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29/04/2024 | FRANCE | N°21/03685

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 29 avril 2024, 21/03685


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 AVRIL 2024



N° RG 21/03685 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SC



AFFAIRE :



[R] [Y]



C/



SARL DIASPO ENVIRONNEMENT







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F19/00121
r>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Banna NDAO



Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 AVRIL 2024

N° RG 21/03685 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SC

AFFAIRE :

[R] [Y]

C/

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F19/00121

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Banna NDAO

Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [Y]

né le 30 Juin 1990 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

Représentant : Me Emmanuelle METGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1875 substitué à l'audience par Me Lina MANSOURI, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

N° SIRET : 790 899 306

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Thomas CUQ de la SELARL NEW AD HOC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0309 - Représentant : Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Président,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Diaspo Environnement est spécialisée dans la collecte et le transport de déchets pour le compte de professionnels. Elle compte environ 38 salariés au moment de la démission.

M. [Y] a été engagée par la société Diaspo Environnement en qualité de chauffeur poids lourds par contrat à durée indéterminée en date du 13 juin 2017.

Son temps de travail était de 151,67 heures par mois, moyennant une rémunération au taux horaire brut de 11,5 euros par heure.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 14 mai 2018, M. [Y] a démissionné de son emploi en ces termes :

« Monsieur,

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que je suis démissionnaire de mes fonctions de chauffeur poids lourds que j'occupe puis le 13 juin 2017 au sein de votre société.

Compte tenu du délai de préavis de 7 jours comme précisé dans la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1951 (Annexe 1 : ouvrier ' accord du 16 juin 1961 chapitre 1er article 5), je vous propose néanmoins de quitter l'entreprise le 25 mai 2018 au soir.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l'expression de mes sentiments les meilleurs. »

Par requête introductive en date du 14 mai 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil d'une demande relative au paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 25 novembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil a :

- débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société Diaspo Environnement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les éventuels dépens à la charge de Monsieur [R] [Y].

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 16 décembre 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :

- d'infirmer le jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de prud'hommes d'Argenteuil en ce qu'il a :

* débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, notamment:

° sur la fixation du salaire moyen

° sur les demandes au titre de la durée du travail :

° sur les demandes au titre de la déloyauté dans l'exécution du contrat de travail

° sur les demandes en tout état de cause

* mis les éventuels dépens à la charge de M. [Y]

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de :

- fixer le salaire mensuel moyen à la somme de 3.804,66 euros bruts ;

Sur les demandes au titre de la durée du travail :

- constater que la société Diaspo Environnement n'a jamais déféré, comme elle était légalement tenue de le faire en application des dispositions des articles D.3312- 60 à D.3312-62 du Code des transports, à la sommation de M. [Y] de lui communiquer les documents relatifs aux mesures de son temps de travail ni à la condamnation mise à sa charge par le Bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ;

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [Y] les sommes suivantes:

* Au titre des heures supplémentaires :

° A titre principal, 1.000 euros bruts, outre 100 euros bruts correspondant aux congés payés afférents ;

° A titre subsidiaire, 1.000 euros nets pour perte d'une chance de M. [Y] de vérifier ses droits en matière d'heures supplémentaires, du fait du comportement dilatoire manifesté par Diaspo Environnement.

* Au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 22.827,96 euros nets

* Au titre de la compensation obligatoire en repos trimestrielle :

° 885,50 euros bruts

° outre 88,95 euros bruts au titre des congés payés afférents

* Au titre du non-respect des durées maximales de travail : 30.437,28 euros nets

* Au titre de la compensation pécuniaire relative au travail de nuit :

° A titre principal, 1.500 euros bruts, outre 150 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

° A titre subsidiaire, 1.500 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits au titre de la compensation pécuniaire relative au travail de nuit du fait du comportement dilatoire manifesté par Diaspo Environnement ;

* Au titre du repos compensateur pour travail de nuit :

° A titre principal, une somme de 1.500 euros bruts, outre 150 euros bruts correspondant aux congés payés afférents

° A titre subsidiaire, 1.500 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits à repos compensateur pour travail de nuit, du fait du comportement dilatoire manifesté par la société Diaspo Environnement;

° A titre très subsidiaire, 241,36 euros bruts, outre 24,14 euros bruts correspondant aux congés payés afférents ;

* Au titre du défaut de suivi médical renforcé des travailleurs de nuit : 4 000 euros nets

Sur les demandes au titre de la déloyauté dans l'exécution du contrat de travail :

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [Y] des dommages-intérêts d'un montant de 10.000 euros nets au titre de son manquement à son obligation de loyauté.

