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25/04/2024 | FRANCE | N°23/07285

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 25 avril 2024, 23/07285


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 23/07285 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WEU7



AFFAIRE :



S.A.R.L. PARASENS



C/



S.A. GECINA



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Septembre 2023 par le Juge de la mise en état de NANTERRE

N° RG : 19/04157



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies<

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délivrées le : 25.04.2024

à :



Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Delphine LAMADON de la SELARL KARILA DE VAN ET LAMADON, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 23/07285 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WEU7

AFFAIRE :

S.A.R.L. PARASENS

C/

S.A. GECINA

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Septembre 2023 par le Juge de la mise en état de NANTERRE

N° RG : 19/04157

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :

Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Delphine LAMADON de la SELARL KARILA DE VAN ET LAMADON, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. PARASENS

N° Siret : 537 537 763 (RCS Nanterre)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 23078159 - Représentant : Me Marc BENSIMHON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0410, substitué par Me Stéphanie BANBA, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A. GECINA

N° Siret : 592 014 476 (RCS Paris)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Delphine LAMADON de la SELARL KARILA DE VAN ET LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418 - N° du dossier E00035BN - Représentant : Me Laurent KARILA de la SELAS KARILA SOCIETE D'AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0264 - N° du dossier 17626, substitué par Me Bruno DEMONT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller et Madame Florence MICHON, Conseiller

entendu en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 26 août 2011, la société Horizons, aux droits de laquelle est venue la société Gecina à la suite d'une fusion absorption, a donné à bail commercial à la société Parasens un local situé au rez-de-chaussée de l'immeuble Tour Horizon sis [Adresse 2], pour une durée de dix années, à effet au 1er octobre 2011 ( reporté au 21 novembre 2011 par un avenant ultérieur), pour y exercer une activité de parapharmacie, diététique, centre d'amincissement, de soins corporels, massages, esthétique, et à titre accessoire de parfumerie, conseil en nutrition, produits pharmaceutiques, commercialisation et diffusion de tous produits se rapportant à ces activités.

Le montant du loyer annuel a été fixé à 100 000 euros hors charges et hors taxes, avec indexation.

Des loyers étant impayés, la société Gecina a fait assigner en référé la société Parasens pour obtenir le versement d'une provision au titre de l'arriéré locatif.

Par ordonnance de référé du 7 octobre 2015, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une médiation.

Un protocole d'accord transactionnel, portant notamment sur le montant du loyer, pour lequel la société Gecina a consenti un abattement pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019, (60 000 euros au lieu de 100 000 pour les années 2016 et 2017, 80 000 pour l'année 2018 et 90 000 pour l'année 2019), le loyer annuel de 100 000 euros, hors charges et hors taxes, s'appliquant à compter du 1er janvier 2020, ainsi que sur le règlement de la dette locative arrêtée au 31 décembre 2015, a été conclu entre les parties le 1er mars 2016.

En raison de désordres affectant l'immeuble Tour Horizon, la société Parasens a mis la société Gecina en demeure, par courrier du 27 novembre 2018, de l'indemniser de ses préjudices, et de réduire le montant du loyer à 4 346 euros HT par mois jusqu'à la fin des travaux.

Du fait des désordres apparus au sein de l'immeuble, la société Gecina a fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris, les différents intervenants à l'acte de construire, en présence des locataires, la société Roche et la société Parasens, pour obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance de référé du 6 février 2019, M. [Y] a été désigné en cette qualité.

Le 2 avril 2019, la société Gecina a fait délivrer à la société Parasens un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, pour le règlement de loyers et charges impayés arrêtés au 2ème trimestre 2019.

Par acte d'huissier du 30 avril 2019, la société Parasens a fait assigner la société Gecina devant le tribunal de grande instance de Nanterre, pour obtenir, en substance :

une réduction du loyer dont elle est redevable, à compter du 1er octobre 2018 et pendant toute la durée des travaux sur l'immeuble de la Tour Horizon,

une réduction du montant des charges qui lui sont facturées,

la suspension des effets de la clause résolutoire figurant au contrat de bail,

l'indemnisation des préjudices par elle subis du fait des travaux,

à titre subsidiaire, l'octroi de délais de paiement, avec suspension des effets de la clause résolutoire.

En parallèle, le 26 mars 2021, la société Gecina a fait signifier à la société Parasens un congé avec refus de renouvellement, à effet du 20 novembre 2021, qui a été suivi d'une seconde assignation délivrée le 13 décembre 2021, devant la même juridiction, à la demande de la société Parasens, en contestation de ce congé.

