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29/04/2024 | FRANCE | N°21/03684

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 29 avril 2024, 21/03684


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 AVRIL 2024



N° RG 21/03684 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SA



AFFAIRE :



[C] [H]



C/



SARL DIASPO ENVIRONNEMENT





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F20/00127


r>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Banna NDAO



Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 AVRIL 2024

N° RG 21/03684 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SA

AFFAIRE :

[C] [H]

C/

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F20/00127

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Banna NDAO

Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [H]

né le 30 Mars 1981 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 21/154

Représentant : Me Emmanuelle METGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1875 substitué à l'audience par Me Lina MANSOURI, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

N° SIRET : 790 899 306

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Thomas CUQ de la SELARL NEW AD HOC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0309 - Représentant : Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Président,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Diaspo Environnement est spécialisée dans la collecte de déchets. Elle compte environ 38 salariés au moment du licenciement.

M. [H] a été engagé par la société Diaspo Environnement en qualité de chauffeur, ripeur, manutentionnaire par contrat à durée indéterminée en date du 20 janvier 2015.

Le temps de travail était de 151,67 heures par mois. Son salaire mensuel brut moyen était de 2 763 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 28 septembre 2018, la société Diaspo Environnement a convoqué M. [H] à un entretien préalable à un licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien s'est tenu le 11 octobre 2018.

Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 31 octobre 2018, la société Diaspo Environnement a notifié à M. [H] son licenciement pour faute grave en ces termes :

« Monsieur,

Vous avez été convoqué, le jeudi 11 octobre 2018 à 14 heures, en application des dispositions des articles L.1332-1 et L1232- 2 et suivants du Code du Travail, et dans le cadre d'une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Vous vous êtes présenté le jour de l'entretien en étant assisté d'un conseiller du salarié

Les faits qui vous sont reprochés sont nombreux, et récurrents pour certains, ce qui nous a conduit à vous recevoir dans le cadre de cette procédure. Les faits sont les suivants :

- Vous ne respectez pas vos feuilles de tournées, et revenez au dépôt avec des collectes non effectuées, sans information préalable, ce qui place l'entreprise en difficulté par rapport à ses clients, auprès desquels elle avait confirmé votre passage. Nous avons souhaité vous remettre un avertissement en main propre en vous expliquant les faits reprochés; vous avez refusé de prendre le présent courrier dans lequel nous vous reprochions les faits suivants :

Vous n'avez pas effectué la mission prévue chez notre client FLT France. En effet, vous deviez effectuer une collecte le lundi 09 juillet 2018 auprès de ce client. A 16h39, le client nous informe que vous n'êtes pas passé. Nous réattribuons cette mission sur votre feuille de tournée du 10 juillet dernier et le confirmons à notre client FLT France. Le client nous a adressé un mail le même jour pour nous confirmer que vous n'étiez pas passé. Ce n'est pas la première fois que vous n'effectuez pas vos missions auprès de ce client. En effet, le lundi 12 février 2018, nous confirmions par mail à notre client votre intervention sur son site, il nous répondait à 17 h de votre absence de passage. Le lendemain, 14 février 2018 à 16h47, il nous relançait en précisant que vous n'étiez toujours pas passé et que leur Eco bac débordait.

- Le 27/09/2018, vous n'avez pas échangé les bacs pour notre client Domaine de St-Pry,

- Le 25/09/2018, vous n'avez pas effectué le retrait d'un éco bac pour notre client RB Clim

- Le 24/09/2018, vous n'avez pas collecté un éco bac pour notre client Carestia,

- Le 20/02/2018, vous n'avez pas collecté un bac roulant pour notre client Valbruna,

- Le 17/09/2018, vous n'avez pas collecté un éco bac pour notre client Carestia,

- Le 12/09/2018, vous n'avez pas collecté deux bacs pour notre client Apave,

- Le 06/09/2018, vous n'avez pas collecté un bac pour notre client Schmitt Ney Sanitaire et chauffage, o Le 06/09/2018, vous n'avez pas collecté sept chargements pour notre client CCL café,

Ces faits sont récurrents.

En effet, nous avons note 9 « tours reportés » au mois de juillet 2018, 25 « tours reportés » au mois de juin 2018, en plus des 10 tours reportés au mois de septembre, dont deux pour lesquels vous avez reçu un courrier, ce qui est inacceptable et pour vos collègues qui se retrouvent en charge d'effectuer les tours non faits, et pour l'entreprise qui doit systématiquement réorganiser les plannings de tout le monde pour pallier à vos manquements. Cette réorganisation des plannings nécessite la mobilisation des équipes d'exploitation et des chauffeurs, vos collègues, missionnés pour effectuer vos missions, déclenchant pour certains le paiement d'heures supplémentaires que l'entreprise ne voit contrainte de payer.

