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30/04/2024 | FRANCE | N°22/05891

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 30 avril 2024, 22/05891


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



chambre 1 - 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 AVRIL 2024



N° RG 22/05891 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VNV3



AFFAIRE :



S.A. LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)



C/



M. [F] [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOULOGNE BILLANCOURT



N° RG : 11-22-00

0263



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30/04/24

à :



Me Oriane DONTOT



Me Mélodie CHENAILLER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

chambre 1 - 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 AVRIL 2024

N° RG 22/05891 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VNV3

AFFAIRE :

S.A. LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)

C/

M. [F] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOULOGNE BILLANCOURT

N° RG : 11-22-000263

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30/04/24

à :

Me Oriane DONTOT

Me Mélodie CHENAILLER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20220718

Représentant : Maître Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0298 -

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [I]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Maître Mélodie CHENAILLER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 125

Représentant : Maître Olivier LIGETI de l'AARPI ALMATIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0560 -

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Novembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 11 septembre 2015, la société Crédit Industriel et Commercial (CIC) a accordé à M. [I] un contrat renouvelable d'un montant de 50 000 euros d'une durée d'un an renouvelable au taux révisable et variable selon l'utilisation des fonds.

Par acte de commissaire de justice délivré le 3 avril 2018, la société Crédit Industriel et Commercial a assigné M. [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire:

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 49 692, 03 euros au titre du déblocage du crédit renouvelable retracé sur le compte n°[XXXXXXXXXX04] outre les intérêts au taux contractuel à compter du 20 mars 2018 et jusqu'à complet paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 8 septembre 2022, le tribunal de proximité de Boulogne Billancourt a :

- constaté que la péremption de l'instance est acquise depuis le 20 novembre 2021,

- constaté, en conséquence, l'extinction de l'instance entre les parties,

- condamné la société Crédit Industriel et Commercial aux entiers dépens de la procédure,

- débouté les parties des demandes qu'elles formulent au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe en date du 23 septembre 2022, la société Le Crédit Industriel et Commercial a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 16 juin 2023, la société Le Crédit Industriel et Commercial, appelante, demande à la cour de :

- juger que la procédure étant orale, les demandes de rétablissement de l'affaire au rôle faites par la société Le Crédit Industriel et Commercial par courriers RAR des 11 juin 2020, 4 octobre 2021 et 28 février 2022 ont interrompu la péremption de l'instance,

- juger que l'affaire n'était nullement périmée lors de l'audience de plaidoiries du 7 juin 2022,

- juger que la demande de M. [I] de nullité de la déchéance du terme est nouvelle en cause d'appel et est donc irrecevable,

- juger que l'action de M. [I] en responsabilité de la société Le Crédit Industriel et Commercial pour un prétendu manquement à son obligation de mise en garde est prescrite,

- juger que M. [I] ne rapporte ni la preuve du préjudice prétendument subi du fait des agissements de la société Le Crédit Industriel et Commercial ni celle du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,

- juger que M. [I] n'est nullement un débiteur malheureux et de bonne foi pouvant bénéficier de délais de paiement,

En conséquence,

- débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- condamner M. [I] à payer à la société Le Crédit Industriel et Commercial somme de 49692,03 euros au titre du déblocage du crédit renouvelable retracé sur le sous-compte n°[XXXXXXXXXX03]

[XXXXXXXXXX03], outre les intérêts au taux contractuel de 5,70% l'an à compter du 20 mars 2018, date de la dernière mise en demeure, jusqu'à complet paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts dès que dus pour une année entière,

En toute hypothèse,

- condamner M. [I] à payer à la société Le Crédit Industriel et Commercial la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 4 octobre 2023, M. [I], intimé, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé M. [I] en ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Le Crédit Industriel et Commercial de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt le 8 septembre 2022 en ce qu'il a :

- constaté que la péremption était acquise depuis le 20 novembre 2021,

- constaté en conséquence, l'extinction de l'instance entre les parties,

- condamné la société Le Crédit Industriel et Commercial aux entiers dépens de la procédure,

- débouté la société Le Crédit Industriel et Commercial de ses demandes au titre des frais irrépétibles,

Y faisant droit,

- débouter la société Le Crédit Industriel et Commercial de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Le Crédit Industriel et Commercial à régler à M. [I], la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour devait infirmer le jugement du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt rendu le 8 septembre 2022 du chef de la péremption d'instance, il est sollicité de la cour de bien vouloir :