Les deux procédures introduites par la société Parasens seront ultérieurement jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 26 mai 2023.

Par conclusions d'incident en date du 19 octobre 2022, la société Gecina, qui avait déjà obtenu de la cour d'appel de Versailles, douzième chambre, une provision sur les loyers de l'année 2019 et des mois de janvier et février 2020, a saisi le juge de la mise en état, pour obtenir :

le paiement par la société Parasens d'une provision de 257  370 euros à valoir sur l'arriéré locatif pour la période allant du mois de mars 2020 au mois de septembre 2022 inclus dont elle est redevable en application du bail,

un sursis à statuer sur le fond de l'affaire, dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert désigné par l'ordonnance de référé du 6 février 2019 du président du tribunal de grande instance de Paris.

Par ordonnance contradictoire rendue le 25 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :

condamné la société Parasens à payer à la société Gecina la somme de 197 351 euros TTC à titre de provision à valoir sur les loyers afférents à la période allant du mois de mars 2020 au mois de septembre 2022 inclus,

débouté la société Parasens de sa demande de délai de paiement,

ordonné le sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert judiciaire désigné par ordonnance du présent du tribunal de grande instance de Paris du 6 février 2019,

renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 28 juin 2024 pour message des parties sur l'état d'avancement de l'expertise,

condamné la société Parasens à payer à la société Gecina la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Parasens de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Parasens aux dépens de l'incident, qui pourront être recouvrés par la SELAS Karila dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 24 octobre 2023, la société Parasens a relevé appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 mars 2024, avec fixation de la date des plaidoiries au 13 mars suivant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Parasens, appelante, demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre le 25 septembre 2023 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

juger que la société Parasens est bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution qui justifie le non-paiement de ses loyers,

juger que l'obligation de payer les loyers pesant sur la société Gecina (sic) se heurte à une contestation sérieuse,

En conséquence :

débouter la société Gecina de sa demande de paiement provisionnel de la somme de 257 370euros

A titre subsidiaire :

fixer la provision à la somme de 3 340 euros HT/HC rétroactivement à compter du 1er octobre 2018 jusqu'au 31 janvier 2021 date de la dépose des barrières de sécurité,

fixer la provision à 3 958 euros HT/HC rétroactivement à compter du 1er février 2021 et pendant toute la période des travaux sur l'immeuble de la tour Horizon,

A titre infiniment subsidiaire :

accorder les plus larges délais de paiement à la société Parasens [pour] pouvoir s'acquitter des loyers qui seraient retenus,

En tout état de cause :

ordonner la compensation des éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Parasens au titre des loyers et charges avec la créance indemnitaire qu'elle détient sur la société Gecina,

dire que le sursis à statuer ordonné par le juge de la mise en état concernera aussi les demandes formées par la société Gecina,

condamner la société Gecina au paiement provisionnel de la somme de 250 000 euros HT à faire valoir sur le quantum des préjudices qui seront définitivement fixés par le rapport d'expertise judiciaire,

condamner la société Parasens (sic) à verser à la société Gecina la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Parasens (sic) aux entiers dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Gecina, intimée, demande à la cour de :

à titre liminaire, écarter des débats les conclusions et pièces tardivement notifiées par la société Parasens le 28 février 2024, en ce qu'elles portent atteinte au principe du contradictoire,

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant :

condamner la société Parasens au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif restant dû au titre des mois d'octobre à décembre 2022,

condamner la société Parasens au paiement de la somme de 120 000 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif restant dû au titre de l'entière année 2023,

En tout état de cause :

déclarer irrecevable la demande de provision formée par la société Parasens pour la première fois en cause d'appel,

rejeter en tout état de cause cette demande, en ce qu'elle apparaît sérieusement contestable,

débouter plus généralement la société Parasens de l'ensemble de ses demandes,

condamner la société Parasens au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens, et dire que ces derniers pourront être directement recouvrés par la SELARL Karila de Van - Lamadon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION 

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Elle rappelle également s'agissant des prétentions énoncées au dispositif saisissant la cour, que les demandes de 'juger' qui ne tendent qu'au rappel des moyens invoqués à l'appui des demandes sans conférer de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande de rejet de conclusions et de pièces transmises par l'appelante

