COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 35Z
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 AVRIL 2024
N° RG 23/00098 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VTOE
AFFAIRE :
S.C.I. ROMAIN AVENIR
C/
[S] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Novembre 2022 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/04631
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Joseph SOUDRI,
Me Fanny COUTURIER
TC Pontoise
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. ROMAIN AVENIR
N° SIRET : 499 120 673
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Joseph SOUDRI, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 19
APPELANTE
****************
Monsieur [S] [C]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Fanny COUTURIER, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 191 - N° du dossier 23484
Représentant : Me Alexis ZEKRI-POSTACCHINI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, magistrat honoraire, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,
Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,
Le 16 juillet 2007, M. [S] [C], M. [E] [W] [M] et Mme [R] [M] ont constitué entre eux la SCI Romain Avenir, les parts sociales étant réparties de la manière suivante : M. [C] 50 %, M. [M] 25%, Mme [M] 25%, cette dernière étant la mère de M. [C].
Cette SCI familiale a été constituée pour l'acquisition et la gestion d'un bien immobilier situé à [Adresse 6].
Le 14 septembre 2007, la société Romain Avenir a contracté un prêt pour l'acquisition de ce bien pour un montant total de 144 670 euros. Le montant des échéances mensuelles était de 802,48 euros.
Par courrier du 18 décembre 2018, M. [C] a informé les époux [M] qu'il souhaitait vendre ses parts sociales, leur proposant de les acquérir, faute de quoi il envisageait de les céder à un tiers. Cette proposition est restée sans suite.
Par acte du 22 octobre 2020, la société Romain Avenir a assigné M. [C] devant le tribunal judiciaire de Pontoise, aux fins de le contraindre à exécuter ses obligations d'associé, lequel par jugement contradictoire du 25 novembre 2022, a :
- débouté la société Romain Avenir de ses demandes ;
- débouté M. [C] de ses demandes ;
- condamné la société Romain Avenir aux dépens ;
- condamné la société Romain Avenir à verser à M. [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 5 janvier 2023, la société Romain Avenir a interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 février 2024, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner M. [C] au paiement des sommes de :
- 29 691, 76 euros au titre du crédit afférent à l'acquisition du bien immobilier ;
- 3 074,00 euros au titre des taxes foncières ;
- 1 411, 74 euros au titre des travaux ;
- 4 199, 31 euros au titre des charges de copropriété ;
- 3 347, 93 euros au titre de l'alimentation du compte bancaire de la société;
- condamner M. [C] au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 10 000 euros pour inexécution de ses obligations ;
- condamner M. [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Soudri et Zeine.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 février 2024, M. [C] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, L'infirmer sur ce point ;
En conséquence,
- dire que la société Romain Avenir n'a jamais été correctement gérée ;
- dire qu'aucune assemblée générale n'a été réunie ;
- dire qu'aucun rapport de gestion n'a été effectué par le gérant ;
- dire que la société ne produit aucun document comptable probant ;
- dire que la société n'a jamais reversé les revenus fonciers lui revenant ;
- le recevoir en ses demandes et y faire droit ;
- dire qu'il a subi des préjudices conséquents ;
- condamner la société Romain Avenir à lui régler la somme de 57 350 euros au titre des revenus fonciers lui revenant ;
- condamner la société Romain Avenir à lui régler la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner la société à lui régler la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner la compensation entre les sommes qu'il pourrait devoir, et celles que lui doit la société Romain Avenir.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 février 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - sur la demande en paiement formée par la société Romain Avenir
La société Romain Avenir reproche à M. [C] de ne pas respecter ses obligations d'associé, en ce qu'il refuse de contribuer au règlement de la quote-part de ses charges récurrentes. Elle soutient, sur le fondement des articles 1832 et 1844-1 du code civil relatifs à la contribution des associés aux pertes de la société, que M. [C], détenteur de 50% des parts sociales doit contribuer, à hauteur de ces parts, au paiement des différentes 'charges' de la société, à savoir : le crédit afférent à l'acquisition du bien immobilier, les impôts fonciers, les primes d'assurances et les travaux nécessaires à l'entretien du bien immobilier. Elle forme en outre une demande indemnitaire au motif que M. [C] a occulté ses obligations d'associé, et qu'il s'est désintéressé de la société.
