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25/04/2024 | FRANCE | N°23/06566

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 25 avril 2024, 23/06566


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 23/06566 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WC2Q



AFFAIRE :



[B] [V] [W]



C/



[D] [H]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Août 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 16/05673



Expéditions exécutoires

Expéditi

ons

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :



Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Morgane FRANCESCHI, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 23/06566 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WC2Q

AFFAIRE :

[B] [V] [W]

C/

[D] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Août 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 16/05673

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Morgane FRANCESCHI, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [V] [W]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7] (Syrie)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004731- Représentant : Me Angélique WENGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R123

APPELANT

****************

Madame [D] [H]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570 - Représentant : Me Alexandre BRAUN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B32

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] et Mme [H] ont entretenu une relation au cours de laquelle M. [W] s'est marié avec une tierce personne le 27 avril 1996 tandis que Mme [H] lui a consenti des aides financières.

Le 20 mai 1996, M. [W] a rédigé une reconnaissance de dette, par laquelle il s'est engagé à rembourser à Mme [H] la somme totale de 475 000 francs (soit 72 413,28 euros), correspondant à des prêts consentis par cette dernière, et ce, sans intérêts, et sur 15 ans, qu'il a fait enregistrer à la Recette des impôts de [Localité 8] le même jour. Le terme était donc fixé au 20 mai 2011.

Mme [H] a fait assigner ce dernier devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 18 mai 2016, pour obtenir le remboursement du solde des sommes qu'elle estime lui rester dues. 

Par jugement contradictoire rendu le 28 août 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a : 

déclaré les demandes de Mme [H] recevables 

condamné M. [W] à payer à Mme [H] la somme de 32 776,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2016 

dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 18 mai 2016, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 18 mai 2017

condamné M. [W] à payer à Mme [H] la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement 

condamné M. [W] à payer Mme [H] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision 

condamné M. [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Braun, avocat 

rejeté toute autre demande. 

M [W] a fait appel de ce jugement par déclaration du 16 octobre 2020, enregistrée sous le numéro RG 20/05037.

Par une ordonnance d'incident rendu le 23 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de cette affaire pour inexécution de la décision de première instance, et condamné M. [W] aux dépens de la procédure d'incident.

L'affaire a été réinscrite au rôle sous le numéro RG 23/06566, sur demande faite par conclusions du 21 septembre 2023 après paiement des condamnations.

La clôture de l'instruction annoncée au 6 février 2024, a été reportée et prononcée le 5 mars 2024, et l'audience de plaidoirie maintenue à la date prévue du 6 mars 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises au greffe le 4 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :

infirmer la décision dont appel en ce qu'elle l'a :

condamné à payer à Mme [H] la somme de 32 776,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2016 avec capitalisation des intérêts à compter du 18 mai 2017 

condamné à payer à Mme [H] la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formulée par Mme [H] au titre de son préjudice financier

Statuant à nouveau :

rejeter l'ensemble des demandes de Mme [H] 

plus généralement, rejeter les demandes formulées par Mme [H] au titre de son appel incident

condamner Mme [H] à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement 

la condamner à verser à M. [W] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Avocalys, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile 

Au soutien de ses demandes, M. [W] fait valoir : 

que, malgré son mariage avec Mme [J], Mme [H] et lui ont maintenu des relations cordiales, ce qui peut être démontré par de nombreux éléments du dossier ;

que M. [W] a remboursé à Mme [H] l'intégralité des sommes qu'il lui devait au titre des prêts consentis ; qu'en effet, cette dernière a été remboursée immédiatement de la somme de 280 000 francs, soit 42 685,57 euros et a été remboursée entre 2002 et 2006 d'un montant de 260 000,68 francs, soit 39 637 euros ; que, dès lors, Mme [H] a été remboursée d'une somme globale de 82 322,57 euros, soit un montant supérieur à la reconnaissance de dette ; 