A l'appui du rejet des conclusions et pièces notifiées par la société Parasens le 28 février 2024, la société Gecina fait valoir que l'appelante, par ces conclusions, a modifié l'objet de ses prétentions, à l'appui notamment d'un rapport d'expertise amiable non contradictoire établi le 26 février 2024 et d'une attestation de son expert-comptable du 27 février 2024, que ces productions sont tardives, dès lors que la cour, après avoir reporté la clôture du fait que la société Parasens avait conclu la veille de la date fixée pour celle-ci, a mentionné qu'aucune conclusion ni pièce ne serait reçue après le 28 février 2024, et que les conclusions notifiées par la société Parasens ne peuvent être considérées comme une simple réplique ultime de l'appelante, s'agissant d'une modification substantielle de son argumentation, à l'appui de pièces nouvelles, dont la société Parasens disposait manifestement avant qu'elle ait elle-même conclu en réplique le 27 février 2024.

Ces productions tardives, qui la placent de facto dans l'impossibilité de répliquer dans le délai fixé par la cour, doivent en conséquence, soutient-elle, être rejetées sur le fondement des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, et 6 §3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La société Parasens n'a pas conclu en réponse à cette demande de son adversaire.

Il est rappelé que les conclusions déposées et les pièces communiquées par les parties sont, par principe, recevables jusqu'à la clôture de l'instruction, par application de l'article 802 du code de procédure civile, et que restent recevables, même après la clôture, les conclusions aux fins d'irrecevabilité des conclusions adverses, pour non respect du contradictoire.

Par ailleurs, des conclusions déposées et des pièces communiquées avant l'ordonnance de clôture, mais peu de temps avant la date prévue pour celle-ci, peuvent être écartées des débats si elles contreviennent aux principes de la contradiction et du droit de chaque partie de pouvoir se défendre, consacrés par les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Toutefois, les conclusions et pièces de dernière heure ne peuvent être écartées des débats qu'en cas d'atteinte effective aux droits de la défense et au principe de la contradiction.

Les conclusions et les deux pièces litigieuses, qui consistent dans un rapport d'un expert mandaté par la société Parasens, et une attestation d'expert comptable, ont été déposées le 28 février 2024, soit dans le délai fixé, et avant la clôture de l'instruction.

La société Gecina, qui ne prouve pas que les deux pièces litigieuses, qui datent pour la première du 26 février 2024 et pour la seconde du 27 février 2024, auraient été effectivement en possession de l'appelante avant ces dates, a eu utilement connaissance de ces conclusions et pièces, puisqu'elle y a répondu, en discutant, notamment, de la portée des pièces en question dans ses conclusions du 1er mars 2024, qui ont été déposées avant la clôture de la procédure et dont la société Parasens n'a pas en retour réclamé le rejet par voie de conclusions.

Aucune atteinte au principe de la contradiction et aux droits de la société Gecina de se défendre n'étant, dans ces conditions, caractérisée, la demande de l'intimée tendant au rejet des conclusions et pièces notifiées le 28 février 2024 par l'appelante ne peut prospérer.

Sur la demande de provision sur les loyers

Pour statuer comme il l'a fait, le juge de la mise en état a relevé que, s'il était admis par les parties que l'immeuble Tour Horizon dans lequel se situait le local donné à bail à la société Parasens présentait des désordres, et s'il ressortait des pièces produites que les désordres en cause avaient conduit à la mise en place de barrières de chantier et échafaudages devant le local loué par la société Parasens, cette dernière reconnaissait n'avoir pas cessé son activité au cours de la période litigieuse, de sorte qu'elle ne pouvait invoquer une exception d'inexécution afin de s'exonérer totalement du paiement des loyers. Il a donc retenu que l'obligation de payer les loyers pesant sur la société Parasens n'était pas sérieusement contestable. Il a toutefois considéré qu'il n'en était pas de même de leur quantum, jusqu'à la dépose des barrières de chantier et échafaudages, intervenue le 1er février 2021. Il a en conséquence, pour la période antérieure à la dépose des barrières de chantier et échafaudages, soit du 1er mars 2020 jusqu'au 31 janvier 2021, alloué une provision au bailleur à hauteur du loyer que la société Parasens reconnaissait devoir, soit 3 340 euros HT/HC par mois, qui correspond au montant auquel, par ses dernières conclusions au fond notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, elle demande au tribunal de fixer le loyer à compter rétroactivement du 1er octobre 2018 et pendant toute la période des travaux sur l'immeuble, et, pour la période postérieure à la dépose des barrières de chantier et échafaudages, soit à compter du 1er février 2021 jusqu'au 30 septembre 2022, une provision à hauteur du loyer dû en vertu du bail liant les parties, soit 100 000 euros HT/HC par an. Ces sommes ont été augmentées de la TVA au taux de 20% conformément au bail, et après déduction d'une somme de 46 737 euros correspondant aux paiements réalisés par le preneur sur la période en cause, la provision a été arrêtée à 197 351 euros TTC.