- dire n'y avoir lieu à évocation car M. [I] entend se prévaloir du double degré de juridiction,

En conséquence,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt afin qu'il soit statué sur les points non tranchés par le jugement du 8 septembre 2022,

A titre très subsidiaire, si la cour devait évoquer les points non tranchés par le jugement du tribunal de proximité du 8 septembre 2022, l'intimé sollicite la cour de bien vouloir :

- juger que la société Le Crédit Industriel et Commercial n'a pas valablement mis M. [I] en demeure préalablement à la déchéance du terme du crédit renouvelable souscrit le 11 septembre 2015,

- juger que la société le Crédit Industriel et Commercial a manqué à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

- débouter la société le Crédit Industriel et Commercial de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'égard de M. [I],

- condamner la société Le Crédit Industriel et Commercial à verser à M. [I] la somme de 49692,03 euros en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du manquement de la

banque à son devoir de mise en garde et, le cas échéant,

A titre très subsidiaire,

- juger que M. [I] a connu des difficultés des financières mais qu'il connaît une amélioration de sa situation financière justifiant des délais de paiement,

En conséquence,

- ordonner la compensation avec toutes les condamnations qui seraient mises à la charge de la société Le Crédit Industriel et Commercial,

- accorder à M. [I] des délais de paiement de 24 mois pour lui permettre d'apurer la dette,

- dire que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital,

En tout état de cause :

- infirmer le jugement entrepris en première instance par le tribunal de proximité de Boulogne-

Billancourt en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau, :

- condamner la société Le Crédit Industriel et Commercial à régler à M. [I], la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure de première instance,

- condamner la société Le Crédit Industriel et Commercial à régler à M. [I] la somme  de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente procédure d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 octobre 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la péremption de l'instance

La société CIC, appelante fait grief au premier juge d'avoir retenu la péremption de l'instance comme étant acquise depuis le 20 novembre 2021 en considérant notamment que seul l'envoi de conclusions au greffe du tribunal avait interrompu l'instance, et que les demandes de rétablissement de l'affaire au rôle non accompagnées de conclusions n'avaient pu interrompre le délai de prescription.

Elle soutient que les demandes de rétablissement au rôle doivent être accompagnées de conclusions hormis pour les procédures orales où des conclusions ne peuvent être exigées pour interrompre le délai de péremption.

Elle fait valoir que dans une procédure orale les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire.

Elle indique que les demandes de rétablissement de l'affaire au rôle réalisées par elle par courrier recommandé avec demandes d'avis de réception des 11 juin 2020, 4 octobre 2021 et 28 février 2022 ont interrompu la péremption de l'instance, de sorte que l'instance n'était nullement périmée lors de l'audience de plaidoiries du 7 juin 2022.

Elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris.

M. [I] intimé fait valoir que, pour interrompre le délai de péremption, les parties au procès doivent réaliser des diligences " de nature à faire sortir l'affaire de sa stagnation procédurale" et, donc, de nature à faire progresser le litige vers sa solution.

La seule manifestation de poursuivre l'instance, sans accomplissement d'actes de nature à faire continuer la procédure, est insuffisante.

Il soutient que ne sont pas des diligences de nature à interrompre le délai de péremption une décision de radiation de l'affaire ; une décision de renvoi ; des pourparlers transactionnels ; un changement d'avocat ; une demande de renvoi de l'affaire ou de jonction, la seule comparution à une audience au cours de laquelle l'affaire est renvoyée.

Il indique que s'agissant d'une procédure orale, si les parties n'ont d'autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l'affaire pour être plaidée, les demandes successives de réinscription au rôle et de radiation administrative ne sont pas en soi de nature à faire progresser l'affaire.

Il relève que l'appelante s'est contentée de demander successivement la réinscription de l'instance sans jamais justifier de diligences particulières alors que de telles demandes successives de réinscription au rôle ne sont pas de nature à faire progresser l'affaire.

L'intimé en déduit que c'est à bon droit que le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a jugé la péremption de l'instance introduite le 3 avril 2018 par le CIC acquise et sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur ce,

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. La péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties.

Aux termes de l'article 389 du code de procédure civile, la péremption n'éteint pas l'action ; elle emporte seulement extinction de l'instance sans qu'on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s'en prévaloir.

La "péremption" est ainsi une sanction qui frappe une procédure judiciaire lorsque pendant un certain délai fixé par la loi, le demandeur s'est abstenu d'accomplir les diligences qui lui incombaient.