que Mme [H] est mal fondée à demander des dommages et intérêts à M. [W] alors que, d'une part, le préjudice qu'elle prétend subir est dû à sa propre inertie et que, d'autre part, elle n'a jamais adressé à M. [W] la moindre demande de remboursement ni la moindre mise en demeure de régler les sommes dues jusqu'à l'assignation du 18 mai 2016; 

que c'est à tort que le tribunal judiciaire a retenu que « la dissimulation de son mariage avec une tierce personne, alors qu'il se trouvait engagé dans une relation affective durable avec Mme [H], constitue une faute dont M. [W] doit réparation » ; qu'en effet, d'abord, la « relation durable » évoquée par le tribunal ne résulte que des dires, non prouvés, de Mme [H] ; que, par ailleurs, les prêts consentis par Mme [H] qui se sont poursuivis plusieurs années après son mariage, étaient sans lien avec une quelconque relation amoureuse ; que son mariage ne constitue donc pas une faute susceptible de justifier le versement de dommages et intérêts pour un préjudice moral, au surplus, 25 ans plus tard ;

qu'il n'y avait pas lieu de mettre à sa charge une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile alors que pendant les 10 années précédant son assignation Mme [H] ne lui a pas réclamé la moindre somme ni n'a entamé de démarche amiable.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 27 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour de :

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

condamné M. [W] à verser à Mme [H], la somme de 32 776,28 euros 

condamné M. [W] à verser à Mme [H] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 

condamné M. [W] aux dépens 

La réformant pour le surplus, 

condamner M. [W] à verser à Mme [H] :

la somme de 13 543,62 euros à titre de préjudice financier [sic]

la somme de 30 000 euros à titre de préjudice moral [sic]

juger que les condamnations porteront intérêt légal à compter de la date de l'assignation du 18 mai 2016, et que les intérêts échus depuis plus d'une année seront capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil 

condamner M. [W] à verser à Mme [H] une somme complémentaire de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 

condamner M. [W] aux dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Alexandre Braun, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile 

Au soutien de ses demandes, Mme [H] fait valoir : 

qu'elle rapporte la preuve, sans aucune ambiguïté, de la réalité des sommes prêtées à M. [W], qui doit donc être déclaré mal fondé en l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ; que sa présentation fantaisiste des faits doit être écartée, la réalité étant qu'il n'a pas remboursé la totalité ses sommes dont elle réclame le remboursement, les paiements qu'il invoque se rapportant à d'autres prêts et aides financières que Mme [H] lui a consentis ; 

que Mme [H] justifie d'un préjudice financier certain et directement lié aux sommes prêtées à M. [W], représentant le coût des prêts bancaires qu'elle a dû contracter dans l'intérêt de M [W] sans se douter qu'il ne les lui rembourserait pas sur les 7 années d'amortissement prévues, raison pour laquelle la reconnaissance de dette ne prévoyait pas d'intérêts, alors que M. [W], au vu de ses investissements réalisés sur la même période, aurait pu la rembourser; que, dès lors, sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 13 543,62 euros est bien fondée ;

que Mme [H] a aussi subi un préjudice moral puisque M. [W] lui a laissé croire qu'ils allaient se marier et que les prêts qu'elle allait lui consentir n'avaient d'autre but que de rétablir une situation financière saine, pour l'installation confortable de leur futur foyer alors qu'à son insu il avait épousé une autre femme ; 

qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [H] les frais irrépétibles qu'elle a dû engager. 

A l'issue des débats, le prononcé de l'arrêt a été annoncé aux parties au 25 avril 2024, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par voie de conséquence aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur la demande principale en paiement

Mme [H] demande le remboursement du solde de la reconnaissance de dette de M [W] du 20 mai 1996 portant sur une somme de 475 000 francs, soit 72 413,28 euros, dont à déduire 39 637 euros, perçus entre avril 2002 et juillet 2006, soit un solde restant dû qu'elle chiffre à 32 776,28 euros.