A l'appui de sa demande d'infirmation sur ce point, la société Parasens soutient que contrairement à ce qu'a retenu le juge de la mise en état, la demande de condamnation provisionnelle de la société Gecina se heurte à des contestations sérieuses. Elle fait valoir qu'elle a totalement perdu sa visibilité en raison de la pose, par la société Gecina, d'échafaudages et barrières de sécurité devant son local, dont il est très rapidement résulté une baisse significative de son chiffre d'affaires, entraînant une impossibilité de payer le loyer et les charges qui lui étaient réclamées ; qu'elle a également dû supporter un risque important au regard de la sécurité de ses salariés et clients ; qu'elle a vu l'accès à son local totalement obstrué ; que l'entretien de la voirie à proximité immédiate de son local était impossible en raison de l'installation des échafaudages ; que les nombreux travaux réalisés dans le [Adresse 5] lui occasionnent une gêne considérable, avec d'importantes nuisances sonores, des désagréments pour sa clientèle et pour son personnel, résultant de la présence d'engins de chantiers, ainsi qu'une raréfaction du passage des chalands ; que la dépose des échafaudages, au mois de février 2021, n'a pas mis fin aux désordres ni à son préjudice, contrairement à ce qu'a retenu le juge de la mise en état, puisque ceux-ci ont été remplacés par des filets de sécurité, qui occultent la visibilité de ses locaux et repoussent les chalands ; que la totalité des locataires de la Tour, dont les salariés constituaient sa principale clientèle, ont quitté celle-ci du fait de son état ; qu'en outre, la société Gecina a refusé de réduire le loyer mensuel pendant la période des travaux ; que les manquements de la société Gecina à ses obligations de délivrance conforme et de jouissance paisible des locaux donnés à bail sont à l'origine d'un lourd préjudice ; que compte tenu de ces manquements, elle est bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution, justifiant le non paiement de ses loyers. A titre subsidiaire, la société Parasens soutient qu'il existe une contestation sérieuse quant au quantum des sommes réclamées par la société Gecina. Elle considère que, si le juge de la mise en état l'a à juste titre reconnue, c'est à tort qu'il a jugé que cette contestation n'existait que jusqu'à la dépose des barrières de chantier et échafaudages, et qu'en limitant la durée de la baisse des loyers à la seule période du mois de mars 2020 au mois de février 2021, il a effectué une interprétation erronée de la durée des travaux et des désordres qui lui sont toujours occasionnés ; que d'une part, les désordres ( chutes de blocs de béton et autres dangers) sont bien antérieurs, et la pose des échafaudages a débuté au mois de septembre 2018, et que d'autre part, les nuisances subies perdurent, en raison de la présence de filets de sécurité sur la façade ; que d'ailleurs la société Gecina reconnaît elle-même dans le cadre de l'expertise en cours que des préjudices découlent de la présence de filets de sécurité ; qu'au vu des rapports d'expertise qu'elle verse aux débats, ainsi que des photographies qu'elle produit, la poursuite des désordres et nuisances et donc de ses préjudices est avérée ; qu'elle continue en effet de voir son activité et son chiffre d'affaires diminuer, en raison de la présence de filets de sécurité sur la façade de la tour, de travaux et du changement de commercialité de la zone ; que la valeur locative actuelle des locaux s'établit à 47 000 euros HT, soit 3 958 euros HT ; qu'en raison des nombreux manquements de la société Gecina à son obligation de délivrance, le protocole qu'elles ont signé le 1er mars 2016 n'a pas lieu de s'appliquer.