D'autre part, ces faits sont extrêmement pénalisants pour nos clients, et par répercussion pour l'entreprise qui se voit dans l'obligation de comptabiliser des avoirs pour ces clients mécontents.

- Vous deviez vous absenter dans le cadre de congés payés jusqu'au 31 août 2018 inclus et reprendre votre poste de travail le lundi 3 septembre 2018. L'équipe d'exploitation avait organisé votre reprise et prévue une feuille de tournée. Vous ne vous êtes pas présenté le jour de la reprise mais seulement le mercredi 05 septembre 2018 ce qui a considérablement désorganisé le planning et les tournées des chauffeurs, créant un double préjudices pour l'entreprise vis-à-vis de ses clients pour lesquels nous n'avons pas pu respecter nos engagements du fait de votre absence, et générant des heures supplémentaires effectuées par vos collègues et payées par l'entreprise avec les majorations prévues par les textes.

- Vous ne respectez pas les horaires de prise de service prévue sur votre feuille de tournée et ce, à de nombreuses reprises. Vous arrivez régulièrement en retard, obligeant les membres du service d'exploitation à vous appeler pour vous réveiller et à contacter tous les clients pour les informer d'un changement dans les horaires de vos interventions sur leur site.

- Vous oubliez régulièrement de noter les informations nécessaires au traitement des bons des clients, et vous ne les faites pas signer et ce, malgré nos nombreuses demandes.

Tous ces agissements sont préjudiciables au bon fonctionnement de l'entreprise.

Vous mettez l'entreprise dans une extrême difficulté vis-à-vis de ses clients; En effet, lorsque les feuilles de tournée sont éditées, nous validons auprès des clients votre passage sur leur site pour effectuer les missions commandées. Votre refus nous a obligés d'une part, à répartir certaines de vos tournées sur celles de vos collègues, et informer certains clients de notre impossibilité d'intervenir comme cela était convenu sur leur site.

Tous ces faits sont fortement dommageables pour l'entreprise, et pour le collectif de travail et nous amènent à une perte totale de confiance en vous,

Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien, ne nous ont pas permises de modifier notre appréciation de la gravité des faits reprochés. En effet, en qualité de Chauffeur BOM, vous devez effectuer les prestations demandées (collecte, nettoiement, enlèvement...) dans le respect des consignes émises par la hiérarchie, et respecter le plan da tournée et/ou la liste des points de collecte.

Nous pouvons constater en l'espèce que vous n'avez pas respectée ces consignes de votre hiérarchie

C'est pourquoi, et compte tenu de la récidive de certains de ces manquements, nous vous informons que votre maintien à votre poste dans l'entreprise s'avère impossible et vous notifions votre licenciement pour faute grave. Ce licenciement pour faute grave prend effet immédiatement à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni d'indemnités de licenciement. De plus, nous vous informons que la période de mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet ne sera pas rémunérée.

Le maintien des droits au titre de l'article 14 (avenant 3) de I'ANI vous permet en cas de rupture de contrat de travail de continuer à bénéficier pendant tout ou partie de votre période de chômage des régimes de prévoyance et frais de santé. Compte tenu de la durée de votre contrat de travail, la portabilité de vos droits est limitée à 12 mois. Vous avez la possibilité d'accepter ou de renoncer au maintien des garanties dans les 10 jours suivants la date de rupture de votre contrat de travail. Vous devez, à cet effet, manifester expressément votre choix en nous retournant le document joint à la présente lettre.

Vos soldes de tout compte, certificat do travail et attestation Pôle Emploi ainsi que les notes d'informations et les modalités de souscription de l'ANI seront à votre disposition auprès de la comptable, contre remise de la tenue de travail, cartes de service et petit matériel délivrés pour les besoins du service. Nous vous demandons pour cela de prendre rendez-vous avec votre hiérarchie.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur l'expression de nos salutations distinguées. »

Par requête introductive en date du 14 mai 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil d'une demande tendant à faire requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 25 novembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil :

- juge que le licenciement de M. [H] est fondé sur une faute grave avec toutes conséquences de droit.

- déboute M. [H] de l'intégralité de ses demandes

- prend acte du versement de 717,23 euros (sept cent dix-sept euros et vingt-trois centimes) net au titre des compensations trimestrielles relatives au repos.

- déboute la société Diaspo Environnement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- met les éventuels dépens à la charge de M. [H].

M. [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 16 décembre 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil en ce qu'il a :

* jugé que le licenciement de M. [H] est fondé sur une faute grave avec toutes conséquences de droit.

* débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes notamment :

° sur les demandes au titre de la durée du travail

° sur les demandes au titre de l'avertissement

° sur les demandes au titre du licenciement

° sur les demandes formées en tout état de cause

* pris acte du versement de 717,23 euros (sept cent dix-sept euros et vingt-trois centimes) net au titre des compensations trimestrielles relatives au repos

* mis les dépens à la charge de M. [H]

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de :

Sur les demandes au titre de la durée du travail :

- constater que la société Diaspo Environnement n'a jamais déféré, comme elle était légalement tenue de le faire en application des dispositions des articles D.3312- 60 à D.3312-62 du Code des transports à la sommation de M. [H] de lui communiquer les documents relatifs aux mesures de son temps de travail ni à la condamnation mise à sa charge par le Bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes ;

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] les sommes suivantes :

* Au titre des heures supplémentaires :

° A titre principal, 20.000 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires, à parfaire, et 2.000 euros bruts correspondant aux congés payés afférents,

° A titre subsidiaire, 20.000 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits en matière d'heures supplémentaires du fait du comportement dilatoire de la Société ;

* Au titre de la compensation obligatoire en repos trimestrielle, 815,22 euros bruts outre 81,52 euros au titre des congés payés afférents ;

* Au titre de l'indemnité de travail dissimulé, 17.528,04 euros nets ;

* A titre de rappels de primes pour travail le dimanche, 2.658,68 euros bruts outre 265,87 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* Au titre du non-respect des durées maximales de travail, 23.370,72 euros nets

* Au titre de la compensation pécuniaire relative au travail de nuit :

° A titre principal, 1.500 euros bruts à titre de rappel de compensation pécuniaire, outre 150 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

° A titre subsidiaire, 1.500 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits au titre de la compensation pécuniaire relative au travail de nuit du fait du comportement dilatoire manifesté par la société Diaspo Environnement;

* Au titre du repos compensateur pour travail de nuit :

° A titre principal 1.500 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur pour travail de nuit, outre 150 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

° A titre subsidiaire, 1.500 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits à repos compensateur pour travail de nuit du fait du comportement dilatoire manifesté parla société Diaspo Environnement ;

* Au titre du suivi médical renforcé des travailleurs de nuit, 4.000 euros nets pour perte d'une chance de vérifier ses droits à ce titre.

Sur les demandes au titre de l'avertissement :

- annuler l'avertissement du 22 septembre 2018 ;

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] des dommages-intérêts d'un montant de 2.500 euros nets au titre de l'usage abusif du pouvoir disciplinaire par l'employeur.

Sur les demandes au titre du licenciement :

A titre principal :

- requalifier le licenciement pour faute grave de M. [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et, par conséquent,

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] les sommes suivantes :

* 17.528,04 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié ;

* 2.860,48 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;

* 5.842,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 584,27 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 2.921,34 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

* 3.213,47 euros bruts à titre de rappels de salaires sur mise à pied conservatoire, outre 321,35 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- condamner la société Diaspo Environnement à rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

A titre subsidiaire :

- requalifier le licenciement pour faute grave de M. [H] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Et par conséquent,

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] les sommes suivantes:

* 2.860,48 euros nets à titre d'indemnité de licenciement :

* 5.842,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 584,27 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 2.921,34 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

* 3.213,47 euros bruts à titre de rappels de salaires sur mise à pied conservatoire, outre 321,35 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes au titre de la conclusion et de l'exécution fautives du contrat de travail :

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] des dommages-intérêts d'un montant de 10.000 euros nets au titre de son manquement à son obligation de loyauté

En tout état de cause :

- débouter tous contestants aux présentes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [H] une somme de 4.600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Diaspo Environnement aux entiers dépens ;

- condamner la société Diaspo Environnement à remettre à M. [H] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes aux dispositions du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours commençant à courir à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- juger qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil et que les intérêts échus des capitaux pour une année entière au moins porteront eux-mêmes intérêts ;

- juger que les sommes mises à la charge de la société Diaspo Environnement seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par cette dernière de la lettre la convoquant au Bureau de Conciliation et d'Orientation, et, pour les créances indemnitaires, à compter de la date du jugement à intervenir qui les ordonne ;

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 7 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Diaspo Environnement demande à la cour de :

- recevoir la société Diaspo Environnement en ses conclusions et en conséquence :

* confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté M. [H] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté M. [H] de ses demandes relatives à l'exécution du contrat au titre :

* des heures supplémentaires

* de la compensation obligatoire en repos trimestrielle

* du travail dissimulé

* de la compensation pour le travail dominical

* du non-respect des durées maximales de travail

* de la compensation pécuniaire relative au travail de nuit

* des repos compensateurs pour travail de nuit

* du suivi médical renforcé des travailleurs de nuit

* de l'exécution déloyale du contrat de travail

- prendre acte du fait que la société Diaspo Environnement a réglé la somme de de 717,23 euros net au titre des compensations trimestrielles relatives au repos

- débouter M. [H] de ses demandes relatives à la rupture du contrat au titre :