M [W] prétend quant à lui que si tous ses règlements avaient été pris en compte, le tribunal aurait dû constater qu'il ne devait plus rien.

Il conteste le jugement qui a refusé d'imputer sur la dette reconnue le 20 mai 1996, une somme de 28 000 francs payée antérieurement, par chèque du 1er janvier 1996, en soulignant qu'il n'y a rien d'incompatible à ce que le montant de prêts tel qu'enregistré auprès de l'administration fiscale ne précise pas les montants remboursés antérieurement. Si une telle assertion est exacte, elle ne convainc cependant pas au regard de la reconnaissance de dette manuscrite que Mme [H] produit, (pièce 76 de l'intimée) et que ne conteste pas M [W], non destinée à l'administration fiscale, sur laquelle il n'avait pas à reconnaître devoir des sommes qu'il aurait déjà en partie remboursées. La cour approuve donc le tribunal d'avoir jugé que le débiteur n'avait manifestement pas souhaité l'imputer sur la dette litigieuse.

Il avait demandé en première instance l'imputation d'un virement de 129 000 euros du 30 janvier 1999, que le tribunal a rejetée en raison de la concomitance de deux autres prêts représentant ce montant exact consentis par Mme [H] en décembre 1998 et janvier 1999 de 50 000 et 79 000 francs. Il en est de même d'un virement de 25 000 francs du 4 février 1999 correspondant à une aide apportée par Mme [H] au paiement du loyer d'une tierce personne, que M [W] avait promis de prendre à sa charge à première demande, et d'autres virements entre février et mars 1999 devant être imputés sur le remboursement d'un prêt de 30 000 francs fait par Mme [H] en novembre 1996. La cour constate que dans ses conclusions d'appel, M [W] ne se prévaut plus de ces paiements que pour en faire la démonstration de sa bonne foi, et de sa bonne volonté à rembourser les sommes qu'il doit.

Il prétend en revanche qu'il convient d'imputer les sommes que Mme [H] a dû recevoir de l'organisme Juridica qu'il avait mandaté pour recouvrer une créance de loyer contre une de ses locataires, et qu'il lui avait demandé de verser directement entre les mains de Mme [H] en remboursement de prêts qu'elle lui a consenti. S'il indique à ses conclusions sans en justifier (page 14/21) que le principal de cette créance était de 61 368,75 francs soit 12 262,99 euros, il ne démontre absolument pas, alors que c'est sur lui que pèse la charge de la preuve de son paiement même par tiers interposé, quel montant aurait été réellement reversé à Mme [H], laquelle affirme n'avoir jamais rien perçu. Sa pièce 86 est la copie d'un courrier de cet assureur à M. [W] accompagné un chèque de 600 euros à l'ordre de ce dernier. Il ne peut donc prétendre qu'elle aurait reconnu avoir reçu un paiement de 600 euros.

Il prétend en revanche qu'il convient d'imputer les sommes que Mme [H] a dû recevoir de l'organisme Juridica qu'il avait mandaté pour recouvrer une créance de loyer contre une de ses locataires, et qu'il lui avait demandé de verser directement entre les mains de Mme [H] en remboursement de prêts qu'elle lui a consenti. S'il indique à ses conclusions sans en justifier (page 14/21) que le principal de cette créance était de 61 368,75 francs soit 12 262,99 euros, il ne démontre absolument pas, alors que c'est sur lui que pèse la charge de la preuve de son paiement même par tiers interposé, quel montant aurait été réellement reversé à Mme [H], laquelle affirme n'avoir jamais rien perçu. Sa pièce 86 est la copie d'un courrier de cet assureur à M. [W] accompagné un chèque de 600 euros à l'ordre de ce dernier. Il ne peut donc prétendre qu'elle aurait reconnu avoir reçu un paiement de 600 euros.