La société Gecina objecte que la société Parasens ne peut s'abstenir de tout paiement du loyer, en l'absence d'impossibilité totale d'exploiter les locaux loués ; que selon la jurisprudence constante et ancienne, seule une impossibilité totale d'exploiter les locaux loués est susceptible de justifier que le preneur soit libéré de son obligation de payer le loyer sur le fondement de l'exception d'inexécution, et qu'en l'espèce, il est établi que le local loué n'a jamais cessé d'être exploité. En tout état de cause, ajoute-t-elle, la société Parasens ne peut prétendre s'affranchir du paiement du loyer, nonobstant les préjudices de jouissance prétendument subis, en l'absence de manquement avéré de sa part à l'une quelconque de ses obligations, en l'état actuel des opérations d'expertise. En effet, il n'est aucunement acquis, à ce stade, qu'elle aurait commis un manquement quelconque à l'origine des désordres litigieux, pas plus que n'est établi le lien de causalité entre la baisse de chiffre d'affaires alléguée par la société Parasens et les désordres litigieux, ni même la réalité de la perte de chiffre d'affaires alléguée par la société Parasens. Les contestations soulevées par la société Parasens ne sont donc pas de nature à constituer une contestation sérieuse, face à la demande légitime du bailleur de percevoir le loyer dû en contrepartie de la jouissance effective de la chose louée. Le montant évalué par le juge de la mise en état pour la période antérieure au 1er février 2021 n'est pas contestable par la société Parasens, dès lors que cette dernière se reconnaissait elle-même redevable du loyer à hauteur de ce montant, compte tenu des préjudices allégués. Pour la période postérieure, c'est à raison que le juge de la mise en état a retenu à titre de base provisionnelle le montant du loyer contractuel annuel de 100 000 euros HC/HT, dans la mesure où la société Parasens ne justifiait plus d'aucun préjudice de jouissance, du fait de la dépose des barrières et des échafaudages.

Comme en attestent les constats d'huissier et les photographies qui sont produits aux débats, les vitrines sont aujourd'hui dégagées de tout échafaudage et/ou barrière de sécurité, la devanture du magasin est parfaitement visible et accessible au public, et les filets de sécurité qui ont été installés en lieu et place des barrières et des échafaudages ne gênent aucunement l'entrée de son local. La société Parasens ne caractérise donc aucun trouble dans la jouissance de celui-ci. Outre la confirmation de l'ordonnance déférée, la société Gecina sollicite une provision complémentaire, la société Parasens, qui s'abstient toujours de tout paiement de loyer, restant lui devoir, sur la base du loyer contractuel annuel de 100 000 euros HT/HC ( soit 120 000 euros TTC/HC), une somme de 30 000 euros au titre de l'arriéré locatif des mois d'octobre à décembre 2022 et une somme de 120 000 euros pour l'année 2023.

En vertu de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et des stipulations du contrat de bail, le locataire est tenu de régler à son bailleur le montant du loyer afférent aux lieux loués.

En vertu de l'article 1719 du même code, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Si une partie est en droit de refuser d'exécuter la prestation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due, un locataire, comme l'a rappelé le juge de la mise en état, et nonobstant l'affirmation contraire de la société Parasens qui n'en précise pas le fondement légal ou jurisprudentiel, ne peut opposer l'exception d'inexécution pour refuser le paiement des loyers qu'en cas d'impossibilité totale d'utiliser les locaux pour l'activité prévue au bail.

Or en l'espèce, la société Parasens ne prétend pas, et a fortiori ne justifie pas, qu'elle serait dans l'impossibilité totale d'utiliser les locaux dont elle est locataire, et d'y exercer l'activité prévue. Les propres pièces de l'appelante témoignent du contraire, notamment l'attestation de son expert comptable du 27 février 2024, qui porte sur son chiffre d'affaires et le nombre de ses ventes pour les années 2017 à 2023 incluses.

En conséquence, l'ordonnance dont appel ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a retenu que l'obligation de la société Parasens au paiement d'un loyer n'était pas sérieusement contestable.

Pour la période allant du 1er mars 2020 au 31 janvier 2021, le juge de la mise en état, pour les motifs exposés ci-dessus, a fixé le montant de la provision due par la société Parasens à un montant de 3 340 euros HT/HC par mois.

Ce montant correspond à celui proposé par la société Parasens à titre subsidiaire, et il n'est pas non plus critiqué par la société intimée, qui n'a pas formé d'appel incident.

Il n'y a donc pas lieu d'infirmer l'ordonnance dont appel.