* de l'annulation de son avertissement et de sa demande d'indemnisation à ce titre

* de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* de l'indemnité de licenciement

* de l'indemnité de préavis

* de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

* de sa demande d'indemnité au titre de la rupture brutale et vexatoire

Reconventionnellement,

- condamner M. [H] à verser à la société Diaspo Environnement la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [H] fait valoir que dans le courant de l'année 2018, avec deux autres salariés, ils ont engagé des démarches pour faire valoir leurs droits au titre des heures supplémentaires, du travail de nuit et du travail de dimanche. La société l'a sanctionné le 22 septembre 2018 et il a ensuite été licencié. Après une tentative de démarche à l'amiable, il s'est trouvée contraint de saisir la juridiction prud'homale pour faire valoir ses revendications notamment au titre des heures supplémentaires.

Le salarié invoque en premier lieu les dispositions des articles D3312 ' 54 et suivants du code des transports et soutient que suite à la sommation de communiquer de son avocat, l'employeur devait lui communiquer les feuilles d'enregistrement du chronotachigraphe analogique ou numérique.

Concernant son évaluation des heures supplémentaires, M. [H] transmet son contrat de travail, ses bulletins de salaire de janvier 2015 à novembre 2018 , des bons de rotation et messages téléphoniques, une photo du 20 mars 2016, un récapitulatif des horaires effectués de janvier à juillet 2018,un tableau récapitulatif des dimanches travaillés, un tableau récapitulatif de la compensation en repos obligatoire trimestrielle et un tableau reprenant les temps de service comptabilisé par la société en 2018. Il indique avoir effectué de très nombreuses heures supplémentaires déjà répertoriées sur ses bulletins de salaire et estime que ces journées de travail avaient une amplitude de cinq heures de travail en semaine et 8,5 heures de travail le dimanche. Il comptabilise 242 heures travaillées pour un mois complet estime que ce ratio est sous-évalué et que faute de production des relevés de temps par l'employeur il doit faire une évaluation a minima. S'agissant des seuls dimanches, il estime que la société lui est redevable d'une somme de 16'182,73 euros outre les congés payés pour les dimanches travaillés de 2016 à 2018. Il sollicite pour l'ensemble des heures supplémentaires la somme de 20'000 euros au titre de rappel de salaire et 2000 euros au titre des congés payés afférents. Subsidiairement, il réclame la somme de 20'000 euros au titre de la perte de chance. Il conclut en conséquence à une revalorisation de son salaire à hauteur de la somme de 2921,34 euros.

La société soutient qu'elle a réglé l'intégralité des heures supplémentaires réalisées par son salarié et que ce dernier ne verse aucun élément pour justifier de sa demande à hauteur de 20'000 euros. Elle conteste que la photo du 20 mars 2016 prise le dimanche ait un rapport avec le travail et soutient que les SMS ou les bons des rotations non signés ne font pas la preuve de ce travail dominical. Elle demande la confirmation de la décision prud'homale et subsidiairement le débouté sur la perte de chance.

En application des dispositions des articles D3312 ' 60 du code des transports, le conducteur a droit d'obtenir communication sans frais et en bon ordre des feuilles d'enregistrement de l'appareil de conduite le concernant ou des donnés électroniques enregistrées dans les mémoires de sa carte personnelle selon le type d'équipement du véhicule. Selon l'article D3312-61 du même code, il est fait obligation de remettre sans frais et en bon ordre aux conducteurs intéressés qui en font la demande ces copies des feuilles d'enregistrement ou fichiers issus du téléchargement de données électroniques. En vertu de l'article D 3312 ' 62 du même code, cette même obligation s'applique aux feuillets du livret de contrôle ou documents ayant servi à l'élaboration des bulletins de paie. L'employeur doit être en mesure de produire les feuilles d'enregistrement, dans la limite de la prescription, lorsqu'il existe une contestation sur le nombre d'heures effectuées par le salarié. Ainsi c'est à bon droit que le salarié pouvait solliciter de son employeur la transmission des données enregistrées sur son matériel chronotachigraphe dans le cadre du contentieux qui occupe aujourd'hui la cour.

Dès lors que le salarié transmet son contrat travail du 9 avril 2015, permettant de contrôler son temps de travail conventionnel ( plein temps avec un volume et une répartition de l'horaire modifiable sous réserve d'un jour de délai de prévenance et calcul de rémunération sur un taux horaire au SMIC), qu'il communique ses bulletins de salaire répertoriant les heures supplémentaires déjà réglées par l'employeur, qu'il élabore un tableau récapitulatif de ses heures de travail du dimanche en 2018 en y intégrant les temps de pause, que ce tableau est corroboré par des messages écrits sur son téléphone attestant de ce qu'il est en lien avec un responsable de son travail et que ces messages démontrent qu'il a travaillé le dimanche 1er et 8 mai 2016, les 2 et 30 juillet 2017, 29 avril, 20 mai, 15 juillet, 5 août, que les bons des rotations confirment le travail du dimanche des 15 juillet, le 8 juillet 2018 et 11 mars, 1er juillet, 24 juin et dimanche 17 juin 2018 alors que ces heures ne sont pas comptabilisées, par exemple, sur le bulletin de salaire du mois d'août 2018, il y a lieu de considérer que M. [H] transmet des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répliquer et d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et notamment les données de l'appareil chronotachigraphe susceptibles de contredire les évaluations faites par le salarié.