M. [C] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la société Romain Avenir, au motif que l'obligation aux dettes de la société n'est instituée qu'au profit des tiers en application de l'article 1857 du code civil. Il fait valoir que la société n'étant pas un tiers, elle n'a pas qualité pour réclamer aux associés le remboursement du prêt immobilier. Il ajoute que la société Romain Avenir ne rapporte pas la preuve des sommes dont elle sollicite paiement, et indique avoir effectué certains règlements, sans que ces derniers apparaissent sur les tableaux produits par la société. Il s'oppose en outre à la demande indemnitaire formée à son encontre.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article 1832 du code civil que la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
L'article 1844-1 du même code dispose que la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social.
L'article 21 des statuts de la société Romain Avenir stipule que : 'les bénéfices distribuables sont constitués par les bénéfices nets de l'exercice, diminués des pertes antérieures et augmentés des reports bénéficiaires. Ces bénéfices sont à la disposition des associés et répartis à proportion du nombre de parts de chacun d'eux'. Les statuts ne comportent aucune disposition quant à la répartition des pertes, à un moment autre que lors de la liquidation de la société.
Contrairement à ce que soutient la société Romain Avenir, les notions, d'une part de contribution aux charges courantes de la société, d'autre part de contribution aux pertes de la société, ne doivent pas être confondues.
Bien qu'elle soutienne agir sur le fondement de l'article 1844-1 du code civil, la société Romain Avenir ne forme pas de demande de contribution aux pertes - ce qui supposerait la production d'un bilan et la démonstration d'une perte comptable - mais une demande en paiement d'une contribution aux charges courantes de la société.
Le fonctionnement d'une société n'implique cependant pas de contribution des associés aux charges courantes, celles-ci devant être assumées par la société elle-même. S'il reste possible, lorsque la société ne génère pas suffisamment de ressources pour équilibrer son budget, de prévoir des versements des associés, ces versements ne peuvent toutefois résulter que d'une disposition statutaire, voire d'une délibération d'assemblée.
En l'absence de toute disposition statutaire obligeant les associés à effectuer des versements - au titre, soit des échéances du prêt immobilier, soit des dépenses fiscales ou autres - les associés ne sont tenus qu'à la contribution aux pertes qui s'apprécie soit en fin d'exercice comptable au regard du bilan produit, soit au moment de la liquidation de la société.
La société Romain Avenir ne justifiant, ni d'une disposition statutaire imposant aux associés le versement de sommes permettant de faire face aux charges de la société, ni de l'existence d'un bilan permettant d'établir une perte, elle n'est pas fondée en ses demandes en paiement à l'encontre de M. [C]. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement.
S'agissant de la demande indemnitaire formée par la société Romain Avenir à l'encontre de M. [C], elle est fondée sur le fait que ce dernier aurait occulté ses obligations d'associé en ne réglant pas les charges courantes de la société, et en se désinterressant de la société. Il a toutefois été démontré que le défaut de paiement des charges courantes de la société n'est pas constitutif d'un manquement de M. [C] à ses obligations. La demande indemnitaire formée par la société Romain Avenir doit donc être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
2 - sur les demandes reconventionnelles formées par M. [C]
M. [C] reproche à M. [M], gérant de la société Romain Avenir, différentes fautes de gestion, et notamment l'absence de tenue d'une comptabilité, l'absence de convocation d'assemblée générale et l'absence de dépôt d'espèces sur le compte bancaire de la société. Il soutient subir un préjudice important en lien avec ces manquements, du fait que les bénéfices de la société, constitués de l'encaissement de loyers, n'ont jamais été répartis, et sollicite à ce titre paiement d'une somme de 57 350 euros correspondant à la moitié des loyers perçus. Il sollicite en outre réparation de son préjudice moral à hauteur de 5 000 euros, invoquant le refus des époux [M], d'accepter une cession de ses parts, outre la pression qu'ils exercent à son encontre.
La société Romain Avenir s'opposent aux demandes formées à son encontre, soutenant qu'il n'existe pas de bénéfices, mais uniquement des pertes.
Réponse de la cour
M. [M], gérant de la société Romain Avenir, n'étant pas partie à la présente instance, il n'est pas possible de statuer sur ses éventuels manquements dans la gestion de la société.
En l'absence de production d'un bilan, il n'est justifié d'aucun bénéfice, au surplus distribuable, en sorte que la demande formée par M. [C] relative à la répartition de bénéfices provenant de l'encaissement de loyers par la société doit être rejetée.
La demande en réparation d'un préjudice moral, bien que dirigée contre la société Romain Avenir, se fonde sur d'éventuelles fautes commises par les époux [M]. Aucun manquement n'étant imputé à la société Romain Avenir, la demande indemnitaire doit être rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 25 novembre 2022,
Et y ajoutant,
Condamne la société Romain Avenir à payer à M. [S] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Romain Avenir aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,