Il sera simplement rappelé, puisque la société Parasens demande que la provision sur les loyers dus soit fixée à une somme de 3 340 euros HT/HC à compter du 1er octobre 2018 ,que la société Gecina, dans le cadre de la présente instance, a sollicité une provision seulement à compter du mois de mars 2020, en sorte que la cour n'a pas à statuer sur le montant d'une provision qui n'est pas demandée et au titre de laquelle la société Parasens ne sollicite aucun remboursement d'un trop-versé, et surtout, qu'il a déjà été statué, par un arrêt de la 12ème chambre de la cour d'appel en date du 16 décembre 2021, sur la demande de provision formulée par la société Gecina pour la période antérieure au mois de mars 2020, sur laquelle le présent arrêt n'a donc pas à revenir.

Seul est donc à déterminer si la demande de la société Gecina d'obtenir, à titre provisionnel, le versement du loyer convenu entre les parties, pour les loyers dus à compter du 1er février 2021, se heurte, ou non, à une contestation sérieuse, et s'il convient de limiter la provision à elle allouée au montant de 3 958 euros HT/HC auquel entend le voir fixer la société Parasens, sur la base du nouveau rapport d'expertise qu'elle verse aux débats ( et non plus 3 340 euros mensuel HT/HC comme elle le demandait dans ses premières conclusions).

Le bail conclu entre les parties stipule un loyer annuel de 100 000 euros, hors taxes et hors charges.

Le rapport de l''expertise' effectuée à la demande de la société Parasens par M. [O], le 9 avril 2019, qui a évalué une valeur locative du bien à 40 070 euros HT par an, valeur retenue par la cour d'appel de Versailles, douzième chambre, dans son arrêt du 16 décembre 2021 puis par le juge de la mise en état dans son ordonnance dont appel, pour la période antérieure au 1er février 2021, a été établi à l'époque où avaient été placés sur la Tour Horizon différents équipements de protection, et notamment une clôture 'de chantier' de 2 mètres de hauteur et un échafaudage de protection, et où la société Parasens avait dû reconstituer une enseigne sur une banderole de tissu plastifié. M. [O] avait considéré que de la présence de ces différents équipements résultaient :

l'inutilisation du trottoir,

une absence de visibilité de la vitrine et de l'enseigne,

un défaut d'information sur les tarifs,

une baisse de flux de population sur le [Adresse 5], estimée à 20%.

Il n'est pas utilement contesté que, comme l'a retenu le juge de la mise en état, il n'y a plus ni barrières de chantier ni échafaudage sur les lieux depuis le 1er février 2021.

Il n'est pas davantage contesté que ces équipements ont été remplacés par un ou des filets de sécurité, sur les façades de l'immeuble.

Un constat d'huissier établi le 25 novembre 2021, produit par la société Gecina, montre, comme le souligne cette dernière, que les vitrines sont dégagées de tout échafaudage et/ou barrière de sécurité, et que la devanture du magasin est visible et accessible.

Selon un autre constat d'huissier, avec photographies, établi à la demande de la société Gecina, le 26 décembre 2023, des locaux commerciaux sont ouverts et exploités au rez de chaussée de l'immeuble, le filet de protection qui protège et enveloppe la façade de l'immeuble n'empêche pas l'accès aux commerces situés au rez de chaussée, les enseignes de ceux-ci ne sont pas masquées, l'accès de la clientèle aux locaux de la société Parasens n'est pas empêché, et les locaux de celle-ci sont ouverts au public, avec présence de mobiliers, de matériels et de personnel à l'intérieur des locaux.

Le rapport d' 'expertise' établi par M. [L], le 26 février 2024, à la demande de la société Parasens, retient certes une valeur locative de 47 500 euros HT, calculée à partir notamment d'éléments statistiques et de coefficients de commercialité, mais il n'appartient pas à la présente cour, statuant en appel d'une décision du juge de la mise en état, de trancher, le cas échéant, le litige opposant les parties sur la valeur locative du bien loué, mais uniquement d'examiner si un manquement de la société Gecina aux obligations qui lui incombent en sa qualité de bailleresse est susceptible de faire obstacle à l'usage, par la société Parasens, des locaux donnés à bail, ou de troubler sa jouissance.

M. [L] indique que la Tour Horizon est recouverte de filets et d'échafaudages, et qu'elle est complètement vide, mais cette mention ne suffit pas à contredire le constat contraire opéré par l'huissier mandaté par la société Gecina, et notamment quant à l'accessibilité des locaux et leur totale visibilité.

Il ne ressort pas du rapport de M. [L] que l'usage des lieux, ou leur jouissance paisible, par la société Parasens, serait affecté du fait d'un manquement de la société Gecina à ses obligations.