En tout état de cause :

- débouter la société Diaspo Environnement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [Y] une somme de 3.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Diaspo Environnement aux entiers dépens ;

- condamner la société Diaspo Environnement à remettre à M. [Y] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes aux dispositions du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- juger qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil et que les intérêts échus des capitaux pour une année entière au moins porteront eux- mêmes intérêts ;

- juger que les sommes mises à la charge de la société Diaspo Environnement seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par cette dernière de la lettre la convoquant au Bureau de Conciliation et d'Orientation, et, pour les créances indemnitaires, à compter de la date du jugement à intervenir qui les ordonne.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 7 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Diaspo Environnement demande à la cour de :

Recevoir la société Diaspo Environnement en ses conclusions et en conséquence :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté M. [Y] de ses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail au titre :

* d'heures supplémentaires

* de travail dissimulé

* de compensation obligatoire en repos trimestrielle

* du non-respect des durées maximales de travail

* de compensation pécuniaire relative au travail de nuit

* de repos compensateur pour travail de nuit

* du suivi médical renforcé des travailleurs de nuit

* de l'exécution déloyale du contrat de travail

- prendre acte du fait que la société Diaspo Environnement a réglé la somme de de 790,69 euros net au titre des compensations trimestrielles relatives au repos

Reconventionnellement,

- condamner M. [Y] à verser à la Société Diaspo Environnement la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [Y] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître [U] [T] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [Y] fait valoir que dans le courant de l'année 2018, avec deux autres salariés, ils ont engagé des démarches pour faire valoir leurs droits au titre des heures supplémentaires, du travail de nuit et du travail de dimanche. La société a partiellement acquiescé à cette demande en lui versant un rappel de 32 heures supplémentaires réclamées en août et septembre 2017 mais qu'après sa démission et une tentative de démarche à l'amiable, il s'est trouvé contraint de saisir la juridiction prud'homale.

Le salarié fait valoir en premier lieu, sur les dispositions des articles D33 12 ' 54 et suivants du code des transports que suite à la sommation de communiquer de son avocat, l'employeur devait lui communiquer les feuilles d'enregistrement du chronotachigraphe analogique ou numérique.

Concernant son évaluation des heures supplémentaires, M. [Y] transmet son contrat de travail, ses bulletins de salaire de juin 2017 à avril 2018, un courrier de septembre 2018 « demande de régularisation des repos compensateurs au titre des heures supplémentaires » fixant le nombre d'heures supplémentaires réalisées par le salarié du 13 juin 2017 au 25 mai 2018 à 1363,35 heures, pour lesquelles il réclame le paiement des repos compensateurs non pris et deux tableaux, l'un fixant les calculs des heures supplémentaires à 25 % à 50 % et des heures de nuit et un tableau relatif au temps de travail effectif et heures d'équivalence et les repos obligatoires. Il transmet également la sommation de communiquer de son avocat du 10 mai 2019. Il sollicite 1000 euros à titre forfaitaire n'ayant pas souhaité s'engager dans un 'chiffrage approximatif consistant à tenter de reconstituer heure par heure ces journées de travail sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud'hommes'.

La société soutient qu'elle a réglé l'intégralité des heures supplémentaires réalisées par son salarié qu'elle a même opéré de régularisation en août et septembre 2017 de sa propre initiative. Elle considère que le salarié ne transmet ni décompte journalier, ni hebdomadaire de nature à étayer sa demande et elle demande en conséquence la confirmation de la décision prud'homale.

En application des dispositions des articles D3312 ' 60 du code des transports, le conducteur a droit d'obtenir communication sans frais et en bon ordre des feuilles d'enregistrement de l'appareil de conduite le concernant ou des donnés électroniques enregistrées dans les mémoires de sa carte personnelle selon le type d'équipement du véhicule. Selon l'article D3312 ' 61 du même code, il est fait obligation de remettre sans frais et en bon ordre aux conducteurs intéressés qui en font la demande ces copies des feuilles d'enregistrement ou fichiers issus du téléchargement de données électroniques. En vertu de l'article D 3312 ' 62 du même code, cette même obligation s'applique aux feuillets du livret de contrôle ou documents ayant servi à l'élaboration des bulletins de paie. L'employeur doit être en mesure de produire les feuilles d'enregistrement, dans la limite de la prescription, lorsqu'il existe une contestation sur le nombre d'heures effectuées par le salarié. Ainsi c'est à bon droit que le salarié pouvait solliciter de son employeur la transmission des données enregistrées sur son matériel chronotachigraphe dans le cadre du contentieux qui occupe aujourd'hui la cour.