Néanmoins, la société se borne à contester les pièces adverses et ne transmet pour les contredire que les bulletins de salaire, et un courrier de règlement des contreparties trimestrielles en repos obligatoires du 16 avril 2021.

Au regard des éléments produits par les parties alors que le salarié satisfait à la preuve qui lui incombe et que la société se soustrait à l'inverse aux obligations tenant à l'information du salarié sur les éléments relatifs à son temps de travail ayant fondé sa rémunération, ce dernier est bien fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires.

En application d'un accord de branche du 23 avril 2002 les heures de temps de service effectué au-delà du seuil de 35 heures par semaine sont rémunérées à un taux majoré de 25 % de la 36e à la 43èmes heures hebdomadaires et à 50 % à partir de la 44e heure hebdomadaire.

Les éléments communiqués par le salarié concernant les heures supplémentaires sur la semaine sont inopérants M. [H] se limitant à faire en pièce 15 une déclaration laconique faisant état d'une amplitude horaire en semaine de 5 heures du matin à 15 heures tous les jours avec un temps de pause de 30 min. Au regard du nombre d'heures supplémentaires comptabilisées dans les bulletins de salaire, cet élément ne peut suffire à établir l'existence d'heures non rémunérées.

À l'inverse, le salarié justifie qu'à 4 reprises en 2016 et 2017 et sur l'année 2018, une prestation travail a été réalisée le dimanche, alors qu'elle n'apparaît pas sur les bulletins de salaire. Les mentions figurant sur la feuille manuscrite comptabilisant les dimanches travaillés de janvier à juillet 2018 sont en partie corroborées par des SMS ou des bons de rotation.

Au vu de ces éléments, il convient de faire droit à la demande du salarié et de fixer à 120 heures le nombre d'heures supplémentaires non rémunérées et d'allouer à ce titre au salarié la somme de 1943,50 euros outre les congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations en n'accomplissant pas la déclaration préalable à l'embauche, en mentionnant sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux (article L. 8221-5 du code du travail).

La caractérisation de l'infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité (déclaration d'embauche, remise d'un bulletin de paie, etc.) et d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité. Le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 et dont le contrat est rompu a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L. 8223-1 du code du travail).

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.

Ni la demande au titre des heures supplémentaires, ni les autres éléments versés aux débats, ne sont de nature à établir que la société se soit soustrait intentionnellement aux déclarations imposées de ce fait. La demande sera donc rejetée.

Sur la demande au titre de la compensation obligatoire en repos

En application des dispositions de l'article R 3312 ' 48 du code des transports « les heures supplémentaires ouvrent droit à une compensation obligatoire en repos trimestriel dont la durée est égale à :

- 1. une journée à partir de la 41ème heure jusqu'à la 79e heures supplémentaires par trimestre;

- 2. une journée et demie à partir de la 41ème heures et jusqu'à la 108ème heures supplémentaires par trimestre ;

-3. Deux journées et demie au-delà de la 108ème heures supplémentaires par trimestre »

La cour constate que la demande formulée à ce titre par le salarié a été satisfaite par la société qui produit à la fois la transmission à son avocate, le 16 avril 2021, du bulletin de paye du mois de mars 2021 faisant apparaître les repos et le chèque de règlement du salaire net. La cour constatera donc simplement que la société a acquiescé à la demande et que l'exécution en a été réalisée et confirmera la décision prud'homale.

Sur le rappel de prime pour travail du dimanche

En application de l'article 7 quater de l'annexe ouvrier de la convention collective des transports routiers du 25 juillet 1951 il est prévu une prime d'un montant de 7,52 euros pour une durée de travail inférieur à trois heures consécutives le dimanche et 17,50 euros au-delà. Ces sommes ont été revalorisées au 27 décembre 2017 à 10,07 euro et 23,42 euros.

Le salarié qui soutient avoir travaillé de 144 dimanches sur la période d'octobre 2015 à octobre 2018 sollicite la somme de 2658,68 euros de rappel de prime.

L'employeur considère que le salarié ne justifie nullement avoir travaillé les dimanches et selon l'amplitude horaire qu'il revendique et demande la confirmation du jugement prud'homale sur ce point.