Le fait que la société Gecina, dans le cadre de l'expertise judiciaire en cours, et en vue de l'estimation de ses préjudices, fasse état de ceux résultant de la présence de filets de sécurité n'implique pas qu'elle admet avoir manqué à ses obligations à l'égard de ses locataires.

En l'absence de démonstration par la société Parasens que son obligation de s'acquitter du montant du loyer qui a été convenu entre les parties se heurte à une ou des contestations présentant un caractère sérieux, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.

Pour les mêmes motifs, la société Parasens, qui ne prétend pas avoir réglé une quelconque somme au titre de l'occupation des locaux appartenant à la société Gecina, et a fortiori n'en apporte aucune preuve, sera, par voie d'ajout, condamnée au paiement d'une provision équivalente au montant du loyer contractuel, pour la période allant du mois d'octobre 2022 au mois de décembre 2023, soit une somme totale de 150 000 euros TTC.

Sur les demandes de provision et de compensation de la société Parasens

La société Parasens demande à la cour d'ordonner la compensation des condamnations mises à sa charge au titre du paiement du loyer et des charges avec sa créance indemnitaire sur la société Gecina. Elle fait valoir qu'elle subit un préjudice évalué à 1 192 993 euros, pour lequel elle devrait être indemnisée par la société Gecina, que si son préjudice n'est pas encore déterminé dans son montant, il est certain dans son principe puisque l'un des chefs de mission de l'expertise en cours est de déterminer les préjudices par elle subis, qu'elle dispose ainsi d'une créance certaine à l'encontre de la société Gecina, et qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, les créances de loyers et l'indemnisation de l'inexécution de l'obligation de délivrance du bailleur sont des dettes connexes, doit qui doivent se compenser.

Dans la suite de ses conclusions, au visa des articles 789 du code de procédure civile et 1719 du code civil, la société Parasens sollicite le paiement d'une provision de 250 000 euros par la société Gecina, à valoir sur les préjudices qu'elle a subis, du fait des manquements de la bailleresse à ses obligations contractuelles de délivrance conforme et de jouissance paisible. Elle considère que la réalité de ses préjudices, si leur quantum est encore en cours de fixation, ne peut en effet être contestée.

La société Gecina fait valoir, en premier lieu, que la demande formée par la société Parasens, pour la première fois devant la cour, relative au paiement de la somme de 250 000 euros à titre de provision à valoir sur son prétendu préjudice, est irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile, faute d'avoir été formée en première instance. En tout état de cause, elle considère que les demandes de condamnation provisionnelle et de compensation sont mal fondées, dès lors qu'une expertise judiciaire est en cours pour déterminer les causes et origines des désordres, ainsi que les préjudices subis, et fait valoir que le rapport d'expertise amiable non contradictoire que verse la société Parasens ne peut servir à lui seul d'élément de référence opposable, qu'en tout état de cause, la société Parasens retient le paiement des loyers depuis 2019, ce qui représente une somme de plus de 500 000 euros cumulée pendant 5 ans, et que le juge de la mise en état a précisément tenu compte des préjudices allégués par la société Parasens pour limiter la provision allouée sur la période allant de mars 2020 à septembre 2022 et que celle-ci ne saurait être indemnisée deux fois pour le même préjudice, sauf à violer le principe de la réparation intégrale.

Si en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent en principe soumettre à la cour de nouvelles prétentions, elles son recevables à le faire pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Par ailleurs, en vertu de l'article 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.

Dans ces conditions, la demande de provision de la société Parasens, qui se rattache par un lien suffisant à la demande en paiement de la société Gecina, puisque les deux demandes procèdent de l'exécution - et en l'occurrence de l'inexécution - du même contrat de bail, de même que sa demande de compensation, sont recevables devant la cour, bien que non présentées devant le premier juge.

Mais alors qu'une expertise est en cours, dans le cadre d'une instance distincte, afin de déterminer les préjudices subis, et de permettre au juge du fond de statuer sur les responsabilités encourues, la société Parasens ne fait pas la preuve qu'elle dispose, à l'encontre de la société Gecina elle-même, d'une créance de dommages et intérêts qui ne serait pas sérieusement contestable, en sorte que ni sa demande de provision ni sa demande de compensation, laquelle suppose que les créances soient certaines, ne peuvent prospérer.