Il soutient enfin que le rapprochement des pièces bancaires de Mme [H] destinées à établir la réalité et les circonstances des deux prêts contractés par elle au Crédit Mutuel en avril 1996 pour un montant total de 280 000 francs inclus dans la reconnaissance de dette du 20 mai 1996, contiendrait la preuve de ce qu'il a remboursé immédiatement ces fonds entre le 17 et le 30 avril 1996. Cependant M [W] fait une lecture erronée de ces pièces qui démontrent seulement qu'après libération du capital prêté par la banque, Mme [H] l'a transféré sur les comptes de M [W] en quatre virements de 234 000 francs, 11 000 francs, 21 000 francs et 14 000 francs et non pas que c'est M [W] qui par simples mouvements de compte, aurait versé ces sommes sur le compte de Mme [H], ce qui au demeurant n'aurait eu aucun sens, puisque c'est bien elle qui a contracté ces prêts et qu'elle démontre que l'amortissement des deux prêts bancaires dont il s'agit s'est poursuivi jusqu'en septembre 2002.

Ainsi, pas plus que devant le tribunal, M [W] ne fait la démonstration qui lui incombe que le solde des sommes qu'il avait reconnu devoir le 20 mai 1996 chiffré par Mme [H] à 32 776,28 euros ne serait plus dû.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M [W] au remboursement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à capitaliser à compter du 18 mai 2017.

Sur la demande au titre du préjudice financier

Mme [H] forme appel incident contre la disposition du jugement l'ayant déboutée de cette demande chiffrée à la somme de 5 939,55 euros au titre des intérêts contractuels et 832,26 euros au titre de l'assurance pour chacun des deux prêts contractés en son nom mais dans l'intérêt de M [W], qu'elle n'a fini de rembourser que le 30 septembre 2002, soit un total de 13 543,62 euros.

Elle soutient qu'en l'état des relations de confiance et d'affection qui les unissaient et dans l'ignorance du projet de mariage concomitant de M [W] avec une tierce personne, elle n'avait pas imaginé que ce dernier ne commencerait pas à la rembourser avant avril 2002, raison pour laquelle la reconnaissance de dette n'a pas stipulé d'intérêts.

Cependant il n'échappe pas à la cour que les modalités de remboursement de la somme de 475 000 francs qu'a reconnu devoir M [W] comprenant les 280 000 francs en capital des prêts contractés par Mme [H] pour lui, ont été prévues sur 15 ans, sans étalement d'échéances fixées d'avance et surtout avec une exonération expresse d'intérêts. Mme [H], qui a obtenu de M. [W] la rédaction d'une reconnaissance de dette ne peut pas invoquer ses relations avec ce dernier comme empêchement à y intégrer le coût des dits prêts en intérêts et assurance dans le montant dû par ce dernier.

En outre, après avoir soldé ces prêts le 30 septembre 2002, le préjudice financier qu'elle dit avoir subi était consommé à cette date. Or, elle connaissait la situation maritale et professionnelle de ce dernier mais ne lui a adressé aucune demande en réparation, jusqu'à l'assignation du 18 mai 2016, pas même après que M [W] ait cessé tout remboursement au titre de la reconnaissance de dette de 1996, après juillet 2006.

Dans ces conditions, le préjudice financier qu'elle dit avoir souffert ne peut être que du retard dans le remboursement de sommes dues, qui est réparé par les intérêts moratoires capitalisés, à compter de sa première demande en paiement consistant en l'assignation introductive d'instance.

Sa demande distincte à ce titre chiffrée à 13 543,62 euros a à bons droits été rejetée par le tribunal.

Sur le préjudice moral

M [W] reproche au tribunal de l'avoir condamné à 6000 euros à titre de dommages et intérêts, qu'il estime indus, comme tardifs pour indemniser une prétendue faute commise 25 ans plus tôt, tandis que Mme [H] fait appel incident de ce chef, en estimant que son préjudice moral doit être réparé à hauteur de 30 000 euros.