Il est établi par les pièces transmises par M. [H] qu'il a bien, entre 2016 et 2018, effectué des prestations de travail le dimanche et il est constant que les bulletins de salaire ne font apparaître le versement d'aucune prime à ce titre. Si M. [H] est bien fondé à solliciter ce rappel de prime le montant réclamé doit être limité aux heures de travail réalisées le dimanche dont il justifie. Il lui sera en conséquence allouée la somme de 351,30 euros de prime.

Sur le dépassement des durées maximales de travail autorisé

Les dispositions des articles R 3312 ' 50 et R 3312 ' 51 du code des transports fixent la durée maximale de service à ne pas dépasser, soit la durée hebdomadaire maximale sur une semaine isolée de 52 heures, les durées hebdomadaires maximales appréciées sur trois mois de 48 heures et la durée sur un trimestre de 624 heures cumulées.

M. [H] fait valoir que pour 2018, les heures comptabilisées dans ses bulletins de salaire au titre de ses temps de service ( cumul du temps de travail effectif et heures d'équivalence) et les dimanches non comptabilisés ont contribué à un dépassement des durées maximales prévues par les textes précités. En réparation du préjudice lié aux répercussions sur sa vie personnelle et sur sa santé, le salarié sollicite la somme de 23'370,72 euros.

La société transmet le récapitulatif des temps de travail sur les années 2016, 2017 et 2018 et fait valoir que les maximales autorisées n'ont été dépassées de façon très faible qu'à une seule reprise sur un trimestre. Elle soutient que le salarié ne justifie pas des préjudices qu'il aurait subis du fait des dépassements des durées maximales du travail et demande la confirmation de la décision prud'homale sur ce point.

Il y a lieu de constater que le salarié ne transmet d'évaluation des maximales autorisées concernant son temps de travail que sur l'année 2018. Par comparaison avec le tableau transmis par l'employeur, il apparaît qu'un dépassement a bien été constaté sur la période d'avril 2018 et comme l'indique la société il est minime. Les données du tableau transmis par le salarié intègre des périodes travaillées le dimanche continu ne justifie que partiellement. Au regard de ces éléments il convient de considérer que le salarié est bien fondé à revendiquer la compensation obligatoire en repos du fait du dépassement des maximales autorisées. Néanmoins le salarié ne justifie d'aucun préjudice né de ces dépassements et en conséquence la demande sera rejetée.

Sur le travail de nuit

Sur la compensation pécuniaire des heures de nuit

L'article premier du protocole d'accord du 14 novembre 2001 définit la période de travail de nuit comme celle comprise entre 21 heures et 6 heures du matin.

Le salarié se prévaut du protocole d'accord du 14 novembre 2001 pour considérer qu'il pouvait disposer de la majoration de 20% applicable aux heures de travail de nuit. Il produit deux SMS de 15 juillet et 30 avril 2018 faisant état d'une communication avec son employeur au-delà de 21 heures et en deçà de six heures du matin. M. [H] sollicite une somme de 1500 euros outre les congés payés afférents au titre des heures de nuit supplémentaires ou 1500 euros au titre de la perte de chance de vérifier ses droits du fait du comportement dilatoire de la société.

La société conclut au débouté estimant avoir réglé au salarié ses heures de nuit par le versement d'une prime de deux euros par heure de nuit réalisée sur deux mois en 2016 et 1 mois en 2018. Elle transmet à ce titre les bulletins de salaire qui font apparaître une prime de nuit calculée sur la base du nombre d'heures de nuit effectuées rémunérées au taux de deux euros en septembre et octobre 2016 et de en février 2018.

Les 2 SMS communiqués par le salarié ne permettent pas de considérer que sa demande est étayée et qu'elle offre à la société les moyens d'y répondre.

S'agissant de la demande formulée au titre de la perte de chance, il y a lieu de constater qu'il appartient au salarié qui entend obtenir réparation au titre de la perte de chance de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

Dès lors qu'il ne produit aucun élément qui permette d'envisager l'existence d'heures de nuit supplémentaires réclamées et de penser qu'il existe une chance de voir sa demande aboutir par la transmission des documents réclamés à l'employeur, la demande de M. [H] doit être rejetée.

Sur les demandes des repos compensateurs liés au travail de nuit

En vertu des dispositions de du protocole d'accord du 14 novembre 2001, le salarié qui accomplit dans un mois au moins 50 heures de travail effectif entre 21 heures et 6 heures bénéficient d'un repos compensateur d'une durée égale à 5 % du temps de travail accompli pendant cette plage horaire. Le salarié sollicite, à titre principal, 1500 euros brut à titre d'indemnité compensatrice liée au repos compensateur pour travail de nuit outre 150 euros bruts correspondant aux congés payés afférents, ou 1500 euros nets pour perte de chance.