Sur la demande de délais de paiement

La société Parasens demande que des délais de paiement lui soient accordés, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil. Elle expose que, eu égard aux préjudices qu'elle subit, elle ne dispose pas des moyens financiers suffisants pour assumer le montant de la condamnation prononcée à son encontre, qu'elle est déficitaire depuis 3 ans, qu'elle a été confrontée à une baisse significative de son chiffre d'affaires en 2023, qu'elle est également débitrice de ses associés, à hauteur de 560 000 euros, au titre d'apports en compte courant, qu'elle ne dispose que de 10 000 euros de trésorerie mensuelle, totalement insuffisante pour faire face à la somme réclamée par la société Gecina ; qu'elle sera contrainte de déposer le bilan en cas d'exécution totale de la condamnation ; que d'ailleurs, le premier président de la cour d'appel de Versailles a reconnu qu'elle n'était pas en mesure d'exécuter la condamnation prononcée à son encontre.

La société Gecina oppose qu'il ne ressort nullement des bilans des trois derniers exercices comptables 2020, 2021 et 2022 fournis par la société Parasens qu'elle risquerait de se retrouver en état de cessation des paiements pour le cas où elle exécuterait la décision, ou qu'elle ne disposerait d'aucune trésorerie ; qu'il apparaît que le montant de son actif brut est de 893 032 euros pour l'année 2020, 918 260 euros pour l'année 2021 et 842 990 euros pour l'année 2022 ; qu'elle est loin de démontrer qu'elle ne saurait faire face à ses dettes au moyen des éléments d'actif dont elle dispose ; que par ailleurs, il ne saurait être concevable de lui accorder des délais de paiement alors qu'elle a sciemment fait le choix, à ses risques et périls, de ne pas s'acquitter de sa dette de loyer depuis 5 ans.

En vertu de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

L'objectif que poursuit ce texte est que, à l'issue du délai accordé, qui ne peut excéder deux ans, le règlement de la dette soit effectif.

Or en l'espèce, alors que le montant dû par elle est désormais, au titre des provisions sur les loyers, de 347'351 euros, la société Parasens ne justifie pas qu'elle sera en mesure de s'en être intégralement acquittée d'ici deux ans, un paiement échelonné représentant des mensualités de l'ordre de 14'473 euros, qui s'ajoutent au paiement de ses autres charges, alors qu'elle annonce elle-même une trésorerie mensuelle de 10 000 euros.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de répondre aux argumentations contraires des parties s'agissant de la capacité de la société Parasens à faire face au paiement immédiat de l'intégralité de la somme mise à sa charge, sa demande de délais ne peut prospérer, et la décision déférée est donc confirmée en ce qu'elle l'a rejetée.

Sur la demande de sursis à statuer complémentaire

La société Parasens, visant l'article 378 du code de procédure civile, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise uniquement en ce qui concerne ses préjudices. Elle considère que la demande de paiement des loyers et de résiliation du bail qui est formulée est incontestablement liée à la demande de réparation de ses préjudices, de sorte que contrairement à ce qu'a décidé le juge de la mise en état, le sursis à statuer doit porter sur l'ensemble du litige.

Il ne résulte toutefois ni du dispositif de l'ordonnance déférée, ni des motifs par lesquels le juge de la mise en état s'est déterminé que le sursis à statuer qui a été ordonné se limite aux prétentions de la société Parasens. Dans ces conditions, la demande de celle-ci est sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de l'appel sont à la charge de la société Parasens qui succombe.

La société Parasens sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée à régler à la société Gecina une somme supplémentaire que l'équité commande de fixer à 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, dans le cadre de la mise en état de l'affaire suivie par le tribunal judiciaire de Nanterre sous le numéro RG 19/04157),

Rejette la demande de la société Gecina tendant à voir écarter des débats les conclusions et pièces notifiées par la société Parasens le 28 février 2024 ;

Confirme, en toutes ses dispositions soumises à la cour, l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre le 25 septembre 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Parasens à payer à la société Gecina la somme de 150 000 euros TTC à titre de provision à valoir sur les loyers afférents à la période allant du mois d'octobre 2022 au mois de décembre 2023 inclus ;

Déboute la société Parasens de sa demande de provision ;

Dit qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, d'ordonner une compensation de créances ;

Constate que la nouvelle demande de sursis à statuer est sans objet ;

Déboute la société Parasens de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Parasens à régler à la société Gecina une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Parasens aux dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés par le conseil de la société Gecina dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/07285
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.07285 ?
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