Dès lors que le salarié transmet son contrat travail du 13 juin 2017, permettant de contrôler son temps de travail conventionnel ( plein temps sur une durée hebdomadaire de 35 heures plus 4 heures d'équivalence répartie sur cinq jours et calcul de rémunération sur un taux horaire pour 169 heures mensuelles dont 17,33 heures d'équivalence majorée à 25 %), qu'il communique ses bulletins de salaire répertoriant les heures supplémentaires déjà réglées par l'employeur, qu'il élabore un tableau déterminant les heures supplémentaires sollicitées de juin 2017 à mai 2018 en détaillant les heures supplémentaires à 25 % et celles à 50 % ainsi que les heures de nuit et la moyenne hebdomadaire de travail, il y a lieu de considérer que M. [Y] transmet des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répliquer et d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et notamment les données de l'appareil chronotachigraphe susceptibles de contredire les évaluations faites par le salarié.

Néanmoins, la société se borne à contester les pièces adverses et ne transmet qu'un seul élément relatif à la contrepartie trimestrielle en repos obligatoire déjà réglée et les congés payés afférents sur un bulletin de salaire du mars 2021.

Au regard des éléments produits par les parties, alors que le salarié satisfait à la preuve qui lui incombe et que la société se soustrait à l'inverse aux obligations tenant à l'information du salarié sur les éléments relatifs à son temps de travail ayant fondé sa rémunération, ce dernier est bien fondé à solliciter la somme de 1000 euros au titre des heures supplémentaires et 100 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations en n'accomplissant pas la déclaration préalable à l'embauche, en mentionnant sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux (article L. 8221-5 du code du travail).

La caractérisation de l'infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité (déclaration d'embauche, remise d'un bulletin de paie, etc.) et d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité. Le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 et dont le contrat est rompu a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L. 8223-1 du code du travail).

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.

S'il a été fait droit à la demande au titre des heures supplémentaires, il n'est pourtant pas établi que la société se soit soustrait intentionnellement aux déclarations imposées de ce fait. La demande sera donc rejetée.

Sur la demande au titre de la compensation obligatoire en repos

En application des dispositions de l'article R 3312 ' 48 du code des transports « les heures supplémentaires ouvrent droit à une compensation obligatoire en repos trimestriel dont la durée est égale à :

- 1. une journée à partir de la 41ème heure jusqu'à la 79e heures supplémentaires par trimestre;

- 2. une journée et demie à partir de la 41ème heures et jusqu'à la 108ème heures supplémentaires par trimestre ;

-3. Deux journées et demie au-delà de la 108ème heures supplémentaires par trimestre »

Le salarié avait interpellé la société sur ce point le 26 septembre 2018 et produit la lettre de contestation de solde de tout compte dans son dossier. Cette dernière dit avoir réglé les sommes dues à ce titre.

La cour constate que la demande formulée à ce titre par le salarié a été satisfaite par la société qui produit à la fois la transmission à son avocate, le 16 avril 2021, du bulletin de paye du mois de mars 2021 faisant apparaître les repos et le chèque de règlement du salaire net. La cour constatera donc simplement que la société a acquiescé à la demande et que l'exécution en a été réalisée.

Sur le dépassement des durées maximales de travail autorisé

Les dispositions des articles R 3312 ' 50 et R 3312 ' 51 du code des transports fixent la durée maximale de service à ne pas dépasser, soit la durée hebdomadaire maximale sur une semaine isolée de 52 heures, les durées hebdomadaires maximales appréciées sur trois mois de 48 heures et la durée sur un trimestre de 624 heures cumulées.

M. [Y] fait valoir que pour 2017 et 2018, les heures comptabilisées dans ses bulletins de salaire au titre de ses temps de service (cumul du temps de travail effectif et heures d'équivalence) ont dépassé les durées maximales prévues par les textes précités. En réparation du préjudice lié aux répercussions sur sa vie personnelle et sur sa santé, le salarié sollicite la somme de 30'437,28 euros.

La société considère que le salarié ne justifie ni le principe, ni l'étendue des préjudices qu'il aurait subis du fait des dépassements des durées maximales du travail et demande la confirmation de la décision prud'homale sur ce point.

Les données du tableau dénommé « temps de service comptabilisé par la société en 2017-2018» figurant en pièce 9 du dossier du salarié, révèlent le dépassement des durées maximales de travail autorisé. Le salarié est bien fondé à revendiquer la compensation obligatoire en repos dès lors que la société ne justifie pas qu'il en ait bénéficié conformément aux dispositions réglementaires. Néanmoins à l'appui de sa demande, le salarié se contente d'évoquer les répercussions sur sa vie personnelle et sa santé mais ne justifie d'aucun préjudice. La demande sera en conséquence rejetée.

Sur le travail de nuit

Sur la compensation pécuniaire des heures de nuit

Le salarié se prévaut du protocole d'accord du 14 novembre 2001 pour considérer qu'il pouvait disposer des majorations relatives aux heures au travail de nuit. Il sollicite une somme de 1500 euros outre les congés payés afférents. Il transmet un tableau récapitulatif sur la période de juin 2017 à décembre 2017 et de janvier 2018 à mai 2018 et comptabilise 337,4 heures majorées pour 2017 et 255,75 heures majorées pour 2018.