La société sollicite le débouté et fait valoir que le salarié ne démontre aucun préjudice, ni même une perte de chance du fait de n'avoir pas pu déterminer s'il avait travaillé 50 heures par mois de nuit.

Pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués dans le cadre du paragraphe ci-dessus concernant la compensation financière des heures de nuit, il y a lieu de rejeter la demande formée par le salarié car outre le fait qu'il ne justifie pas d' heures de nuit non rémunérées, ses bulletins de salaire ne permettent pas de constater le dépassement du quota de 50 heures mensuelles.

Sur la demande au titre du suivi médical renforcé

Le travail de nuit ouvre droit en application des dispositions d'un suivi médical renforcé dont le salarié n'a pas bénéficié et il revendique à ce titre la condamnation de la société à 4000 euros nets pour défaut de suivi médical renforcé des travailleurs de nuit. La société conteste la qualité de travailleur de nuit du salarié et conclut à la confirmation de la décision prud'homale.

En vertu des dispositions de l'article L 3122 ' 5 du code du travail le salarié est considéré 'comme travailleur de nuit dès lors que :

1. soit il accomplit au moins deux fois par semaine selon un horaire de travail habituel au moins trois heures de travail quotidienne ;

2. soit il accomplit au cours d'une période de référence un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L 3122 ' 2 dans les conditions prévues aux articles L 3122-16 et L 3122-23.'

Même si le salarié a réalisé quelques heures de travail en nocturne en 2016 et en 2018, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il exerçait ses fonctions dans les conditions précitées qui lui ouvraient droit au statut de travailleur de nuit. Confirmant la décision prud'homale, la demande sera rejetée.

Sur la demande en annulation de l'avertissement du 22 septembre 2018

Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L. 1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

M. [H] a fait l'objet le 22 septembre 2018 d'un avertissement disciplinaire pour n'avoir pas réalisé deux collectes, les 10 et 13 septembre 2018. Il sollicite l'annulation de cette sanction au moyen que d'une part, il s'agirait du détournement du pouvoir disciplinaire, l'avertissement serait un moyen d'intimidation du salarié qui a revendiqué à être rempli de ses droits au titre des heures supplémentaires, du travail de nuit et du dimanche ; que d'autre part, les faits allégués à l'appui de la sanction ne sont pas justifiés. Il sollicite la somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de l'exercice abusif ou injustifié par l'employeur de son pouvoir disciplinaire.

La société conclut au bien fondé de l'avertissement, estime les faits sont établis par les pièces transmises et conteste les moyens invoqués par le salarié. Elle demande la confirmation de la décision prud'homale sur ce point.

Le salarié ne transmet aucun élément qui permet de justifier le détournement de pouvoir disciplinaire qu'il invoque. À l'inverse, par la transmission de ces pièces 5, 6 et 7, l'employeur justifie à la fois que les deux collectes visées dans l'avertissement étaient bien au programme du salarié ces jours-là et qu'il a été défaillant dans les deux cas à les réaliser. Aucune pièce au dossier ne permet de démontrer comme le soutient M. [H] que les collectes visées dans l'avertissement n'étaient pas accessibles en camion ce jour-là ou que l'employeur ait été avisé de l'impossibilité de réaliser la collecte du jeudi 13 septembre 2018 en raison de la surcharge de la tournée ce jour là.

Au regard de ces motifs, il convient de confirmer la décision prud'homale qui a justement considéré que la demande du salarié devait être rejetée.

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par ailleurs, selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

A défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Le salarié invoque la prescription des faits relatifs aux tournées reportés antérieures au mois de juillet 2018, l'engagement de poursuites disciplinaires ne pouvant avoir lieu au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. Il souligne également que les faits déjà sanctionnés dans l'avertissement ne peuvent pas également être retenus pas plus que les faits dont l'employeur avait connaissance avant l'avertissement. Il en conclut que seules les tournées des 27, 25 et 24 septembre prétendument non réalisées demeurent dans le débat. M. [H] estime qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ces collectes n'étaient pas inaccessibles en camion ce jour-là ou que le salarié n'ait pas été dans l'impossibilité de réaliser la collecte en raison de la surcharge de la tournée ces jours là.

S'agissant des absences injustifiées de 3 et 4 septembre, le salarié indique avoir eu l'accord de son employeur.

S'agissant des retards le matin, il soutient que le grief n'est pas justifié et antérieur à l'avertissement.

Sur le non-respect des procédures relatives au remplissage et à la signature des bons des clients, le salarié considère que sont seuls concernés en raison de la mise à pied conservatoire du 28 septembre, les bons de 23 et 28 septembre 2018 et indique que faute pour l'employeur de justifier de l'information du salarié sur les procédures à mettre en place, le grief n'est pas fondé.