La péremption d'instance a donc pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties. Elle constitue un incident de sorte qu'elle ne peut être prononcée que par la juridiction devant laquelle l'instance se déroule.

Il résulte des articles 377 et 386 du code de procédure civile que, dans une procédure orale, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir après une ordonnance de radiation que de demander la fixation de l'affaire pour interrompre le délai de péremption.

En l'espèce, la première instance a été introduite par la banque CIC le 3 avril 2018.

L'affaire a été radiée le 20 novembre 2019.

Le 11 juin 2020, le conseil de la banque CIC a sollicité la réinscription de l'affaire.

Le 4 octobre 2021, le conseil de la banque CIC a de nouveau sollicité la réinscription, en sollicitant le rétablissement de l'affaire.

Le 22 février 2022, la banque CIC a déposé des conclusions aux fins de réinscription au rôle.

L'affaire a ensuite été ré-enrôlée et fixée pour être plaidée le 7 juin 2022.

Il est ainsi établi qu'entre le 20 novembre 2019, date à laquelle la radiation a été prononcée et le 22 février 2022, date à laquelle il a été procédé à la réinscription de l'affaire au rôle de cette procédure orale, plusieurs diligences interruptives de péremption ont été accomplies aux fins de réinscription de l'affaire au rôle.

Ces diligences interruptives de péremption sont intervenues dans le délai de deux ans à compter du 20 novembre 2019, de sorte que c'est à tort que le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a jugé la péremption de l'instance introduite le 3 avril 2018 par la banque CIC acquise, le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'évocation

Selon l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction. L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 554, 555 et 563 à 567.

S'agissant d'une instance engagée depuis le 3 avril 2018, la cour estime de bonne justice, au regard notamment de l'exigence d'une durée raisonnable de la procédure, de donner à l'affaire une solution définitive et d'évoquer en conséquence les points non jugés.

Sur la demande nouvelle en nullité de la déchéance du terme :

La société CIC appelante, soutient qu'aux termes de ses conclusions signifiées le 20 mars 2023 et pour la première fois en appel, M. [F] [I] sollicite que soit prononcée la nullité de la déchéance du terme prononcée par le CIC au titre du crédit renouvelable.

Elle indique que cette demande, nouvelle en appel, doit être déclarée irrecevable.

Elle fait valoir que l'appel a un effet dévolutif, comme le prévoit l'article 561 du code de procédure civile, qui dispose que " l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ".

Elle rappelle l'article 564 du code de procédure civile aux termes duquel à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ", étant précisé que " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.

M. [I] fait valoir que les demandes ne sont pas nouvelles si elles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes formulées initialement.

Il indique que sa demande initiale devant le premier juge portait sur le débouté des demandes en paiement de la banque CIC et que sa demande de nullité ne constitue pas une demande nouvelle mais un moyen de défense nouveau qu'il est recevable à faire valoir.

Il estime que ce moyen n'est qu'un accessoire et un complément nécessaire de la demande de rejet des prétentions adverses.

Il sollicite de la Cour qu'elle déclare nulle la déchéance du terme prononcée par le CIC et, par conséquent, déboute le prêteur de l'intégralité de ses demandes en paiement du prêt n°[XXXXXXXXXX01].

Sur ce,

M. [I] fait grief à la banque CIC de prétendre irrecevable comme nouvelle sa demande formulée pour la première fois en appel, tendant à voir déclarer nulle la déchéance du terme prononcée par la banque, alors que sont recevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle formée en première instance.

Une prétention doit être considérée comme nouvelle lorsqu'elle diffère de la prétention originaire par son objet.

L'objet d'une prétention est constitué par ce qui est demandé par le requérant, que celui-ci ait la qualité de demandeur principal, reconventionnel ou d'intervenant. Si donc, ce qui est demandé en appel est différent de ce qui a été réclamé en première instance, il y a incontestablement prétention nouvelle.

L'action en nullité de la déchéance du terme d'un prêt intentée pour la première fois en cause d'appel par M. [I], a des effets différents et ne tend pas aux mêmes fins que sa défense devant le premier juge ayant consisté à solliciter le simple débouté des demandes en paiement de la banque CIC à son encontre, sans remettre en cause la validité de la déchéance du terme opérée par la banque.

Une telle demande en nullité ne constitue ainsi, ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des demandes formulées devant le premier juge par M. [I].