Dès lors que ce tableau est établi à partir des bulletins de salaire, les sommes dues au titre du travail de nuit lui ont été payées et ce seul récapitulatif ne permet pas de considérer que le salarié présente à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

Sur les demandes des repos compensateurs liés au travail de nuit

En vertu des dispositions de du protocole d'accord du 14 novembre 2001, le salarié qui accomplit dans un mois au moins 50 heures de travail effectif entre 21 heures et 6 heures bénéficient d'un repos compensateur d'une durée égale à 5 % du temps de travail accompli pendant cette plage horaire. Il sollicite à titre principal 1500 euros brut à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur pour travail de nuit outre 150 euros bruts correspondant aux congés payés afférents, soit 1500 euros nets pour perte de chance et à titre très subsidiaire de 241,36 € à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur pour travail de nuit et les congés payés afférents. La société sollicite le débouté en raison de l'absence de préjudice démontré par le salarié.

Le tableau récapitulatif des heures de nuit comptabilisées par la société et produit par le salarié démontre que sur les mois de juillet, août, septembre et décembre 2017 et sur les mois de janvier, mars et avril 2018, le salarié a effectué des heures de nuit supérieures au maximum ouvrant droit au temps de repos conventionnel. Il n'est pas contesté que ces repos n'ont pas été octroyés au salarié.

Ce dernier fournit une évaluation de l'indemnité compensatrice sur la base du taux horaire de 11,50 euros. Ce calcul n'est pas contesté et il convient en conséquence de faire droit à la demande du salarié à hauteur de la somme de 241,36 euros à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur. Elle n'ouvre pas droit à des congés payés la demande sur ce point sera rejetée.

Sur la demande au titre du suivi médical renforcé

Le travail de nuit ouvre droit en application des dispositions d'un suivi médical renforcé dont le salarié n'a pas bénéficié et il revendique à ce titre la condamnation de la société à 4000 euros nets pour défaut de suivi médical renforcé des travailleurs de nuit. La société conteste la qualité de travailleur de nuit du salarié et conclut à la confirmation de la décision prud'homale.

En vertu des dispositions de l'article L 3122-5 du code du travail, le salarié est considéré 'comme travailleur de nuit dès lors que :

1. soit il accomplit au moins deux fois par semaine selon un horaire de travail habituel au moins trois heures de travail quotidienne ;

2. soit il accomplit au cours d'une période de référence un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L 3122 ' 2 dans les conditions prévues aux articles L 3122-16 et L 3122-23.'

Même si le salarié a réalisé quelques heures de travail en nocturne, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il exerçait ses fonctions dans les conditions précitées qui lui ouvraient droit au statut de travailleur de nuit. Confirmant la décision prud'homale, la demande sera rejetée.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail.

Les parties sont tenues d'une obligation de loyauté dans l'exécution de la convention qui les lie.

M. [Y] fait valoir que dans le courant de l'année 2018, avec deux autres salariés ils ont engagé des démarches pour faire valoir leurs droits au titre des heures supplémentaires, du travail de nuit et du dimanche ; qu'il a subi des pressions qui l'ont conduit à démissionner. Il estime que la société a fait preuve de manquements flagrants dans l'exécution du contrat de travail et les contraintes économiques auxquelles était confronté M. [Y], l'ont contraint à accepter cette situation. Il considère que l'exécution du contrat de travail par la société a été déloyale et sollicite la somme de 10'000 euros en réparation de son préjudice.

La société conteste la demande et indique que le salarié ne verse aucun élément permettant de justifier de la déloyauté invoquée et ne démontre ni le principe ni l'étendue de son préjudice.

Même si la cour a fait droit partiellement à la demande au titre des heures supplémentaires, le salarié ne transmet aucun élément qui démontre une exécution déloyale du contrat travail et les pressions exercées par la société pour le pousser à la démission. Il convient donc de confirmer la décision du conseil de prud'homme qui a rejeté la demande sur ce point.

Sur les documents sociaux conformes

En raison de la condamnation sur les heures supplémentaires, il convient d'ordonner la remise par la société Diaspo Environnement des documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt.

Aucun élément ne justifie le prononcé d'une astreinte.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes d'Argenteuil du 25 novembre 2021;

Et statuant à nouveau :

Condamne la société Diaspo Environnement à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

' 1000 euros au titre des heures supplémentaires et 100 euros au titre des congés payés afférents;

' 241,36 euros à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur ;

Donne acte la société Diaspo Environnement de ce qu'elle a réglé les sommes dues au titre de la compensation en repos due sur les heures supplémentaires ;

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne la remise par la société Diaspo Environnement des documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Diaspo Environnement au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Diaspo Environnement aux entiers dépens

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 21/03685
Date de la décision : 29/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-29;21.03685 ?
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