La société s'agissant du moyen tiré la prescription des faits fautifs sollicite la confirmation de la décision prud'homale. Elle relève que trois collectes non réalisées sont postérieures à l'avertissement du 22 septembre 2018 et qu'elle peut à bon droit évoquer dans la lettre de licenciement des faits similaires antérieurs tant à l'avertissement qu'à la période de prescription. Elle conteste l'existence d'une double sanction et demande la confirmation de la décision prud'homale sur ce point. Elle estime enfin que l'intégralité des faits reprochés au salarié que ce soit le refus d'effectuer les tournées, les absences injustifiées, le non-respect des horaires ou le non-respect des consignes est justifiée.

Au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu que la prescription d'un fait fautif antérieur à deux mois pouvait être pris en considération dans le cadre du licenciement dans la mesure où le comportement du salarié s'était poursuivi au-delà de ce délai que les manquements avaient persisté malgré la mise en garde de l'employeur ; qu'il a justement souligné que l'identité des faits dans leur caractère contraire aux obligations contractuelles consistait en un comportement fautif à la fois dans sa nature et dans son caractère répétitif.

S'agissant des moyens invoqués par le salarié sur la double sanction ou le fait que l'employeur ait épuisé son pouvoir de sanction, il y a lieu de constater que la lettre de licenciement visant des faits postérieurs à l'avertissement, le moyen est inopérant. Ainsi, l'employeur est bien fondé à reprocher à son salarié le refus d'effectuer des collectes le 24 septembre 2018 chez le client Carestia le 25 septembre 2018 chez le client RB clim et le 27 septembre 2018 chez le client domaine de Saint Pry.

La cour relève, à cet égard que ce grief concerne l'activité principale attribué au salarié, que les refus visés s'avèrent quasiment quotidiens, que pourtant le salarié a été sanctionné pour des faits identiques quelques jours auparavant par un avertissement du 22 septembre 2018 et qu'enfin l'employeur démontre l'existence de multiples précédents qui l'avait contraint à sanctionner une première fois le salarié. Dès lors que la première sanction s'est avérée vaine, il ne pourrait être reproché à l'employeur d'avoir prononcé à son égard une nouvelle sanction.

Le salarié qui invoque la surcharge des journées du jeudi ou le défaut d'accessibilité aux collectes ne justifie pas de ses prétentions et ne démontre pas qu'il en avait informé son employeur.

Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats et notamment des échanges d'e-mails entre l'employeur et ses clients que les refus du salarié avaient un impact sur l'image de l'entreprise et la fiabilité de ses engagements et une incidence notable sur l'organisation au sein des équipes de collectes, le refus du salarié nécessitant de modifier la tournée suivante ou de déléguer à un autre conducteur la prestation non effectuée. Ces éléments suffisent à considérer que l'employeur justifie d'une faute grave à l'encontre de son salarié.

Le licenciement sera déclaré fondé sans qu'il soit nécessaire d'analyser l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.

Dès lors que la faute grave a été retenue, la demande de rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire n'est pas fondée. Le salarié qui ne transmet aucun élément à l'appui de sa demande, ne justifie pas non plus d'une procédure brutale et vexatoire.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir que la société lui a imposé une période d'essai de six mois alors que le maximum prévu par les dispositions L 1221 ' 19 et L 1221 ' 21 du code du travail prévoient une durée de deux mois renouvelables une fois. Il relève également que le contrat de travail ne lui a été remis et signé le 9 avril 2015 avec une prise de fonction le 20 janvier 2015 et sollicite la somme de 10'000 euros en réparation de ce préjudice.

Il est constant que l'employeur n'a pas respecté les dispositions relatives à la durée de la période d'essai. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le contrat travail ait été remis tardivement au salarié, un délai de deux mois et demi séparant le début d'activité de la remise du contrat.

Dans la mesure où le salarié s'est trouvé dans l'incapacité de vérifier que la durée de la période d'essai imposée par l'employeur était conforme aux dispositions de la convention collective mentionnée dans son contrat de travail et qu'il a en conséquence été maintenue dans une situation de précarité en étant contraint à une période d'essai illégal, il est bien fondé à solliciter la réparation de son préjudice pour l'inexécution déloyale du contrat de travail par l'employeur. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 25 novembre 2021 sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires et congés payés afférents, la demande relative l'exécution déloyale du contrat de travail et les dépens ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Diaspo Environnement à payer à M. [H] les sommes suivantes :

- 1943,50 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires et 194,35 euros pour les congés payés y afférents ;

- 351,30 euros de prime pour travail le dimanche ;

- 1500 euros en réparation du préjudice issu de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne la remise par la société Diaspo Environnement à M. [H] de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Diaspo Environnement à payer à M. [H] de l'un à tout la somme de 1500 euros sur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société Diaspo Environnement aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 21/03684
Date de la décision : 29/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-29;21.03684 ?
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