la victime et son incapacité permanente intègre en l'espèce l'ensemble des composantes de ce poste et n'ignore pas les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, ainsi que les conséquences liées à l'atteinte.

Il y a donc lieu de retenir en l'espèce le mode de calcul de l'indemnité réparant le déficit fonctionnel fixé en multipliant le taux du déficit fonctionnel par une valeur du point. La valeur du point est elle-même fonction du taux retenu par l'expert et de l'âge de la victime à la consolidation.

Le jugement sera confirmé sur ce poste.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Au soutien de sa demande de doublement des intérêts, M. [T] retient que le jugement a confondu l'offre faite en 2018 et celle envoyée le 31 juillet 2019 et que l'offre faite n'était pas complète, en sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il n'y a pas eu d'offre du tout.

En réponse, la société Axa fait valoir que son offre comprenait des postes réservés, comme la tierce personne pour la taille des haies, le préjudice d'agrément et les dépenses de santé actuelles, en raison de l'absence de justificatifs lui permettant de faire une offre correspondant au préjudice de M. [T].

En l'espèce, l'offre, sous forme de procès-verbal de transaction, faite le 22 janvier 2018 mentionne " l'indemnisation de tous les postes de préjudices patrimoniaux ainsi que les postes de préjudices extrapatrimoniaux est fixée d'un commun accord à 9 697 € ".

Force est de constater que cette offre ne mentionne pas ni les frais de tierce personne ni le préjudice d'agrément ni encore une somme représentant les frais d'assistance du Dr [J] aux opérations d'expertise, alors même que certains éléments étaient connus de l'assureur au moment de cette offre. La signature de cette transaction aurait mis fin à toute demande au titre de plusieurs postes de préjudice qui ont finalement été reconnus par le tribunal.

L'offre ultérieure du 31 juillet 2019, postérieure à la remise du rapport d'expertise le 26 juin 2019 ne vient pas plus réserver le besoin d'assistance à tierce personne après le 4 juin 2016 ou même la gêne pour le jardinage et la limitation de l'activité de vélo au titre du préjudice d'agrément, ne demandant que des justificatifs de la pratique du dos crawlé.

Il s'ensuit que l'offre doit être considérée comme insuffisante comme ne revêtant pas le caractère d'offre complète qui vise l'ensemble des préjudices.

En conséquence, le jugement sera infirmé et le doublement des intérêts ordonné à compter de l'expiration du délai de 5 mois après la connaissance de la date de consolidation, soit le 26 novembre 2019 et jusqu'au jour de l'arrêt définitif.

Sur les autres demandes

Des sommes au titre du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre ayant été déjà versées comme en témoigne une copie de chèque versée à la cour, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [T] de condamnation au paiement des sommes allouées en deniers et quittances,

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

La SA Axa France Iard succombant principalement, est condamnée à verser à M. [T] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétible engagés, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa France à payer à M. [T] la somme au titre du déficit fonctionnel permanent de 5 500 euros,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Axa France à payer à M. [O] [T] la somme au titre de la tierce personne temporaire de 70 460 euros,

- condamné la société Axa France à payer à M. [T] les sommes à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA Axa France Iard à verser à M. [T] la somme de 4 610 euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne avant consolidation (soit 308 euros au titre de l'assistance à la vie quotidienne et 4 302 euros pour l'élagage et la taille des arbres),

CONDAMNE la SA Axa France Iard à verser à M. [T] la somme de 35 893,57euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation,

CONDAMNE la SA Axa France Iard à verser à M. [T] les intérêts de droit au double du taux légal, sur le montant total des indemnités allouées, à compter de l'expiration du 26 novembre 2019 et jusqu'au jour du présent arrêt,

DIT que ces condamnations seront payées en deniers et quittances,

CONDAMNE la SA Axa France Iard à verser à M. [T] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Axa France Iard aux dépens,

DEBOUTE les parties du surplus de leur demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Florence PERRET, Président et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 22/01298
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.01298 ?
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