Par conséquent, sa demande de nullité de la déchéance du terme prononcée par le CIC au titre du crédit renouvelable formée pour la première fois en cause d'appel sera déclarée irrecevable

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde de la banque.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 mars 2023, M. [F] [I] prétend, que le CIC aurait manqué à ses obligations de mise en garde lors de la souscription de l'offre de crédit renouvelable émise le 11 septembre 2015. Et sollicite à ce titre l'octroi de dommages et intérêts à son profit.

La banque CIC soulève la prescription de la demande dommages et intérêts de M. [I].

Sur ce,

Il ressort des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile que :

"Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."

Aux termes de l'article L.110-4 du Code de commerce, dans sa version applicable au moment des faits, il est prévu que : " I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ".

Ce délai de prescription a été réduit à cinq ans par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 18 juin suivant.

Conformément à l'article 26 II de ladite loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

M. [I] entend mettre en cause la responsabilité du CIC, sur le fondement du manquement à ses obligations de mise en garde.

La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi des crédits. Or l'inexécution du devoir de mise en garde reprochée par M. [I] à la banque CIC s'est manifestée, à la date de conclusion du contrat de prêt en cause.

En l'espèce, le crédit renouvelable a été signé le 11 septembre 2015 et M. [F] [I] s'est prévalu pour la première fois d'un manquement de la banque à ses obligations de mise en garde par ses conclusions signifiées le 2 juin 2022, de sorte que son action en responsabilité à l'encontre du CIC au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde était prescrite à la date de sa première demande le 2 juin 2022.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevable sa demande de dommages et intérêts qui s'inscrit dans le cadre d'une action en responsabilité à l'encontre de la banque CIC qui demeure prescrite.

Sur le montant de la créance

L'appelante produit à l'appui de sa demande :

- une offre de prêt du 11 septembre 2015, une fiche d'expression des besoins du client, une fiche de renseignements, une fiche d'informations européennes normalisées, une consultation du FICP,

- des relevés du sous-compte de prêt pour l'année 2015

- des relevés du sous-compte de prêt n°[XXXXXXXXXX03] pour l'année 2015

- une mise en demeure du 17 janvier 2017 adressée à M. [F] [I]

- une mise en demeure du 20 mars 2018 adressée à M. [F] [I]

- un courrier RAR du CIC du 11 juin 2020, accompagné d'un accusé de réception

- un courrier RAR du CIC du 4 octobre 2021,accompagné d'un accusé de réception

- un courriel du CIC du 21 février 2022

- un courrier RAR du CIC du 28 février 2022, accompagné d'un accusé de réception

Dès lors, au regard des documents produits, la créance s'établit à la somme de :

échéances impayées : 22 609 euros

capital restant dû : 27 083, 03 euros

Total : 49 692, 03 euros

Il convient donc de condamner M. [F] [I] au paiement de la somme de 49 692, 03 euros à ce titre.

Ces sommes porteront intérêts au taux contractuel, de 5, 70 % à compter à compter du 20 mars 2018, date de la dernière mise en demeure, jusqu'à complet paiement.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

La règle édictée par l'article L 311-23 du code de la consommation, selon lequel aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'ancien article 1154 du code civil.

Sur les délais de paiement

Compte tenu de l'importance de la créance, et de la faiblesse des propositions faites par M. [I] devant la cour, il y a lieu de rejeter la demande de délais de paiement formée par l'intimé à titre subsidiaire.

Sur l'indemnité procédurale et les dépens

M. [I], qui succombe, sera condamné aux dépens exposés en première instance et devant la cour, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant infirmées.

Il convient en équité de condamner M. [F] [I] à verser à la société Le Crédit Industriel et Commercial la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe de la première chambre 1-2

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la péremption de l'instance n'est pas acquise,

Evoque les points non jugés dans le jugement entrepris,

Déclare irrecevable la demande de nullité de la déchéance du terme prononcée par la société Le Crédit Industriel et Commercial,

Déclarer irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde à l'encontre de la société Le Crédit Industriel et Commercial,

Condamne M. [F] [I] à payer à la société Le Crédit Industriel et Commercial les sommes de :

- 49 692, 03 euros au titre du prêt du 11 septembre 2025, outre les intérêts au taux contractuel de 5, 70 % à compter du 20 mars 2018,

Déboute M. [F] [I] de la totalité de ses demandes,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [F] [I] à verser à la société Le Crédit Industriel et Commercial la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Julie FRIDEY, Greffier Placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/05891
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;22.05891 ?
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