Pour statuer ainsi, le tribunal a stigmatisé le comportement de M [W] qui exposait dans ses écritures que sa relation avec Mme [H] avait pris fin plusieurs mois après la reconnaissance de dette de mai 1996, alors qu'il avait dissimulé à sa compagne qu'il s'était marié avec une tierce personne dès le mois d'avril 1996, et a admis la justification par cette dernière au moyen d'attestations de témoins, de son désarrois, son sentiment de trahison, son inquiétude sur le remboursement de sa créance, l'ayant durement affectée dans le temps, comme constituant un préjudice réparable.

M [W] conteste toute faute de sa part, en démentant toute promesse de mariage faite à Mme [H], et en affirmant qu'elle connaissait parfaitement l'existence de celle qui allait devenir son épouse, qu'hormis une brève liaison ils n'ont jamais vécu en couple, ce dont s'étonnent d'ailleurs les témoins eux-mêmes dont elle fournit l'attestation, et qu'en réalité ils ont continué à entretenir une relation tout à fait cordiale et amicale, expliquant l'aide qu'elle a continué à lui apporter même après l'année 1996. Il en excipe la démonstration d'une absence de tout lien avec les aides financières apportées par Mme [H] et donc de faute susceptible de justifier une indemnisation.

De son côté, Mme [H], maintient qu'elle n'a appris le mariage de M [W] qu'en décembre 1996, et date ce fait en le rapprochant de sa décision prise le 6 décembre 1996 de supprimer M. [W] de sa déclaration de bénéficiaire de son assurance-vie. Elle ajoute cependant que c'est postérieurement qu'elle a connu la date exacte du dit mariage correspondant à la période à laquelle il lui a demandé de contracter les prêts litigieux au Crédit Mutuel, et que c'est au cours de la présente procédure qu'elle a appris à la lecture des attestations de l'épouse qu'en réalité il vivait avec elle dès 1994, soit au même moment que débutait sa propre relation amoureuse avec lui, renforçant son sentiment de trahison.

Cependant, étant relevé sa carence dans la preuve des intentions apparentes de M [W] à son égard, il s'avère que Mme [H] n'en tire aucune conséquence sur la validité de son consentement aux prêts dont M [W] s'est reconnu débiteur le 20 mai 1996, susceptible d'affecter la formation du contrat, puisqu'elle n'a pas demandé la nullité des prêts consentis mais qu'au contraire, elle agit uniquement en exécution forcée de l'obligation contractée envers elle. Et il est parfaitement établi par les productions que même informée du mariage de M [W], d'une part elle n'a pas remis en cause les modalités de remboursement, prévues dans la reconnaissance de dettes en particulier le terme convenu, et d'autre part, elle n'a pas rompu ses relations amicales avec lui, mais au contraire, a continué à lui apporter son soutien financier ainsi que son aide matérielle et humaine à l'occasion de divers événements de la vie personnelle, sociale et professionnelle de M [W]. Enfin ,elle n'a demandé le remboursement du prêt que plusieurs années après le terme, à la imite du délai de prescription, en contradiction avec l'allégation d'un préjudice moral résultant de l'absence de remboursement des sommes restant dues.

Il en découle qu'elle ne peut pas imputer à faute à M [W] sa situation maritale contemporaine de la reconnaissance de dette, pour fonder une demande de réparation d'un préjudice moral à l'occasion de sa demande en remboursement de la dette.

Par conséquent, il convient d'infirmer la décision déférée du chef de la condamnation prononcée au titre du préjudice moral.

M [W] supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à Mme [H] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort;

CONFIRME la décision entreprise sauf en ce qu'elle a condamné M. [W] à payer à Mme [H] la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

L'INFIRME de ce chef ;

Statuant à nouveau, 

Déboute Mme [H] de sa demande en réparation d'un préjudice moral ;

Condamne M [W] à payer à Mme [H] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;

Condamne M [W] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/06566
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;23.06566 ?
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